3 ♦ Préparatifs

"Plus grande est la douleur d'une interminable danse, les pieds coincés dans des escarpins trop serrés."

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ÉLYA

♦♦♦

— Est-ce que je peux emmener Georges, mon ours en peluche ?

— Oui, mais ne charge pas trop ta valise, tu ne pourras pas la porter sinon, marmonnai-je en pliant une robe que je posai par dessus le reste de mes affaires.

Je refermai ma valise, le cœur gros, la boule au ventre. Je restai assise dessus, pendant qu'Agnès allait et venait pour charger le plus de biens possibles. Les soldats attendaient devant la porte à l'extérieur, le soleil n'était même pas levé, le solstice même pas terminé. Je relevai la tête de mes mains lorsque j'entendis de l'agitation à l'extérieur.

— Laissez-moi passer, ce sont mes amies ! Mais enfin... Aïe ! Mais laissez-moi !

J'ouvris brusquement la porte, Sam se faisait tout juste repousser par l'un des soldats posté devant sa chaumière. Pieds nus, je passai entre les gardes et aidai Sam à se relever.

— C'est mon ami ! Je vous interdis de le traiter de la sorte ! Tout va bien, Sam ?

Il hocha la tête en époussetant sa veste et fusillant du regard les soldats qui restèrent de marbre.

— Viens, entre.

Je refermai la porte derrière moi alors que mon ami observait la valise déjà toute prête et celle d'Agnès, encore en cours. Il posa ses mains sur ses hanches, fit claquer sa langue contre son palais puis se tourna vers moi.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? interrogea-t-il.

Je haussai les épaules, l'air penaude.

— J'aimerais te dire que je le sais...

— Tu vas suivre ces inconnus ?

— C'est la Garde du roi.

— Personne n'en est certain.

— Ils portent son blason, je les crois.

— Élya, quitter Novendill... vraiment?

— Mais je reviendrai, assurai-je.

En réalité, je voulais surtout me convaincre de cette conclusion, or, rien ne prouvait que je remettrai un jour les pieds sur son île. Je m'approchai de lui et lui adressai un faible sourire. Moi-même, je n'étais pas convaincue par mes propos. Tout ce que je m'étais construit commençait peu à peu à s'écrouler et ce n'était que le début. J'enlaçai mon meilleur ami, fermai les yeux et laissai quelques larmes couler sur mes joues brunies par le soleil.

— Je reviendrai te voir, murmurai-je.

♦♦♦

A peine quelques heures plus tard, Agnès et moi nous retrouvâmes dans la voiture tirée par des chevaux pure race, en direction du palais du roi Ygor II. Je gardai ma sœur près d'elle tout le long du voyage qui dura toute une nuit et une journée entière. Nous étions seules dans la voiture, alors nous discutâmes, observâmes le paysage en tirant légèrement le voilage, nous impatientâmes quand le temps devint long puis fermâmes les yeux quelques minutes pour se reposer.

Enfin, alors que le soleil se couchait et agrémentait le ciel de teintes rosées et orangées, nous arrivâmes au palais, dans la cité riche et prospère du roi. Le toit était arrondi, arborant des dorures impressionnantes et malgré l'heure du dîner approchant, encore beaucoup de courtisans se trouvaient dans les rues à faire leurs affaires, se promener, acheter, vendre, jouer...

— Tu as vu ? Il y a beaucoup de monde... wow... c'est très beau ici, s'extasia Agnès.

— C'est très riche... soupirai-je dépaysée.

— Regardes, regardes ! Il y a un monsieur qui fait des tours de magie !

— Je suis sûre que ce n'est pas un vrai magicien, pestai-je.

— Moi je suis sûre que si !

Je levai les yeux au ciel puis collai ma tête contre le siège, fermai les yeux, me pinçant l'arête du nez. J'étais épuisée, et la soirée ne faisait que commencer.

La voiture se gara dans l'allée principale du palais, là où deux grosses fontaines dominaient, des chevaux sculptés dans la pierre agrémentaient de leur grandeur, les fontaines déjà bien imposantes. Agnès et moi sortîmes de la voiture, toutes deux attendues par les domestiques du domaine, tous postés sur une marche respective.

On nous tira la révérence lorsque nous passâmes devant eux. Agnès les imitait, le sourire jusqu'aux oreilles, ravies de pouvoir se comporter comme une princesse. Lorsqu'on nous ouvrit les grandes portes donnant dans l'un des quatre vestibules qu'abritait le domaine, quatre servantes s'empressèrent de nous libérer de nos valises et de nous mener jusqu'au deuxième étage.

