43. Infidélité

Une fois hors de vue, je n'ai pas perdu une seconde pour me transformer, cachée dans les arbres d'une forêt dense et particulièrement sombre que nous avons fini par atteindre après une course effrénée.

Le sol est recouvert de feuilles mortes oranges et craquantes, et les sapins verts qui nous entourent sont tellement haut que cette forêt doit forcément être millénaire. Le soleil commence à être bas dans l'horizon, et le temps se couvre. Tout sent l'humidité et la mousse, un mélange de vie sauvage et hostile et d'un piège douillet.

Immédiatement, quittant mon enveloppe de dragon aussi vite que je l'ai appelée, je me jette presque sur Yanos, le cœur battant comme un colibri hyperactif en danger. Mes doigts viennent se plaquer sur sa jugulaire, tandis que je refoule les larmes qui me piquent affreusement les yeux.

Boum. Boum. Boum.

Mon Dieu, si faible, son pouls est si faible ! Il se rythme à une cadence bien trop basse. Les mains tremblantes, je défais sa cape en le poussant sur le dos. Le bruit des sabots derrière moi s'intensifie, étant en avance par rapport à mes deux compagnons. J'entreprends de déboutonner sa chemise et de l'arracher de son torse, pour inspecter ce qui pourrait ressembler à une blessure.

Toujours inconscient, il lâche un grognement incontrôlé quand je palpe ses côtes. L'une d'elle forme une bosse inquiétante, et est chaude sous mes doigts. Je ne suis peut-être pas médecin comme ma mère, mais je sais très bien ce que ça veut dire.

— C'est cassé, couiné-je, ma voix se brisant comme un vase de cristal sur une dalle de pierre.

En miettes. Je me sens en miettes. Mon cœur, mon âme, et maintenant mes cordes vocales. Éparpillés, des morceaux de moi-même se sauvant dans le vent, et je suis incapable de les rattraper.

Je caresse d'un geste spasmodique la joue de Yanos. Mon corps vibre de toutes parts, à la fois soulagé qu'il soit en vie, à la fois paniquée de sa fracture.

— Alors ? me demande Adrian, l'angoisse se trahissant dans sa voix.

— Il a une côte cassée, peut-être deux, sangloté-je, bras ballants, à genoux dans la terre et les cailloux.

Je l'entends sauter à terre et s'approcher, les chuintements sous ses pas se faisant pressants. Il se laisse tomber à côté de moi, et tâte lui aussi la gorge de notre ami.

— Je suis tellement désolé..., croule-t-il, le ton fêlé, lui aussi, fixant les paupières closes et inanimés de Yanos.

— C'est... Ce n'est pas ta faute...

— Ce n'est pas à toi que je m'adressais, répond-il gentiment, levant ses yeux brillants vers moi.

Je sursaute lorsqu'une main se pose sur mon épaule, n'ayant entendu personne arriver.

Heureusement, ce n'est que Milène, les traits ravagés. D'une pression, elle m'intime de m'éloigner, ce que je fais sans poser de questions.

— A... Adrian, aide-moi à le soigner, ordonne-t-elle avec fermeté malgré la douleur que je lis dans ses pupilles rougies, employant volontairement son prénom pour l'interpeller.

— Je peux le faire aussi !

— Non, Ciel, me repousse-t-elle. Ton énergie mystique est déjà bien épuisée. Adrian sera beaucoup plus efficace. Va t'occuper des chevaux, et... et...

Elle ne termine pas sa phrase et se retourne vers le blessé, dont le torse se soulève à peine sous ses faibles respirations.

J'abdique, un peu frustrée, même si je sais que Milène a ses raisons. C'est vrai, après être restée transformée aussi longtemps et aussi grandement, mon énergie est redescendue bien bas. Adrian l'aidera bien mieux que je ne pourrais jamais le faire, à cet instant.

Je calme les chevaux encore affolés, et les attache à un arbre où l'herbe semble tendre autour. Puis je les défais de leurs selles et leurs sacs, qui pèsent sur leurs dos trempés de sueur.

— Braves bêtes, je flatte en tapotant leur encolure.

