11. Enragé
GIAN
Le geste de Romeo est un coup de vent sur les braises de colère qui crépitaient déjà dans mon estomac. Désormais, j'ai l'impression que mon corps entier est un brasier qui menace d'enflammer la pièce. Je brûle tellement de fureur que je n'aurais pas été surpris que des flammes sortent de mes yeux et dévorent ce connard de Donati.
Le baiser ne dure qu'une seconde. Une putain de seconde durant laquelle j'ai le temps d'imaginer toutes les tortures que je pourrais lui faire subir. Une interminable seconde qui se solde par un coup de poing de Lev directement dans la mâchoire de cet enculé.
Ce dernier se recule en riant, une main plaquée à l'endroit où il vient de se faire frapper.
— Waouh, quel coup ! s'exclame-t-il. C'est peut-être réellement pour ta force que Gian t'a choisi...
— A quoi tu joues ?
Ma voix est vibrante de colère et mes poings sont tellement contractés que mes phalanges en deviennent douloureuses. Face à moi, le visage de Lev ne reflète aucune émotion, mais je sais que cette impassibilité est plus dangereuse que n'importe quelle expression rageuse.
Romeo hausse les épaules et se masse la mâchoire en grimaçant.
— J'ai toujours eu un faible pour les blonds, me nargue-t-il avec un sourire narquois.
La colère gonfle tellement dans ma poitrine que j'ai l'impression que mon thorax va éclater. Il se fout de ma gueule ?
— Ne m'oblige pas à te forcer à parler, sifflé-je d'un ton si menaçant qu'il en rend ma voix rauque.
Bordel, j'ai tellement envie de briser les os de cette ordure.
— Que t'arrive t-il Gian ? ricane le Donati. Depuis quand te sens-tu si concerné par les personnes que j'embrasse ?
— Quand la personne en question est mon putain d'associé et que tu tentes de violer sa bouche.
— Désolé, c'était... instinctif.
Il m'adresse un petit sourire provocant et je sens mes phéromones haineuses crépiter autour de nous.
— Depuis quand ton instinct te pousse-t-il à prendre le risque que je te colle une balle entre les yeux ?
— Depuis quand es-tu si possessif ? rétorque-t-il d'un air inquisiteur.
— Depuis que tu me provoques sous mon propre toit, Romeo.
— Un toit que tu as pris par la force et sans le consentement de nos clans.
— Es-tu en train de me dire que tu pleures la mort de Petrucci ? m'esclaffé-je amèrement.
— Je suis en train de te dire que si tu ne te calmes pas, c'est la tienne que l'on pleurera dans quelques mois.
La tension entre nous est palpable. Les quelques personnes qui nous encerclent ont interrompu leurs discussions pour assister à notre échange, sûrement perturbées par nos phéromones agressives qui virevoltent dans la pièce.
— Est-ce que c'est une menace ?
Ma voix gronde comme un soir d'orage et ses yeux sont devenus plus sombres que la nuit.
— Une mise en garde, rectifie-t-il d'un ton grave, j'aimerais te dire en tant qu'ami, mais au vu de tes dernières actions, j'espère simplement ne pas avoir à utiliser le terme d'ennemi.
— Mesure tes paroles, sifflé-je en gonflant mon aura. J'ai du respect pour ton clan, mais si tu en manques encore une fois à mon égard, je te promets que tes hommes t'enterreront ce soir.
Alors que je pense que Romeo va me sortir une remarque acerbe, il se contente de soutenir longuement mon regard avant de soupirer d'un air las.
— Fais attention à ce que tu fais, Gian. Ta petite intervention chez Petrucci n'a pas plu aux Cortese et ils ont déjà mis ta tête à prix. Tu ferais mieux de les calmer avant qu'ils ne te déclarent ouvertement la guerre.
— Et ils ont besoin de se servir de toi comme un putain de pigeon voyageur ? raillé-je méchamment. Depuis quand tu t'amuses à jouer les intermédiaires entre clans ?
— Depuis que tu menaces la putain de paix précaire qu'on avait enfin réussi à instaurer entre nous. Tu n'as jamais su te contenter de ce que tu avais, Gian, ça causera ta perte.
Romeo finit d'un geste brusque sa coupe de champagne puis lance un dernier regard à Lev avant de poser à nouveau ses yeux sur moi.
— Et choisis plus précautionneusement tes partenaires. Si ce que j'ai entendu sur celui-ci est avéré, tu cours au suicide.
***
Mon agacement ne retombe pas. Cela fait une heure que mon altercation avec Romeo a eu lieu, mais les griffes de la colère qu'elle a éveillée en moi continuent de me lacérer l'estomac. Face à moi, un vieux PDG de je-ne-sais-plus quelle entreprise me vante les mérites de son business et je meurs d'envie de briser ma coupe de champagne dans sa gueule. Juste histoire de décompenser. Juste histoire de voir un peu de sang. Juste histoire de me rappeler que je suis celui qui commande.
Perdu dans mes pensées, je mets quelques secondes à apercevoir l'un de mes gardes du corps me faire signe et prends congé du vieil homme qui ne saura jamais les horreurs que je lui ai faites subir mentalement. Je m'approche de mon gars et ce dernier me regarde d'un air tendu.
