Chapitre 62 : D O N ' T

Ça faisait plusieurs fois qu'Alix retrouvait Élias devant sa porte les mains tremblantes et le regard vide. C'était d'autant plus fréquent que les fêtes de Noël approchaient. Et Alix pour qui cette période était remplie de joie et de magie avait d'autant plus de mal à comprendre son mal-être. Aucun d'eux ne parlait de ces visites impromptues, à personne, c'était comme un secret de plus qu'ils partageaient. Ça arrivait presque une fois par semaine et le bleu s'en voulait de ne pas être capable de faire autre chose que de lui offrir le gîte quand ça n'allait pas. Même le faire parler était difficile. La plus part du temps, quand il venait chez lui, il était fermé comme une huître et tout ce qu'Alix pouvait faire était lui caresser doucement les cheveux et mettre des émissions bidons à la télé. Il avait remarqué que c'était le péché mignon du blond. Les comédies romantiques stupides ou les téléfilms de Noël. Alors Alix lançait un énième épisode de Glee, en ouvrant un paquet de tartelettes aux fraises. C'était la série préférée d'Alix, il adorait chantonner chaque chanson et rire aux blagues débiles des personnages. Élias avait la tête posée sur les cuisses du bleu et somnolait. C'était pour lui les seuls moments où il arrivait pleinement à se détendre. Mais ce soir, il était plus désemparé que jamais, et les larmes qui roulaient silencieusement sur ses joues ne semblaient pas vouloir s'arrêter de couler.

Il était parvenu à reprendre contact avec Thérèsia, celle qui avait été sa nourrice, mais aussi sa mère de cœur pendant tant d'années, et que son père avait lâchement mise à la porte. Il lui avait proposé d'aller voir un avocat, de mettre son père face à ses responsabilités et de le forcer à la reprendre, mais la vieille femme, dans toute sa bonté avait refusé. Elle ne voulait pas créer plus de problèmes et acceptait son sort tel qu'il était. Son visa ayant été annulé, elle n'avait d'autre choix que de repartir dans son pays d'origine qu'elle avait quitté, enfant, il y avait de cela des années, en Arménie. Gustave, l'ancien majordome avait choisi de l'accompagner. Que ces deux-là restent ensemble était la seule consolation qu'Élias pouvait avoir. Ils prenaient l'avion dans la soirée et le blond n'avait pu leur faire que de sommaires adieux, après lesquels il avait directement et peut-être inconsciemment filé chez Alix.

Il était non seulement dévasté mais il avait également peur. Parce que leur départ signifiait pour lui de rester seul, entièrement seul, avec son père, la présence de sa mère étant si discrète qu'elle pouvait être négligée, il ne serait d'ailleurs pas étonnant qu'elle aille passer les fêtes de fin d'année chez ses parents, les laissant seuls lui et son père- et il savait que si ce dernier faisait preuve d'une certaine retenue quand il était susceptible d'être surprit par le personnel de maison, sans cet obstacle, il pourrait laisser libre cours à ses pulsions et devenir d'autant plus violant. A cette pensée, il ne pouvait empêcher ses épaules et tout ses membres de trembler.

Soudain, l'épisode se mit sur pause, et il entendit quelques reniflements dans son dos. La main d'Alix avait arrêté de lui caresser les cheveux et elle semblait comme figée, crispée, sur le haut de son crâne.

« Alix ? »

« Désolé. »

Élias voulu se relever pour se retourner et regarder Alix, mais ce dernier l'en empêcha, raidissant sa prise dans ses cheveux.

« De quoi tu t'excuses ? » Demanda alors Élias, complètement perdu.

« Je supporte plus de te voir comme ça Élias. Depuis que tu es arrivé, tu n'as pas arrêté de pleurer, tu trembles comme une feuille. Tu devrais en parler à quelqu'un. Ce que te fais vivre ton père c'est... »

« Alix, stop. »

« Mais tu... »

« Non. Tu te fais des idées. C'est pas à cause de mon père. Arrête de t'en faire à propos de ça. C'est juste le bac et... et je me suis disputé avec Nuccya, c'est juste du stress. » Mentit-il avec aplomb.

