Chapitre 9

MI-OCTOBRE

A la fin des cours, le lundi, aux alentours de dix-sept heures, Octavia avait directement suivi son cousin chez lui pour l'aider aux préparatifs de la soirée. Elle aimait la maison de Bellamy, elle n'était pas luxueuse mais chaleureuse et accueillante. Bien plus agréable que l'appartement dans lequel elle vivait avec sa mère. Sa mère, elle ne l'avait que très peu vu depuis leur dispute à l'anniversaire de Bellamy. L'adolescente l'évitait le plus possible, avoir revu chez elles Edward, cet homme si ingrat, la répugnait au plus haut point. Octavia n'avait même pas laissé à sa mère le temps de s'expliquer sur ce sujet, elle aurait probablement dû, mais chaque problème à la fois.

Elle venait tout juste de régler le problème Lincoln, et cela avait été instantané. Lorsqu'elle était rentrée chez elle après ce soir-là, quand elle l'avait revu, l'inspiration était revenue d'elle-même. C'était un déclic psychologique. Elle détestait se l'entendre dire mais il fallait avouer qu'elle avait besoin de Lincoln pour continuer. Après tout, c'est lui qui avait réussi à déceler un talent en elle qu'elle ne connaissait même pas.

Assise sur le fauteuil du salon, les pieds sur la table basse et son ordinateur sur les genoux, la jeune fille profitait de chaque instant libre pour écrire. Elle était devenue une vraie usine à mots. Amusé, et s'affairant en cuisine, Bellamy se racla la gorge. Interpellée, sa cousine regarda par-dessus le bar pour croiser son regard.

« Quand tu me disais que tu allais rentrer avec moi, je pensais que tu le faisais pour m'aider à préparer à manger..., dit-il »

« Vraiment désolée, Bell. J'ai eu une vague d'inspiration en rentrant chez toi et j'en ai profité. Tu sais à quel point tu es ma muse. »

Elle sourit et cligna des yeux comme pour se faire pardonner. Bellamy secoua la tête et rit légèrement, il ne pouvait rien lui refuser, elle était comme sa petite sœur.

« Plus sérieusement, tu as besoin d'aide ?, demanda-t-elle »

« Non, ne t'en fais pas. J'ai bientôt fini. Les autres ne vont pas tarder. »

Octavia acquiesça, et regarda de nouveau son écran d'ordinateur. Bellamy frotta son plan de travail, et brisa les quelques minutes de silence qui suivirent.

« Et ce livre, ça avance ? »

« Plutôt bien, ouais. »

« C'est vrai ? Comme tu m'as dit que tu avais eu une petite panne d'inspiration ces derniers temps, je me demandais si ça allait mieux ? »

« Beaucoup mieux, je t'assure. »

L'adolescente s'était tendue d'un coup. Bellamy ne comprenait pas pourquoi elle ne voulait pas parler de son livre avec lui. Entre eux, ils abordaient tous les sujets possibles et imaginables, la météo, les études, la famille, leurs problèmes et leurs joies. Mais pas le livre d'Octavia. Et Bellamy ne savait pas si cela le rendait triste ou si cela était juste de l'incompréhension. Il aurait aimé approfondir le sujet et lui tirer les vers du nez, mais quelqu'un sonna à la porte. Bellamy alla ouvrir, c'était Nathan et Jackson, plusieurs bouteilles d'alcool à la main. Le brun explosa de rire, la soirée promettait d'être arrosée.

Bellamy leur indiqua d'entrer tandis qu'il reçut un texto. Alors que le couple alla s'asseoir sur le canapé près d'Octavia, l'adolescent regarda l'écran de son téléphone en retournant dans la cuisine.

Clarke, 19h12 : Qu'est-ce que j'emmène pour ce soir ?

Bellamy, 19h12 : Toi ?

Clarke, 19h13 : Ah. Aux dernières nouvelles je ne suis pas comestible, sinon cela s'appelle le cannibalisme.

Bellamy, 19h13 : Ramène de l'huile de coude alors !

Clarke, 19h14 : Bellamy tu es... Je n'ai même pas de mots :(

Bellamy, 19h14 : Tu as au moins souri, je le sais.

Clarke, 19h15 : Un rictus. Pas plus.

Bellamy, 19h15 : Plus sérieusement, besoin de rien. Nathan et Jackson ont ramené ce qu'il faut pour qu'on s'arrache tous le gosier et j'ai préparé un repas pour un régiment entier.

