Chapitre 58 : B I R T H D A Y

Lior prit son courage à deux mains, alors qu'ils arrivaient à hauteur du jeune homme à la cigarette, et iel lança, comme surprit, d'une voix qu'iel jugea monstrueusement trop fluette.

« Oh ! M.Dawilt. Qu'elle coïncidence. »

L'homme aux cheveux blonds foncés releva les yeux et son visage se fendit d'un petit sourire en reconnaissant les deux lycéens face à lui. Il était conscient de leur petit manège -leurs messes-basses sur son passage, ou leurs façon de le suivre dans les couloirs, se croyants discrets- depuis qu'il était arrivé fin de l'année dernière dans ce nouveau lycée. Il avait pour ainsi dire l'habitude des étudiants au regard transi, qui étaient, il devait l'admettre parfois un peu lourds à supporter, mais ces deux-là avaient un petit quelque chose d'attachant. Et c'était peut-être pile ce dont il avait besoin pour se changer les idées. Il adorait sa mère, mais à chaque fois qu'il lui rendait visite, il se sentait comme étouffé et prit au piège.

« Qu'est-ce que vous faites par ici tous les deux ? »

« On va... » Prune se coupa en pleine explication, parce qu'ils n'avaient pas réfléchi à ce qu'ils pourraient bien dire en face de lui, quelle excuse valable ils pourraient avoir pour traîner dans le quartier ?

« On va chez mère-grand, lui porter quelques galettes au beurre. » Plaisanta Lior.

« Ah, oui. Je vois... Donc vous voulez pas me dire. C'est donc quelque chose de si terrible que cela ? »

« C'est top secret. » Affirma Prune, bien contente de ne pas avoir à mentir.

« Si vous venez vous fournir en cannabis, évitez d'acheter au petit du coin de la rue, le garnement arnaque sur les doses. » Il y eut un petit moment de silence durant lequel Prune et Lior le dévisagèrent. Il ajouta : « Ne me regardez pas comme cela. Je suis infirmier scolaire, je suis bien placé pour savoir que plus de 50% des jeunes ont déjà touché aux drogues douces, le cannabis en tête de liste évidemment. »

Cette situation était irréelle. Les voilà en train de parler de drogue à l'infirmier de leur lycée qu'ils étaient en trains de stalker dans le rue devant chez sa mère le jour de sa fête d'anniversaire.

« Et donc si on est bel est bien venus pour acheter de la drogue, tu n'as rien d'autre à nous dire que de ne pas nous faire carotte par le dealer du quartier ? » S'enquit Prune incrédule.

Il haussa les épaules.

« Ici, je ne fais pas parti du personnel du lycée, on a pas vraiment de lien et je n'ai aucun droit de vous dire quoi faire. Vous êtes juste deux adolescents qui se promènent et moi un homme comme un autre. »

Soudain une fenêtre au second étage s'ouvrît et une femme aux cheveux grisonnants lança, penchée par l'ouverture :

« Mon fils, tu nous fais attendre. Qu'est-ce qui te fait prendre tant de temps ? Une simple cigarette ne prends pas une demie heure à se consumer. Depuis le temps que je te dis d'arrêter en plus. Mais tu n'écoutes jamais ta vieille mère. C'est l'apanage de tous les petit garçons ça, faire râler leur mères. Mais maintenant tu es grand, tu devrais prendre soin de moi avant que je ne sois plus là, plutôt que de me faire suer. Aller rentre. »

Puis elle sembla enfin remarquer la présence de Prune et Lior et elle reprit, sans laisser le temps à son fils de répondre. Ce dernier, qui avait l'habitude leva simplement les yeux au ciel en se pinçant doucement l'arête du nez. Elle allait lui donner la migraine avant le soir.

« Ce sont des amis à toi ? Fais les donc monter. Il y a du gâteau et je viens de faire du thé à la menthe. Je croyais t'avoir mieux éduqué que cela, on ne reçoit pas les invités sur le pas de la porte de l'immeuble. Regarde-les, ils doivent être transi de froid avec ce vent. Vous les jeunes ne vous habillez jamais assez. Toi aussi mon fils, tu as encore laissé ton écharpe sur le canapé. Le mois d'octobre a beau être clément, vous allez tomber malade si vous ne faites pas un peu plus attention. »

L'infirmier soupira bruyamment et se tourna vers sa mère toujours à la fenêtre qui continuait de ronchonner.

« Mama, stop. Ils allaient repartir. Ce sont des élèves du lycée où je travaille. On s'est juste croisé par hasard. Ils ont sûrement des choses à faire. »

« Penses-tu ! A votre âge on a toute la vie pour faire des choses. » Puis elle s'adressa directement à Prune et Lior : « Vous prendrez bien une tasse de thé ? »

« Avec plaisir madame. » Répondit Prune qui avait retrouvé son aplomb habituel.