Le pire qu'il pouvait faire, dans son inaction, était de laisser Alix se rendre malade pour lui. Qu'il n'ait pas la force d'affronter son père était une chose. Qu'il se console chez Alix en était une également. Mais que le bleu souffre à cause de lui, ça lui était simplement insupportable.

Alix prit une profonde inspiration pour calmer les larmes insensées qui dévalaient ses joues. Élias avait raison, ce n'était pas ses affaires et il se faisait du mal pour rien. Juste du stress. Du stress. Que du stress. S'il lui disait que ce n'était pas à cause de son père, que ce dernier n'était toujours compte fait pas si horrible, alors il devait le croire. Il n'était personne pour remettre en cause les paroles du blond. Il avait une fois de plus dû se faire des idées, et il fallait qu'il se sorte ça de la tête.

Il recommença ses caresses dans les cheveux blonds d'Élias.

« Tu es sûr que ce n'est que du stress ? » Demanda-t-il tout de même, parce qu'au fond de lui, une petite voix lui disait qu'il y avait autre chose, de ne pas se laisser si facilement berner.

« Ouais, désolé de t'avoir fait flipper avec ça. »

« Non, c'est de ma faute, il faut que j'arrête de prendre tout trop à cœur... »

« Dis pas ça. J'aurais dû te dire plus tôt que tu n'avait pas à t'en faire. Si tu veux tout savoir, une femme à qui je tenais beaucoup, ma nourrice, vient de quitter la France, ça m'a un peu mit à mal, elle va beaucoup me manquer. Mais le chagrin passera, ça passe toujours. »

« J'aurais pas dû insister. Désolé de remettre ça sur le tapis. »

« Tu t'inquiètes, c'est tout. Mais il faut pas que tu t'en fasses comme cela. »

Élias se retourna, et ce coup-ci Alix le laissa faire. Le blond pu plonger son regard dans les mirettes bleues d'Alix. Il ne pleurait plus, mais avait toujours les yeux brillants. Il tenta un petit sourire rassurant vers Élias. Ce dernier remonta un peu dans le lit et prit le bleu dans ses bras. Il s'en voulait de lui mentir, encore plus d'être la cause de ses larmes. Il n'aurait jamais rien dû lui laisser découvrir au sujet de son père. Maintenant il devait tout faire pour qu'Alix oublie, qu'il se sorte toute cela de la tête, parce qu'il ne voulait pas que le bleu se sente coupable ou pire qu'il se mette mal à cause de cette histoire.

Doucement, ils s'endormirent tous les deux, l'un contre l'autre. Élias ne tremblait plus, se concentrer sur Alix l'aidait à contenir ses émotions. Les bonnes comme les mauvaises. Il était comme un médicament pour lui, un baume qu'il passait sur tous ses maux. Il l'apaisait. Et à chaque fois qu'il posait ses yeux sur lui, Élias ressentait au creux de son ventre ce fourmillement si singulier qu'il avait bien trop peur de comprendre. C'était le genre de sensations qu'il aurait dû ressentir en regardant Nuccya, sa petite-amie...

Alix l'attirait. Il ne pouvait plus le nier. Mais se l'avouer était un pas bien trop grand qu'il n'était pas prêt à franchir. Ça remettrait bien trop de choses en question. Et puis il ne devait pas oublier que la seule fois où il avait de lui-même embrassé Alix, celui-ci l'avait repoussé. Parce qu'il était avec Nuccya. Alix ne voulait pas simplement être son plan-cul secret. Tout cela embrouillait de plus en plus le blond, qui ne savait plus qui de sa tête , de son cœur ou de sa raison il devait écouter. Il ne s'agissait plus de se protéger de son père ou simplement de lui plaire, mais de tout faire pour ne pas blesser Alix, Nuccya, ou qui que ce soit d'autre autour de lui.

Alix se retourna dans son sommeil, s'accrochant un peu plus à lui, et Élias le laissa faire.

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[EDIT (25/10/21) : Version révisée]

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