Puis je fouille dans le sac de mon amie magicienne, cherchant la tente qu'elle a créée hier même. Mais je n'y trouve rien, à part un tissu blanc de la taille d'un mouchoir. Elle a dû rendre à la toile sa taille d'origine.

Mue par un instinct de survie et sûrement légèrement magique, je me mets à me déplacer en traçant un cercle large autour de l'endroit où mes trois autres compagnons sont affairés, marchant doucement et observant les alentours. Mon ventre me chatouille, pourtant mes ailes ne sont pas déployées, et je ne crois pas être en train d'utiliser la magie.

— Ciel, qu'est-ce que tu fais ? me crie Milène depuis la petite clairière où elle s'occupe de Yanos, alors que je suis à mi-chemin de mon trajet sphérique.

— Juste le tour. Simple sécurité.

— Non, qu'est-ce que tu fais vraiment ?

— Rien, répliqué-je, agacée de son ton empli de reproches.

— Alors qu'est-ce que c'est, derrière toi ? rétorque-t-elle avec la même animosité.

Je tourne la tête, sur mes gardes. Mais tout ce que je vois, c'est... un fil bleu, de forme circulaire, qui retrace exactement le chemin que je viens de faire.

— Wow, je lâche, yeux écarquillés.

Ce fil semble presque vivant. Il vibre et projette une légère lumière, tant il est d'un bleu flamboyant.

La même couleur que le feu magique.

À hauteur de bassin, il dégage une espèce d'aura réconfortante et apaisante. Je fais un pas, et immédiatement, le fil se prolonge pour me suivre.

— Je te jure que je n'ai aucune idée de ce que c'est, dis-je, toute ma colère envolée sous la surprise.

— Ça n'a pas l'air dangereux, remarque Adrian, ses yeux devenus un cimetière de larmes silencieuses.

— Ça ressemble à un anneau de sécurité, dit Milène.

— Un quoi ? demandé-je en même temps que le prince.

— Un peu comme un mur infranchissable, soupire notre magicienne. Il est invisible à tous ceux qui ne sont pas admis dedans, et parfaitement imperméable. Je ne sais pas pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt, c'est un sort très compliqué et assez délicat. Comment l'as-tu appris, Ciel ?

— Je ne l'ai pas appris...

Je reprends ma marche ronde en essayant difficilement d'avaler ma salive. Les deux autres se reconcentrent sur Yanos, posant leurs mains sur sa côte blessée, et usant de la magie pour le guérir. J'aperçois du coin de l'œil les ailes noires comme la nuit de mon prince se déployer petit à petit, aussi majestueuses qu'effrayantes, signe de ses efforts pour sauver le général. L'anneau bleu se referme une fois que j'ai fini mon cercle, et lorsque je le touche du bout des doigts, une sensation de chaleur et de sécurité m'envahit aussitôt.

— Pourquoi, Clarté ? je murmure en laissant retomber ma main le long de mon corps fatigué.

— Viens à la rivière, souffle une voix carillonnante dans mon esprit.

La rivière ? Quelle rivière ? Il y a donc une source dans cette forêt ?

En y pensant, je me rends compte que je suis tout aussi assoiffée qu'affamée. Je décide d'aller prendre toutes nos gourdes dont la plupart sont vides, et passe près des plumes sombres d'Adrian pour leur indiquer que je vais à la rivière approvisionner nos réserves d'eau.

— Quelle rivière ? suspecte Milène.

— J'ai entendu le son de l'eau en traçant le cercle, mens-je.

Sans attendre de réponse, je m'enfuis en passant au travers de l'étrange barrière bleue.

D'humeur maussade, je marche jusqu'à être hors de vue, avant de m'arrêter et tendre l'oreille.

Où est cette fichue flotte ?

— Ferme les yeux.

Je m'exécute, répondant aux ordres de Clarté. Bloquant ma vue, je m'ouvre à mes autres sens, notamment l'ouïe. Peu à peu, par-dessus les bruits habituels de la forêt, je discerne un coulis plus clair, plus rapide, qui réveille brusquement ma soif.

