29. Envahie par l'obscurité
— Je peux savoir qu'est-ce qu'on fait là ? me demande Yanos pour la énième fois.
— Chut, pas de bruit.
J'approche à pas feutrés du couloir souterrain où se trouve la mystérieuse cavité, poussée par je ne sais quelle force invisible qui me souffle qu'Adrian est ici.
— C'est super bizarre, comme endroit, commente le garde.
— Tais-toi, bon sang !
Il obéit et continue de me suivre alors que je commence à marcher sur les pierres froides.
Il a raison ; l'ambiance est terrifiante. La seule torche encore allumée ne projette pas assez de lumière pour voir correctement, et créé d'innombrables endroits obscurs propices à des choses interdites.
— Adrian ?
Aucune réponse. Le sang bat dans mes oreilles avec une pulsation sourde, et j'ai peur, même si je tente de me prouver le contraire.
— Adrian... ?
Toujours rien, je continue de marcher de plus en plus vers l'obscurité.
C'est là que je l'entends. Glacial. Effrayant. Intimidant. Bestial. Le rugissement. Le hurlement.
— C'est lui ! je m'écrie, courant sans m'en rendre compte.
— Ciel, attends ! T'es malade ? Tu veux aller le voir alors qu'il... il...
— Alors qu'il est en dragon ? Yanos, c'est notre corps qui se transforme, pas nos pensées. Il n'est pas différent de d'habitude.
— J'en doute...
Et je l'ignore royalement, reprenant ma course.
Je n'écoute ni Yanos, ni ma raison, et m'engouffre dans la cavité sans hésitation.
Je suis immédiatement assaillie par un vent froid qui brûle ma peau, accompagnée d'un mauvais pressentiment. Mais je reste imperturbable et marche avec conviction sur la terre gelée de cette gueule noire.
— Ciel...
Les chuchotements reviennent, bien plus pressants. Je regarde derrière moi, m'attendant à voir la lumière du couloir, mais... rien.
Tout autour de moi, du noir, une encre impénétrable.
Je tourne sur moi-même, cherchant la sortie d'un regard affolé, mais je me rends à l'évidence ; j'ai été engloutie par cette obscurité.
La peur se transforme en panique, et ma respiration s'accélère tandis que je ne sais pas quel chemin prendre. Les chuchotements sont à présent devenus des voix, précises et distinctes.
— Viens, Ciel. Viens.
— Yanos ? Adrian ? gémis-je.
Soudain un cri strident frappe mes tympans à quelques centimètres de mon visage. Je recule en hurlant, et trébuche, m'étalant sur la terre dure dans un bruit sourd.
— ADRIAN ! crié-je de toutes mes forces.
Mais rien, à part ce hurlement qui s'est arrêté, et ces voix qui semblent tourner autour de moi.
Quelque chose m'attire dans ce mal, quelque chose me captive. J'ai l'impression que l'effroi qui se dégage de cet endroit... m'appelle.
« Tu sais ce que signifie Adrian ?
— Non.
— Ça signifie Obscurité. »
Ma conversation avec le prince me revient en tête. Puis tous mes souvenirs concernant les moments où Adrian me faisait peur surgissent. Toutes les fois où il me semblait empreint de mal.
Le bout de mes doigts me brûle soudainement, comme s'ils étaient en feu. Je crie, incapable de contenir ma folie, m'allonge en position fœtale et éclate en sanglots.
— Ciel ?
— LAISSEZ-MOI ! je hurle aux voix qui m'appellent.
— Ciel, mais qu'est-ce que tu fais là ?
— A... Adrian ? hoqueté-je en reconnaissant sa voix.
— Pour l'amour de Dieu, pourquoi es-tu venue ici ?
Des mains se posent à tâtons sur moi, cherchant mes mains. Une fois trouvées, mon prince me relève et me prend dans ses bras.
Les voix continuent de m'appeler, et le feu sur mes doigts s'étend brutalement à mes mains. Ce n'est pas la même douleur que lorsque je le transforme – cette douleur-là est malsaine, insupportable.
