Chapitre 14 : S T R E S S A N D S T R A S S

Alix se regarda un dernière fois dans la glace, ses cils bordés de mascara, ses pommettes surmontées d'une légère touche de blush et saupoudrées d'un peu d'highlighter, il se sentait lui-même. Enfin. C'était comme prendre une grande goulée d'oxygène après une longue apnée.

Il portait les vêtements qu'il venait d'acheter, à savoir un chemisier long transparent avec un flot ample sur le côté du col d'une grande marque de luxe. Il lui avait coûté si cher qu'il espérait que jamais sa mère ne s'en aperçoive. Sous cette pièce qui était immédiatement devenue sa préférée de toute sa garde-robe -que d'aucun qualifieraient de démentielle- il avait passé un petit short en satin noir moulant. Le chemisier, qu'il avait pris dans une grande taille lui descendait jusqu'à mi-cuisses, recouvrant totalement le short que l'on pouvait voir par transparence, et le bleu adorait cela. Il se trouvait sensuel, sexy. Il se plaisait à lui-même, et c'était le principal.

Il rejoignit la salle de bain où Brenda devait se changer et toqua doucement contre le battant de bois.

« Brendy, t'es habillée ? »

« Ouais, vas-y, entre. »

La jeune femme, toujours en soutien-gorge était en train de se maquiller.

« Je t'ai demandé si tu étais habillée.. » Se plaignit Alix.

« Oh ça va, hein. » Soupira-t-elle en appliquant son fond de teint.

Alix soupira à son tour, conscient qu'il ne servirait à rien d'argumenter face à elle. Puis il lui prit son pinceau des mains.

« Tu appliques ça n'importe comment. Aller viens-là, je vais le faire. »

Une demi-heure plus tard, ils étaient tous les deux prêts. Alix dans sa jolie tenue et Brenda ayant revêtu une jolie robe à bretelles avec de petits motifs floraux jaunes par-dessus un T-shirt rose. Elle avait emprunté à Alix une paire de chaussettes roses à paillettes à peine montantes qu'elle avait mis dans des nu-pieds à talons hauts. Alix adorait la façon de s'habiller de sa cousine. Décalée, mais incroyablement mignonne. Plus jeunes, c'était ensemble qu'ils avaient construit leurs styles respectifs. Âpretés, ils descendirent tous deux au salon, il ne manquait plus que les invités. Et cette pensée angoissait Alix.

« Et si personne ne vient ? Et si... »

Il se coupa en plein milieu de sa phrase, de peur de rendre ses angoisses d'autant plus tangible s'il les exprimait à voix haute.

« Stresse pas comme ça, tout je monde va venir, c'est une fête, gratuite, et il y a des tonnes de bouteilles d'alcool. N'importe quel jeune sauterait sur l'occasion. » Le rassura sa cousine en passant une de ses mèches rousses derrière son oreille.

« Mais... Brendy je suis pas populaire comme toi moi, les gens vont se moquer, ils ne vont pas venir et j'aurais la honte pour toute ma scolarité, je ne sais pas ce qu'il m'a prit de faire ça, c'était idiot. »

Il était au bord des larmes. Brenda fronça les sourcils, elle n'avait pas le souvenir d'avoir un jour vu son cousin aussi peu sûr de lui. Il baissa les yeux sur sa tenue.

Ça aussi c'était idiot.

« Je vais aller me changer. »

Avant qu'il ne puisse esquisser le moindre mouvement, Brenda le rattrapa.

« Alors ça, ça ne risque pas. Tu es adorable, et tout le monde va venir. Pourquoi tu stresses tout à coup. Tu veux que j'appelle des potes à moi ? Pour que tu sois sûr qu'il y ait du monde ? Ça te rassurerait ? »

Alix n'eut pas le temps de répondre, que la sonnette retentit. Le garçon aux cheveux bleu se précipita pour ouvrir la porte, la boule au ventre.

Derrière celle-ci, se tenait un groupe de six filles, la première, celle qui avait vraissemblablement sonné tenait une bouteille de rosé à la main.