« Parfait ! Alors montez. Vous allez pouvoir me raconter comment est mon fils au travail. Il refuse toujours de m'en parler. »

Elle referma la fenêtre un jetant un dernier regard à son fils qui signifiait qu'il n'avait pas intérêt à remonter sans eux, et qu'il ferait mieux de se dépêcher.

« Vous n'étiez pas obligé d'accepter. D'ailleurs vous pouvez toujours changer d'avis. Parce qu'une fois à l'intérieur, elle ne vous lâchera pas avec ses questions. Ma mère sait se montrer parfaitement insupportable... »

Lior eut un petit frisson alors qu'un coup de vent secouait ses cheveux roux et Prune glissa un regard vers ellui avant de lui prendre la main.

« Je crois qu'un thé chaud ne pourra nous faire que du bien. »

« Je vous aurais prévenus. »

Ils montèrent jusqu'au deuxième étage par l'escalier, l'infirmier leur assurant que l'ascenseur de cet immeuble était à proscrire, il se bloquait à tous les coups, et ils entrèrent dans le petit appartement qui sentait bon la cuisine épicée et l'encens. La mère de l'infirmier sortit de la cuisine et prit tour à tour Prune et Lior dans ses bras avec une familiarité qui les étonna mais qui était loin d'être désagréable. Elle s'émerveilla.

« Comme vous êtes jolis tous les deux. Mais vous avez les joues froides. Pas étonnant à attendre dans le froid. » Elle jeta un regard faussement mauvais à son fils.

Elle les prit chacun par le bras pour les mener jusqu'au canapé dans le salon et s'adressa à son fils en passant :

« Rends-toi utile. Va donc chercher la théière dans la cuisine et un paquet de biscuits. Il faut bien réchauffer ces deux petits oisillons. »

Dans le salon, se trouvaient déjà quelques personnes. Un homme un peu âgé qui devait sans nul doute être le père de l'infirmier, une femme qui avait plus ou moins l'âge de ses parents, sans doute une amie de la famille, ou peut-être une tante. Un peu plus en retrait se trouvaient deux hommes qui visiblement avaient l'âge de l'invité d'honneur, et avec eux une jeune femme qui semblait un peu plus jeune, de deux ou trois ans, peut-être quatre.

La mère de l'infirmier les présenta tous un à un. Ibrahim, son mari, leur fils aîné, Marwoine, à côté de lui, Eladio, un ami de ses deux grands garçons, avec eux, Mellina, qu'elle présenta comme sa belle-fille et la mère de cette dernière, Zafira, qui se trouvait être une amie de longue date de Habiba, la maîtresse de maison.

Lior fit l'effort de noter chaque prénom dans son esprit, afin d'être sûr.e de ne pas se tromper en s'adressant aux uns ou aux autres.

Le thé fut bientôt servit, et les discussions reprirent de bon train, un sacré mélange entre ragots du quartier, questions plutôt osées de la part de Habiba, et blagues d'Eladio. Ce dernier semblait être dans ce petit appartement comme chez lui. Puis tout à coup, Habiba se tourna vers la jolie Mellina, et lui demanda, comme sur le ton d'une messe-basse mais que tout le monde pu néanmoins entendre :

« Il est devenu beau mon fils, hein ? Et puis c'est un bon parti. Maintenant que vous êtes tous les deux en âges et que vous avez une bonne situation, il serait temps de songer à passer à de vraies fiançailles. »

« Mama ! Laisse-la un peu tranquille. Ce ne sont pas tes affaires ! On n'organise plus des mariages entre familles. » Soupira Marwoine.

« Ah oui, tient donc ? Et comment on les organise alors si c'est pas entre familles ? Entre frères et sœur peut-être ? »

« Mama, tu as très bien comprit ce que je voulais dire. Les gens organisent leur propres mariages sans que leur mère ne soit derrière pour les pousser à l'autel avec insistance... »

« Depuis que tu es policier mon fils, tu as une bien drôle vision de la vie. Qui d'autre est mieux placé qu'une mère pour organiser ce genre de cérémonies dans les moindres détails ? Et puis je parle seulement de fiançailles officielles, le mariage peut attendre encore quelque mois, voire une petite année. »

Elle haussa les épaules et Marwoine leva les yeux au ciel. Habiba se tourna encore vers Mellina :

« Ne t'en fais pas ma chérie, avec ta mère on va t'organiser les plus belles fiançailles. Pas vrai Zafira. »

L'autre femme qui n'avait trop rien dit jusque là acquiesça vivement.

« Non mais oh ! Les jeunes dès qu'ils quittent la maison, ils se sentent pousser des ailes mais il ne sont que des enfants qui reviennent avec leur linge sale pour que leur vieille mère fasse leurs lessives. »

Et c'est dans cette ambiance, empruntes de petites piques lancées par Habiba et de commérages racontés par Zafira que l'après-midi fila. Ni Prune, ni Lior ne virent le temps passer, chacun d'eux cherchant subtilement à se rapprocher doucement de leur cher infirmier, qui semblait plus que gêné par l'attitude intrusive de sa propre mère.

