Partie 3



Les deux amis rejoignirent leur appartement et, une fois après s'être assurés des derniers détails de leur plan, ils se préparèrent pour leur expédition nocturne.

Le crépuscule était à son apogée. Kea avait toujours été surprise de cette singularité d'Aderoth. Le monde ne possédait pas de soleil, cela n'empêchait pourtant pas la nuit de tomber et le jour de se lever. Le matin, le ciel s'éclaircissait et le pourpre de la nuit laissait sa place à des teintes parme et rouges, suivant les flux d'énergie qui parcouraient les terres. Les couleurs de ce monde étaient absolument féeriques.

En quelques minutes, la nuit était enfin tombée, laissant apparaître dans le ciel des Nébuleuses captivantes dont les couleurs se renouvelaient constamment.

Kea et Sytry s'étaient mis en route sans attendre. Ils avaient un créneau de quinze minutes avant que les gardes ne viennent prendre leur poste à l'entrée du musée.

Ils avaient surveillé l'endroit plusieurs soirs de suite et s'étaient rendu compte qu'il existait toujours ce petit quart d'heure de battement entre le moment où le musée fermait ses portes et celui où la relève débarquait. Une erreur que le seigneur Yuan allait bientôt regretter.

Sytry restait encore une fois à l'extérieur du bâtiment, montant la garde pour prévenir Kea de toute arrivée suspecte. Le démon léopard était plutôt gauche et mieux valait qu'il ne soit pas sur le terrain en cas de fuite inopinée.

La jeune femme se glissa par la fenêtre sans encombre, et sans se fouler une cheville, un vrai miracle. Ses pas filant sur le sol sans un bruit, jusqu'à ce graal tant désiré et d'une valeur inestimable : le Saint Tamagotchi...

Elle n'eut ensuite qu'à soulever la petite cloche qui le protégeait des impuretés de l'air et à tendre la main pour le récupérer subtilement. Elle le glissa délicatement dans sa poche et se dirigea de l'autre côté de la salle dans un pas fluide.

— Qu'est ce que tu fais ? Notre contrat ne concerne que le Gomatotchi ! Sors de là ! s'exclama Sytry.

— Relaxe Max, il reste plus de dix minutes avant que les gardes ne se ramènent.

En un instant, Kea se retrouva devant le téléphone portable qui lui rappelait tant celui qu'elle possédait jadis. Cette petite imperfection sur la droite de la coque, n'était-elle pas semblable au coup qu'avait reçu le sien après être tombé de sa poche lors d'une looping de trop dans un parc d'attraction ? 

La tentation était trop forte, elle devait le récupérer et attendre la prochaine vague d'énergie pour s'en assurer.

La jeune femme avait perdu le sien lors de son arrivée sur Aderoth et elle aurait donné tout ce qu'elle possédait pour avoir la possibilité de le récupérer. La photo sur son fond d'écran étant le seul souvenir qu'il lui restait de sa famille.

— Mon Diable, Kea, sort de là ! Il arrive ! Il arrive ! s'époumona soudain Sytry.

Trop tard... Kea, la cloche en verre dans une main et le portable dans l'autre, se retrouva nez à nez avec un Yuan visiblement fort dérouté de se retrouver face à un individu masqué au sein même de son palais. 

Elle lâcha le portable sous le coup de la surprise et eu juste le temps de faire un pas en arrière avant que le Seigneur ne saisisse son poignet dans un mouvement des plus vifs. La jeune femme lui projeta la cloche de verre à la figure pour gagner du temps, cette dernière se fracassant sur le marbre en un millier de petits morceaux.

Elle déguerpit avec toute l'habilité dont elle pouvait faire preuve et s'étala de tout son long en tentant de franchir la fenêtre qui donnait vers la sortie. Une bien piètre performance de la part d'une cambrioleuse.

La douleur qui encerclait sa cheville lui fit prendre conscience que Yuan non plus n'était pas resté les mains ballantes en attendant que cela se passe. Il était plutôt rapide le bougre. Tandis qu'il la tirait vers elle d'une poigne de fer, Kea lui asséna un coup dans le nez de son pied libre. Elle profita de cette fraction de seconde de surprise pour se libérer de son emprise et finalement parvenir à traverser la fenêtre.

Bien plus déstabilisée qu'elle ne voulait le faire croire, elle s'étala de nouveau de l'autre côté et fuit le plus vite possible compte tenu de l'état de sa cheville, qu'elle venait finalement de se fouler.

***

Kea passa la porte de l'appartement qu'elle occupait avec Sytry une demi-heure plus tard. Celui-ci n'avait pas cessé de glousser depuis qu'elle l'avait rejoint devant les grilles du palais.