Clarke, 19h16 : Bon... Je ne vais pas tarder, alors.

*

Clarke verrouilla son téléphone et le rangea dans sa poche. Elle avait voulu passer dans le supermarché à côté de chez Bellamy pour acheter quelque chose pour la soirée mais il n'était visiblement pas motivé à l'aider à choisir. Alors, l'adolescente acheta une bouteille d'huile de tournesol. Sur le parking, elle percuta quelqu'un lorsqu'elle rangea la bouteille dans son sac. Elle commença à s'excuser alors qu'elle reconnut Finn.

« Finn, hey, elle rit, gênée. Désolée, je ne t'avais pas vu. »

« Ne t'en fais pas, je ne regardais pas où j'allais non plus. »

C'est à ce moment-là que Clarke s'aperçut que Finn n'était pas seul. Derrière lui, une jeune femme souriait, son visage lui paraissait familier. Finn se retourna et plaça une main dans le dos de l'adolescente pour la présenter à Clarke.

« Tu connais peut-être déjà Gina. »

Gina. Gina Martin. L'ex petite-amie de Bellamy. Celle qui lui avait brisé le cœur. Voulant paraître inaperçue, Clarke sourit sincèrement et la salua, ce qu'elle lui répondit. A première vue, cette fille était avenante, sympathique et plutôt jolie. Elle comprenait pourquoi Bellamy avait craqué pour elle. Mais elle était infidèle, et Finn allait bientôt s'en rendre compte. Après tout, ce n'était pas son problème. Finn ne faisait plus partie de sa vie de cette manière, alors pourquoi cela faisait-il encore si mal ? Brisant les quelques secondes de silence, Finn reprit la parole.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? On est loin de ton quartier. »

« Oh, elle montra la bouteille d'huile. Soirée avec les filles. »

Finn ne posa pas plus de questions, cela ne l'avait jamais intéressé.

« Et toi... vous ? »

« On est venus acheter des popcorns avant d'aller au cinéma. Tu sais, pour les planquer dans le sac, ils sont moins chers ici. »

« Ouais, elle sourit »

Bien sûr qu'elle savait. C'était une astuce qu'ils avaient utilisé pendant toute leur relation et leurs sorties cinéma. Une astuce que Clarke avait donnée à Finn. Ne sachant plus trop quoi se dire, les adolescents se saluèrent poliment avant de partir chacun de leur côté. Pourquoi Finn s'était-il tant éloigné de son quartier pour aller au cinéma ? Etait-ce le quartier de Gina ? Ou peut-être qu'il voulait s'en éloigner pour éviter Clarke. Peu importe, cela ne la regardait plus.

Clarke marcha lentement jusqu'à chez Bellamy. Elle était morose, triste. Et la blonde avait vécu le moment le plus gênant de sa vie. Son ex et l'ex de Bellamy, ensemble. Incongru. Arrivée en bas du bâtiment, Clarke retira l'étiquette sur la bouteille d'huile et écrit en gros, à l'encre indélébile 'HUILE DE COUDE'. Elle espérait que son humour allait autant faire rire Bellamy qu'elle était fière de sa blague.

Lorsqu'elle sonna, la porte s'ouvrit presque instantanément et elle tomba nez à nez avec son hôte. Le brun la prit rapidement dans ses bras pour une accolade avant de la faire entrer. Des odeurs délicieuses s'échappaient déjà de la cuisine. Tel un gentleman, il la débarrassa de sa veste et la posa sur le porte-manteau à proximité. Cela lui rappelait comment Marcus agissait avec sa mère, autrefois. La blonde le remercia et alla saluer les trois personnes déjà arrivées dans le salon, Octavia lui claqua un bisou rapide sur la joue avant de retourner à son ordinateur, et Nathan et Jackson la prirent dans leur bras entre deux conversations chuchotées. Discrètement, elle s'échappa pour rejoindre Bellamy dans la cuisine. Clarke resta dans l'encadrement de la porte quelques secondes, il était de dos et accroupi, essayant de surveiller son plat au four. Elle sourit.

« J'ai quelque chose pour toi, dit-elle »

Le brun se retourna et se leva, les sourcils froncés. Alors, Clarke sortit la bouteille d'huile et la tendit à son ami. Il observa la bouteille quelques secondes avant de comprendre et d'exploser franchement de rire. Clarke souffla.

