7 ♦ Virus

"Vicieux, tourmenté et rusé, le virus se propage sans que personne ne le voie..."

EZEKIEL

      Les jours d'été étaient les plus ensoleillés à Aphebis, les plus lumineux, les plus chauds et les plus festifs. Dans la cité, au pied du palais, se préparait le Carnaval du Solstice, les gens se déguisaient, mangeaient, buvaient et dansaient jusqu'à tard dans la nuit. Des évènements auxquels je n'assistais jamais. Trop jeune, je fus privé du plaisir de partager et je fus programmer à une seule chose : la protection du Royaume. 


     Au palais, Alexius, Adélaïde et moi nous trouvions dans la même pièce que le roi, dans son grand bureau. La pièce était surplombée d'étagères avec tous les souvenirs de ses voyages. Un large fusil était également exposé au dessus de la cheminée éteinte et son bureau prenait une grande partie de l'angle de la pièce, en bois brut, sculpté et parfaitement travaillé. Il faisait tourner un stylo entre ses doigts tout en nous toisant tous les trois face à lui.

— Vous êtes censés former une équipe de quatre, pourquoi n'êtes-vous que trois ? 

— Majesté, la Guide est introuvable, avoua Adélaïde. 

    Le roi posa son stylo et se redressa sur sa chaise tout en poussant un profond soupir. Il humecta ses lèvres puis jeta un coup d'œil par la fenêtre, la vue sur la cité était impressionnante. C'était la meilleure vue de tout le palais. Sa pièce favorite pour sûr. 

— L'heure n'est pas au repos, grommela-t-il les yeux rivés sur l'extérieur. Il se passe d'horribles choses dans le monde, c'est silencieux et pourtant... c'est bien là. Les missives que je reçois des quatre coins d'Aphebis me disent toutes la même chose : les cultures se meurent, les champs pourrissent et des gens tombent malades. 

     C'était là le fléau des pouvoirs de la magie noire. Personne ne savait comment ni pourquoi, mais les plantes mouraient. Le Nécromancien était forcément derrière ce phénomène, probablement un sort qu'il jetait sur les villes mais aucun n'était capable d'en être certains. Le virus qui rongeait nos terres était-il conçu des mains du mal ou tout simplement naturel ? 

— Il faut que vous retrouviez les gemmes, et la recherche doit commencer maintenant, gronda le roi. 

— La Guide est trop vieille, votre Majesté, intervins-je.

Le roi darda son attention sur moi. 

— Cela vous pose-t-il problème ? 

— Oui, votre Majesté. 

     Ygor haussa les sourcils tandis que mes deux autres camarades restèrent de marbre. 

— Pourquoi donc ? Elle vous plaît ? 

     Je m'efforçai de ne pas hausser les sourcils, le menton levé, les mains derrière le dos, droit comme un i. 

— Non, Votre Majesté, elle ne me plaît pas. Elle est trop frivole, indifférente. Elle est trop vieille pour être suffisamment naïve et nous suivre aveuglément. Elle se souciera du danger, elle posera des questions, elle...

— ... elle ne se laissera pas faire si nous devons la sacrifier, poursuivit Alexius en me sentant flancher à cause de ma culpabilité.

      Le roi demeura silencieux un court instant avant de se lever, faire le tour de son bureau et avancer devant nous.

— Fort heureusement, l'Ordre n'est pas là pour vous entendre. Vos pensées négatives embrume votre objectif. Le sacrifice n'est pas permis, pas cette fois. Nous ne pouvons laisser à nos descendants, un espoir faussé par des légendes. Vous entendez ? 

     Silence. 

— J'ai dit, est-ce que vous m'avez bien entendu ?! gronda le roi. 

— Oui, Majesté, déclara Adélaïde. 

     Le roi s'arrêta devant moi, m'ordonnant de le regarder droit dans les yeux, ce que je fis, obéissant. 

— Vous allez retrouver votre Guide et vous partirez aux aurores, me suis-je bien fait entendre ? grommela-t-il à mon visage.

     Je restai stoïque, les mâchoires crispées. 

— Oui, Majesté. Pardonnez ma remarque. 

     Le roi se détendit aussitôt. 

— Vous êtes pardonné. Allons, ne trainez pas, votre Guide ne doit pas être bien loin. 

      Nous quittâmes rapidement l'enceinte du palais, vêtus comme la cour du roi, des pantalons ajustés, une chemise assortie, fine en lin, pour ne pas étouffer sous la chaleur de l'été. Nous nous séparâmes alors que le Carnaval était organisé en plein centre de la cité. Le ciel rosissait avec la journée déjà bien entamée et les gens dansaient, déguisés,  faisaient virevolter au dessus de leurs têtes, des cerfs-volants de toutes formes : des dragons, des serpents, des monstres des mers et même des loups... certains étaient maquillés en conséquences, d'autres habillés de drôle de façon. Il y avait du bruit, beaucoup de monde et le peu d'air qui circulait dans les rues ne suffisait pas à rafraîchir la foule. 

— Séparons-nous, nous aurons plus de chance de la retrouver, proposa Alexius. 

— N'en profite pas pour te trouver une jolie blonde, soupira Adélaïde. 

— Tu es la seule jolie blonde que je connaisse. 

     Elle sourit. 

— Voilà une réponse qui me plaît ! Nous nous rejoindrons sur la place du clocher à minuit. Il faut que nous la trouvions avant que le roi ne perde patience. 

— Il faut surtout qu'elle apprenne les bonnes manières, vociférai-je impatient.

— Elle n'a pas demandé à être Guide, la défendit Alexius. Sois plus clément, mon frère, ou elle deviendra ton ennemie. 

