86. Menteur (chapitre bonus 200K)
Frey, un an auparavant
— Alors, mon chou, qu'est-ce qui te ferait plaisir ?
Je lève le nez de mon verre et esquisse ce qui devrait ressembler à un sourire. L'alcool commence à doucement embrumer mes pensées, mais malheureusement, il n'efface pas de ma tête le visage de mon Alpha.
Ophiucus. Il s'appelle Ophiucus.
— Je ne suis pas encore assez éméché pour le savoir, réponds-je d'une voix pâteuse.
La femme replète qui me dévisage fait la moue, avant d'acquiescer avec une lueur lubrique aux fonds des yeux. Elle veut de mon corps, ce soir. Et moi...
Et moi, je n'arrive pas à penser à autre chose qu'à mon Alpha. Fichu lien de la Lune. Il m'obsède, il a pris possession de mes pensées, et refuse catégoriquement d'en sortir.
Où est-il, en ce moment ? Que fait-il ? Avec qui est-il ?
Une main sur ma cuisse me fait sursauter et me ramène à l'instant présent. La femme aguicheuse qui n'arrête pas de me draguer s'est rapprochée, et ses intentions deviennent de moins en moins secrètes au fil des verres.
Je déteste le whisky. Mais c'est le seul moyen d'arrêter de penser à lui.
Étrangement, les autres ne semblent pas avoir ce problème. Ils mangent, boivent et couchent, insouciants, sans rien qui ne semble entraver à leur quotidien. Est-ce que mon lien de la Lune est détraqué ? Est-ce pour ça que je n'arrive pas à oublier ne serait-ce qu'un instant le visage outrageusement parfait de mon Alpha ?
Ophiucus. C'est le nom d'une constellation. Mon Alpha est une constellation.
Je ne sais pas si l'alcool rend tout le monde aussi poétique et niais comme un roman à l'eau de rose. En tout cas, chez moi, ça ne rate pas.
— Tu as bientôt fini ton verre, mon chou ?
Un frisson désagréable perce ma colonne quand je sens des doigts inquisiteurs remonter vers un endroit sensible. Le contact de cette femme me rebute au plus haut point ; merde, je ne veux pas que ce soit elle qui me touche ! Pourquoi je pense toujours à Ophiucus ?
— Je crois que je vais en reprendre encore un.
Elle souffle. Je la fais patienter. Tant mieux ! J'espère qu'elle jettera son dévolu sur un autre malheureux, parce que moi, c'est la panne totale. D'habitude, j'ai du mal à ressentir du désir, mais là, c'est carrément impossible.
Je ne veux pas de cette femme. Je ne veux pas d'une femme. Que fait Ophiucus ?
Je me gifle intérieurement. Si je continue sur cette voie, je vais finir par suivre mon Alpha à chaque heure pour épier tous ses gestes. L'idée qu'il se fasse aborder, lui aussi, qu'il monte dans une chambre avec une femme aux hanches pleines et au sourire conquérant... J'ai envie de m'étouffer dans mon propre vomi.
— Dépêche-toi, s'impatiente ma dulcinée insupportable. J'ai encore d'autres clients à servir cette nuit.
— Vous n'avez qu'à vous en occuper maintenant. Je n'ai pas envie de quoi que ce soit, ce soir.
— Connard de pédé, crache-t-elle en s'éloignant.
Pédé ?
... mais qu'est-ce que c'est ?
Je suis encore plus désorienté qu'avant. D'accord, je ne l'ai pas congédiée avec toute l'élégance dont je suis capable, mais... nom de Dieu, je ne sais pas ce qu'est un pédé ! Est-ce qu'Ophiucus le sait ?
Je vais m'arracher les cheveux. Plus je tente de l'éloigner de ma tête, plus il revient avec violence. Comme un élastique sur lequel je tire. Il finit toujours par retourner en pleine gueule, et par me déchausser les dents sous le coup de l'impact.
— Vous reprenez un verre, jeune homme ? me demande le barman qui range ses bouteilles face à moi.
— Euh... Non. Dites, vous savez ce que c'est, un pédé ?
Il me regarde d'un drôle d'air, avant d'exploser de rire. Mes joues s'enflamment en un clin d'œil, et il me faut un gros effort pour ne pas me cacher sous ma chemise. Que dirait Ophiucus s'il voyait un loup de sa meute rougir comme une vierge effarouchée ?