Me fiant à mon audition en alerte, je vais là où me semble être la fameuse rivière prometteuse d'eau fraîche. Après quelques minutes à écraser les feuilles sèches sous mes chaussures sales, enfin, je la vois. Vive sur la pierre, brillante par éclats, dégageant une forte odeur humide, le ruisseau moyennement profond court devant moi, d'un mouvement presque joyeux.

Sans pouvoir me retenir, je me jette sur la petite rive et plonge une gourde dedans, avant de la porter à mes lèvres pour boire goulûment. Ma langue râpeuse se réhydrate doucement au fil de mes gorgées, et une fois le feu dans mon estomac apaisé, je prends le temps de remplir chaque bouteille le plus possible.

— Bonjour, Ciel.

Je me retourne vivement, surprise, et me retrouve pour la deuxième fois devant la plus belle femme que je n'ai jamais vue. Ses interminables cheveux blonds reposent sur ses épaules et le long de son dos, là où ses deux ailes blanches comme la lune sont repliées. Son doux visage me sourit, et ses deux mains sont croisées sous son ventre, devant sa robe immaculée qui glisse jusqu'à ses chevilles. Elle est pieds nus, sur les roches mouillées et glissantes, mais semble aussi sereine que lors de notre entrevue en haut de la tour du château. Je dois cligner plusieurs fois des paupières pour être sûre de ce que je vois.

— Clarté, soufflé-je, frappée par sa splendeur divine.

— Viens par là.

Elle ouvre ses deux bras en penchant légèrement la tête de côté, et je cours m'y réfugier après avoir posé toutes mes bouteilles dans l'herbe. Je suis étonnée qu'elle m'offre une étreinte aussi bienveillante, comme si pour moi elle était trop digne et trop précieuse pour que je puisse la toucher. Mais quand ses bras se calent dans mon dos et me serrent doucement, je perds toute trace de peur et de méfiance pour m'abandonner à sa chaleur et son parfum boisé. Il émane d'elle une atmosphère si humble et puissante que j'en ai le souffle coupé. Me transformer en dragon intouchable aussi grand qu'une petite colline ? Ridicule, comparé à la force mystique que je sens courir sous sa peau.

— Je suis un élément brut, rit-elle dans mon oreille, lisant certainement dans mes pensées. Il est normal que je possède un pouvoir bien plus primitif que le tien. Mais ne t'inquiète pas, ce que tu fais est déjà très impressionnant. Moi-même, j'étais surprise. Je n'aurais jamais cru que tu puisses atteindre une telle taille, et encore moins en si peu de temps.

— Est-ce que vous pouvez faire quelque chose pour Yanos ? je demande, une pointe de panique me traversant le cœur.

— Tes amis se débrouillent à merveille. Ils n'ont pas besoin de mon intervention.

— Clarté... Pourquoi...

— Pourquoi je prends parfois le contrôle de la magie qui t'habite pour t'aider ? Pourquoi je te souffle des intuitions par moments, comme ce matin, quand vos assaillants arrivaient ? Pourquoi ces hommes portent-ils des dragons à leur cou ?

— Euh...

Désarçonnée par la limpidité avec laquelle elle lit en moi, je reste coite une seconde, avant de reprendre mes esprits. À l'instant où je m'apprête à parler, elle me devance, ses yeux aussi bleus que les miens me transperçant jusqu'aux os.

— Pour te protéger. Si je te fais faire quelques petits tours de magie, c'est pour te protéger. L'instinct que tu as eu ce matin en te réveillant, c'était moi. Tes réflexes surdéveloppés pour te protéger de l'homme à la hache, c'était moi. Le fil bleu, autour de votre campement, c'était moi. Parce que j'essaye tout prix de te protéger, ma petite.

— Me protéger de quoi ?

— Pour te garder en vie, Ciel.

Ses mots me font froid dans le dos. Est-ce normal, à seize années, d'être autant confrontée à la mort ? Ou même de supporter tout ce que je supporte ?

— Je sais que c'est dur, reprend-t-elle, répondant à mon monologue intérieur. Je suis désolée que tout se déroule ainsi. Je fais de mon mieux pour t'aider.

— Qui sont ces hommes qui ont essayé de nous tuer ? Avec le collier étrange ?

