Des comptes à rendre
Gabriel n'en menait pas large. Pour se donner un peu de courage, il sortit une flasque de son vieux pourpoint et but une bonne lampée du tord-boyau qu'elle contenait. Sa mission aurait dû être simple, mais il n'avait pas prévu que son gibier soit aussi difficile à attraper. Le gobelin lui avait caché que la fée était aussi maligne et bonne combattante. Lorsqu'elle avait attaqué leur base pour récupérer son barde, la fée lui avait asséné un coup de poings en pleine face, un bon ravalement de façade que l'homme, prit par surprise, avait du mal à encaisser. Gabriel pestait intérieurement ; il aurait dû faire souffrir un peu plus le petit maître chanteur, ce dernier se serait très certainement montré plus prolixe dans les détails concernant la fée.
Mais Gabriel était encore confiant ; l'heure viendrait de rendre des comptes et cette petite garce ailée n'y échapperait pas.
- Hey Gabe !
L'interpellé se tourna vers celui qui venait de l'apostropher.
- Quoi ! Lança-t-il avec hargne.
- Elle est là.
Gabriel déglutit, soudain aussi mal à l'aise que son comparse. Peste ! Pourquoi venait-elle en personne ?
Il se leva juste à temps avant que la porte ne s'ouvre sur une silhouette grande et altière, dont les traits du visage étaient cachés par une ample capuche de fourrure. Aussitôt, tous les hommes présents baissèrent la tête.
- Sortez tous ! Fit une voix de femme, froide et tranchante.
Tous s'exécutèrent. Gabriel et la femme restèrent seuls.
Cette dernière prit le temps de dévisager son vis-à-vis, savourant l'éclat de méfiance et d'appréhension qu'elle lisait dans son regard. Elle grimaça dédaigneusement lorsqu'elle vit le bleu qui habillait vilainement le visage de son homme de main.
- Eh bien, eh bien, eh bien... où est-elle ?
- Elle se dirige vers le château du duc, Madame.
- Ta mission était facile pourtant. Je t'avais ordonné de me la ramener, et toi tu la laisses filer entre tes doigts. Tu me déçois Gabriel.
- Il n'est pas encore trop tard Madame, nous pouvons encore l'intercepter. J'ai mis tous mes hommes sur le coup. Certains surveillent déjà le château du duc, elle ne pourra pas s'en approcher sans qu'on lui tombe dessus.
- Hum... fit la femme, ne semblant guère convaincue. Je l'espère pour toi ; je ne saurais tolérer un nouvel échec.
Gabriel baissa la tête. Il savait que la femme donnait rarement de seconde chance. Heureusement pour lui, il restait le plus efficace de ses hommes, et elle le savait tout autant que lui.
- Et qu'en est-il de l'autre problème ? As-tu réglé son compte au gobelin ?
- Oui Madame, cette crapule ne pourra plus faire chanter le marquis.
La femme grimaça de dégoût à la mention de son époux. Ce gros balourd ventripotent n'était bon qu'à s'attirer des ennuis avec ses petites magouilles pécuniaires. Si elle n'avait pas eu besoin de son titre et de sa position, il y a longtemps qu'elle lui aurait fait passer l'arme à gauche.
Ceci dit, si elle relativisait, c'était grâce aux déboires du marquis avec ce gobelin qu'elle avait pu retrouver la trace de ce qu'elle cherchait depuis tant d'années. A toute chose malheur était bon finalement.
- Bien, tu sais ce qu'il te reste à faire Gabriel. Ramène-moi ce que je veux, sans tarder.
- Ce sera fait Madame, vous pouvez compter sur moi.
Un dernier regard glaçant et appuyé, puis la marquise prit congé. Gabriel laissa échapper un soupir de soulagement. Il n'était jamais simple d'avoir affaire à elle en personne, mais elle payait bien ; le jeu en valait la chandelle. Et en bonus, il aurait sûrement le droit de s'occuper lui-même d'un petit minois féerique.
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