Chapitre 4 : B A D V I B E S
Malgré la récente discution avec sa mère, Alix avait toujours du mal à être de nouveau lui-même. Chaque matin il se détaillait devant son miroir, cherchant à savoir si on allait le traiter d'indécent, puis se changeait bien souvent par peur de se retrouver encore une fois humilié devant toute sa classe. Ainsi, depuis quelques temps, il se retrouvait à porter les vêtements de son petit frère, des T-shirts trop larges à l'effigie de personnages Marvel ou autre films de science-fiction qu'il ne connaissait parfois même pas... et il pensait sincèrement que personne n'allait remarquer ce changement. Mais à peine sorti de sa chambre, qu'il croisa Myrtille et elle lui demanda avec toute sa candeur enfantine :
"Dit Alix, pourquoi tu mets plus tes jolis vêtements, tu t'habillais plus bien avant. Maintenant tu mets les même habits moches que Léo..."
Il s'accroupit pour être à sa taille et lui dit, tout en resserrant l'une de ses petites couettes :
"Parce que les gens sont mauvais, ils veulent annihiler la différence et étouffer chaque étincelle de beauté. Il faut toujours que tu te souviennes de ça ma puce. Les gens sont méchants."
"Ça veut dure quoi aniniler ? Et toi tu es gentil, et maman et papa aussi, même Léo quand il me pique pas mes doudous..."
"Anihiler, ma puce, ça veut dire tuer, faire disparaître, anéantir. Ouais, et tu as de la chance d'avoir une famille pareille, qui ne abandonnera jamais, quoi que tu fasses. Tout le monde ne naît pas avec cette même chance, crois-moi je sais de quoi je parle."
"Et de quoi vous parlez ?" Questionna la voix de leur mère à l'autre bout du couloir.
Avant même qu'Alix n'ait pu dire quoi que ce soit, Myrtille s'exclama :
"Alix me disait que les gens étaient tous des méchants sauf vous."
"Alix ?" Demanda sa mère avec un air réprobateur alors qu'elle attendait des explications.
"Heu ouais, j'ai pu glisser deux ou trois mots dans ce sens enfin bref, je suis à la bourre là, j'y vais."
Sa mère soupira quand, pour éviter la discussion, il passa avec empressement à ses côtés, claquant tout de même un baiser sur sa joue pour lui souhaiter une bonne journée.
Il prenait le bus et honnêtement, il n'avait aucune envie de croiser les même personnes aux regards dédaigneux que tous les matins. Et comme pour ajouter à sa peine, il était en avance et allait devoir attendre pendant un quart d'heure que le véhicule arrive, sous une chaleur caniculaire. Et dire qu'il n'était que 7h20. Le bleu soupira à l'avance, très peu enclin à supporter cette journée horriblement chaude et horriblement ennuyante, horrible tout simplement. Il avait toujours eut du mal avec les fortes chaleurs, le tee-shirt trop large et le jean brut qu'il portait n'arrangeaient évidement rien à cela. Mais au moins, ils lui permettraient de se fondre dans la masse, et peut-être que comme ça il risquerait moins de finir seul.
Alors que le jeune garçon avait la respiration lourde et le front humide à cause de la chaleur, le bus se stoppa à son arrêt et il alla directement s'installer vers le fond, priant pour que la climatisation soit mise en route. Un soupir au bord des lèvres, il se dit que tout cela allait bientôt cesser, il ne restait plus qu'un mois avant la fin de l'année -et les épreuves anticipées du bac, mais ça il essayait de ne pas y penser-.
Du coin de l'œil il vit Élias assis quelques places en avant et fronça les sourcils. Élias ne prenait pas le bus. Jamais.
Alors le bleu se leva pour s'installer aux côtés du blond qui visiblement était mal à l'aise.
"Salut."
"Alix... Je suppose que tu es venu me dire tout le dégoût que tu as pour moi, une fois de plus."