— Je crois que je n'ai jamais autant ri de ma vie Kea, sérieusement, tu aurais vu l'action... tu t'es étalée comme une crèche... et ta cheville... je n'en peux plus, je crois que je vais me faire pipi dessus, pouffa Sytry.

Voilà qu'il se roulait par terre maintenant.

— On dit une crêpe Sytry, tu es vraiment une calamité en matière d'expressions. Et puis tu pourrais compatir un minimum, ça fait mal, vertuchou ! se plaignit Kea.

Tandis que les démons devaient apprendre les langues de la Terre pour pouvoir les comprendre, les humains, de leur côté, connaissaient l'unique langage d'Aderoth de façon innée. Cela avait troublé Kea au départ, lorsqu'elle avait découvert qu'elle pouvait les comprendre sans faire aucun effort, le phénomène était déconcertant. Mais il fallait bien reconnaître l'aspect pratique de la chose. Elle qui n'avait jamais été très douée en matière de langues étrangères, était contente de ne pas avoir à en reprendre une depuis le début.

Pour ce qui était des démons, ils avaient des facilités pour assimiler le vocabulaire des Hommes, mais Sytry avait encore du chemin à faire pour se mettre à jour des expressions françaises. Il n'en retenait aucune correctement.

— C'est toi qui es chou ! Tiens, d'ailleurs, pendant que j'y pense, j'ai une surprise pour toi, lui dévoila Sytry d'un air mystérieux.

— Pour moi ? Pourquoi ?

— Tu vas voir. Ne bouge pas !

Sytry disparut dans sa chambre au pas de course et revint les bras chargés d'un paquetage en tissu bleu cyan qu'un ruban de soie rose refermait. Il le déposa sur la table devant Kea. 

Celle-ci le déballa aussitôt, ne se faisant pas prier pour ouvrir son cadeau. Elle en sortit une magnifique robe de cérémonie selon les critères démoniaques, autrement dit, une véritable robe de princesse. 

Le tissu était des plus doux, toute en souplesse, dans une teinte lilas avec des touches de lumière rose pâle qui faisait scintiller le tout à la manière des reflets du soleil sur la mer. Une sorte de corset transparent séparait la robe en deux parties, des petits pétales brillants venant décorer les baleines tout autour de la taille. Le travail de couture était sublime.

— Et bien, merci Sytry, c'est superbe... mais, sans vouloir te vexer, je ne vois pas à quelle occasion je pourrais la porter. Tu sais que je ne suis pas des plus mondaines...

— Justement, ça va changer ! la coupa son ami. Car demain...

— Oh non...

— Oh si ! Demain, nous nous rendrons au bal du palais ! dit Sytry d'un air enjoué.

— Sytry... je viens de me retrouver nez à nez avec Yuan, et de cambrioler son musée, je ne pense pas qu'il sera ravie de me voir participer à l'évènement, le tempera Kea.

— Tu portais un masque andouille ! Il n'a pas pu te reconnaître. De plus, Zaebos sera là...

— Ah, c'est donc cela ! Je te sers d'excuse pour approcher ton Apollon.

— S'il te plait, c'est la meilleure occasion que j'ai depuis des mois. Tout ce que j'ai pu obtenir pour le moment c'est un regard et un sourire en coin. Il accorde tellement d'importance à son rôle de bras droit de Yuan qu'il n'est jamais visible nulle part. Et puis ça te détendra. Depuis combien de temps n'as-tu pas pris un peu de bon temps ?

— Mouais... je ne suis pas franchement convaincue qu'assister à un bal change la donne.

— Mais tu n'es certainement pas convaincue du contraire non plus !

Comment pouvait-elle résister à cet adorable air de chien battu ?

— C'est d'accord, je veux bien y faire un saut, mais à la seconde où ça commence à devenir bizarre, je me tire, précisa la jeune femme.

— Merci Brindille ! Tu es vraiment la meilleure.

— Je sais. Bon, en attendant, on se bouge le popotin parce qu'on a un client à satisfaire et un paquet d'Azur à récolter !

L'Azur était la monnaie unique sur Aderoth. Elle avait l'apparence de petits cailloux translucides et servait à canaliser la magie. Elle était donc très utile pour aider à réaliser n'importe quel sortilège, et surtout indispensable en matière de transaction dans ce monde démoniaque où le pouvoir n'avait pas de prix.



***

GLOSSAIRE :

Aderoth : Monde démoniaque par lequel on accède à l'aide d'un portail depuis la Terre.

Azur : petits cailloux translucides qui représentent la monnaie d'Aderoth, ils permettent de canaliser la magie alentour pour lancer des sorts.

Bathym : métal rare et précieux d'Aderoth, il a la couleur de l'or rose.

Edrahel : Royaume dont Yuan est le seigneur.

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