(Media : Tom Odell - Another Love)

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Kea reprit ses formes naturelles sous l'effet du sort que Yuan avait fait installer là quelques jours plus tôt. 

C'était troublant de changer ainsi d'apparence. Mais elle commençait à en avoir l'habitude avec le temps, et le phénomène avait au moins eu le mérite de remettre en cause la légitimité de ses complexes.

En arrivant sur Aderoth, la jeune femme avait compris que les canons de beauté qu'on pouvait trouver dans ce monde étaient totalement différents de ceux qu'elle avait pu connaître sur Terre. Et puis les apparences étaient tellement antinomiques ici qu'il était difficile d'y voir une norme. Tout cela étant bien subjectif finalement. Elle s'émerveillait au contraire devant autant d'hétérogénéité. Le monde était bien plus joli quand tout y était si différent.

Elle trouva Yuan dans sa salle d'entraînement. Il se défoulait sur une sorte de punching-ball en peau de bête qui refermait une centaine de kilo de sable bleu.

Lorsqu'elle entra dans la pièce, le Seigneur démon arrêta de faire pleuvoir ses coups. Il lui tournait le dos et elle resta immobile un moment, ne sachant pas comment entamer la conversation. Il avait toutes les raisons de lui en vouloir.

Ce fut finalement lui qui prit la parole le premier.

— Tu devrais être au lit, la sermonna-t-il sans se retourner.

Visiblement, les formules de politesse n'étaient plus indispensables entre eux.

— Tu dois libérer Zaebos, lança Kea à son tour. Il n'est pas responsable de mes erreurs. Je suis la seule fautive.

— Il a été relâché à la minute où j'ai appris que tu étais réveillée.

Voilà qui réglait déjà un problème. 

Kea ignorait comment il avait pu savoir qu'elle avait repris conscience aussi vite alors qu'elle venait à peine de le faire, mais des problèmes plus urgents l'inquiétaient.

Elle observait Yuan et ne savait pas par où commencer. Elle s'en voulait de les avoir mis lui et son royaume dans une telle situation. Elle soupira devant ce constat, tout était allé de travers ces derniers jours.

— Yuan... je suis désolée, dit-elle accablée.

Le démon renifla.

— Pour quoi ? Pour t'être enfuie ou pour m'avoir menti au sujet de ta blessure ? lui demanda-t-il avec irritation.

— Pour les deux. Même si j'avais tous les droits de m'enfuir et que je ne t'ai pas réellement menti concernant ma blessure, j'ai simplement omis de te donner ce détail.

— Ce... détail...rugit Yuan les dents serrées.

Il était dans une humeur massacrante. Il se retourna et fit face à Kea, les deux poings fermés, les bras tendus le long de son corps.

— Est-ce une habitude chez toi, de tout tourner à la dérision ? As-tu si peu de respect pour la vie ?

Il se rapprochait maintenant dangereusement de la jeune femme. La pointant d'un doigt menaçant.

— Si tu tiens tant à mourir, pourquoi ne pas te jeter d'une falaise tout simplement ?

Il crachait ses mots avec le plus grand des mépris. Cela mit Kea hors d'elle, qui haussa le ton à son tour.

— Parce que je ne peux pas ! Tu sembles persuadé que tout est tellement simple, mais tu ne te poses pas les bonnes questions, Ta Seigneurie ! Les choses ne sont pas aussi faciles qu'elles y paraissent. Parfois, certains faits ne dépendent pas que de nous. Tu regardes les humains avec toute l'arrogance dont tu peux faire preuve, tu les juges mais tu ne comprends pas que certains éléments nous dépassent complètement.

— Non ! Je ne comprends pas, et je ne comprendrai jamais. J'ai perdu toute foi en l'humanité le jour où j'ai signé mon premier contrat et que j'ai vu à quel point les humains pouvaient être superficiels et incapables de comprendre la chance qui se présentait à eux. Vous n'avez jamais réalisé que votre atout le plus précieux était votre capacité à vieillir ! Vous vivez assez longtemps pour profiter de la vie à son état le plus pur, trouver l'amour, construire une famille, des amitiés sincères..., et de façon suffisamment courte pour savoir que chaque minute devrait compter. Vous devriez chérir ce trésor. Mais vous vous attardez sur des futilités avec tout l'orgueil qui vous est propre.