Le plus petit sursauta presque au ton tranchant employé par le blond. Jamais au grand jamais il n'avait vu Élias parler si dédaigneusement, à personne. Voyant son visage choqué et qu'il était sur le point de retourner s'assoir au fond, le blond lui dit :
"Désolé Alix, j'voulais pas te parler comme ça, c'est juste que j'ai passé un sale week-end."
Et c'était peu dire, il en avait encore mal aux côtes.
"Ouais j'te comprends t'inquiètes, on a tous des jours sans, même les meilleurs."
"Pourquoi j'ai l'impression que meilleur dans ta bouche est une insulte ?"
"C'est de ne pas pouvoir avoir autre chose dans ma bouche qui est une insulte..."
Élias fronça ses sourcils sans comprendre avant de suivre le regard d'Alix qui se posait sans équivoque sur son entrejambe. Immédiatement, il s'empourpra. Son deuxième réflexe fut de regarder autour de lui pour être certain que personne n'ait entendu.
"Alix ! Ne dit pas ce genre de choses !"
Le bleu haussa les épaules avant d'ajouter :
"Tu es si ennuyeux ! Relâche la pression deux secondes, tu as peur de quoi, qu'on te juge ? Tu es dans le bus, évidemment que tout le monde te juge, tout le monde juge tout le monde, c'est pour ça que somme toute ça n'a vraiment aucune espèce d'importance ! Laisses-toi aller !"
Parfois, Alix ferait mieux de prendre en notes propres conseils, lui aussi avait besoin de se laisser aller.
"Biensûr que si ça a de l'importance, tu ne sais même pas à quel point !"
"Et si je t'embrassais, là, maintenant, devant tout le monde, ça aurait quoi comme importance ?" Susurra-t-il en s'approchant doucement du blond qui se raidit.
"Alix non."
"Non quoi ? Ose me dire que ça ne t'a pas plu, la dernière fois. Dans les toilettes."
"Je..."
"Que tu ne voudrais pas recommencer, même si les gens nous regardent ?"
Les joues d'Élias n'avaient rien perdu de leur couleur rosé, et la chaleur ambiante n'y arrangerait pas.
"Bon, si ça ne t'intéresse pas, j'trouverais quelqu'un d'autre." Avoua le bleu avant de descendre du bus qui venait de s'arrêter devant leur lycée, y laissant un Élias désorienté et pantelant.
Le bleu alla directement se mettre au frais dans le hall, il ne supportait plus cette chaleur insoutenable, son T-shirt trop grand commençait à lui coller à la peau. Il avait l'impression que chaque inspiration était une épreuve. La chaleur le rendait amorphe, incapable de réfléchir, de temps à autres, il sentait le monde autour tanguer légèrement.
La matinée passa avec une lenteur épouvantable, plus les heures passaient et plus il faisait chaud. Heureusement, la pause de midi offrit à Alix un peu de répit, la cantine étant bien mieux climatisée que le reste du bâtiment. Néanmoins, il ne pu avaler grand chose, à part une petite salade en entrée, tout ce qui était chaud lui aurait presque donné la nausée. Alors il céda volontiers son assiette de frites et poulet à ses amis assis à la même table que lui.
Il trainait toujours avec le même groupe d'amis la seconde. Enfin pas vraiment des amis, plutôt des connaissances avec qui il passait le plus clair de son temps. C'était le petit groupe qui voulait bien de lui, voilà tout. Et il devait se montrer reconnaissant pour cela. Ils toléraient sa présence, malgré sa différence. Au bout de la tablée, Line s'exclama et le bleu se reconcentra sur la conversation à laquelle il prenait pas réellement part. Habituellement, il appréciait assez ces discussions futiles, mais depuis un certain temps, il n'arrivait plus à s'y intéresser, son esprit était trop prit par des pensées en boucle, des pensées toxiques. Il laissa son regard couler jusqu'à la table à sa droite. Paul, Julien, Nuccya et tout leur petit groupe qui parlait fort, et dont les rires emplissaient toute la cantine. À leur table se trouvait aussi Lysandre, le capitaine de l'équipe sportive du lycée. Alix admirait Lysandre. Il était le genre de garçon foncièrement gentil, avec tout le monde, et il n'avait besoin que de cela pour se faire aimer, que ce soit des élèves ou bien des professeurs. Il exprimait la perfection, doué en sport, avec de bonnes notes, toujours prêt à aider les autres et rendre service.