« Désolé, on savait pas trop quoi emmener, alors j'ai pris une bouteille de rosé chez mes parents, j'espère que ça ira. »

Elle avait un joli sourire et s'appelait Nuccya. Comme Alix, elle était en première scientifique et elle avait ammené avec elle ses amies qui l'étaient également. Elle était très jolie, brune, les cheveux longs et le genre de fille dont tout le monde rêverait. En la voyant, Alix eut bien du mal à garder la face. Nuccya, cette fille si parfaite, se tenait sur le pas de sa porte, prête à passer une soirée avec lui. Ces filles furent les premières d'une longue série, à minuit, la maison était déjà pleine à en craquer, et chaque personne qui publiait une photo, ou une vidéo, que ce soit sur snap, Instagram ou Facebook, en faisait venir d'autres, de manière exponentielle. Tout le monde s'amusait et Alix était heureux. Un peu trop alcoolisé aussi. Il se laissa tomber sur le canapé, entre un couple qui s'embrassait à pleine bouche et qu'il ne connaissait même pas, et sa cousine.

« T'avais raison Brendy, tout le monde s'amuse ! C'est trop génial ! »

Pourtant quelque chose le chagrinait encore. Il n'était pas là. Élias n'était pas venu.

« Tu vas te décider à me le dire ? »

« Quoi donc ? » Demanda Alix en posant sa tête sur l'épaule de sa cousine.

Le sommeil le rattrapait un peu. Il fallait dire que ses dernières nuits avaient été plutôt agitées, le fait de cacher des choses à Myrtille et à Léo n'y était pas pour rien. Mais paradoxalement, ses cauchemars le poussaient à enfouir ces choses encore plus profondément, car à chaque fois qu'il se voyait tout leur avouer dans son monde onirique, ils le rejetaient. Et il n'avait qu'une peur, que cela se produise exactement de la même façon dans la réalité. Parce que si Myrtille était petite, Léo lui commençait à poser des questions.

Il secoua la tête. Ce n'était pas le moment de penser à cela.

« Qui tu désespères de voir arriver. Tu regardes chaque nouvelle personne qui entre comme si ta vie en dépendait. »

Il lâcha un petit son à mi-chemin entre le rire et le soupir avant de dire :

« Personne, juste un pote. Enfin je crois. »

« Mais encore ? Comment il s'appelle ? »

« Élias. »

Rien que dire son nom fit fleurir un petit sourire sur ses lèvres.

« Joli prénom. Je suis sûre qu'il va venir. Personne ne louperait l'occasion de te voir si bien apprêté. »

Le bleu rit un peu, son sourire élargi par l'alcool.

« Aller, debout on va danser ! » S'exclama Brenda, saisissant la main d'Alix. Elle ne voulait pas le laisser se morfondre pour un garçon qui n'était même pas là.

Se retrouver à danser avec sa cousine lui rappelait des souvenirs, mais il ne voulait pas s'embêter avec ça pour le moment. Il voulait simplement profiter. Oublier que les jugements de centaines de lycéens pesaient sur lui en permanence parce qu'au fond ils pesaient de la même façon sur tout le monde. Et les autres s'en accommodaient alors pourquoi pas lui ? C'était vrai qu'il avait eut une période à vide, parce qu'il se cherchait et que ça le rendait faible psychologiquement. Mais ce soir, il comptait bien laisser tous ses doutes derrière lui et passer à autre chose, le sourire aux lèvres.

La musique raisonnait si fort qu'il en avait du mal à entendre ce que Brenda lui disait, mais de toute façon il était sûr qu'il l'aurait oublié dès le lendemain. Il était heureux, et personne ne pourrait lui enlever ça. Bien sûr quelques-uns lui avaient fait des réflexions désobligeantes, d'autres lui avaient simplement jeté des regards tantôt surpris, tantôt incompréhensifs, parfois même il avait lu le dégout au fond de leurs yeux, mais au milieu de la foule, il était comme invisible. Il passait inaperçu, d'une merveilleuse manière. Comme s'ils formaient à eux tous un tout indissociable et que l'individu ne pouvait être mis en cause. Et surtout, à présent, il se contrebalançait de ce que pourraient penser les autres. Il dansait, au milieu de tous ces gens qui eux aussi s'amusaient, se croyant déjà adultes, mais ne voulant que se laisser aller. Alors il se laissait porter avec eux, comme les enfants qu'ils étaient et qu'ils seront encore un temps, si bref soit-il. Il ressentait la musique et se laissait entraîner par celle-ci. Et depuis combien de temps n'avait-il pas dansé ? Tout cela lui manquait. Peut-être qu'il pourrait s'y remettre, pas en club, mais au moins comme loisir. Il avait pris des cours de danse jusqu'à ses douze ans avant d'abandonner.