— Nous allons vous laver et vous habiller pour le Bal qu'organise le roi en l'honneur de votre venue, annonça une servante.

— Le... Bal... ? répétai-je, perplexe.

Elles fermèrent la porte de l'antichambre derrière elles et commencèrent à nous dévêtir pour nous frotter au gant.

— Oui, ce sera en comité restreint. L'évènement est important selon ses dires, vous devez être présentables pour le roi et la reine. La tradition veut que chaque convive entrant dans le palais se doit être laver au gant et habillé en conséquences.

Je les regardais aller et venir puis cachai ma poitrine lorsque je fus mise à nue aussi rapidement. Agnès s'amusait, elle appréciait qu'on s'occupe d'elle, sans se soucier de la pudeur ou de la drôle de situation dans laquelle elle se trouvait. La servante approcha deux teintes de robes près de mon visage, une bleue nuit comme les couleurs du roi et l'autre blanche, aux dorures discrètes.

— La blanche fait ressortir votre bronzage naturel, je vois que vous venez des îles, Mademoiselle, déclara la servante.

— Euh... oui...

Je tournai la tête vers ma sœur qui enfilait tout juste une robe rouge pourpre et qui, se hissant sur la pointe des pieds, voulut toucher un vase semblant d'une valeur inestimable.

— Agnès, ne touche à rien, grondai-je.

— Oui... oui...

— Levez les bras, Mademoiselle.

J'hésitai puis levai les bras nonchalamment. On m'habilla de la robe blanche, laça le corsage avec ferveur puis décora mes oreilles de boucles lourdes et étincelantes de diamants. Enfin, on démêla mes cheveux à la vitesse de l'éclair. Je grimaçais, ma tête partait en arrière, son cuir chevelu me faisait souffrir. Enfin, lorsqu'une servante voulut me nouer les cheveux, je levai ma main pour l'arrêter.

— Non, s'il vous plaît. J'aimerais encore ressembler à moi-même alors... laissez mes cheveux tel qu'ils sont.

— Mais, les femmes de la cour du roi se doivent de dégager leur nuque, Mademoiselle, rétorqua l'une des servantes.

— Oui, mais je ne suis pas l'une de ces femmes, protestai-je en la regardant à travers le reflet du miroir.

La servante hocha poliment la tête et reposa la pince sur la commode.

— Vous êtes fin prête Mademoiselle, votre teint naturellement illuminé vous donne bonne mine, pas besoin de maquillage.

— Si ! intervint une autre servante plus âgée en trottinant vers elles. Mettez donc ce rouge à lèvres, pour fait ressortir vos beaux yeux gris.

Elle saisit mon visage, je n'eus mon mot à dire. On me tartina les lèvres de maquillage puis enfin, on me laissa respirer, même si je me sentais quelque peu serrée dans cette robe qui laissait entrevoir mes jambes au devant et arborait une longue traîne finement cousue à l'arrière. Enfin, je me perchai sur des escarpins trop serré, là où je manquai à plusieurs reprises de perdre l'équilibre.

— Je n'ai pas pour habitude de marcher avec ces chaussures, je...

— Allons, vous êtes une femme, vous apprendrez vite, grommela la vieille servante.

Je les suivis des yeux lorsqu'elles quittèrent la pièce, nous assurant qu'un valet viendrait nous chercher dès lors que nous devrons nous présenter au roi et la reine.

Je m'assis sur le bord du coffre et surveillai ma sœur qui ne pouvait s'empêcher de toucher à tout en passant des vases posés sur les alcôves des fenêtres aux vêtements suspendus sur des cintres et aux fleurs fraîches installées ici et là.

Enfin, quelqu'un vint nous chercher. Pas le temps de ruminer, nous dûmes suivre le valet qui se tenait droit comme un i, le menton levé, jusque dans la salle de Bal spécialement aménagée pour l'occasion. Dehors, la nuit était tombée et dans la salle, les convives étaient déjà présents à grignoter quelques canapés et autres gourmandises du buffet, bercés par le chant mélodieux d'un violon parfaitement accordé.

Nous descendîmes les escaliers, Agnès gardant sa main dans la mienne et les regards se braquèrent sur nous dès que le Barde du roi annonça gaiement notre venue.