« Il est tellement craquant ! Mon dieu si seulement je savais comment l'approcher, sans qu'il ne me rejette à chaque fois... »
Alix se tourna à nouveau vers Line qui venait de s'exclamer. Il suivit le regard de la jeune fille pour tomber sur une table où un garçon mangeait seul. Éos. Même s'il ne le connaissait pas très bien, Alix doutait que Line parvienne, d'aucun moyen que ce soit, à attirer l'attention de ce garçon taciturne et laconique. Assise à côté de Line, son amie Stella lui répondit :
« Et si tu lui proposait directement un date ? Tu sais, je crois que certains garçons jouent les désintéressés parce qu'ils veulent juste quelqu'un qui se donne à fond pour les faire craquer, pas juste des petits flirts sans intérêt. »
« Je comprends pas comment vous pouvez idéaliser ce type de mec. Sans rire, il fait toujours la gueule, jamais un mort gentil, franchement ça me dépasse. » Éructa Arsène, assit en face de Stella.
Les deux filles levèrent les yeux au ciel, lui disant qu'il ne pouvait pas comprendre, que c'était des histoires de filles, que c'était ce côté mystérieux et désintéressé qui les faisait justement craquer.
Alix se retint de lever les yeux au ciel lui aussi, il détestait cette idée ''d'histoire de fille'' comme s'il y avait une distinction nette entre les préoccupations du genre féminin et du genre masculin, c'était une construction sociale totalement stupide.
Stella et Line continuèrent leur discussion, se faisant tout à tour des messes basses. Elles étaient amies depuis l'école primaire, Alix enviait un peu leur relation, lui aussi aurait aimé connaître ce genre d'amitié fusionnelle, qui dure dans le temps. Ce qu'il admirait le plus était la façon dont chacune avait changé, évolué dans une voie totalement différente mais malgré cela, leur amitié subsistait. Alix voulait lui aussi des amis comme cela, pas juste des gens avec qui manger le midi. Mais comme toujours, il avait peur de s'accrocher aux gens pour finir par être abandonné. L'abandon. Toujours l'abandon, c'était sa plus grande crainte. Pourtant il s'entendait presque à merveille avec toute la tablée, mais il n'arrivait jamais à s'ouvrir assez pour réellement créer une connexion. Ils n'étaient amis qu'en surface, ils ne connaissaient pas en dehors des cours. Ça ne les empêchait pas de passer d'agréables moments, mais ils ne se créaient pas le genre de souvenirs dont on se rappelle toute une vie, ceux que l'on raconte plus tard, avec nostalgie.
« Alix, je pourrais recopier tes devoirs de math ? J'ai vraiment pas eut le temps de les faire et tu connais le caractère de cochon de notre prof, je risque de me faire coller... Si tu veux je te file mon dessert. » Sourit le garçon à côté de lui.
Il s'appelait Lucien, et c'était de lui qu'Alix était le plus proche. Principalement pour des histoires de devoirs de math. Le bleu savait que de son côté, il aurait aussi pu lui demander ce genre de services, seulement il ne l'osait pas, pas plus qu'il n'osait aller discuter des beaux garçons avec Line et Stella. Ce n'était pas de la timidité, Alix était loin d'être timide, il était même tout l'inverse, mais il ne se sentait quelque part pas légitime à le faire.
« Tu peux garder ton dessert Lucien, pas besoin de cela pour copier mes devoirs. » Affirma Alix, dans toute sa générosité de lion, avec toute son envie de se faire aimer.
