15. Ton odeur
LEV
Allongé à l'envers sur le lit et les jambes relevées contre le mur, je tire une énième bouffée de ma clope et manque de me brûler les doigts en m'apercevant qu'elle est déjà plus que consumée. Je soupire et balance mon mégot dans l'une des chaussures de Gian qui traîne dans un coin. Je m'ennuie.
Je laisse tomber sur mon visage la liasse de documents que je lisais jusqu'ici et hume l'odeur de papier qui s'en dégage. Qu'est-ce que j'en ai à foutre d'où les ministres investissent leur argent ?
— T'abandonnes déjà ?
Je roule sur le ventre et me redresse sur les avant-bras pour croiser le regard moqueur de Gian, calmement assis derrière l'imposant bureau de sa chambre. On dirait un pacha avec ses habits de luxe, son air suffisant et son petit plateau repas doré posé près de son ordinateur. Quel connard.
— C'est chiant, protesté-je. C'est ton boulot ça.
— Tu veux dire, tout faire ?
— Ouais.
Je retrace distraitement les motifs inscrits sur le drap en soie. Je sais qu'il est important de connaître les actions des puissants de ce pays, que ce soit pour s'en faire de futurs associés ou pour éviter qu'ils ne deviennent des ennemis. Mais bordel, qu'est-ce que ça peut me foutre que le ministre des finances achète de la cocaïne et blanchisse son argent aux Bahamas ? Ce n'est pas ma voix qu'on écoutera si je le dénonce.
— Je ne pensais pas que tu saurais lire.
Je lance un regard blasé à Gian et ignore le sien, goguenard.
— J'ai appris tout seul.
Je l'entends répondre, mais ne l'écoute pas et laisse mon visage s'enfoncer dans le matelas. Toute sa putain de chambre empeste de ses phéromones, mais l'odeur est particulièrement enivrante dans son lit. J'aimerais affirmer que cela me répugne, mais mon stupide corps semble l'entendre autrement et ne cesse de rechercher ces effluves boisées, viriles, auxquelles se mêle la fragrance de son eau de Cologne.
Je fronce les sourcils contre le drap. Je n'aime pas que mes sens s'éveillent à son odeur, je n'aime pas que mon esprit s'en enivre inconsciemment, je n'aime pas que mon ventre s'échauffe en le voyant. Bordel... Ma nature d'oméga me dégoûtera jusqu'au bout !
Soudain, le matelas s'affaisse à mes côtés et je sens un poids s'étendre contre moi. Je tourne la tête sur le côté et un drôle de frisson agite mon corps lorsque mon regard rencontre le visage de Gian, les yeux fermés, complètement apaisé. Allongé sur le dos, sa tête a légèrement roulé sur son épaule gauche, dévoilant la peau hâlée de son cou et une partie de la cicatrice que je lui ai laissée ce jour où, dans son bureau, le désir a ravagé les dernières parcelles de notre raison.
Je ne l'avais jamais remarqué avant, mais ses cils sont d'une longueur peu commune. Je les observe, reposant doucement sur sa pommette, et réprime l'envie de les effleurer. Quelques mèches de ses cheveux aussi noirs que sa barbe tombent négligemment sur son front et je remarque un petit grain de beauté juste au-dessus de son sourcil droit.
Agacé par mon attitude contemplative, je fronce le nez et tente de détourner le regard, mais ce dernier s'accroche à la base du cou que laisse entrapercevoir le nœud de cravate desserré. Les trois premiers boutons de sa chemise sont ouverts, révélant impudiquement le haut de son torse musclé.
— Tu aimes ce que tu vois ?
Je me raidis en entendant la voix grave de Gian si près de moi et dois me faire violence pour rester complètement impassible.
Ses longs cils se sont relevés et surplombent désormais deux orbes si sombres qu'il est difficile de distinguer la pupille de l'iris. Pourtant, au fond de ces prunelles noires, une étincelle de désir flamboie désormais sans discrétion.
— J'aimerais surtout que tu ne me colles pas autant, répliqué-je d'un ton ennuyé.
Gian sourit d'un air presque carnassier et roule sur le flanc, s'appuyant sur un coude pour soutenir sa tête.
— J'ai cru que tu m'appelais, à t'allonger ainsi sur le ventre et à m'exposer ton cul, me provoque-t-il avec un petit rictus effronté au coin des lèvres.
— Incapable de retenir tes ardeurs ?
— Pas avec toi.
Je tente d'ignorer la vague de chaleur qui vient de retourner mon estomac et pousse sa joue avec mon poing.
— Putain d'alpha.
Le sourire de Gian s'accentue, puis son air redevient sérieux, son regard plus intense. Je fronce rapidement les sourcils et me mets sur mes gardes en voyant ses traits figés dans une sorte d'attente fébrile qui me met mal à l'aise.
— Je... peux te sentir ? hésite-t-il d'une voix déjà enrouée par l'envie.
J'ai un mouvement de recul en entendant ses paroles.
— Quoi ?
— Ton odeur... Elle met tous mes sens en alerte.
— Je ne sens rien, rétorqué-je, méfiant.
— Si... Depuis ce soir chez Petrucci, je ne sens plus que toi, j'ai l'impression que tu essaies de me retourner le cerveau.
— Je suis sérieux Gian, je ne dégage aucun phéromone en temps normal.
— Alors peut-être que tu réagis simplement aux miennes.
Je me tends et crispe mes doigts contre le drap. Je n'aime pas cette idée.