À ma surprise, Clarté détourne les yeux pour venir fixer l'eau qui coule à côté de nous. Elle semble se perdre dans ses propres pensées, et ouvre la bouche sans en sortir aucun son. Hésiterait-elle à me dévoiler ce qu'elle sait ?

— Ce n'est pas ça, contredit-elle avec un sourire triste. Le problème, c'est que je ne sais pas qui ils sont, justement. Ces dragons m'intriguent énormément. J'ai un sombre pressentiment les concernant, ma petite. Méfie-toi. Redoublez de vigilance, toi et tes amis, cachez-vous, ne prenez aucun chemin, et tracez des anneaux de sécurité comme je t'ai faite faire plus tôt.

— C'est l'insigne royal, celui du dirigeant suprême, et aussi d'Adrian, je lâche en regrettant immédiatement mes paroles.

Les iris de mon élément se relèvent pour venir scruter mon visage, un petit air étonné lui faisant hausser ses sourcils blonds.

— Ce n'est pas lui, je peux t'en assurer. En revanche, ce peut être l'œuvre d'Obscurité, même si je n'ai aucune idée de la façon dont elle aurait pu agir. Peut-être...

— Peut-être ?

— Je ne veux rien avancer sans savoir, ma petite, élude-t-elle. Pour l'instant, occupe-toi de remettre ton ami Yanos sur pieds, et de garder Adrian hors de l'eau. Ces temps-ci plus que jamais : sa part sombre peut gagner du terrain s'il n'est pas vigilant.

— Mais pourquoi serait-ce à moi de sauver tout le monde ? geigné-je en voyant les contours de la femme s'estomper doucement. Ne partez pas encore, s'il vous plaît !

— Parce que la prophétie en a décidé ainsi. Tu dois rester forte, Ciel. Tout finira par s'arranger si tu ne perds pas espoir.

— J'ai peur, m'exclamé-je dans un ultime sanglot, essayant de retenir des yeux la Clarté désormais presque transparente.

— Je veille sur toi. Sois forte, ma petite. Le jour viendra où le vent tournera. Aie confiance.

Elle disparaît, me laissant seule, sur les pierres mouillées, un pied presque dans la rivière, plus confuse que jamais. Incapable de rester immobile, je remballe rapidement mes gourdes et me hâte de retourner vers mes compagnons, la nuit commençant sérieusement à s'installer autour des arbres touffus.

Je finis par vite apercevoir le fin cercle bleuté, flottant paresseusement en l'air, attendant que je rentre en son sein pour me protéger des étranges menaces qui rôdent aux alentours. Je ne me fais pas prier et me hâte de traverser la limite magique, soudain envahie d'une agréable sensation de quiétude et de paix.

Remarquant bien vite une tente identique à celle de la nuit dernière érigée là où mes compagnons se trouvaient plus tôt, je trottine pour les rejoindre, pressée de voir l'état de Yanos. Un feu – bien orange et normal, dépourvu de quoi que ce soit de surnaturel – brûle paisiblement devant l'entrée, et la chair de ce qui semble être un lapin rôtit paresseusement au-dessus, maintenu par des branches plantées dans la terre molle.

— Adrian ? Milène ? j'appelle en écartant les pans de la tente pour y passer ma tête.

Des cris de surprise résonnent brutalement tandis que les deux concernés s'écartent brusquement l'un de l'autre, malheureusement pas assez vite pour que je n'aperçoive pas l'étreinte serrée dans laquelle il se complaisaient, Milène prestement collée sur le torse d'Adrian.

— Que...

Mon cerveau encore déboussolé décode lentement leurs regards coupables. Ma bouche s'ouvre d'elle-même, mue par la stupeur.

— ... Adrian ? je couine finalement, sentant mon cœur s'effondrer dans ma poitrine sous le poids de la peine naissante.

— Ciel, ce n'est pas ce que tu crois..., commence-t-il, mains levées vers moi, comme si j'allais lui sauter dessus.

Mes pensées déjà floues s'embrouillent de plus belle. Adrian... et Milène ? Comment est-ce possible ? Comment n'ai-je pas pu le voir auparavant ?

— On était en train de..., débute la blonde.