Il ne te dirait rien, idiot. Il ne te dit jamais rien. La seule fois où il t'a adressé la parole, c'était pour t'expliquer qui tu étais et pourquoi tu devais tout quitter. Sur-le-champ. Et tu as obéi sans même hésiter.
Le barman ne semble pas enclin à me répondre, trop hilare. Le visage brûlant, je me lève et quitte l'auberge, trop humilié et en colère pour rester en place. Et le pire, c'est que je ne sais toujours pas ce qu'est un pédé.
Vingt-trois piges, et même pas capable de se faire insulter convenablement. J'ai honte.
— En même temps, si je ne passais pas tout mon temps à penser à lui, je pourrais le passer à m'instruire, bougonné-je pour moi-même tandis que je me retrouve dehors, dans l'obscurité de la nuit. Fichu Alpha... Fichue magie... Fichue lycanthropie...
— Du mal à mettre popole en route, ce soir ?
Je fais volte-face, pris par surprise. Je n'avais pas remarqué que quelqu'un était adossé au muret, à l'abri de l'ambiance festive qui règne à l'intérieur. Aussitôt, mon ventre fait une sorte de salto arrière, et je rougis encore plus sans pouvoir expliquer pourquoi.
— Vous êtes qui ?
— Allons, je suis sûr que tu es capable de reconnaître ton Alpha quand tu le croises...
Un sourire narquois se fait sentir dans son ton. Il se fiche de moi, lui aussi.
Ophiucus !
— Oh, euh... Je... Le...
— J'ai vu comme tu as repoussé cette pauvre femme. Elle est jolie, pourtant. Popole ne marche pas ?
— P... Popole ?
Il se met à rire, et je remarque seulement maintenant que sa chemise est entièrement ouverte, découvrant les muscles saillants de son torse.
Oh mon Dieu !
Ce n'est pas la première fois que je le vois torse nu, loin de là. Mais aujourd'hui, sous la lumière pâle de la Lune et dans cette atmosphère plus qu'électrique, je ne peux m'empêcher de loucher. Il est... magnifique. Il n'y a pas d'autre mot pour le décrire. Mon Alpha est d'une beauté divine qui ferait ployer à genoux les anges les plus dévoués.
Ses muscles sont secs et nerveux, sculptés au centimètre près comme une statue de marbre. Sa peau bronzée paraît blanche sous l'éclat de la nuit, et ses nombreuses cicatrices ressortent comme le récit d'un passé tumultueux.
— Tu n'arrives pas à bander ? explique-t-il avec une nonchalance presque choquante.
— Mais !...
Il rejette la tête en arrière et rit sans retenue, la gorge offerte au regard de la Lune. Et au mien, aussi. Qui, étrangement, refuse de se détacher de lui. A-t-il seulement conscience de sa beauté ?
— Qu'est-ce que tu dis ? s'interrompt-il en replongeant ses yeux sombres dans les miens.
— Quoi ?
— Tu as dit quelque chose.
— N... Non, bredouillé-je en remerciant la nuit de cacher mon visage cramoisi.
Seigneur, j'ai pensé à voix haute !
Ophiucus continue de me fixer de longues secondes. Bizarrement, j'ai l'impression qu'il sait ce que j'ai dit, et qu'il sait que j'ai la peau en feu. Qu'il sait tout de moi, et que moi, je ne sais rien de lui.
Ophiucus, une constellation inatteignable, une silhouette mystérieuse, une lumière dans la nuit.
Pourquoi je semble être le seul à penser ça de lui ? Pourquoi les autres arrivent-ils à l'oublier ? Et surtout, pourquoi diable se rapproche-t-il de moi ?
— Tu m'as l'air soucieux, Frey, murmure-t-il une fois face à moi.
Il a dit mon prénom !
Je l'ai toujours détesté de toutes mes forces. Sans blague, quels parents appellent leur enfant « Frey » ? Ce n'est même pas un nom qui existe. Frey Longjardin. Même Dieu trouverait ça ridicule !
Pourtant, quand c'est lui qui le prononce, du bout de ses lèvres taillées par l'indécence...
Je ne peux m'empêcher d'en vouloir encore.
— Ça va. Je couve peut-être quelque chose, m'entends-je dire avec un calme extraordinaire.