Adrian commence à marcher, apparemment très sûr de ses pas, tout en me serrant contre lui. Je sanglote, les larmes brûlant mes joues trop souvent mouillées. Puis la lumière couloir se faufile jusqu'entre mes paupières. Je distingue le souterrain, et la silhouette de Yanos, puis sa voix accusatrice.
— Qu'est-ce que vous lui avez fait ?
— Je l'ai sauvée, imbécile !
— Oh, mon Dieu, ses mains... !
— Je sais. Aide-moi à l'allonger.
Je sens qu'on m'étend sur une surface froide, et à travers le brouillard de mes yeux, voit les deux hommes se pencher au-dessus de moi.
— Non, Ciel, reste avec nous !
Trop tard, je perds connaissance, le cerveau taché d'une obscurité collante et sournoise.
•⚔︎•
J'ouvre les yeux dans un endroit magnifique. En réalité, il n'y a rien, à part un blanc réconfortant tout autour de moi, mais l'ambiance est magnifique. Je me sens bien, en accord avec la magie qui m'entoure.
Comme dans mon rêve, songé-je.
Alors c'est ça ? Je suis en train de rêver ?
Je cherche des yeux le point noir, sachant pertinemment qu'il sera là. Bingo, je le repère, et marche vers lui sans hésiter.
Mon air serein laisse place à une autre émotion ; la colère. Cet Obscurité, qui qu'il soit, m'a fait du mal.
Je jette justement un coup d'œil à mes mains, qui me faisaient tant souffrir tout à l'heure. Elles sont... Elles sont...
On dirait que je les ai plongées dans du charbon. Elles sont noires, sinistres, comme brûlées, tâchées de sang par endroit.
— Obscurité ! appelé-je en criant à la silhouette qui se découpe face à moi.
— Ciel.
Sa voix est calme, maîtrisée, mais glaciale.
— Qu'est-ce que tu me veux ?
— J'ai besoin de toi.
— Tu m'as fait du mal !
Je désigne mes mains meurtries, le regard accusateur. Cette silhouette et cette voix... me rappellent quelqu'un. Mais impossible de savoir qui.
— Je ne peux pas m'empêcher de t'attirer. Mais j'ai besoin que tu restes comme tu es, Ciel. Reste la Clarté, reste celle que tu es au fond de ton âme. Tu n'es pas aussi corrompue que moi, sauve-toi de mes erreurs. J'ai besoin que tu sois celle que tu as toujours été.
Je médite ses paroles. N'est-ce pas trop compliqué pour être un simple rêve ?
— Obscurité, je...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que mes paupières s'ouvrent tandis que je suis arrachée à mon sommeil.
— Non ! je crie, frustrée.
Je ne sais même pas pourquoi je le suis, d'ailleurs. Ce mot est simplement sorti d'entre mes lèvres.
— Ciel ? demande une voix pâteuse.
Je tourne la tête et voir Adrian, assis sur une chaise, l'air endormi. Il me regarde avec des yeux vitreux. Est-ce qu'il a dormi ici... ?
Je remarque que je suis dans ma chambre. Quand je baisse le regard sur mon lit, je vois que Yanos y est allongé, à côté de moi, ronflant paisiblement.
— Qu'est-ce qui se passe, ici ? je siffle.
— Tu es tombée dans les pommes. On t'a emmenée ici, et on a appelé ta mère. Elle a demandé à ce qu'on reste pour te surveiller parce qu'elle avait une urgence à soigner.
— Et dans le souterrain ?
Il souffle en glissant une main entre ses cheveux.
— Je préfère qu'on en parle demain. Je ne me sens pas assez en forme pour tout t'expliquer.
Je jette un coup d'œil à mes rideaux, et remarque qu'il fait nuit. Je suis donc restée évanouie tout l'après-midi ?
— Tu vas dormir sur cette chaise ? questionné-je en le voyant se réinstaller en grognant.
— Il y a déjà Yanos dans le lit.
— Ne fais pas l'idiot, il y a de la place pour quatre personnes. Viens là, dis-je en me décalant et tapotant l'endroit près de moi.
Il obéit sans un mot, ôtant simplement ses chaussures et sa veste, et s'allonge comme un enfant en enfouissant sa tête dans mon cou.
À nous deux, Obscurité, pensé-je en sentant le sommeil s'emparer de moi à nouveau.
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