Chapitre 67 : P E R F U M E
Alix remballait doucement ses affaires, sa journée de cours finie. Il était tôt, à peine 14h00 et ça le mettait de bonne humeur. Tout en discutant avec Lior de la saison du bélier qui commençait et des changements que ça allait apporter, il rejoignit Prune à son casier.
« Oh mon dieu ! » S'exclama cette dernière à peine la porte déverrouillée. « Les petits potes, regardez ! »
Elle sortit de son casier un petit paquet emballé de papier rouge et entouré d'un ruban blanc, comme un cadeau de Noël en retard. Lior faillit se déconfire. Cela faisait déjà plusieurs mois que Prune recevait des cadeaux secrètement glissés dans son casier. Ellui, de son côté n'avançait pas le moins du monde. Il était évident que le pari était pour sa part déjà perdu d'avance...
« C'est du parfum, c'est si romantique ! Écorces d'orange et Cannelle. » Lit-elle sur le petit flacon avant d'en vaporiser un peu en l'air pour sentir la fragrance. « Il sent trop bon j'adore ! »
Elle était surexcitée, comme montée sur des ressors. Visiblement la flemmardise caractéristique des taureaux n'avait plus aucune emprise sur elle.
« Vous pensez que je devrais aller le voir ? Lui faire comprendre que je sais que c'est lui ? Ou même lui proposer un rencard ? »
« Tu pousses peut-être un peu trop là Prunette, tu ne penses pas ? » Tenta Alix.
« Je vois pas pourquoi, je ne ferais que répondre à ses avances... »
« C'est un membre du corps enseignant. Légalement, ce serait du détournement de mineur. Il pourrait perdre son travail et même aller en prison pour cela, ce n'est pas juste un jeu. » Soupira Lior, sans toutefois leur avouer que dans tous les cas ce serait peine perdue, qu'il allait se fiancer, peut-être même que c'était déjà fait.
Iel doutait sérieusement que ces cadeaux viennent de Byzance, mais iel ne pouvait s'empêcher d'être tout de même dépité.
« J'aurais 18 ans dans deux mois, moins que ça. Et puis on est en terminale, plus que quelques mois et on ne sera plus au lycée. »
« Alors tu devrais attendre quelques mois. » Martela Alix, comme s'il savait quelque chose qu'elle ignorait.
Elle le dévisagea un instant avant de finalement conclure, entêtée par nature :
« Ok. Mais je vais quand même lui proposer qu'on se voit pour un verre. Lior, viens avec moi. Comme cela, on ne pourra rien dire, si tu es là de l'extérieur ça ne ressemblera pas à un rencard. »
Alix les laissa partir en soupirant. Il voyait bien que cette histoire allait mal se finir mais il ne savait pas quoi faire pour les en empêcher, il n'avait jamais été le plus raisonnable de la bande.
Fière de son idée, Prune glissa sa main dans celle de Lior et ensemble, ils parcoururent les quelques mètres de couloir qui les séparaient du bureau de leur cher infirmier. Si avant de frapper, la brunette lança un regard entendu à son ami.e qui répondit d'un hochement de tête, elle n'attendrît aucune réponse de la part de M.DAWILT pour pénétrer dans la pièce, ouvrant presque la porte comme une tornade. Le jeune homme derrière son bureau leur jeta une œillade interloquée, presque dans un sursaut. Se rendant compte de leur impolitesse, Lior, en bon sagittaire lança la première chose qui lui vint à l'esprit à savoir :
« Oups, on pensait que c'était la porte qui menait tout droit à Narnia. »
« Tu m'en diras tant. » Aticula l'infirmier, retenant difficilement un petit rire devant le ridicule de la situation. « Donc vous étiez pressés de voir un pays imaginaire, vous vous n'êtes pas juste entrés de manière barbare dans mon office ? »
« Tout à fait. »
Prune se tourna vers Lior, lui faisant les gros yeux parce qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'iel était en train d'inventer. Pour la rassurer, iel chuchota dans une discrétion tout à fait relative :
« T'en fais pas. Ça s'appelle valoriser ses erreurs. Au lieu d'avoir l'air impolis on a l'air... »
« A la recherche d'un pays imaginaire. C'est bien mieux c'est sûr. » Fit remarquer la jeune fille.
« Je t'apprendrai. » Ajouta Lior, fier.e de sa bêtise.
L'infirmier, qui assistait à leur échange à voix basse non sans un brin d'amusement, les interrompu.