Est-ce sa proximité qui me rassure ? Avoir mon Alpha près de moi doit être apaisant... C'est pour ça que je me sens autant en sécurité ?
— Fais attention à toi. Je n'aimerais pas qu'un de mes loups tombe malade. Tu devrais rentrer à l'inté...
— Je n'ai pas envie de rentrer à l'intérieur, le coupé-je dans un souffle.
Il hausse un sourcil et affiche un sourire en coin qui déclenche une réaction bizarre dans ma poitrine. Comme si mon cœur venait de faire une pirouette, puis qu'il s'était cassé la gueule.
Il fait à nouveau un pas en avant, flirtant avec mon espace vital de quelques centimètres. Mes organes se remettent à faire des mouvements étranges, tournant dans tous les sens, formant une sorte de ballet désordonné et invisible.
Depuis quand la proximité de quelqu'un m'octroie-t-elle des dons de danseur insoupçonnés ?
— Tu veux qu'on aille faire un tour ? J'ai l'impression que le bruit te dérange.
— V... Volontiers.
— Allez, viens, petit loup sauvage.
Il pose sa main sur mon épaule et m'intime d'avancer. Un picotement d'une chaleur dévastatrice me traverse le corps et me fait perdre la tête quelques secondes ; j'en oublie jusqu'à mon propre nom.
Ophiucus. Ophiucus. Ophiucus.
J'ai l'impression de ressentir chaque centimètre de sa présence avec une précision incroyable. Sa peau est chaude par-dessus ma chemise, envoyant des ondes de frissons par vagues de mon épaule jusqu'à mes orteils. Mes jambes fonctionnent toutes seules, et Dieu merci, parce que mon cerveau m'a totalement déserté. Je n'arrive plus à acheminer la moindre pensée cohérente. Et il a juste posé sa main sur mon épaule.
Ophiucus me fait déambuler entre les maisons du petit village où nous avons fait halte, nous éloignant de l'agitation, à mon grand soulagement. Je n'avais pas remarqué combien la cohue me rendait nerveux.
Comment l'a-t-il senti, lui ? Est-ce parce qu'il est mon Alpha ? Ressent-il les émotions de sa meute comme sa meute ressent celles de son chef ?
— Ophiucus...
Ma voix s'est perdue dans un gargouillement, comme si son contact impactait mes cordes vocales. Mais ce n'est pas le cas, évidemment. N'est-ce pas ? Je n'en suis même plus sûr, et je n'arrive pas à raisonner plus de quelques secondes sans être détourné par Ophiucus.
— Oui ?
Oh Seigneur, pourquoi sa voix est-elle aussi rauque et fondante qu'un gibier sauvage ?
Pourquoi est-ce que je remarque ça ?
— C'est quoi, un pédé ?
— Tu te fous de ma gueule ?
Sa prise sur mon épaule se resserre tandis qu'il explose de rire. Une foule d'émotions se mélange en moi en même temps ; la frustration, la colère, et... une sorte de joie étrange à l'entente de ce son si merveilleux qu'il est capable de produire. Et c'est encore plus grisant sachant que c'est moi qui ai déclenché cette hilarité.
Pourquoi octroyer l'attention de mon Alpha me fait-il planer à ce point ? Est-ce que les autres loups ressentent ça, aussi ? Seigneur, pourquoi est-ce que mon bas-ventre est en feu ?
— Tu ne sais vraiment pas ce que c'est ? s'étonne-t-il en notant mon air sceptique.
— Non. La fille de tout à l'heure m'a traité de « connard de pédé »... J'imagine que c'était pas pour m'envoyer des roses.
— Non, en effet... Qu'est-ce que tu as fait pour attiser sa haine ?
— Je... (Mon visage s'enflamme comme si j'avais plongé ma tête droit dans ses braises.) Je n'ai pas réussi à... à...
— À bander ?
Il se remet à rire, mais je note avec surprise qu'il n'y a aucune moquerie dans son ton. Il est simplement amusé. Cette situation l'amuse. Je l'amuse.
— Pédé, c'est le diminutif de pédéraste, qui est un homme homosexuel qui aime les hommes plus jeunes que lui.
— Que...
Les rouages de mon cerveau se bloquent. Homosexuel ? Qui aime les hommes plus jeunes ?
Mais je ne suis pas un pédé !