« Dieu merci, j'avais peur que tu trouves ça vraiment pas drôle. »

« Tu rigoles ? C'est inattendu, j'adore. Et j'ai gagné une bouteille d'huile. »

La blonde hocha la tête, un léger sourire au coin des lèvres. Bellamy prit un verre et lui servit du thé glacé avant de le tendre à Clarke. Perplexe, l'adolescente le prit et regarda l'objet avec hésitation.

« Dis, tu n'aurais pas quelque chose de plus fort ? »

« Euh, j'ai bien de la vodka et du whiskey mais- »

« Vodka. Parfait. »

Bellamy ne broncha pas, il fronça légèrement les sourcils et servit un fond de vodka à son amie. Il l'observa, surpris, descendre la boisson d'une seule gorgée avant de reposer le verre sur le plan de travail.

« Clarke, est-ce que ça va ? »

« En parlant d'inattendu, j'ai vécu l'un des pires instants de toute mon existence. »

« Hum hum, raconte. »

Tout en l'écoutant parler, le brun continua de cuisiner, faisant attention à ce que la sauce sur le feu ne brûle pas. Clarke commença à faire les cent pas dans la cuisine.

« J'ai vu Finn, avec sa nouvelle copine. Enfin, je suppose que c'est sa nouvelle copine. Et en plus..., elle soupira »

« Et en plus ? »

« C'est Gina, ton ex. »

Clarke observa attentivement la réaction de Bellamy, mais il ne dit rien. Il resta complètement impassible et concentré sur sa cuisine.

« Pourquoi tu ne sourcilles même pas ?, demanda-t-elle »

« Gina et moi ne sommes plus ensemble depuis un an, elle est libre de faire ce qu'elle veut, il haussa les épaules »

Et le pire dans tout ça, c'est qu'il était sincère, cela ne l'atteignait même pas. C'était bien une preuve qu'il n'avait plus aucune once de sentiments pour elle. Clarke baissa les yeux, si elle pouvait en dire autant...

« C'est bizarre, non ? Nos deux ex ensemble, dit-elle »

Bellamy sourit et se retourna vers elle, amusé.

« Un peu, souffla-t-il. Mais quelque chose me dit que tu trouves ça plus que 'bizarre'. »

Clarke hésita à lui dire ce qu'elle ressentait vraiment. Mais après tout, Bellamy l'avait vu pleurer, rire, stressée et même malade. Il ne l'avait jamais jugé et elle savait qu'elle pouvait lui confier beaucoup de choses. C'est ce qu'elle aimait quand elle était avec lui, elle pouvait être elle-même sans avoir peur de quoi que ce soit.

« Est-ce que c'est égoïste d'espérer qu'il soit un tant soit peu triste de notre séparation ? »

« Non, je t'assure. C'est humain. »

« Mais c'est moi qui l'ai quitté. »

« Et alors ? Ce n'est ni facile d'être celui qui part, ni celui qui reste. »

C'était aussi une chose qu'elle aimait chez lui, il avait toujours les bons mots pour la rassurer. Ravalant les larmes dans sa gorge, Clarke changea de sujet et se pencha au-dessus de la casserole sur le feu.

« Alors, qu'est-ce que tu nous prépares, Gordon Ramsay ? »

« Gordon Ramsay ?, il rit. Est-ce que je ressemble à Gordon Ramsay ? »

« La même fossette sur le menton. »

Souriant, Clarke posa son index sur le menton de son ami. Elle fut elle-même surprise de son contact, mais c'était devenu normal, entre eux. Ils étaient devenus de plus en plus tactiles, et cela scellait en quelques sortes leur amitié. Bellamy baissa la tête et colla son front à celui de Clarke, fermant les yeux de fatigue. Cela n'avait rien d'ambigu, ils aimaient parfois être proches sans parler, c'était reposant. Il sursauta lorsque la sonnette retentit et la blonde s'éloigna.

*

Raven avait parcouru toutes les boulangeries du quartier pour trouver une tarte à la myrtille. Parce que, vraiment, quel que soit le dessert que Bellamy avait concocté, elle mourrait d'envie d'une tarte à la myrtille sans aucune raison apparente. Alors, quand il lui ouvrit, elle lui tendit la pâtisserie avec fierté.

