Chapitre 19 : I N L O V E

Alix avait tenu à raccompagner Élias jusqu'à chez lui, malgré ses béquilles, et le blond n'avait rien pu faire pour l'en dissuader. Fort heureusement, plus des trois trois-quarts du trajet pouvaient se faire en bus. Puis Alix insista encore pour l'accompagner jusqu'à la porte et si Élias se montra un peu plus dissuasif ce coup-ci, le bleu était plus que têtu et n'en fit qu'à sa tête.

Élias pria silencieusement pour que son père ne le voit pas, au moment où, comme ça, juste pour lui dire au revoir, Alix le serra dans ses bras et planta un baiser à la commissure de ses lèvres. Et il se tendit tout à fait en entendant le mécanisme de la porte d'entrée dans son dos et s'éloigna précipitamment d'Alix, le déséquilibrant sans le vouloir. Il eut un mouvement vers lui, en un réflexe contradictoire, parce qu'il eut peur qu'il ne tombe, et c'est à ce moment que la voix froide et grave de son paternel s'éleva.

« Élias. »

Il en eut des frissons et lentement, très lentement, il lui fit face, aussi raide qu'une branche de vieux bois, tous les membres tendus. Mais avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, Alix le devança. Il passa à côté de lui en deux trois coup de béquilles et alla se planter devant l'homme au regard dur. Puis, sans autre forme de procès, il lui tendit une main, ses deux béquilles dans la seconde et en équilibre sur sa jambe non plâtrée.

« Bonjour Monsieur le papa d'Élias ! »

Il savait que la relation qu'Elias entretenait avec son paternel n'était pas au beau fixe, et il espérait -naïvement peut-être- arranger cela. Il allait dire à cet homme à quel point son fils était merveilleux, et en deux temps trois mouvements l'histoire serait pliée.

« Je... »

L'homme aux cheveux grisonnants porta sur lui un regard glacial avant de déclamer :

«  Je ne crois pas que l'on ai déjà été présentés. »

Le bleu rit de sa propre étourderie et ajouta, tout en essayant de faire fi du manque d'amabilité de son interlocuteur qui jetait un regard désapprobateur à son sweat trop grand et à son jogging pastel.

« Je m'appelle Alix, je suis un camarade d'Élias. »

« Hum, tu m'en dira tant. Tâche seulement de ne pas avoir de mauvaise influence sur lui ou alors guarde tes distances. »

La mâchoire du bleu manqua de se décrocher sous la surprise. Il ne s'était pas attendu à se faire éconduire de la sorte, avec tant de mépris. Comme s'il ne valait rien, comme s'il n'était rien. Ce fut encore plus flagrant quand le père du blond tourna les talons sans lui accorder le moindre coup d'œil supplémentaire. Il lâcha simplement, à l'attention de son fils :

« Élias, je t'attends dans mon bureau. Maintenant. »

Élias qui était resté silencieux accorda à Alix un coup d'œil désolé et entra dans la grande maison, les joues rouges, le cœur battant et le ventre noué. Il referma la grande porte cochère derrière lui. De l'autre côté, le bleu reprit son chemin, clopin-clopan, l'esprit en ébullition. Il ne comprenait pas tellement ce qui venait de se passer.

Élias monta l'escalier apeuré comme jamais personne ne devrait l'être en rentrant chez soi. Il espéra tout au fond de lui que son père ait soudainement un rendez-vous non programmé, quoi que ce soit, tant que ça lui permettait d'éviter l'imminente confrontation. Son vœu s'exauça quand la voix douce de sa mère l'interpella, mais l'illusion fût de courte durée et mourut totalement quand elle lui dit, après quelques banalités :

"Ton père t'attend dans son bureau, file avant qu'il ne s'impatiente."

"Maman, s'il te plaît, tu pourrais pas lui dire que je me sens pas bien ?" Paniqua le garçon en tentant tant bien que mal d'empêcher ses yeux de s'embuer.