Mère qui au moment de leur départ, insista pour que son fils les raccompagne en voiture. Après tout il faisait presque nuit et ils n'étaient que des enfants prêts à se faire manger tout cru.

Et Lior avait une idée bien précise en tête de par qui iel voulait être mangé.e.

« Désolé, elle vous a retenu toute l'après midi, vous aviez sûrement des choses à faire. » Soupira l'infirmier alors qu'il prenait place dans sa voiture à la carrosserie noire impeccable.

Prune monta sur le siège passager.

« T'en fais pas, c'était plutôt sympa. Ta mère est gentille. Un peu insistante, mais gentille. »

Il sourit.

« Ça c'est quelque chose qu'on peut pas lui enlever. Même si par moments elle est pas possible, elle reste une femme géniale. »

Lior, sur le siège arrière sourit en l'entendant parler de sa mère. Iel le trouvait d'autant plus adorable depuis qu'iel avait vu l'endroit où il avait grandi et sa famille.

Il passèrent d'abord chez Prune et elle sortit de la voiture en remerciant chaudement leur conducteur, ayant même l'audace de lui envoyer un petit baiser du bout des doigts.

« Tu passes devant ? »

Lior sursauta à cette question, iel ne s'y était pas attendu.e. Et maintenant qu'iel était seul.e dans la voiture, il trouvait que l'espace était exigu, confiné. C'était pourtant un SUV à la taille tout à fait convenable. Iel déboucla sa ceinture de sécurité et passa à l'avant.

« Sinon j'ai l'impression d'être un taxi. » Éluda l'infirmier en actionnant son clignotant pour reprendre la route.

« Je... Si ça te dérange, je peux rentrer à pied. D'ici je suis plus vraiment très loin... »

Il leva les yeux au ciel et claqua la langue.

« C'est pas ce que je veux dire. Juste que c'est plus convivial si tu es devant. »

« Oh... »

« Alors dis-moi Lior, qu'est-ce que tu penses de Mellina ? »

La question lae déstabilisa.

« Elle... euh... elle est jolie ? »

« Ouais. Elle est super jolie. Et gentille aussi. Je crois que c'est la fille la plus gentille que je connaisse. »

« Du coup, ton frère a de la chance. »

« Mon frère ? »

« Oui, il va se fiancer avec, non ? »

Il rit de bon cœur est se gara devant chez Lior, comme lui indiquait le GPS. Puis il fouilla dans sa poche pour sortir un petit écrin noir qu'il ouvrit. A l'intérieur, un solitaire en or, orné d'une émeraude. Lior ouvrit la bouche, son cerveau refusant de comprendre l'évidence.

« C'est moi qui me fiance. »

Toutes les couleurs quittèrent le visage de Lior et iel ne pu lâcher qu'un simple « Oh... Je vois. »

« Tu penses qu'elle l'aimera ? J'ai pas voulu prendre une bague trop grosse, et puis le vert est vraiment sa couleur alors une émeraude est parfaite, mais j'ai peur qu'elle ne soit pas à son goût... Tu en penses quoi ? Je te demandes, parce que tu as l'air plus calé que moi question bijoux, tu as toujours de jolis colliers. »

Lior referma la bouche qu'iel n'avait pas même eut conscience d'avoir ouverte, puis la rouvrit, la referma, et enfin dit, d'une voix presque étranglée, faisant tout son possible pour garder la face :

« Elle est super. Je pense qu'elle va l'adorer. »

L'infirmier soupira comme si un poids venait de le quitter, puis referma la boîte et la remis dans sa poche, comme si elle n'avait jamais existé. Lior aurait pu tuer pour que ce soit le cas.

« Merci Lior. Aller je te laisse partir, je pense que j'ai assez abusé de ton temps, tu as sûrement d'autres choses en tête que les fiançailles imitantes de l'infirmier du bahut. »

Non. En réalité, il n'y avait plus que cela qui tournait dans son esprit. Cette bague magnifique. Le sourire de Mellina, magnifique lui aussi. Encore, et encore, et encore.

Avant de sortir, iel s'entendit tout de même demander :

« Tu ne m'as jamais dit ton prénom. »

C'était vrai. Tout ce qu'iel savait était qu'il commençait par la lettre B. De toute l'après-midi, pas une fois sa mère n'avait employé son prénom non plus, se contentant de surnoms tels que mon fils ou mon grand garçon.

« Je le donne généralement pas aux élèves. Mais je ne leur parle généralement pas de mes fiançailles non plus, alors je suppose que je peux faire une exception pour toi. Je m'appelle Byzance. »

Lior lui offrit un dernier sourire, qu'ellui-même n'aurait pu qualifier, triste, heureux ou de circonstance, et iel rentra chez ellui, s'enfermant directement dans sa chambre pour y pleurer toutes les larmes de son corps.

_
[EDIT (24/10/21) : Version révisée]
_

Désolé 🙈
Je sais que vous allez encore vouloir me jeter des pierres avec ce chapitre 😬
Mais n'oubliez pas, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, pas vrai ? :)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top