« Génial, t'es un gars sûr Alix ! » Le félicita Lucien.
Ils quittèrent la cantine pour se poser dans le hall. Et pendant tout le temps où Lucien recopia ses exercices, Alix cherchait un moyen d'engager la conversation, mais lui qui dans sa famille était si locale, un vrai rayon de soleil, se métamorphosait complètement une fois au lycée, dès qu'il s'agissait de se rapprocher des autres, par peur de trop s'accrocher. Du moins c'était le cas sur le plan de l'amitié. S'il lui avait fallu demander à Lucien une partie de jambes en l'air, expéditive avant le cours de math, ça aurait été autrement plus simple. Il aurait suffit qu'il glisse doucement ses doigts sur son poignet fin, puis qu'ils échangent un regard lourd de sens. En suite, il pourrait glisser une main dans ses courts cheveux bouclés. Lucien avait des cheveux qui avaient un air indéniablement soyeux. Tout comme sa peau caramel avait l'air douce. Après, ils trouveraient un endroit au calme pour coucher, les toilettes du troisième étage en tête de liste, ceux-ci étaient toujours déserts, le bleu pouvant parler d'expérience. Et comme après chaque partie de jambes en l'air, Alix pourrait prendre la poudre d'escampette, et ainsi il serait sûr de ne pas se faire jeter. Le premier à partir, à mettre des distances, est toujours celui des deux qui s'en sortait le mieux, qui souffrait le moins. Celui qui ne se réveillait pas seul dans des draps froids pour ainsi dire, même s'il n'était ici nullement question de lit, au mieux une paroi de PVC pas trop taguée. Dans tous les cas, Alix avait en horreur les draps froids, il leur préférait les couvertures en pilou, et de loin.
« Voilà, j'ai fini, merci Alix. » Il lui rendit ses cahiers, coupant le bleu dans ses réflexions plutôt incongrues. « Tu es sûr que tu ne veux rien en remerciement ? Parce que bon on ne peut pas dire que ce soit la première fois que tu me dépannes avec ça. » Demanda une fois de plus Lucien, ce à quoi Alix hocha négativement la tête, dressant encore une fois cette barrière invisible entre lui et les autres.
« Ok, alors on se voit en cours. »
« Ouais. »
Et Lucien disparut au détour d'un couloir, sans doute pour rejoindre ses amis, les vrais, Stella, Line, Amaury, Arsène, ceux qui ne craignent pas d'engager la conversation quand ils ne sont que tous les deux, par peur de finir blessés, seuls sur le bas côté. Alix avait en effet toujours trouvé ça plus simple de parler au sein d'un groupe qu'a une seule personne, les enjeux ne sont pas les mêmes, dans un groupe, il pouvait briller sans créer de vrais liens, voilà pourquoi il restait toujours entouré d'une multitude de gens.
À trois heures, la température ambiante atteingnit des pics de chaleur remarquables, c'était d'autant plus intolérable pour le bleu qui avait du mal à garder les yeux ouverts, la respiration lourde. Et se concentrer sur ce cours de mathématiques sur la géométrie dans l'espace relevait de l'impossible.
"Monsieur Dalktford, si mon cours est si ennuyeux, vous pouvez aussi sortir !"
Le jeune garçon sursauta d'être ainsi interpellé et releva les yeux, hagard, vers son prof qui décidément avait l'air de l'avoir prit en grippe.
"Je suis désolé Monsieur, je ne me sens vraiment pas bien..."
"Oui, aller, c'est ça, sortez et allez à l'infirmerie, la vie scolaire, où vous voulez tant que je ne vous vois plus."
Alix baissa le regard et remballa ses affaires, blessé mais n'osant pas s'opposer à son professeur. En se levant, il mit un petit moment à se stabiliser, prit de vertiges, et il finit par quitter la salle de cours, le pas lourd.
-
[EDIT (7/8/21) : Version révisée + Ajout scène cantine]
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top