« Tu sais bien que non. » Souffla-t-elle en passant une main ornée d'une sublime bague et aux ongles au vernis impeccable. La caresse était douce, mais bien trop volatile, éphémère. C'était toujours le cas avec sa mère.

Il gravit le grand escalier de marbre, les doigts tremblants sur la main courante en fer forgé, dorée à la feuille d'or. Il frappa un coup contre le battant en bois massif, et attendit d'entendre la voix dure de son paternel pour d'entrer.

"Père."

"Assis."

Élias se laissa tomber sur l'une des deux chaises de l'autre côté du bureau et il s'y sentit encore plus petit.

"Tu sais que quoi je veux te parler, tu sais pourquoi tu es là ?"

Le blond tiqua sur parler, son père ne parlait pas. Jamais il se contentait d'exiger et d'ordonner, de diriger.

"Ton attitude d'hier a été inacceptable ! Faire ça devant ta mère en plus ! Et puis à ce que je vois tes fréquentations ne s'arrangent pas. Tu n'es définitivement qu'un bon à rien. J'espère que tu as une bonne excuse !"

Son téléphone vibra, et en y jetant un coup d'œil, il eut comme une illumination.

Instagram. Vous avez un(e) nouvel(le) abonné(e). Nuccya.di.lybes. Voir le profil.

Il releva les yeux et souffla :

"J'en ai bien une père."

L'homme en face de lui fronça les sourcils, peu habitué à ce que son fils essaye de s'exprimer quand il lançait une de ces interrogations rhétoriques.

"Et bien je l'attends !"

Peu certain que ce soit vraiment une bonne idée, le blond prit une grande inspiration et dit :

"Je suis tombé amoureux."

Le froncement de sourcils de son père s'accentua, et ça ne lui disait rien qui vaille, mais il prit son courage à deux mains, espérant que ce qu'il avait d'autre à lui dire pourrait le dérider un peu.

"Elle s'appelle Nuccya, son père possède la célèbre compagnie d'assurances Green lybès. Il siège également au conseil municipal et sa mère est médecin. Elle a aussi hérité du magazine UHTC à la mort de son propre père mais l'a revendu il y a quelques temps, toutefois je crois qu'elle en possède encore des parts. C'est pour elle que je ne veux pas quitter ce lycée. D'ailleurs, la compagnie de son père organise un gala de charité la semaine prochaine et elle voudrait que j'y aille à son bras."

Son père décroisa les bras, songeur, puis déclara simplement :

"Je vais y réfléchir. Tu peux disposer."

Pas de cris, pas de coups, pas d'insultes...

Élias n'en revenait pas. Il alla jusqu'à sa chambre en sautillant presque et s'allongea sur son lit.

Il avait l'irrépressible envie d'appeler Alix, cette petite victoire contre son père lui avait comme donné des ailes, alors c'est ce qu'il fit. Il déverrouilla son téléphone et glissa son pouce sur le contact d'Alix.

Le bleu décrocha dès la première sonnerie et ne laissa pas à Élias le temps dire quoi que ce soit qu'il commença s'extasier :

"Mon dieu c'est trop génial ! Je viens de rallumer mon téléphone. Je ne l'avais pas fait depuis la soirée, et je suis tombé sur quoi ? Plein d'appels ! Tout le monde a adoré la soirée, ils ont tous adoré, parce que c'était la première fois qu'ils vivaient ce genre de soirée, tu sais, celles qui dégénèrent, comme dans les séries américaines. » Il eut un petit rire avant de reprendre : « Putain j'en reviens pas, ils ont quasiment tous pris de mes nouvelles, même certaines personnes que je ne connaissais pas... Alors même que je croyais que ça avait été un fiasco dont jamais je ne pourrais me remettre."

Son sourire s'entendait dans sa voix, et Élias se dit, que définitivement, ce serait une jolie journée.

"Mais pourquoi tu m'appelais, je suppose que ce n'est pas pour connaître le taux de hausse de ma côte de popularité, si ?"

"Un peu pour la même chose que tous les autres finalement, pour te remercier de ta soirée. J'y ai trouvé le moyen de contenter mon père et de ne pas me changer de lycée."