« Donc je dois comprendre que mon bureau ressemble à un vieux placard dans lequel vous vouliez vous presser à la recherche d'un peu de magie ? Et moi qui espérait que c'était moi que vous étiez pressés de voir... »
La mâchoire de prune se décrocha et elle ne su quoi dire alors que Lior démarra au quart de tour, mais n'ayant visiblement pas assimilé l'élément le plus important dans ce qui avait été dit. Iel avait souvent un peu de mal à hiérarchiser les choses, son cerveau choisissait de se focaliser sur un chose du discours et restait figé dessus, de manière aléatoire. Ici, c'était l'armoire.
« Un placard ? L'armoire magique n'est pas un vulgaire placard ! C'est la métaphore de... »
Prune lui mit un coup de coude pour lae faire cesser ses inepties. Ils n'étaient pas là pour parler vieux meubles, ce n'était pas la brocante du coin, ils avaient une mission, bien que Lior semble l'avoir quelque peu oublié.
« En fait, on est là pour te demander quelque chose... compte tenu de... »
Un peu mal à l'aise, elle échangea un regard avec Lior, qui se solda par un rire nerveux de leur part à tous les deux. La réalité était qu'il était bien plus simple de demander un rendez-vous à un adulte en théorie dans leurs rêveries d'adolescents que de le faire en vrai. Là, ils se retrouvaient timides et un peu gauches. Le rouge leur monta aux joues et Byzance leva les yeux au ciel. Leur petit manège, bien que peu discret et incessant, l'amusait. Habituellement, les élèves un peu trop entreprenants et collants l'horripilaient a t'il avait tôt fait de les remettre à leur place. Mais ces deux-là, ils avaient un petit il-ne-savait-quoi d'attendrissant et de doux qui l'empêchait de les envoyer paître, pourtant il remarquait bien leurs messe-basses et leurs ricanements.
« Voilà, en fait on voulait te proposer de venir avec nous pour boire un café en ville. »
Pour le coup, ils allaient un peu trop loin, même s'il les laissait habituellement faire, il ne pouvait pas non plus faire n'importe quoi. Il avait tout de même les limites qu'il ne s'autorisait pas à franchir.
« Je crains d'être obligé de décliner. Ce serait contre mon éthique. Mais si vous avez un sujet important à aborder, je peux toujours vous accorder un entretient. »
« Pourtant je croyais qu'en dehors des murs du lycée tu étais un homme normal et nous des adolescents lambdas. »
Reprit Lior en se rappelant de ce qu'il leur avait dit le jour où ils étaient allés chez lui.
Byzance sourit bizarrement, Lior avait raison, il avait dit cela, ce n'était d'ailleurs pas très malin de sa part. Il finit par les éconduire gentiment, les renvoyant en classe au même rapport de la sonnerie.
« Bon visiblement on est pas prêts de le remporter notre pari... » Se désola Prune.
« Peut-être qu'on devrait abandonner. » Souffla Lior, qui avait toujours cette idée de fiançailles en tête. Même s'iel savait cela, iel n'arrivait pas à se faire une raison totalement et abandonner, mais peut-être que si Prune laissait tomber elle aussi, il lui serait plus simple de passer à autre chose.
***
Son sac sur les épaules, Alix prit la direction de la sortie. En chemin il croisa Élias qui fit semblant de ne pas le voir, mais au dernier moment, il le sentit se retourner, son regard lui brûlant la nuque. Il agissait ainsi depuis leur baiser à la soirée de Lysandre, il l'ignorait -hormis les quelques soirs où il venait toquer à sa fenêtre, les yeux rouges et qu'il passait la nuit dans les bras d'Alix, quoique, même dans ses moments-là ils ne parlaient pas vraiment, et Élias avait toujours disparut au matin- et Alix laissait couler, parce que lui-même ne savait comment réagir. Il ne voulait pas être le garçon horrible qui fera Nuccya cocue, mais la vérité était qu'il n'était plus sûr de pouvoir s'en retenir. Tôt ou tard, il allait flancher. Il était comme ça, il prenait ce qui l'intéressait sans égard pour les autres. Pour son propre plaisir, mais pas que. Élias n'allait pas bien, il avait besoin de quelqu'un sur qui compter, et si le fait qu'ils couchent ensemble pouvait ne serait-ce qu'arranger un peu les choses, Alix savait déjà qu'il le ferait, il se jetterait corps et âme dans cette relation perdue d'avance juste pour les jolis yeux verts d'Élias. Il ne supportait plus de les voir tristes. Comme il les avait vus chez Lysandre, après avoir fumé avec Éos. Et si Alix était heureux qu'Elias ait trouvé quelqu'un a qui se confier -plus ou moins- que ce soit Éos l'inquiétait un peu, surtout s'il prenait l'habitude de faire fumer le blondinet, comme à la soirée de Lysandre. Quoique, le fait qu'Élias soit défoncé lui avait au moins offert l'occasion de lui donner un baiser.