— Boss, il y a de l'agitation dehors, m'informe-t-il en observant autour de nous avec méfiance.
— Et alors ? Occupez-vous en. En quoi cela mérite-t-il de venir me déranger ?
— Non je veux dire...Il est l'agitation.
Et merde.
Je hoche discrètement la tête et prends mon temps pour sortir de la salle. Quelques personnes m'arrêtent sur le chemin et je suis obligé d'échanger des amabilités alors que je voudrais simplement toutes les voir brûler dans un immense feu de joie.
Lorsqu'enfin je parviens à m'extirper hors de la villa, l'air frais de la nuit s'infiltre dans mes poumons et me procure un bien fou. Je descends les escaliers en marbre sans me presser, profitant des caresses glaciales du vent contre ma peau. Ce n'est qu'en bifurquant vers les jardins que je l'aperçois, cet attroupement d'hommes qui s'agite dans l'obscurité. Je m'approche en contractant la mâchoire, soudain agacé par ce nouvel imprévu qui fait de cette soirée apparemment banale un calvaire.
Installés en ronde, cinq de mes gars lancent des cris d'encouragement et hurlent des insanités en brandissant le poing. Lorsqu'ils me voient, tous blêmissent et se reculent en baissant la tête, mortifiés. Je peux alors apercevoir la source de leur excitation et je grogne de mécontentement.
Juste là, couverts de sang et de sueur, Lev et Dario sont en train de mener un combat acharné dans lequel aucune règle ne semble être de mise. Le Russe a retiré sa chemise et son torse musclé est parsemé d'ecchymoses. Ses cheveux blonds sont complètement emmêlés, sa lèvre inférieure est déchirée et l'un de ses doigts forme un arc anormal. Pourtant, il ne s'arrête pas. Au contraire, j'ai l'impression qu'il redouble de force à chaque seconde, que chacun de ses coups est plus puissant que le précédent, que son corps entier n'est plus qu'un amas de haine et de violence.
Face à lui et tentant de se défendre, Dario est dans un bien plus piteux état. Son visage est si tuméfié que je ne le reconnais pas : ses yeux ne sont plus que deux fentes à peine perceptibles au milieu des boursouflures noirâtres qui les entourent, sa pommette gauche semble brisée et sa bouche ruisselle d'une quantité de sang si importante que je me demande s'il ne s'est pas perforé un organe. Il halète comme un bœuf tirant une charrue et la sueur colle son t-shirt contre sa peau.
Je suis stupéfait de son état : Dario est le meilleur de mes hommes, le plus résistant et le plus habile, et pourtant, le voilà en train de s'incliner progressivement devant un gamin qui fait la moitié de sa corpulence. Il me déçoit tellement que j'ai envie de l'achever.
A la place, je m'avance vers eux et leur lance un regard glacial.
— Ça suffit.
Dario me jette un coup d'œil apeuré et cela suffit pour que le poing de Lev s'écrase brutalement contre son nez. Mon garde du corps pousse un gémissement de douleur et un flot de sang jaillit de ses narines.
— Putain le communiste, tu m'as pas entendu ? m'énervé-je. Arrête-toi !
Ma voix est sifflante, lourde de menaces, mais Lev n'en a rien à foutre. Lev n'a plus aucun contrôle. Je m'en rends soudainement compte comme un coup de poing dans l'estomac : Lev n'a plus aucun putain de contrôle sur lui-même.
Ses yeux glauques sont assombris par un voile de rage démentielle et chaque trait de son visage est crispé à l'extrême, comme s'il n'était plus qu'un robot dont les coups méthodiques ne pouvaient pas rater son adversaire, jamais.
Un certain malaise m'envahit en voyant cette expression bestiale, ce visage fin qui n'a plus rien d'humain, et je sens l'inquiétude poindre en moi. Lev est un putain d'animal sauvage et je suis incapable de le dompter.
Puisant dans ses dernières forces, Dario repousse son assaillant et s'essuie le visage d'un revers de manche avant de cracher une ignoble glaire sanglante à ses pieds.
— Enculé d'oméga... Je peux pas croire... que tu oses me toucher avec... tes mains dégueulasses...
L'insulte semble agir comme un détonateur sur Lev. Son regard se durcit davantage et il se jette sur Dario qu'il cloue au sol avant de grimper à califourchon sur lui pour le rouer de coups.
— Lev bordel ça suffit, arrête-toi !
J'ai beau crier, rien n'y fait ; Lev ne semble ni me voir, ni m'entendre. Moi, en revanche, j'entends parfaitement bien le bruit des os de mon garde du corps qui se brisent sous les assauts du Russe.
— LEV, ARRÊTE-TOI !
Mon ordre n'a aucun impact et cette fois, l'inquiétude devient vraiment prégnante dans mon corps. Ce fils de pute va tuer un de mes gars !
— Lev, dernier avertissement ou je vais te faire mal !
Une nouvelle fois, mes mots se heurtent aux craquements des os de Dario. Alors, sans plus réfléchir, je sors le flingue rangé contre ma hanche, mets Lev en joue, et tire.
NDA : Chapitre tout en colère et en énervement ! J'espère qu'il vous aura plu !
J'ai réussi à écrire pas mal hier donc les chapitres suivants ne devraient pas tarder :)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top