— Les gens se méprennent souvent sur sa signification, explique-t-il. C'est une façon d'insulter les gays, pour eux.
— Je ne suis pas gay ! je m'insurge en écarquillant les yeux.
« Tu n'arrêtes juste pas de zieuter les lèvres et le torse de son Alpha ! » raille ma conscience.
— Je n'ai jamais dit le contraire, Frey, ricane Ophiucus. Je t'explique juste.
— Ben... Merci, alors. Enfin, je crois. Je ne sais pas. Merci ?
— De rien.
Je me rends compte tout à coup que nous sommes arrivés face à une fontaine, au milieu d'une petite place totalement désertée. Hormis un petit chat noir qui nous fixe d'un air apeuré, il n'y a personne. Juste mon Alpha, moi, et le murmure de l'eau.
— J'aime bien cet endroit, chuchote Ophiucus en s'asseyant sur le rebord de l'édifice.
— Moi aussi. On voit bien la lune, d'ici.
— Elle est magnifique, commente-t-il en levant le nez.
— Extraordinaire.
Mes yeux sont rivés sur les traits détendus d'Ophiucus. Je suis complètement fasciné ; sa beauté me gifle comme un cheval au galop. L'astre blanc se reflète dans ses pupilles, éclatant, me donnant l'impression que c'est lui qui porte les étoiles dans son regard.
Seigneur, s'il vous plaît, si c'est un rêve, ne me réveillez pas...
— Tu ne regardes pas la lune, me reproche-t-il en posant sa main par inadvertance sur la mienne.
— Mais si, je la regarde.
Ses doigts se resserrent sur les miens tandis que mon cœur s'arrête de battre – oh non, qu'ai-je dit ? qu'ai-je fait ?
Pourquoi est-ce que je ne regrette absolument pas ?
— Frey, tu es un menteur.
Ma mâchoire s'en décroche presque. Je suis outré par la manière dont il renie mes paroles ; mais surtout, je n'arrive pas à comprendre les siennes.
— Tu as dit que tu n'étais pas gay. Tu es un menteur, répète-t-il.
— Je ne...
— Oh si, tu l'es, petit loup sauvage, me coupe-t-il. Regarde-toi. Regarde comme mon contact te fait de l'effet. Écoute combien ta respiration est rapide.
Je ne sais pas ce qui m'énerve le plus ; qu'il affirme une telle chose sans même me connaître, ou... qu'il ait parfaitement raison.
Ma peau s'électrise immédiatement, comme une brindille jetée sur le feu. Une bouffée de chaleur me fait prendre une grande inspiration incontrôlée – je m'apprête à me jeter à l'eau. Ou plutôt, dans la lave. Mais je ne suis pas sûr d'arriver à nager, ni d'en sortir indemne.
« Je ne suis pas homo ! » me hurle ma voix intérieure ; « foutaises, foutaises, ce ne sont que des foutaises ! »
Mais alors, comment expliquer l'envie aussi farouche qu'indécente de goûter aux lèvres de mon Alpha, que je m'efforce non sans peine de taire ? Comment expliquer que je sois aussi à l'étroit, simplement à cause de la proximité d'Ophiucus, alors que je n'ai jamais réussi à ressentir autant de désir avec n'importe quelle femme ? Comment expliquer que le fait qu'il approche son visage de mon cou fasse faire des bonds à mon cœur ?
Il pirouette, pirouette, tourne sans cesse...
— Tu es un putain de menteur, Frey, susurre-t-il à quelques pauvres centimètres de mon oreille.
... pour finir par dégringoler.
— Et j'adore ça.
Il mord le lobe de mon oreille. Fort. Avec la férocité d'un loup en colère, d'un Alpha mis à l'épreuve. Je vois des étoiles pendant quelques secondes tant les émotions qui m'attrapent par les tripes sont puissantes.
J'ouvre la bouche, et un gémissement honteux s'en échappe – mais que Dieu me pardonne, pour rien au monde je n'ai envie que ça s'arrête.
Les dernières barrières qui me retenaient encore volent en éclat, soufflées par une explosion silencieuse mais pas moins ravageuse. Les bras d'Ophiucus viennent s'enrouler autour de mon torse, possessifs, et je n'ai absolument pas envie de m'en dégager. Au contraire.