"Hein ? Comment ça ? Te changer de lycée ? Ton père voulait te changer de lycée, et tu m'as rien dit ? Alors c'était pour ça l'ambiance tendue tout à l'heure avec ton père ?"

Le blond haussa les épaules et dit :

"On a pas parlé tant que cela, de trucs perso je veux dire."

"Ok, alors je vais te dire un truc perso, et après tu m'en dit un ?"

Élias sourit il aimait comme les choses étaient douces et simples avec Alix.

"Je t'écoutes."

"Ok. Donc, quel secret je pourrais te révéler... Hum... Tu as rencontré Brenda je crois ?"

"Ouais, t'es plutôt proche d'elle, non ? C'est qui, une copine, une ex, un plan-cul ?"

Connaissant Alix, c'était les trois réponses les plus probables.

"C'est compliqué, c'est pour ça que c'est un secret, tu me laisses t'expliquer, d'accord ?"

"Ouais, vas-y."

"Brenda est ma cousine."

Élias fronça ses sourcils blonds. Il ne savait pas qu'ils étaient cousin et cousine, mais cela n'avait rien d'un secret non plus.

"Mais tu vois, je ne l'ai pas toujours su. Une histoire de famille recomposé, quelque chose de compliqué. Et quand j'ai rencontré Brenda, on s'est tout de suite super bien entendu, comme si on avait une sorte de lien, maintenant je me rends compte que c'est le cas un peu. Du coup, quand on s'est rencontré c'était dans une période où je me cherchais vachement, plus que maintenant, j'veux dire, et... C'est hyper gênant à dire mais... on est sorti ensemble. Elle a été mon premier baiser, et a faillit être ma première fois."

"Donc vous n'avez jamais couché ensemble ?"

"Bon dieu non ! Heureusement. On l'a su avant. Et ça nous a pas mal perturbé. Alors on a coupé les ponts. Ça faisait deux ans qu'on avait eut aucun contact avant la soirée."

Le garçon aux cheveux blonds ne savait que dire. Il s'attendait à tout sauf à ça. Il ne savait pas si ça le rassurait où non. Il avait vraiment cru qu'Alix et Brenda étaient amants, mais ça... vraiment il ne savait que dire.

"Élias ? Dis-moi que je te dégoûte pas... Enfin moi-même ça me dégoûte alors je comprendrais..."

"C'est... difficile à avaler."

"Ouais. Désolé j'aurais pas dû te parler de ça. C'est répugnant." Se ferma le bleu, cette histoire le mettait toujours autant mal à l'aise.

"Non, tu ne savais pas, elle non plus et vous n'avez pas été aussi loin donc je dirais que ce n'est pas grave. Ce n'est pas de votre faute. Il faut juste oublier tout ça."

"Tu sais quoi, t'es vraiment un ange. Aller, à toi, dis-moi un truc que tu n'as jamais avoué à personne."

Le bleu clôturait le sujet parce qu'il était gêné avec et Élias le laissa faire.

"Je crois que... que je déteste mon père. Genre fort. Vraiment."

C'était la première fois qu'il le disait à voix haute, ça lui faisait une sensation étrange au creux du ventre.

"Oh..." souffla Alix.

Détester sa famille était vraiment quelque chose qu'il ne connaissait pas, ne comprenait pas. Bien sûr, il avait vu le matin même à quel point son paternel était antipathique, mais détester était tout de même un terme fort. C'était vraiment abstrait pour lui alors il dit tout penaud :

"Je suis désolé..."

"On vit avec. Enfin je crois."

"Si tu veux, je suis sûr que mon papa à moi serait ravi de t'adopter."

"Toi aussi tu es adorable."

Et sa journée venait de prendre un nouveau tournant, il ignorait seulement comment le qualifier, bon ou mauvais.

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[EDIT (10/09/21) : Version révisée, passage ajouté (rencontre Alix/père d'Élias)]

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Oui, j'avais dit avant 14h 🤦🏻‍♀️

Avec amour et dévotion

Paradoxalementparadoxale.

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