Alix rentra chez lui, où Léo et Myrtille se trouvaient déjà, et il se mit devant la télé, dans le salon pour regarder My Little Pony avec sa sœur. C'était stupide et cul-cul à souhait, mais au moins ça faisait une pause dans le flot incessant de ses ruminations. Une première heure passa, puis une seconde, et alors que ses parents étaient rentrés depuis un petit moment, en leur proposant d'aller au cinéma puis manger un kebab dans la soirée, la sonnette retentit. Myrtille courut pour ouvrir la porte, et Alix alla à sa suite. Élias se tenait de l'autre côté, désorienté et les yeux rouges. Alix crut d'abord qu'il avait pleuré, mais l'odeur forte de cannabis qui se dégageait de ses vêtements lui indiqua la réelle cause de ses rougeurs. Myrtille lui sauta dessus, manquant de lui faire perdre son équilibre déjà un peu trop précaire, et Alix croisa le regard d'Éos au bout de la rue. C'était lui qui avait raccompagné Élias, sans nul doute, après leur cour de Latin. Et il n'y avait pas de doute non plus sur le fait qu'il était celui qui avait fait fumé Élias en pleine semaine. Alix ne pu se retenir de lui envoyer un regard noir, finalement, baiser ou pas, cette habitude qu'il était en train de prendre ne lui plaisait guère.
« Élias vient avec nous au cinéma ? » S'enquit Myrtille.
« Non. Élias a un truc à faire avec moi. Un travail de classe. » Mentit le bleu en aidant l'autre garçon à monter les escaliers. « Va dire aux parents que je ne viens pas au cinéma. J'dois bosser. »
La petite fila vers le salon, où ses parents attendaient que les trois enfants soit prêts, pour leur transmettre les mots d'Alix.
Ce dernier ouvrit la porte de sa chambre et laissa Élias s'affaler sur le lit.
« Tu as faim ? » Demanda-il, sachant les effets secondaires de la weed.
« Un peu. » Marmonna Élias sans se relever.
Alix soupira et sortit de la chambre pour aller prendre un truc à manger. Il était 16h et sa mère lui jeta un drôle de regard en le regardant cuire des coquillettes.
« C'est pour Élias. Il a pas mangé ce midi, il avait un cour entre midi et deux. » C'était un autre mensonge mais personne ne sembla le relever.
Léo descendit à son tour les escaliers et demanda à ses parents :
« Il est pas un peu tôt pour le cinéma ? Là on va sortir à 17h30 grand max 18h30. On fera quoi entre le film et l'heure du repas ? »
« On aura qu'à aller se promener. Aller Léo, ne fait pas ta tête de cochon et mets tes chaussures. Pour une fois qu'on quitte tôt et qu'on peut profiter d'une après-midi en famille. Même si ton frère a choisi précisément ce jour pour inviter Élias à travailler et ne peu finalement pas venir. » Le taquina son père.
Léo obtempéra en coulant un regard de biais vers Alix. Il l'avait vu monter avec Élias, et s'il y avait une chose de laquelle il était certain, c'est que ce dernier n'était pas là pour travailler. Il était loin d'être en état de le faire. Mais il choisi de se taire et de faire comme si de rien était. Après tout, c'était pas ses affaires.
Alix remonta avec son saladier de coquillettes chaudes, nappées de fromage, mais une fois dans sa petite chambre, il remarqua qu'Élias était endormi. Il n'osa pas le réveiller et mit simplement l'assiette qu'il avait monté avec lui à l'envers sur les pâtes pour les garder au chaud. Il s'allongea dans le lit face au garçon endormi, et d'une main douce repoussa ses quelques mèches de cheveux qui étaient tombées devant son visage. Puis, du bout des doigts, il retraça le contour de ses sourcils, de son nez, de sa mâchoire et enfin de ses lèvres. Il était magnifique. Et Alix était amoureux bien trop fort pour que tout cela se finisse bien.
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[EDIT (7/11/21) : Version révisée]
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