Suspect non commun

Vendredi 15 Mars 17h45

Les trois voitures de gendarmerie et deux véhicules de police se garèrent devant le domicile de Monsieur Crétès. Célestin gardait le silence, n'ayant été prévenu de la présence policière qu'au dernier moment, il acceptait mal le fait que son suspect soit appréhendé par une autre institution. Mais l'enquête était conjointe, face aux éléments qu'il avait récupérés, le procureur de la république et la commissaire avaient validé qu'il fallait faire quelques contrôles, et surtout entendre le mis en cause : Romuald Crétès. La police était donc présente, pour assister les gendarmes, et si nécessaire les aider à poursuivre les investigations.

Le commandant Breron, s'il n'avait pas été dans une tenue de gendarme, aurait pu aisément passer pour un vacancier de la côte d'azur avec une bedaine un peu prononcée. Les cheveux grisonnants et la moustache blanche fournie entourait usuellement un regard pétillant de malice. Mais pour le moment, le visage cachait mal la gravité de la situation. Il attendit que tous soient prêts à rentrer dans le domicile avant de sonner à la porte.

- Qui est-ce ? Demanda l'interphone.

- Amaury, c'est Victor. Faut qu'on parle.

- Vas-y, rentre, je t'ouvre.

La porte buzza le temps que le gradé la pousse. Sans plus de formalités, il entra, suivi de la commissaire et du reste des équipes mélangées. Les techniciens eurent besoin d'un peu d'aide pour déplacer les valisettes contenant divers matériels, et tous se retrouvèrent dans le jardin de la propriété de Monsieur Crétès.

La maison, ancienne demeure d'une autre époque parfaitement restaurée trônait au milieu d'un magnifique jardin à l'anglaise entretenu par un professionnel. Sur le chemin dallé, arrivait en face d'eux un homme en costume sur la cinquantaine d'année.

- Victor ? Euh... il se passe un truc ? C'est grave ?

- Oui Amaury. C'est grave. Où est ton fils ?

- Normalement dans le sous-sol, sur sa console de jeu.

- Est-ce que tu aurais en endroit suffisamment grand où on peut lui parler tranquillement ?

- Qu'est-ce qui se passe Victor ? Demanda Gravement monsieur Crétès.

- Amaury, je n'ai pas envie de faire venir toute la brigade et ni d'ameuter ces vautours des chaînes d'informations sans le vouloir. J'essaie de rester discret, mais comprends aussi que pour le secret de l'enquête, je ne peux rien dire.

- Je comprends. Installez-vous dans le salon. Tu veux que j'aille le chercher ?

- Oui s'il te plait. Célestin, Aishan, accompagnez-le et assurez-vous que tout se passe bien.

Sans un mot les deux gendarmes suivirent l'homme qui se dirigea vers un escalier descendant dans la bâtisse. Au sous-sol. Ce faisant, ils passèrent le long de murs d'un blanc immaculés parfois agrémenté d'un tableau d'art moderne. Ils arrivèrent dans une pièce ou un jeune homme faisait de grands mouvements, un casque de réalité virtuel sur le visage. Le propriétaire de la maison resta près de la porte tandis que le Céléstin entrait dans la pièce pour observer un peu plus le suspect et l'environnement. La brigadière resta à la porte.

Un canapé, une table basse poussée dans un coin de la pièce, une télé accrochée à un mur et une console de jeu allumée juste en dessous. Sur l'écran, un jeu vidéo de combat urbain faisait rage.

- Romuald. Arrête quelques instants s'il te plaît, fit monsieur Crétès en entrant dans la pièce.

- Tu peux me laisser quelques minutes papa ? J'ai bientôt fini.

- Non Romuald. Tu arrêtes maintenant.

- Rhoo, c'est bon. C'est pour quoi précisément demanda le jeune homme sous le casque.

Sans dire un mot, le père éteignit la console. Ce qui eut pour effet de forcer le Romuald à retirer vivement le casque en pestant.

- Hé ! Mais qu'est-ce que tu fous ?

A la vue des militaires, il se figea.

- Qu'est-ce qu'ils font là eux ?

- A toi de me le dire. T'aurais pas fait une connerie des fois ?