La porte d'entrée s'ouvrit sur de nouveaux arrivants, Alix se raidi un peu quand il vit entrer Julien et toute sa clique. Mais l'alcool aidant, il les ignora purement et simplement continuant de se déhancher sur la piste de dance improvisée au milieu du salon. S'il faisait cette fête, c'était pour prouver qu'il ne craignait plus leurs jugements. Le fait qu'ils soient présents était sa première épreuve. S'il ne pouvait pas à minima la remporter, alors toute cette soirée restera vaine. Il enviait leur aisance, alors il devait leur prouver, à eux et surtout à lui-même, qu'il était capable de faire preuve de la même assurance.

Les verres s'enchaînaient, Alix avait perdu de vue sa cousine mais passait une très bonne soirée. Il avait surpris sur lui le regard de quelques filles, quelques garçons aussi et pour la première fois depuis un moment, ça lui avait fait plaisir, ça lui faisait du bien de se sentir désiré.

À l'autre bout de la pièce, il croisa le regard d'Éos. Et sans plus réfléchir, il fendit le foule pour le rejoindre.

« Alors, tu trouves que j'ignore assez le regard des autres, que je ne me laisse plus marcher sur les pieds ? » L'interrogea-t-il, taquin.

Le brun eut un rire nasal un peu moqueur.

« Non, pas exactemment. Encore un fois, tu fais tout pour que le monde t'aime. Comme si tu avais besoin d'amour et de reconnaissance là où les gens normaux ont juste besoin d'oxygène. C'est pas ça ignorer leur regard. Là tu te crées un personnage, tu le façonnes de la façon dont tu penses que les gens l'apprécieront le plus. Le seul truc que je peux te dire, c'est que si tu continue comme ça, tu finira par complètement oublier la personne que tu es, tout au fond de toi. »

Alix encaissa difficilement la remarque, parce qu'il l'a savait en partie vraie. Éos était plus philosophe que ce qu'il se pensait, mais il manquait sacrément de tact. Alix ne savait pas si c'était pour adoucir ses précédents propos ou non, mais il ajouta :

« Mais je dois dire que pour ce qui est de cette fête, tu t'en sors pas mal. Surtout pour quelqu'un qui avait peur de se faire decsedre en public. Tu es quelqu'un d'étrange Alix. A la fois provoquant, mais pudique et respectueux. Je ne te comprends pas tellement, même si je ne suis pas certain d'en avoir envie de toute façon. »

À croire qu'il se sentait obligé de sortir une vacherie à chaque fin de phrase. Éos n'était pas vraiment connu pour être un modèle de gentillesse ni même d'aménité.

Les joues rougies d'avoir trop dansé, Alix rejeta sa tête en arrière pour rire.

« Tu sais, on est pas obligés de se comprendre parfaitement pour faire connaisance. »

Le brun saisit un verre derrière lui et s'adossa à la table, apathique.

« Ouais 'fin tous ces trucs de faire connaisance c'est pas trop pour moi. J't'ai parlé la dernière fois parce que... » Il réfléchit, ou fit semblant de le faire, mais à peine plus d'une demie seconde, et reprit : « Je sais pas trop pourquoi, mais voilà. Je souhaite pas qu'on soit amis. Ni quoi que ce soit d'autre... »

Alix posa un de ses doigts délicats en travers de ses lèvres, elles étaient plus douces que ce qu'elles avaient l'air. Ça lui donna l'envie de les goûter.

« Je t'aime bien jusqu'à présent, tu m'as aidé avec moi-même, ne gâche pas tout en disant des conneries. D'ailleurs, tu me laisserait te remercier pour ce que tu as fais pour moi ? »

« Je n'ai rien fait du tout, ne t'imagnies pas... »

Sans autre forme de procès, Alix déposa ses lèvres, sucrée d'alcool et de gloss à la banane sur celles de son vis-à-vis.

« Voilà, je pense qu'on est quittes. »

Embrasser les autres dans les moments où ils s'y attendaient le moins était définitivement un de ses jeux favoris, après coucher évidemment.

Et il disparut de nouveau dans la foule, en riant, allant se déhancher avec la jolie Nuccya qui était presque aussi éméchée que lui mais toujours aussi jolie dans sa robe rouge.

-

[EDIT (24/08/21) : version révisée]

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top