« J'ai ramené un dessert ! »

« Ah euh, merci. C'est gentil. »

Elle fronça les sourcils d'amusement lorsqu'elle vit le tablier rose autour du brun, mais l'enlaça rapidement quand même. La brune alla s'asseoir sur un des coussins de sol dans le salon, bientôt rejointe par Clarke. Quelques minutes plus tard, Bellamy revint avec plusieurs assiettes de toasts et les posa sur la table basse.

« Voilà, tout est prêt. John ne devrait plus tarder. »

Raven baissa les yeux. Depuis leur dispute, ils s'évitaient. Bien sûr, John mangeait toujours au déjeuner avec eux, il s'asseyait toujours à côté de Bellamy, juste derrière elle, en cours. Mais ils ne se parlaient plus, il ne lui envoyait plus un texto pour lui souhaiter bonne nuit, il n'était pas venu le matin même pour l'emmener au lycée. Alors elle se demandait si, en dehors du lycée, il voudrait toujours être avec eux, si la présence de Raven n'allait pas trop l'importuner pour qu'il vienne.

« Euh, en fait, je ne suis pas sûre qu'il vienne ce soir, dit-elle gênée. D'ailleurs, il est toujours à l'heure, alors s'il n'est pas déjà là, c'est peut-être qu'il ne viendra pas. »

Au même moment, la porte d'entrée s'ouvrit à la volée. John était là, évidemment. Cela créa une sorte de boule d'angoisse dans l'estomac de Raven, et elle était à la fois réellement heureuse qu'il soit là. Elle espérait avoir une conversation constructive avec lui, ce soir. Parce qu'elle avait pris sa décision, elle ne voulait que lui.

« Désolé, je suis en retard. Il y avait un accident à un carrefour, circulation très chiante. »

Bellamy sourit et fit entrer son dernier invité. Il était content que Raven ait eu tort, il ne savait pas ce qu'il s'était passé entre eux deux ces derniers jours, mais il fallait qu'il lui en touche quelques mots. Bellamy aimait beaucoup Nathan et Jackson, mais avec Murphy, c'était différent. Ils devenaient complices. John alla s'étaler sur le canapé avec fracas, faisant rouler des yeux Octavia qui faillit échapper son ordinateur. Faisait-il toujours cela ? La brune ferma son écran et le posa parterre, elle continuerait d'écrire plus tard.

*

La soirée se déroulait bien. Après l'apéritif, toute la bande d'amis était passée à table. Bellamy avait préparé un magret de canard et un gratin dauphinois –sa spécialité d'après lui-.

« Tu m'avais caché ce talent de cuisinier, sourit Octavia »

Bellamy sourit. C'est vrai qu'il aimait cuisiner, le plus souvent il le faisait pour ses parents, lorsqu'ils étaient trop pris par leur travail. Mais c'était peut-être la première fois qu'il le faisait pour ses amis. Parce que, il fallait l'avouer, il avait plusieurs fois fait des repas avec Kyle et Wells, mais cela n'avait rien à voir avec ses soirées avec ceux qu'il recevait ce soir. Dans ce groupe d'amis-là, il se sentait davantage lui-même, et cela avait probablement un lien avec le fait qu'un membre de sa famille appartenait à cette bande. Mais pas uniquement, chacun apportait quelque chose au groupe, Nathan et Jackson avec leur bonne humeur, John et Octavia avec leur sarcasme permanent, Raven et Clarke avec leur générosité, et Bellamy, il se sentait simplement chez lui parmi tout cela. Sans vraiment s'en être rendu compte, il avait retrouvé une sorte de deuxième famille.

Parmi tout ce brouhaha dans lequel Octavia, Nathan et Raven se disputaient sur les meilleures équipes de football américain, Bellamy jeta un coup d'œil rapide sur Clarke, à sa droite, qui descendait un peu trop rapidement les bouteilles d'alcool. Et puis, elle devait l'avouer, elle commençait à ne plus trop y voir clair dans son esprit. C'est probablement ce qu'elle avait recherché en buvant autant. Le brun posa une main rassurante sur la cuisse de son amie.

« Peut-être que tu devrais ralentir un peu sur les verres, lui chuchota-t-il doucement »

« Je vais bien. »

Non, elle n'allait pas bien. Mais qui avait déjà réussi à résonner une personne trop alcoolisée ? Bellamy soupira doucement et se leva pour emmener les plats vides à la cuisine. Il entama de faire la vaisselle lorsqu'il entendit des pas derrière lui. Clarke attrapa le torchon accroché au four et commença à essuyer la vaisselle.