- Non, pas ce coup-ci. Et puis, vous n'avez rien à faire ici : c'est une propriété privée.

- Exact, c'est la mienne, corrigea le père, et c'est moi qui les aie fait rentrer.

- On a juste quelques questions à vous poser Monsieur. Ça ne durera pas longtemps, précisa Célestin.

- Ok, Allez-y.

- Non, tu montes et tu t'installes dans le salon. Quand on a des invités, c'est la moindre des politesses, repris Crétès Père. Tu suis la dame là-bas et tu le fais en silence.

Célestin suivit le jeune homme tout en restant sur ses gardes. Si cet homme était coupable, il avait déjà tué, et recommencer pour s'enfuir ne lui serait peut-être pas un problème.

Mais le Romuald Crétès ne chercha pas à s'échapper. Il rentra dans le salon richement décoré et se contenta de s'installer sur une chaise de la table à manger. En constatant le monde en présence, il ne put s'empêcher une remarque bravache :

- Ça va ? Vous êtes sûr que vous êtes assez ?

- Vous devez savoir pourquoi nous sommes ici non ? éluda Célestin en s'installant en face de lui.

- La vue sur la mer ? Le café offert ?

- Une minute.

Le mot prononcé par le commandant stoppa la discussion de manière immédiate. Il laissa une demi-seconde avant de reprendre, à l'adresse du père du mis en cause.

- Amaury, je fais déjà des efforts, pour ne pas trop vous déranger et faire une audition légère chez vous. Mais soit ton fils nous parle mieux et arrête de nous prendre pour des imbéciles. Soit ça va vraiment se complexifier pour lui. Ça risque même d'être franchement désagréable.

- Romuald. Deuxième fois. Arrête tes conneries.

- Reprenez Major.

- Bon, est-ce que vous connaissez la raison de notre présence ?

- Non, fit le jeune homme avec animosité.

- Bon, nous avons ici une réquisition, concernant votre tenue de spéléologie, ainsi que de tous les équipements associés. Veuillez-nous les remettre.

- Je ne les aies plus.

- Comment cela ?

- Je me suis fait fracturer mon véhicule hier. Mon matériel a disparu.

- Amory ? Est-ce que tu peux venir avec moi dans la pièce à coté ? interrompit le commandant.

Célestin attendit que les deux hommes sortent de la pièce avant de poursuivre.

- Est-ce que vous connaissez Madame Caroline Marshal ?

- C'est la fille de mon voisin. Une jolie nénette.

- Est-ce que vous la connaissiez personnellement ?

- Non. On se croisait de temps en temps.

- Et la bague ?

- Quelle bague ? demanda Romuald, surprit.

- Cette bague.

Le major étala quelques photos de la pièce d'orfèvrerie devant son suspect.

- Ha, je la cherchais partout. Y'a pas à dire, vous méritez votre salaire. Vous pouvez me la rendre ?

- Pas pour le moment. Vous reconnaissez cette bague.

- Bien sûr. Une commande spéciale pour une conquête, mais je n'ai pas pu lui offrir. Dommage. Où l'avez-vous retrouvée ?

- A coté du corps sans vie de Madame Marshal.

Le choc émotionnel fut rude pour le jeune homme.

- Elle est morte ?

- Oui.

- Mais que... comment ?

- C'est ce que nous essayons de déterminer. Pouvons-nous compter sur votre assistance.

- Bien sûr.

- Bien, je repose la question : avez-vous une idée de l'endroit où se trouve votre matériel de spéléologie ?

- Non.

- Major ?

Avant de demander quoi que ce soit, la brigadière présenta une photo provenant du profil internet du suspect. Elle avait déjà été vue par l'enquêteur. Pourtant, la militaire fit un gros plan sur les bagues fantaisies qu'il portait ce soir-là... et qu'il portait également sur le moment présent. Mais il vit également que la jeune femme bouillait intérieurement face à cet homme.

- Merci. Aishan, Je te prierai également de te rappeler de l'existence des dénominations.

Par le sous-entendu, la jeune femme fut calmée et redevint professionnelle. Le suspect, lui ne comprit pas.



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