— Messieurs, Mesdames, Mesdemoiselles... merci de faire place à notre invitée d'honneur ce soir, dont le nom, jusqu'à présent, nous reste inconnu mais pour qui, son rôle, sera d'une valeur inestimable pour notre Royaume ! La jeune femme de Novendill !

Des applaudissements, alors que nous atteignions seulement le bas des marches. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, en réalité, j'étais complètement perdue, envahie par des angoisses puissantes avec ce sentiment d'être un objet qu'on exposait.

Nous nous arrêtâmes devant le roi et la reine, assis sur leur trône respectif, sur une estrade surélevée pour ainsi observer toute l'assemblée. La reine était belle, brune aux longs cheveux tressés et surélevés en un large chignon parfaitement structuré. Ses yeux bleus contrastaient avec l'obscurité de sa longue chevelure et elle arborait de magnifiques bijoux. Le roi, légèrement plus vieux que sa femme, affichait une barbe entretenue avec soin, des cheveux poivre et sel et des yeux bruns, pétillants et malicieux. Avant même qu'elle ne se présente, la reine murmura au roi :

— Elle me semble trop vieille pour cela...

Je leur tirai ma révérence, mimant la surdité en ce qui concernait sa remarque.

— Je me nomme Élyanore Pellevès, de la presque-île de Novendill et voici ma petite sœur Agnès Pellevès.

— Ravie de faire votre connaissance Mademoiselle Pellevès, déclara le roi.

Dans la salle, plus personne ne parlait, le violoniste avait cessé sa mélodie et le silence glaçait mon sang. Face au roi, je n'osais à peine prononcer un mot. Je n'avais aucune idée de la façon dont je devais me comporter face à notre souverain.

Lorsque je rassemblai enfin mon courage pour parler, le Barde me devança :

— Messieurs, Mesdames, Mesdemoiselles, je vous prie de faire place aux représentants de l'assemblée tant attendue ce soir, l'Ordre des Gardiens !

Je me retournai pour ainsi voir une femme aux cheveux blancs et la peau foncée, vêtue d'une longue robe taillée sur-mesure, noire comme l'ébène, descendre les escaliers, accompagnée de deux hommes, l'un semblait venir d'un autre Royaume à la vue de ses yeux en amandes et l'autre, plus âgé, paraissait hautain et agressif.

A nouveau, l'Ordre des Gardiens fut applaudi bien que la moitié de l'Ordre était présent ce soir là.

— Et pour finir, les derniers Gardiens ! reprit le Barde.

De nouveaux applaudissements lorsque lesdits Gardiens firent leur entrée. Ils descendirent les escaliers à leur tour, sous les applaudissements de tous. Deux hommes et une femme, tous vêtus de noir, à la carrure imposante et au visage tiré par leur passé. Ils ne semblaient pas aussi vieux que l'Ordre.

Mon regard s'attarda sur l'un d'entre eux, ses cheveux sombres et son regard émeraude me bouleversèrent, si bien que je peinais même à déglutir. Il était grand, semblait fort et à la fois terriblement froid. Il croisa mon regard une fraction de seconde avant que je ne me retourne rapidement vers le roi et la reine, le souffle coupé et le cœur martelant ma poitrine.

Les trois Gardiens se postèrent de part et d'autres de ma sœur et moi, alors que toutes les deux, nous fixions le sol même si Agnès était tentée de les regarder tant ils étaient impressionnants de part leur prestance. Du coin de l'œil, j'aperçus ce Gardien qui me chamboulais tant, juste à côté de moi. Je pouvais sentir son énergie, ce qui ne cessait de me déstabiliser. Ils posèrent tous les trois leur genou à terre, les mains sur celui relevé et la tête baissée en signe de respect. Leurs gestes étaient coordonnés, précis, maîtrisés.

— Merci de nous faire l'honneur de votre présence, déclara le roi toujours assis sur son trône.

Les gardiens ne cillèrent pas, ils restèrent dans la même posture.

— Il esr temps Mademoiselle Pellevès, de vous donner plus d'informations sur la raison de votre venue ici. A vous et à toutes les autres demoiselles que nous avons conviées.

Je n'y avais pas fait attention, mais dans la salle se trouvait plusieurs autres jeunes femmes, aux caractéristiques presque identiques aux miennes : des cheveux bruns, des mèches blanches, un teint pâle ou halé mais bons nombres d'entre elles semblaient bien plus jeunes.

C'était comme devoir se disputer un Titre dont je n'avais même pas encore connaissance.

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