Partie 11 : Okiri mon ami

Le lendemain, la jeune femme se réveilla une fois de plus confortablement installée dans l'énorme nid de coton qui servait de lit à Yuan. Et en soulevant ses paupières, elle découvrit deux grands yeux globuleux qui la fixaient d'un air ahuri. 

Le réflexe fut instantané, Kea envoya son poing en plein dans la figure de l'intrus et se redressa sur ses deux pieds, prête au combat.

— Bravo, vous venez de mettre à terre la plus inoffensive de toutes les créatures d'Aderoth.

Kea tourna la tête et découvrit Yuan, on ne peut plus détendu... assis posément sur le fauteuil en chêne massif qu'Elwenn avait également pris soin de recoller dans la foulée. Vive la super glue ! Celle-ci se révélait particulièrement efficace,sans doute un peu trop pour imaginer que la magie n'en soit pas en partie responsable.

La chambre avait aussi apparemment été nettoyée de tous les débris qui y traînaient.

Le Seigneur démon tenait dans sa main un des avions de papier que Kea s'était appliquée à réaliser la veille, et il avait l'air visiblement très intrigué par l'objet.

— Quoi ? couina la jeune femme toujours sur le qui-vive suite à son réveil plein d'adrénaline.

— Je vous présente Okiri, lui répondit Yuan en reportant son regard sur Kea. C'est un Akkouq, il est curieux mais certainement pas méchant.

— Un Akkouq ?

La jeune femme était très surprise.

— Ils ne sont pas censés avoir disparus ?

Elle avait déjà entendu parler de ces créatures herbivores. Une espèce de démon naïve et innocente dont on avait perdu la trace bien des siècles auparavant. Des fouineurs indiscrets et pas peureux pour un sou, ce qui avait très certainement été la plus grande cause de leur disparition. Ils n'hésitaient pas à se mettre dans les situations les plus périlleuses pour satisfaire leur curiosité maladive.

Selon le folklore, c'était des êtres angéliques et immaculés qui représentaient la vie à son état le plus pur. Ils ressentaient les choses à un niveau bien plus élevé que les autres démons. On disait même que certains possédaient des dons de prémonition.

Kea se détendit.

— Et bien, désolée, s'excusa-t-elle. Mais je ne m'attendais pas à découvrir des yeux exorbités en face des miens au petit matin.

— Il est vrai que les Akkouq ont un comportement assez singulier la plupart du temps, déclara nonchalamment Yuan.

— Sans blague ? ironisa la jeune femme.

Okiri, ayant retrouvé ses esprits, était à présent à califourchon au dessus de Kea, la fixant, la tête penchée sur le côté, de la même façon que les chiens lorsqu'ils sont attentifs à un bruit qui les intrigue.

— Alors, K-E-A, articula lentement Yuan, êtes-vous enfin décidée à me parler aujourd'hui ?

— Je vois que vous avez finalement réussi à découvrir quelque chose sur moi. Dois-je vous féliciter, Ô puissant Seigneur Yuan ? le singea-t-elle.

— Cela n'a pas été très compliqué. Votre ami ne cesse de réclamer de vos nouvelles, il hurle votre prénom à la lune chaque nuit depuis qu'il vous a égaré au bal.

— Vous délirez complètement.

Kea, regarda le Seigneur en coin. Elle était contente d'avoir des nouvelles de Sytry, elle s'était habituée à sa présence à ses côtés depuis qu'il partageait sa vie, et elle s'inquiétait des loufoqueries qu'il pourrait inventer pour tenter de la secourir. 

Malheureusement, Yuan ne tarda pas à lui donner raison sur ce point :

— Ce matin, je l'ai encore surpris à tenter d'escalader les murs du palais. Il avait attaché des sortes de ventouses humaines à chacun de ses membres et avait entrepris son ascension jusqu'à vous. Il devait être environ à un mètre du sol lorsque mes gardes l'ont fait descendre.