— Je ne veux pas savoir, coupé-je. Je ne veux pas entendre de « on ». Je vais vous foutre la paix, je voulais simplement savoir comment va Yanos. Où est-il ?

— Il va beaucoup mieux. Il est sorti prendre l'air.

— Alors lui aussi il ne pouvait pas supporter de vous voir, marmonné-je en reculant pour effacer leurs visages désolés de ma vue.

Je secoue la tête en me massant un peu trop fort les tempes. Sérieusement, à quoi est-ce que je m'attendais ? À ce qu'Adrian ne soit attiré que par la petite fermière maigrichonne et naïve que je suis ? Qu'il ne se passe jamais rien entre cet Apollon prince d'un immense royaume, et la fille d'un duc défunt, aussi belle et rayonnante que les rayons du soleil lors des beaux jours de printemps ? Que je sois unique à envier ses lèvres roses et ourlées ? À vouloir glisser mes doigts dans ses cheveux bouclés devenus trop longs ?

— Ciel ? chuchote une voix que je connais maintenant trop bien.

Une ombre se détache de l'ombre et Yanos, claudiquant et torse nu, la poitrine bandée d'un grand drap de fortune, marche à pas de loup vers moi.

— Tu... Je... Ça va, je veux dire... Tu...

— Ma côte va beaucoup mieux, t'en fais pas. Je n'ai presque plus mal, et je peux à peu près bouger les bras. Par contre, toi, tu es aussi pâle qu'un mort. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— C'est... C'est...

Incapable de respirer correctement ou d'aligner plus de deux mots, je me laisse tomber en tailleur devant la viande cuisante, réchauffée par les flammes léchantes. Yanos m'imite en grimaçant, tenant son flanc, là où plus tôt il arborait une méchante fracture.

— Vas-y, je t'écoute, m'encourage-t-il.

— Je suis débordée ! J'ai tué un homme aujourd'hui, j'ai souillé mon âme et ma conscience en plantant cette fichue flèche dans cet homme, et j'ai eu peur, terriblement peur de mourir ! Je me sens misérable, et faible, et nulle, et... et il y a quelques minutes encore, Clarté s'est matérialisée pour me parler, et m'a dit que je devais protéger tout le monde, mais je suis pas sûre d'en être capable, Yanos ! Comment je pourrais sauver vos vies alors que je peine à sauver la mienne ? Et ce groupe qui nous a attaqués, ils portaient tous un pendentif avec un dragon, l'insigne royal de chez nous... Qu'est-ce que c'est censé dire ? Qui nous veut du mal à ce point ? Qu'est-ce qu'on a fait ? Et là, comble de tout, je viens de surprendre Adrian et Milène en train de... de...

Mes mots meurent dans ma gorge, et je me rends compte que je me suis relevée de colère, et que j'ai littéralement hurlé ma dernière phrase. Les yeux du général s'écarquillent de stupéfaction, et il se met à bégayer :

— Tu veux dire qu'ils ont... Qu'ils étaient en train de...

— Oh ! Euh... Non, ils ne faisaient pas... ce que tu crois ! m'exclamé-je, rouge de honte. Ils étaient juste... très serrés... l'un contre l'autre.

Mon ami ne répond rien et se perd dans la contemplation du feu tandis que je me rassieds à ses côtés.

— Tu sais pourquoi ça te fait de la peine ? demande-t-il précautionneusement.

— Parce que je croyais qu'il n'y avait que moi, aux yeux d'Adrian, gémis-je en ramenant mes genoux vers ma poitrine.

— T'es pas un peu amoureuse de lui ?

Je relève vivement les yeux pour croiser les siens, brillants comme deux scarabées. Sa question est sérieuse, ce qui ne me désarçonne qu'encore plus.

— Si. Complètement.

— Je comprends que ce soit difficile. Au moins, dis-toi que tu n'es pas seule à souffrir.

– Que...

Il me fait signe de me taire en posant son index sur ses lèvres, jetant un regard explicite derrière moi. Puis il tourne la viande au-dessus du foyer, dorant la peau craquante de toutes parts, un sourire innocent sur le visage.

— Ciel, il faut qu'on parle, dit doucement Adrian, derrière moi, sorti de la tente.

C'est certain.

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