— Arrête tes conneries.
— Lev... Juste une fois.
Je ne sais pas quoi répondre. Je sens mon estomac rugir de colère à l'idée qu'un putain d'alpha puisse penser que je réagis à ses phéromones, mais d'un autre côté, je sais pertinemment qu'il n'a pas tort. Je la sens, cette drôle de sensation en moi qui me pousse à m'enivrer de l'odeur de Gian, cette recherche involontaire de ses effluves qui enflamment mes sens et brouillent mon esprit. Je devrais le fuir, je le sais très bien ; cette perte de contrôle encore à peu près maîtrisée peut devenir dangereuse si je m'y engouffre, si je perds réellement pied et m'abandonne à ce connard. Je n'en ai aucune envie ; je ne possède aucune faiblesse et ne souhaite absolument pas que cet imbécile imbu de lui-même devienne ma première. Je dois le repousser.
Et pourtant, la seule putain de chose que je suis capable de faire est de fermer les yeux et remonter mes cheveux sur ma nuque, autorisant implicitement Gian à faire ce qu'il veut.
Je sens le corps de ce dernier se crisper d'excitation en me voyant faire, mais son geste reste doux lorsqu'il approche ses doigts de mon oreille et en retrace le contour. Je serre les dents et enfouis plus profondément mon nez dans le drap, refusant de laisser le frisson que sa caresse me procure descendre le long de mon dos.
Ses doigts glissent dans mon cou, puis son nez prend la relève, effleurant ma nuque, tandis que son souffle chaud fait se dresser mes petits cheveux. L'une de ses mains vient s'enfouir dans mes mèches blondes et je le sens presser plus fortement son nez contre ma peau et prendre une grande inspiration qui m'arrache un foutu frisson.
— Tu sens si bon.
Son grognement provoque une vague de chaleur dans mon bas-ventre et je me mords l'intérieur des joues pour ne pas craquer. Ses lèvres frôlent la peau fine de mon cou puis se pressent à la base de celui-ci, déposant un baiser brûlant qui enflamme mes sens. Sa main glisse de mes cheveux au col de mon t-shirt qu'il tire pour avoir un meilleur accès à ma nuque. Sa bouche vient taquiner cette dernière, égrenant quelques baisers avant que sa langue ne prenne le relais et remonte jusqu'à mon lobe d'oreille.
Un violent frisson m'agite et je sens mon sexe commencer à se réveiller. Pourtant, au même moment, les dents de Gian râpent contre ma nuque et le contact provoque un si vif réflexe en moi que je n'ai pas le temps de contrôler mon geste. J'entends le grognement de douleur de Gian puis le vois reculer la tête, deux doigts pressés sur ses narines d'où s'écoule un flot de sang. Je me redresse d'un bond, le cœur tambourinant dans la poitrine, et contracte inconsciemment mes poings. La peur et la colère agitent mes entrailles et je sens mes bras trembler de façon incontrôlable.
— Je n'allais pas te marquer, gronde Gian désormais assis en tailleur.
Je le sais. Je le sais foutrement bien, putain, qu'il n'allait pas me marquer. Et pourtant, je suis incapable de calmer mon cœur et d'apaiser la colère qui remonte le long de mon œsophage. Ce n'est pas contre lui que cette rage est dirigée, non, mais bien contre moi, contre ma putain de personne qui s'est laissée être si vulnérable face à un alpha. Bordel, mais qu'est-ce qu'il m'est passé par la tête ? Je ne comprends pas, je ne comprends plus et ça me rend fou. Quel putain d'oméga taré exposerait aussi calmement sa nuque à un alpha qui a explicitement dit que ses phéromones le rendaient fou ? Et si Gian n'avait pas contrôlé les siennes ? Et si, contre sa bonne volonté, sa nature d'alpha s'était imposée à lui et qu'il avait planté ses crocs dans ma peau ? Cette simple pensée me file des sueurs froides et je ne peux m'empêcher de masser par réflexe ma nuque vierge de toute morsure. Putain... Aucun alpha n'a le droit d'exercer son ascendant sur moi... Jamais.
Ma respiration erratique peine à se calmer tandis que je plonge à nouveau mon regard dans les yeux sombres de Gian. Je culpabilise légèrement à la vue du sang qui tâche son nez, mais balaye ces remords aussi facilement qu'un grain de poussière. Il l'a cherché.
Soudain, ses lèvres tressautent et un éclat de rire franc retentit dans la pièce. Je reste impassible face à sa réaction surprenante et ne peux m'empêcher d'admirer son visage basané éclairé par le sourire qui plisse ses yeux. Ce connard est vraiment beau.
Il pose ses iris sombres sur moi et m'adresse un petit rictus moqueur.
— Tu es vraiment l'oméga le plus imprévisible que j'ai vu de ma vie.
— Et toi l'alpha le plus téméraire qu'il m'ait été donné de rencontrer.
Le sourire de Gian s'agrandit. Ses yeux se teintent de désir. Mon cœur loupe un battement.
— A croire qu'on fait vraiment la paire tous les deux.
NDA : Petit chapitre posté plus rapidement que prévu parce que j'ai beaucoup d'inspi en ce moment donc je profite !
N'hésitez pas à voter et/ou à commenter, ça me montre que vous suivez toujours l'histoire et qu'elle vous plaît (et ça me fait vraiment très plaisir) !
J'espère poster la suite très vite !
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