Kea sourit en s'imaginant la scène puis reprit tout son sérieux, l'air farouche.

— J'espère que vous ne lui avez pas fait de mal, le mit-elle en garde. Il n'est au courant de rien.

— Je sais, si tel avait été le cas, il m'aurait déjà tout avoué à l'heure qu'il est.

— Si vous avez osé, ne serait-ce que poser la main sur lui...

— Que ferez-vous au juste ? la coupa-t-il. Vous détruirez un pantalon de plus ? Ne vous inquiétez pas, votre ami est en pleine forme. J'envisageais même de le laisser vous rendre visite.

— Et que me vaut ce soudain élan de sympathie ? lui demanda-t-elle, méfiante.

— Je me sens d'humeur philanthrope aujourd'hui, chantonna Yuan.

— Je casserai des choses plus souvent dans ce cas.

— Ne me poussez pas à bout servante, grinça-t-il.

Kea était étonnée par ce revirement de situation, mais elle n'allait pas s'en plaindre. Peut-être que Sa Seigneurie avait finalement réalisé qu'il perdait son temps avec elle.

Il s'apprêtait à sortir lorsque Kea se décida à lui poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis son réveil :

— Yuan ?

— Kea...

— Qu'avez-vous fait de votre pantalon ?

Un fin sourire s'étira sur les commissures de la bouche du démon.

— Croyez-le ou non mais il semblerait que mes pantalons « aient eu un léger accident dernièrement », répondit-il en prenant les mêmes inflexions que Kea la veille.

Yuan lui fit un clin d'œil et tourna les talons, laissant la porte de la chambre ouverte pour la première fois depuis deux jours. Ce qui lui laissa un bel aperçu de son postérieur, et elle jura qu'il se déhanchait volontairement en sortant. La jeune femme n'avait ainsi rien loupé des deux faces de son anatomie.

Et ce démon était vraiment un monstre d'arrogance, tant sur le plan physique que psychique. 

Mais Kea se félicitait d'avoir au moins pu répondre à l'une de ses interrogations, c'était environ à mi-cuisses que la teinte de ce démon argent se fonçait le plus pour devenir aussi noire que l'ébène. Une vision hypnotisante qu'elle aurait du mal à chasser de ses pensées.

Décidément quelque chose clochait. Après l'épisode de la veille, Kea s'attendait à ce que le démon soit provocant, mais de façon plus belliqueuse qu'aguicheuse. Elle se voyait déjà torturée pour ses péchés. Même si Yuan n'avait pas pour réputation d'être cruel, la méfiance était de mise au royaume des démons.

Il allait falloir qu'elle soit prudente.

L'estomac de Kea grogna et Okiri fit un bond de trois mètre en arrière. Il était occupé à faire rebondir son doigt sur le ventre de la jeune fille lorsque celui-ci avait crié famine.
Il devenait urgent qu'elle trouve à manger.

Elle regarda l'Akkouq et soupira.

— Comme si je n'avais pas déjà assez de problèmes comme ça.



***

GLOSSAIRE :

Aderoth : Monde démoniaque par lequel on accède à l'aide d'un portail depuis la Terre.

Akkouq : espèce de démons inoffensifs très rare, d'une curiosité maladive.

Azur : petits cailloux translucides qui représentent la monnaie d'Aderoth, ils permettent de canaliser la magie alentour pour lancer des sorts.

Baalzephon : talisman de protection.

Bathym : métal rare et précieux d'Aderoth, il a la couleur de l'or rose.

Chimère : créature démoniaque possédant un corps de lion, une queue de serpent et les ailes d'un aigle. Ses pattes arrière sont semblables à celle d'une chèvre. Les démons l'utilisent comme créature volante.

Courbette : salutation démoniaque.

Edrahel : Royaume de Yuan.

***

Voilà pour la 1ère partie de la journée. RDV en fin d'après-midi pour la suite :)

Alors, qu'avez vous pensez de ce réveil quelque peu particulier ? Okiri vous a plu ?

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