Serre-moi le plus fort que tu peux. Engloutis-moi dans ta constellation. Perds-moi dans la beauté de tes astres.
— Dis-moi que c'est pas un rêve, Frey..., murmure Ophiucus en promenant sa langue sur la peau hypersensible de mon cou. Dis-moi que c'est bien réel, que tu es bien là, avec moi...
— Franchement, j'en ai aucune idée, Ophiu'...
Le reste de ma phrase se perd sur les lèvres de mon Alpha. Il vient tout simplement de me voler ma respiration, de voler mes convictions, de voler tout ce qui m'appartenait, et désormais, est à lui. Il a tout pris. Et je ne veux pas qu'il me le rende.
Il m'a embrassé. Pour la première fois, quelqu'un m'embrasse, véritablement. Pour la première fois, j'aime ça, véritablement.
Je n'arrive même plus à être effrayé ou outré d'une quelconque manière : l'idée d'être homosexuel me paraît tout à coup bien plus attrayante que ce que j'imaginais. Moi qui ai toujours entendu des obscénités, des insultes sur les hommes comme ça... Eh bien, c'est beaucoup plus doux que ce que je pensais. Bien plus tendre que ce que racontent les ignorants. Tellement plus fort que ce que toutes les femmes du monde réunies peuvent éveiller en moi.
Ophiucus. Ophiucus. Ophiucus.
Les mains de mon Alpha se baladent sur ma peau, tracent des sillons qui crépitent à sa caresse. L'une vient se loger dans mes cheveux, l'autre semble hésiter entre découvrir mon torse ou mon dos – de toute façon, quoiqu'il fasse, ça me semble au-delà de parfait. Sa langue essaye doucement de se frayer un chemin sur la mienne, comme une demande, une invitation que je serais en mesure de refuser.
Se rend-il seulement compte de combien je viens de m'abandonner à lui ?
Je me redresse et essaye de me coller à lui, attiré par son corps et sa proximité. Je n'ai plus seulement envie, j'ai besoin de le toucher, de le sentir, de m'assurer que tout est bien réel. Qu'il est bien réel. Que nous est bien réel.
Puis tout à coup, sans que je comprenne comment, nous basculons, et... tombons dans l'eau glacée de la fontaine.
— Oh, mon Dieu, pardon, Ophiu' ! je m'exclame en me relevant, pataugeant et crachant.
— Bordel, Frey !
— Désolé, désolé, je suis tellement désolé...
— Pour quelqu'un qui affirme ne pas être gay, je trouve que tu as mis beaucoup d'ardeur dans ce baiser...
Il affiche un sourire en coin, assis dans l'eau. Ses cheveux mouillés retombent sur ses épaules, et sa peau brille comme le ciel nocturne. De mille feux. De mille étoiles. Et je comprends à son air joueur qu'il ne m'en veut pas.
— Je..., tenté-je de me justifier, à court d'arguments. C'est...
— S'il te plaît, n'explique rien. Ne mets pas de mots là-dessus. N'essaye pas de comprendre cette putain d'alchimie que tu viens de réveiller, d'accord ?
— D... D'accord. Pas d'explications.
— Juste moi et toi...
Je hausse un sourcil.
— Toi et moi, rectifié-je.
— Oui, c'est ce que je viens de dire.
— Non, tu as dit « moi et toi ». Il faut dire l'inverse.
Il affiche une moue dubitative, avant de se remettre à rire, faisant résonner dans l'air cette sonorité qui fait valdinguer ma raison. Je me rends compte soudain que je suis à quatre pattes, entre ses jambes, et que nos corps sont emboîtés si étroitement que quiconque passerait par là ne verrait pas des choses vraiment catholiques. Mon bon sens me dit que je devrais bouger, mais... mes sensations me chuchotent de rester exactement comme je suis. Peau contre peau. Face à face.
— En plus d'être un menteur, tu es maniaque et chiant, c'est ça ?
— En plus d'être un connard, tu es narcissique et cynique, c'est ça ?
— Dis donc, tu perds pas le nord, mon petit loup..., souffle-t-il en se penchant pour effleurer mon nez du sien.
— Pas quand je viens de trouver le centre de mon monde.
Il sourit avant de me chuchoter que je suis niais, puis scelle de nouveau nos lèvres ensembles.
Je suis peut-être niais. Mais je n'ai pas menti.
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