Une ombre dans la nuit

La nuit était sur le point de tomber et une ombre se faufilait à travers les ruelles tortueuses de la cité. Discrète et fluette, elle se mouvait à pas feutrés, évitant les grandes artères encore bouillonnantes d'activité. Rapidement, elle se dirigeait vers les faubourgs, plus calmes en cette heure tardive. Sur les pavés, son pas léger et aérien trahissait une habitude à se mouvoir en toute discrétion. Une cape brune, dont la capuche cachait les traits du visage, laissait entrevoir, à chaque foulée, des jambes fines que recouvraient un pantalon de lin et des bottes de cuir parfaitement ajustées.

Arrivée devant une petite maison à l'allure modeste mais bien entretenue, la silhouette fit jouer un loquet de métal sur la porte. Trois coups brefs. Quelques instants d'attente, puis le battant s'ouvrit pour laisser place à une immense et massive silhouette.

— Entrez ! retentit la voix grave et gutturale d'un troll.

L'ombre se faufila derrière le grand gaillard et le suivit jusqu'à un salon dont la décoration somptueuse contrastait bizarrement avec les fêlures des murs. Ces derniers avaient un aspect rugueux, granuleux même, comme des crêpes mal faites. On devinait que les tableaux qui y trônaient avaient été placés là pour le confort momentané du locataire des lieux... ou pour flatter un ego disproportionné.

C'est vers cette théorie que l'ombre était tentée de se tourner. En effet, installé dans un fauteuil de velours finement sculpté, ledit maître des lieux attendait son invitée en sirotant une décoction vermillon. Sans âge, les traits de son visage étaient aussi lisses que ceux d'un nouveau-né. Il aurait pu paraître agréable, mais son air hautain et suffisant, faisant échos aux multiples portraits de lui qui habillaient les contours de la pièce, avait de quoi glacer l'ambiance. Deux oreilles fines et pointues frétillèrent légèrement de mécontentement lorsque leur propriétaire avisa la silhouette, toujours encapuchonnée, qui se tenait en face de lui.

— La bienséance voudrait que vous vous découvriez devant votre hôte, lança l'elfe avec mauvaise humeur.

— Toutes mes excuses, lui répondit une voix indéniablement féminine, mais vous comprendrez, j'en suis certaine, que préserver mon anonymat est une nécessité dans mon métier.

L'elfe grogna puis se leva, surplombant de sa haute taille son interlocutrice. Il se dirigea vers un secrétaire et en retira une liasse de parchemins soigneusement attachés ensemble.

— Tenez, fit-il en les tendant à son vis-à-vis. Je veux que ces documents arrivent à bon port avant la nouvelle lune.

— C'est dans trois jours, lui fit remarquer l'ombre.

— Cela vous pose un problème ?

— Pas le moindre, répondit l'ombre, non sans une pointe d'ironie. Ces parchemins seront livrés à temps, je vous le garantis.

— J'ose l'espérer vu vos tarifs !

— L'efficacité a un prix, et la discrétion aussi. Nul n'a jamais eu à se plaindre de mes services.

— Hum... fit l'elfe en reniflant dédaigneusement.

— Cependant, un délai aussi court nécessite plus de risques à prendre. Cela vous coûtera un supplément.

L'elfe tiqua, mais ne fit aucun commentaire sur cette extorsion imprévue. On lui avait dit que cette agente était la meilleure dans son domaine, et du reste il n'avait pas le choix. Il lui lança la bourse qu'il gardait toujours dans la poche de son pourpoint. La silhouette l'attrapa avec grâce et agilité, puis s'inclina et prit congé.


Une fois au-dehors, elle se faufila dans de nouvelles ruelles, son précieux paquet sous le bras. Elle avait encore une chose à faire avant de filer hors de la cité pour remplir sa mission.

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