Kea n'avait jamais vu Yuan dans cet état. Il était presque collé à elle, il l'avait acculée contre le mur et la toisait de toute sa hauteur, furieux, son torse bougeant au rythme de ses respirations. 

Elle redressa le menton, fièrement. Décidée à ne pas se laisser marcher sur les pieds.

— Nous ne sommes pas tous comme cela, le détrompa-t-elle.

— Parce que tu te crois différente ? C'est toi qui m'as fait réaliser à quel point votre existence était une farce.

Kea ne comprenait pas ce que le seigneur Démon voulait dire, elle ne comprenait pas ce qu'elle avait bien pu faire pour le décevoir autant.

Yuan se forçait à respirer calmement, relâchant ainsi la pression qu'il avait accumulée durant les deux derniers jours.

— Il y a des années de cela, lorsque j'ai vu la photo de ta famille pour la première fois, je me suis surpris à croire que je m'étais peut-être trompé, que vous n'étiez finalement pas tous si vaniteux et que certains comprenaient la chance qui leur avait été donnée. Je voyais vos visages si souriants et chaleureux, votre insouciance était un vrai réconfort dans mes moments de trouble. Je voyais cette jeune femme si heureuse, entourée de ses parents, de ses sœurs, de celui qu'elle aimait ... elle ne demandait qu'à vivre. Puis je t'ai vue, toi. J'avais eu la stupidité de croire que s'il y avait bien un humain sur Terre qui n'aurait jamais pris la décision de quitter son monde, c'était cette femme qui semblait si bien entourée. Je pensais que ton téléphone portable avait été ramené sur Aderoth par un démon curieux qui l'avait trouvé par hasard. Je n'aurais jamais cru qu'il ait pu faire le voyage avec sa propriétaire. Quand j'ai compris qui tu étais, tous mes espoirs se sont brisés en un clin d'œil Kea. TU as brisé mes derniers espoirs.

La jeune femme était à présent en larmes. Yuan ignorait à quel point il avait raison. Elle n'aurait jamais quitté son monde, jamais volontairement.

Le Seigneur démon observait Kea et tout le désarroi qu'il lisait dans son regard lui brisait le cœur. Elle n'était pas vraiment responsable de ses tourments. Il ignorait toujours ce qui avait pu la pousser à signer un pacte, et il se doutait qu'une chose terrible avait dû se produire pour qu'elle en arrive à une telle décision. Mais dès qu'il posait les yeux sur elle, la jeune femme lui rappelait ses propres désillusions et il n'éprouvait que de la rancœur à son encontre.

— Tu peux partir, tu es libre, dit-il enfin. Je ne te poursuivrai pas cette fois-ci.

Yuan ne s'était jamais montré aussi froid avec Kea. Et cela l'affectait bien plus qu'elle ne l'aurait voulu. A quel moment ses sentiments pour le Seigneur démon s'étaient-ils développés de la sorte ? Pourquoi tout devait-il être si compliqué ?

— Je le ferai, mais pas avant de t'avoir tout révélé, parvient-elle finalement à lui dire.

— Tu n'as pas à le faire. Je te libère.

— Je t'ai fait une promesse, et je compte bien la tenir. De toute façon, cela n'aura bientôt plus d'importance, soupira Kea.

La jeune femme se savait condamnée. La seule chose qu'elle pouvait faire était de mettre Yuan en garde contre le danger qui le guettait et de lui fournir toute la puissance dont il aurait besoin lorsqu'il subirait une attaque. 

Et de cela elle était sûre, Le Seigneur Noir n'hésiterait pas à mettre Edrahel à feu et à sang pour le simple fait d'avoir abrité la jeune femme.

***

Vous l'aurez compris : les révélations arrivent !

Est-ce que vous avez déjà des idées de ce qui a pu lui arriver pour que Kea en arrive là ?