—Hm... grognai-je, j'essaierai. 

      Nous nous séparâmes, je me retrouvai rapidement embarqué dans un drôle de défilé avec des cerfs-volants de toutes formes. J'essayai de me libérer de la foule, d'avancer dans les ruelles étroites, sans étouffer par cette chaleur. 

     Je cherchai, parmi la foule agglutinée, parmi le désordre et la fête, une chevelure brune, épaisse, aux mèches blanches uniques. Je ne tardai pas à la trouver, de part ma grande taille, je pouvais y voir plus facilement et je m'empressai de me faufiler parmi la horde d'individus jusqu'à saisir brusquement le bras d'Élya qui se retourna, surprise par ce contact brutal. 

— Il faut que tu viennes avec nous, grommelai-je à travers le vacarme des tambours. 

— Je t'interdis de me toucher de la sorte ! 

      Elle regardait autour d'elle en même temps. 

— Agnès ? appela-t-elle.

     Elle tirait pour se libérer de mon étreinte mais ma main faisait presque le tour de son minuscule bras.

— Tu dois venir avec nous, nous partirons demain ! Le temps presse, ce n'est pas le moment de t'amuser ! 

— Tu me fais mal, lâche-moi ! 

— Hé ! apostropha un homme déguisé. Elle t'as dit de la lâcher ! 

— Cette conversation ne te regarde pas, grondai-je.

     L'homme ne tarda pas à riposter par un coup de poing en plein visage. Je lâchai Élya qui manqua de tomber et écarquilla les yeux lorsqu'elle me vit contre-attaquer. Or, deux autres hommes s'ajoutèrent à la liste, pour aider leur ami. L'un me frappa les côtes, l'autre me poussa pour que je perde l'équilibre mais il m suffit de lui asséner un seul coup de poing dans le nez pour qu'il s'écroule sur le sol, sous le regard amusé de la foule. 

     J'essuyai le sang qui tâchait mes lèvres d'un revers de la manche puis me repositionnai correctement, esquivai l'attaque de mon second adversaire puis celui du troisième et frappai le genou de l'un du plus petit des deux. Sa rotule craqua, il poussa un cri de douleur avant de goûter à ma semelle et de cracher quelques dents sur le bitume. 

— Arrête ! ordonna Élya. 

     Je lui dardai un regard, un flash de mon passé me revint en mémoire. Je vis notre ancienne Guide, Leone, me demander d'arrêter de m'acharner sur notre ennemi. Il m'arrivais certaines fois, de ne plus contrôler ma colère et de frapper à mains nues, jusqu'à ce que la douleur de mes phalanges soit suffisamment forte pour me dissuader de continuer. Jusqu'à ce que mes mains soient couvertes de sang. 

    Le dernier adversaire encore debout, parmi la foule, en profita pour attraper un plateau de boissons qui se renversèrent sur le sol et de me frapper avec. Ma tête valsa sur le côté et je m'affalai sur les dalles souillées, les oreilles sifflantes, un goût âpre dans la bouche et une vive douleur à la tête. 

     Élya passa entre la foule et demanda à l'homme qui l'avait défendue de partir. Il avait probablement trop bu, amusé de la situation, de la bagarre qu'il venait de causer et ignorant les blessés que cela avait engendré. 

— Ma jolie, je t'ai sauvé des griffes d'un prédateur... remercie-moi, insista-t-il en saisissant une mèche de ses cheveux. 

   Élya le repoussa brusquement et lorsqu'il voulut s'approcher d'elle, c'est son petit poing qui vint s'abattre contre son arcade sourcilière. Il perdit l'équilibre, déjà ivre, et tomba en arrière. Élya secoua son poing dorénavant douloureux puis attrapa mon bras. Elle me tira vers elle pour m'aider à me relever, ce que je parvins à faire, mollement, encore sonné par le coup de plateau que je m'étais reçu en pleine figure. Bientôt, la foule se dissipa, plus rien d'intéressant ne se passait sous leurs yeux, ainsi, la fête put reprendre son cours. 

    Je retirai mon bras de l'étreinte d'Élya, grimaçai puis me touchai l'arête du nez, une égratignure la déformait très légèrement, j'allais bientôt être sujet à un fabuleux œil au beurre noir. 

— Tu ne nous attireras que des ennuis... grommelai-je.

— Je t'ai aidé, se défendit Élya. 

    Elle se pinça les lèvres pour ne pas sourire à la vue de la méchante balafre que j'affichai sur mon nez déjà légèrement gonflé.

— La façon dont tu te comportes n'est pas digne de ton Titre. 

— Je n'ai aucune leçon de morale à recevoir. Je n'ai jamais demandé à être votre Guide. Maintenant que tu es hors de danger, si tu veux bien m'excuser, je dois retrouver ma sœur que j'ai perdu de vue, à cause de toi. 

   Lorsqu'elle voulut partir, je lui saisis le poignet pour l'arrêter. Les poils d'Élya se hérissèrent sous l'effet de ma main brûlante sur sa peau nue. 

— Hors de question que je te perde de vue une seule seconde, grognai-je.

    Elle comprit par mon ton autoritaire qu'elle n'avait plus d'autres choix que d'accepter ma présence et de se résigner à rechercher sa sœur, avec moi à ses côtés.



L'histoire étant encore à ses débuts, j'ai une question, voire en fat, un sondage à vous demander... Car je suis encore en pleine réflexion et il n'est pas trop tard pour changer : 


Préférez-vous un point de vue omniscient comme actuellement. 

Ou un point de vue interne à l'histoire, selon le POV des personnages principaux ? 



Merci à ceux qui prendront le temps de répondre. 

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