79. Un repas sanglant
— Tu es sûre ?
— Certaine. Vas-y, Milène.
Elle détourne le regard et manque de s'étrangler en avalant sa salive. Ses doigts sont devenus blancs tant elle les tord et son front perle par endroit.
— Elle ne te fera aucun mal, je te le promets. Obscurité ne peut pas venir ici. Tu es hors de danger.
— Mais si elle ne veut pas ? Je ne suis pas sa représentante, et elle n'est pas mon élément. Et si elle refuse, Ciel ?
Je pose une main sur l'épaule de Milène et esquisse un petit sourire réconfortant. Contrairement à elle, je suis totalement détendue.
— Elle ne refusera pas.
— Comment tu peux en être si sûre ?
— Les éléments n'appartiennent à personne. Ils sont juste ce qu'ils sont, et ils font ce qu'ils sont. Clarté est le bien, alors elle fait le bien. Qu'importe qui tu es, qu'importe ce que tu as : elle fera le bien. Elle te fera le bien.
Elle inspire à fond. Puis, doucement, elle hoche du menton. Nos yeux se rencontrent, juste quelques secondes, mais je vois dans les siens qu'elle a confiance en moi. L'instant d'après, une lumière vive nous inonde, accompagnée d'un grincement difficile et d'une odeur de bois renfermé.
Milène passe la porte de la tour ouest sans un regard en arrière, et je ne tarde pas à être plongée de nouveau dans les ténèbres dans une envolée de poussière alors qu'elle la referme. Ce moment, il n'appartient qu'à Milène et Clarté – j'ai refusé d'y prendre part. Je n'ai pas à être là.
Je reste quelques minutes immobile, oscillant à peine. Mes yeux s'habituent doucement à ces brusques changements de luminosité qui m'aveuglent encore un peu. Alors, une fois que je suis certaine que Milène va bien, je redescends les longs escaliers en colimaçon.
J'ai l'impression de flotter. D'être dans un rêve. En fait, je suis presque joyeuse.
Mais qui ne le serait pas après avoir vu deux loups se courir après dans un couloir rempli de bourgeois hystériques ?
L'idée de Yanos était sûrement la pire qu'il ait jamais pu avoir : pourtant, c'était la meilleure que nous avions sous la main. C'est donc ainsi qu'il s'est transformé, accompagné d'Ophiucus, et s'est mis à bondir et hurler dans tous les recoins du château, semant la panique chez les hauts ducs et duchesses.
Après ça, faire passer Milène en douce a été un jeu d'enfant : personne ne faisait attention à nous. Et si qui que ce soit nous demandait ce qui était arrivé à cette pauvre femme blessée et encapuchonnée, nous n'aurions eu qu'à répondre qu'elle s'était faite attaquer par les loups. Heureusement, ça n'a pas été le cas. Nous avons été si superbement ignorées que je m'en suis presque sentie offensée. N'aurait-il pas été sage qu'au moins un garde se soucie de la vie de leur future reine ?
Frey s'est simplement faufilé dans le tumulte et a rejoint la meute qui devait être au bord de la crise pour la calmer - après tout, ils sont tous sous l'influence des émotions de l'alpha, et Ophiucus avait l'air de tout sauf serein lorsqu'il griffait les tapisseries royales.
Désormais, même si l'ambiance est électrique, le calme est revenu dans le château. J'imagine que Yanos a dû trouver une façon héroïque de faire croire qu'il gérait la situation, et s'il ne l'a pas fait, j'ose espérer qu'il a trouvé un moyen cohérent d'apaiser la gente si susceptible du château.
Je déambule jusqu'à la bibliothèque, croisant plus de monde qu'à l'accoutumée. Beaucoup de regards convergent vers ma tenue : apparemment, il n'y a pas qu'Ophiucus qui la désapprouve. Mais je n'y prête absolument aucune attention, trop perdue dans mon euphorie temporaire.
À ma surprise, je tombe sur Adrian lorsque je pénètre dans la bibliothèque. Il est assis à une table circulaire, le nez plongé dans une paperasse sans fin, les sourcils froncés. Il n'a pas remarqué ma présence, et je décide de simplement me poster derrière lui, sans un bruit, et de poser mes mains sur ses épaules.
