[Nouvember 2023], jour 9 : violon
Deux heures durant, Tori surveilla les allées et venues des cinq occupants du manoir jusqu'à être certaine qu'un sixième ne se cachait pas quelque part. L'obscurité était totalement tombée et la jeune femme referma son blouson en frissonnant légèrement. Les nuits étaient fraîches en cette saison.
A l'intérieur de la demeure, le groupe commença à s'agiter. La jeune femme savait pourquoi. Ces créatures chassaient la nuit ; quant à savoir ce qui serait sur leur tableau de chasse, toute la question était là.
Depuis la signature du Pacte, trente ans plus tôt, les humains et certaines races de créatures anciennes cohabitaient en harmonie... du moins sur le papier. La réalité était bien différente. Alors que les humains découvraient l'existence de tout un monde caché, les peurs ancestrales s'étaient exacerbées et le chaos s'était installé provoquant des dérives des deux côtés. Car, bien que le Pacte interdise aux créatures de s'en prendre aux humains, dans les faits nombre d'entre elles faisaient fi de cette condition. Et c'était également sans compter sur un nombre inconnu d'espèces non répertoriées qui continuaient de sévir dans l'ombre, comme ce fut le cas pour feu le monstre de la mine. De l'avis de beaucoup donc, la création de ce traité avait été comme de pisser dans un violon.
L'Ordre Tutaris, existant depuis des centaines d'années, était alors sorti de l'ombre à son tour et, dès lors, s'était employé à maintenir une certaine forme d'autorité au sein de cette nouvelle société composite. Les chasseurs étaient souvent recrutés pour régler les problèmes quand ils survenaient. Cela allait de la simple mission de médiation à l'exécution de créatures dont les têtes étaient mises à prix. On aurait pu croire qu'un Ordre de cette importance relevait d'une hiérarchie stricte, mais en réalité ses membres étaient tous indépendants et fonctionnaient pour la plupart plus par appât du gain que par altruisme et ce, en raison d'un nombre croissant d'aventuriers se découvrant une vocation de chasseur sur le tard. Tori, quant à elle, faisait partie d'une des rares lignées de chasseurs remontant à la création de l'Ordre. Elle profitait des fruits d'une expérience et d'une sagesse qui faisaient grandement défaut à beaucoup de ses collègues.
La porte du manoir s'ouvrit, laissant place à ses cinq habitants. Tori se raidit inconsciemment. Elle avait pris ses précautions pour ne pas être détectée, mais elle mit la main sur la crosse du Glock, juste au cas où.
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