Il sursaute violemment et se retourne, manquant de peu de m'envoyer dans la figure le pot d'encre qu'il tient.
— Oh, Ciel, c'est toi ! Tu m'as fichu la frousse ! me reproche-t-il, un brin agacé.
— Pardon. Je ne voulais pas te faire peur.
Comme pour me pardonner, je mouve mes doigts par-dessus ses vêtements toujours sales et lui masse les muscles, exactement comme il aime que je le fasse lorsqu'il a passé une longue journée.
— Qu'est-ce que tu fais ? je demande.
— J'apprends des poèmes sur la trigonométrie.
Je m'interromps une seconde, avant de sentir ses épaules se secouer. Il rit.
— Je plaisante. Je fais des recherches sur la personne de sang-mêlé.
— Tu t'es occupé de Jake ?
— Oui.
Je me penche et viens nicher mon menton dans son cou, examinant brièvement le livre qu'il lit.
— Du latin..., soufflé-je. Et donc ? Qu'est-ce que tu lui as fait ?
— À Jake ? Mais rien, murmure-t-il.
— Tu as un ton satisfait qui me laisse présager le contraire...
— Tu es si vénale, pouffe-t-il. Je ne lui ai rien fait, je te le jure.
Je me redresse et tire une chaise à côté de lui, puis me laisse tomber dessus sans le quitter des yeux. Il s'humecte les lèvres, soumis à mon regard suspicieux, tournant quelques pages de son livre. Je me surprends à penser qu'il est diablement beau lorsqu'il réfléchit, avant de me gifler intérieurement : je divague. Encore une fois.
— J'ai du mal à te croire. Toi, Adrian, laisser un coupable s'en aller sans la moindre punition ?
— Crois-le ou non, mais j'ai changé. Il est entier et en route vers son pays.
— Wow...
Je caresse distraitement la couverture de son livre.
— Je suis fière de toi, murmuré-je avec un sourire.
Il baisse la tête, les oreilles rouges de gêne. Je ris face à son attitude et rapproche ma chaise de la sienne pour lui ébouriffer les cheveux.
— Tu m'aides à chercher ? me demande doucement Adrian en poussant un volume aussi large que mon bras dans ma direction.
— Bien sûr. Qu'est-ce qu'on vise précisément ?
— Quoi que ce soit qui parle de sang-mêlé, de prophétie ou de dragons.
— Tu as déjà trouvé quelque chose ?
— Non.
Sans un mot de plus, je me réinstalle sur ma chaise et ouvre l'énorme livre. Je tombe sur des paragraphes écrits d'une petite écriture soignée, entourés de reliefs colorés, et les pages sont si fines que j'ai peur de les déchirer à chaque fois que je les tourne.
Et je me plonge dans ma lecture.
•⚔︎•
Nos recherches ont duré toutes la journée, si bien que ne nous sommes même pas présentés au repas de midi. Notre jeun a commencé à se faire sentir en milieu d'après-midi, et maintenant que la nuit est presque tombée, nos ventre gargouillent sans aucune discrétion.
C'est en silence qu'Adrian se lève, et je n'ai besoin d'aucune indication pour comprendre que nous nous arrêtons là pour nos recherches. La fatigue a pris le dessus sur nous, et mes paupières sont aussi lourdes que mon estomac est vide.
Nous rangeons sommairement les feuilles, livres, plumes et encres qui sont éparpillés sur la table, et plions soigneusement nos notes avant de les glisser dans nos poches. Malgré tout, nous avons réussi à trouver quelques pistes floues, qu'il serait intéressant de partager avec le reste de nos compagnons.
— Je vais juste aller me changer avant le repas, me souffle Adrian alors que nous prenons le chemin vers la sortie de la bibliothèque.
— Je viens avec toi.
— Tu peux aller manger si tu...
— Ce n'était pas une question.
Un sourire se dessine sur ses lèvres, et il pose sa main chaude dans le creux de mon dos pour me garder auprès de lui. Il a en effet gardé sa chemise souillée de sang séché, et je ne doute pas qu'il veuille se décrasser un peu avant le repas.
Le passage jusqu'à sa chambre n'a pas duré très longtemps : nos ventres affamés nous ont poussés presque au pas de course jusqu'à la salle de dîner. Adrian, splendide dans sa veste rouge bordeaux et noire, m'ouvre la porte d'un geste élégant, et me laisse entrer la première.
— Ah, enfin vous êtes là ! s'exclame Julien alors que nous franchissons le seuil.
Tout le monde est ici. Ophiucus et sa meute, Milène, Yanos, le mage, et même Fantine, postée debout et droite comme un piquet à côté de deux chaises vides. D'agréables senteurs de viande juteuse, de pain chaud et de sauces veloutées me montent au nez, et j'inspire à fond, l'eau à la bouche.
Adrian me mène jusqu'aux deux places libres. Fantine m'adresse un petit mouvement du menton en passant, et prend la peine de tirer ma chaise pour que je m'assoie. Que fait-elle donc ici ?
— Nous n'attendions plus que vous, susurre Ophiucus, lèvres retroussées. J'espère que vous avez eu du plaisir à nous faire languir.
— Exactement. On s'est planqués exprès pour faire durer le supplice, répliqué-je sans départir de ma bonne humeur.
— Ça n'a plus d'importance. Mangeons.
Aussitôt, des domestiques encerclent la table et se mettent à servir tout le monde. Ophiucus se cale bien confortablement sur sa chaise, apparemment heureux de se faire assister, tandis que je marmonne des remerciements qui s'oublient dans le brouhaha. Je n'ai toujours pas l'habitude d'être dépendante d'autres personnes.
Rapidement, quelques conversations s'élèvent, seulement accompagnées du bruit de couverts et de mastication. Fantine reste plantée à mes côtés, et je me retiens de me retourner pour lui demander ce qu'elle fait ici – elle n'a jamais assisté aux repas auparavant. Jamais.
Je me concentre donc sur ma propre assiette, généreusement garnie de viande de cerf, de potage et de raisins confis. Je plonge ma cuillère et avale une bouchée démesurée, et une explosion de saveurs pétille sur ma langue. Jamais je ne m'habituerai à tant de succulence. La viande se confond sur la langue, les légumes sont cuits à la perfection, et les raisons ajoutent une touche sucrée aussi déstabilisante qu'appréciable. Par tous les Saints, j'aimerais tant que mon père soit là, avec moi, pour partager ce repas ! Qu'il connaisse la nourriture, la vraie. Qu'il sache que manger ne sert pas qu'à survivre.
Mon père... Un pincement me tord le cœur. Que devient-il ? Est-ce qu'il va bien ? Continue-t-il de recevoir des provisions de la part du château ? Arrive-t-il à s'en sortir, sans Nuage, et sans moi ? Vais-je le revoir, un jour ?
Deuxième bouchée. Elle me semble plus amère que la première, mais je l'ignore. Nous mangions si peu de viande, à l'époque – à part pour les occasions. Elle coûtait trop cher, elle était trop vieille, trop molle. Pas du tout comme ici, où le gibier a manifestement été chassé aujourd'hui ou hier même.
Et ma mère, comment va-t-elle ? Nous n'avons pas eu l'occasion de parler, et je ne l'ai plus croisée après mon passage dans l'infirmerie.
Un sourire me fend les lèvres alors que je me remémore ce jour. Adrian avait traversé l'hôpital nu comme un ver simplement pour me rejoindre, pour être sûr que j'allais bien.
Troisième bouchée. Je jette un coup d'œil à mon prince en rouge, et j'essaye d'imaginer cet homme plein de respect et de puissance gambader dans son plus simple appareil devant des nonnes. Un raisin éclate dans ma bouche, électrisant mes sens. Et je manque d'avaler de travers tant je me retiens d'éclater de rire.
Je trace un cercle du regard, le long de la table. Je m'attarde un peu plus sur Milène, qui a retrouvé un visage intact et rose comme celui des bébés. Elle me fait un clin d'œil, et se replonge dans sa discussion avec Julien.
Ophiucus est silencieux. Je remarque que son bras gauche se tient bizarrement sous la table, et je mets une poignée de seconde à comprendre que sa main est posée sur la cuisse de Frey. Adrian aime bien me faire ça, aussi. Je souris discrètement.
Yanos se ressert déjà, n'attendant pas qu'un domestique le fasse – il est toujours très glouton avant la pleine lune. Il dévore littéralement son assiette comme si sa vie en dépendait, ce qui me rappelle moi-même que j'ai cessé de manger pour fixer les autres convives.
Je porte mon verre à mes lèvres et découvre avec une mauvaise surprise qu'il contient du vin. Je le repose en fronçant les sourcils, et lance un coup d'œil dans celui d'Adrian, qui lui est rempli d'eau. Je décide de lui emprunter pour boire une gorgée, et il ne dit rien.
Tout se passe bien. C'est un repas parfaitement normal. Il pourrait être heureux si la prophétie n'était pas demain, si la mort ne nous guettait pas à chaque angle de couloir, et si nous étions préparés à ce qui nous attend. Il pourrait.
Je soupire en rendant son verre à Adrian. Je pense bien trop, je m'en rends compte, mais je suis incapable de taire mon esprit. J'ai l'impression d'être en train de jouer une comédie, de faire semblant que ma vie est stable, alors que tout est sur le point de changer. Et le pire, c'est que j'ai l'impression d'être la seule à autant m'angoisser, en voyant toutes ces personnes manger gaiement.
Je pose ma main sur la table et joue avec les rebords de ma serviette. Je n'ai plus d'appétit, pourtant je n'ai presque rien avalé, et il faut absolument que je prenne des forces. Je n'ai peut-être pas beaucoup d'expérience en matière de prononciation de prophétie, mais j'imagine que c'est mieux de le faire le ventre plein.
Avec résignation, j'attrape ma fourchette. Et heureusement que j'ai enlevé mes doigts, car au même moment, un couteau se plante dans la table, manquant de me trouer la peau de seulement quelques millilètres.
Je sursaute et lève le regard vers Adrian. Son poing est fermement refermé sur le manche de l'arme, et ses yeux me regardent avec une telle haine que j'en perds mon souffle. C'est comme si tout l'air s'enfuyait de mes poumons. Il ne me faut qu'un instant pour décoder le vide enragé qui habite ses iris.
— Adrian ! Ne la laisse pas prendre le contrôle... Tu m'entends ? Adrian ?
Il se met à trembler sans cesser de me fixer. D'habitude, il se reprend juste après s'être fait influencé par Obscurité : mais pas ici. C'est comme s'il était possédé. D'un geste sec, il retire le couteau fiché dans le bois, et le pointe vers moi, prêt à le lancer.
— A... Adrian, ne fait pas ça..., murmuré-je en me levant, prise de panique. NON, ADRIAN !
Il l'a lancé. Il a lancé le couteau. Je me suis écartée d'un bond, ayant anticipé le mouvement, et la lame ne m'a que frôlée. Le couteau part se planter quelque part sur la table, faisant s'élever des exclamations indignées.
— ADRIAN ! hurlé-je alors qu'il se lève, renversant sa chaise, une expression de pure aversion dans ses prunelles. Reprends-toi, s'il te plaît, Adrian ! Non, non, NON !
Il attrape un autre couteau et marche vers moi, sans aucune hésitation. Je cherche de quoi me défendre, n'importe quoi – la seule chose qui me tombe sous la main est une fourchette.
Les gardes autour de nous réagissent immédiatement, mais Adrian semble inébranlable. J'aperçois vaguement du coin de l'œil Yanos se lever, et des cris commencent à retentir alors que les hommes prennent conscience de la situation.
Un garde empoigne le bras d'Adrian, mais ce dernier fait volte-face et lui plante son arme en plein dans la gorge. La sentinelle s'écroule, éclaboussant son sang un peu partout, et mon prince retire la lame sans aucun scrupule, appuyant de son pied sur le buste de l'homme.
— A-A-Adrian...
Je serre ma fourchette de toutes mes forces dans ma main, mais elle va m'être bien inutile face à la machine à tuer devant moi. D'autres gardent courent s'interposer, et au même moment, un reflet argenté attire mon attention juste à ma droite.
— RECULE, CONNARD ! crie Yanos qui s'est posté à mes côtés, son épée dégainée.
— Je vais te tuer, ricane Adrian d'une voix froide et aiguë qui ne lui appartient pas – la voix d'Obscurité. Je vais te tuer, et je vais te regarder te vider de ton sang.
Les gardes encerclent désormais Adrian. Tout le monde s'est levé, et certains se sont éloignés, d'autres, armés de couteaux ou de broches à viande, fixent le prince d'un air méfiant, craignant sûrement le même sort que la sentinelle gisant au sol.
— S'il te plaît, Adrian, maîtrise-toi..., supplié-je. Ce n'est pas toi, ce n'est pas toi, c'est Obscurité...
— TU NE COMPRENDS RIEN ! rugit-il, lançant son couteau vers moi en même temps.
La lame siffle à mon oreille mais ne me touche pas. Je frémis de peur, faisant un geste sur le côté instinctif, mes doigts suant autour de ma fourchette en or.
— Tu ne comprends pas, c'est moi ! continue-t-il. C'est moi, c'est mon côté sombre, c'est ma véritable nature... Je tue des gens, je tue des innocents, et je vais te tuer, toi aussi ! La prophétie... ne s'accomplira pas... La magie... ne renaîtra pas...
Son corps se secoue de spasmes, et il se met à tituber. Je recule, m'agrippant à Yanos, et regarde Adrian trébucher, hoquetant et sifflant. Il semble en proie à une crise, et se met à crachoter.
Des gardes fondent immédiatement sur lui, l'immobilisant et le redressant. Il se retrouve à genoux, incapable de faire un geste, les bras coincés dans son dos. Du sang macule son nez et son visage, et il continue de tousser – mais ce n'est pas de l'air qu'il crache.
— Yanos, mon Dieu, il tousse du sang !
— Je vois bien, Ciel.
— Mais...
— C'est Obscurité. Tout ce qu'on peut faire, c'est attendre.
J'essaye de faire un pas vers mon compagnon ; Yanos me retient. Adrian continue de se débattre, secoué par ses sanglots, mais les gardes le maintiennent fermement. Certains tentent d'évacuer la salle, mais tout le monde insiste pour rester – ce n'est pas la première fois qu'Adrian dérape. Mais jamais il n'a osé lever la main sur moi.
Je suis obligée de regarder l'homme que j'aime subir le châtiment de son élément, alors que des dizaines de voix me demandent si je vais bien. Je ne suis pas blessée : mais comment pourrais-je aller bien alors qu'Adrian est en train de souffrir ? Ses yeux perdent petit à petit la haine qui les habite, mais il continue d'expulser du liquide sombre. Qu'est en train de lui faire Obscurité ? Elle n'oserait pas le tuer, n'est-ce pas ? C'est moi qu'elle essayait d'atteindre. Nom de Dieu, pourquoi personne ne me laisse l'approcher ? Il a besoin de moi !
— Adrian..., sangloté-je. Adrian...
— Il faut que tu attendes qu'il soit redevenu lui-même, Ciel...
— Il a besoin de moi ! Laisse-moi... aller... le voir !
Je gigote et m'échappe de la prise de Yanos et des quelques gardent qui tentent de me retenir. Je me rue aux pieds d'Adrian, à présent plus apeurée de sa santé que de la menace qu'il représente.
Je pose mes mains sur ses joues, ignorant le sang que je me répands sur les doigts. Affolée, je le force à redresser le menton, luttant contre ces personnes qui essayent de m'arracher à lui. Personne ne m'éloignera de lui. Jamais.
Nos yeux se croisent. Il n'y a plus de colère dans les siens : juste une profonde, irréparable, démesurée tristesse.
Mon corps défaille et mes entrailles se glacent. Mais avant que je n'ai pu dire quoi que ce soit, une poigne plus forte que les autres me tire en arrière, et m'extrait à l'homme que j'aime. Je hurle, je me débats, mais je suis emmenée au loin. Non, il faut que je sois là ! Il faut que je le rassure, que je l'aide à reprendre pied, que je lui dise que je vais bien ! Il faut... Il faut...
— Il a essayé de te tuer, Ciel. On ne peut pas le laisser t'approcher.
La voix de Milène se détache des autres. Je rencontre ses yeux verts, et pendant une seconde, j'espère qu'elle m'aidera. Qu'elle comprendra. Mais à l'air désolé dans son regard, je me rends compte qu'elle n'est pas de mon côté.
— Je suis désolée, mais je n'ai pas le choix, dit-elle en passant sa main sur mon front.
L'instant d'après, c'est le noir complet.
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