« Désolée, je ne voulais pas être aussi froide. J'ai un peu trop bu. »

« Je pense, oui, il eut un demi-sourire. Tu te sentiras mieux demain. »

« Nope, ça n'ira pas mieux demain. Mais au moins, je peux oublier un peu plus, le temps d'une soirée. »

Les épaules de Bellamy s'affaissèrent et Clarke baissa les yeux, il l'observa quelques secondes.

« Est-ce que c'est d'avoir vu Finn avec Gina ? »

« Peut-être, elle réfléchit. J'avais besoin de quelque chose de concret pour réaliser notre rupture et maintenant je l'ai eu, mais je crois que je ne m'attendais pas vraiment à ça. Et en même temps, je ne peux pas lui en vouloir, il le droit d'être heureux sans moi. »

Le brun resta silencieux quelques secondes. Il était passé par là, et sa rupture à lui avait été bien plus violente. Mais consoler une amie en plein chagrin d'amour était délicat, dans ces cas-là, on ne veut pas entendre grand-chose.

« Clarke, je sais que c'est difficile à admettre pour le moment, mais je te jure que ça passera avec le temps. Parce que ça passe toujours avec le temps. »

La blonde essuya les quelques larmes qui s'étaient écoulées le long de ses joues.

« Tu crois ? »

« J'en suis sûr, fais-moi confiance. Je sais ce que c'est. Et sans vouloir te décourager, ça ne sera pas le dernier. »

Clarke rit dans ses larmes. Il n'avait pas tort. Elle n'avait que dix-sept ans et Finn ne serait probablement pas le dernier garçon qui partirait de sa vie. Bellamy sourit à son tour et emprisonna son amie dans ses bras. S'il ne pouvait pas faire quoi que ce soit pour qu'elle se sente mieux, il pouvait au moins lui apporter son soutien physique. Au même moment, Raven arriva rapidement avec les carafes d'eau dans la main, avant de repartir directement.

« Je ne suis pas là. Je ne fais que passer. Faites comme si je n'étais jamais venue, dit-elle en s'éloignant »

La blonde se détacha de Bellamy avant de lever les yeux au ciel. Raven avait toujours tendance à s'imaginer n'importe quoi, et elle était certainement mal placée pour le faire vue sa relation tumultueuse avec Murphy. Quelques secondes, Clarke eut un vertige et elle se raccrocha au plan de travail en fixant le sol. Bellamy la rattrapa de justesse.

« Clarke, qu'est-ce que tu as ? »

« C'est rien, c'est l'alcool. J'ai la gerbe. »

« Ah, viens avec moi. »

Le brun lui attrapa le coude et la mena jusqu'à la salle de bain, en prenant soin d'éviter les regards moqueurs de ses amis affalés sur le canapé du salon une fois la table débarrassée. C'était sans compter les remarques de John.

« Alors Blondie, on supporte mal le cidre ? »

Bellamy camoufla son sourire alors que Clarke lui montra son plus beau majeur sans même le regarder dans les yeux. L'adolescent l'emmena dans la salle d'eau alors qu'elle s'agenouillait devant les toilettes. Il s'assit sur la baignoire à côté d'elle et lui attrapa les cheveux pour l'aider.

« Si la pré-adolescente que j'étais à treize ans me voyait, je n'en croirais pas mes yeux, dit-elle sans réfléchir »

« Qu'est-ce que tu racontes ?, rit Bellamy »

« Tu sais, toutes les filles de treize ans ont le béguin pour quelqu'un quoi, et bien moi, c'était sur toi. »

Bellamy fronça les sourcils, surpris. Il n'aurait jamais pensé que la princesse –oui, à treize ans, c'était une princesse- Clarke Griffin aurait pu espérer une amourette avec lui. D'ailleurs, si elle le lui avait dit, il n'aurait certainement pas répondu, parce que lui aussi, c'était un abruti fini à treize ans. Mais de toute manière, les choses avaient changé, ils avaient grandi, était amis et il n'existait aucune ambiguïté entre eux. Alors, Bellamy se dit que c'était juste une anecdote amusante, rien de plus.

Puis, le coupant dans sa réflexion, Clarke commença à vomir tout l'alcool qu'elle avait ingurgité. Elle grogna.

« Oh... Je suis complètement bourrée... »

Bellamy rit franchement avant de lui frotter le dos pour la rassurer.

« Rassure-toi, on passe tous par là. Quand tout sera 'sorti', tu te sentiras mieux. »

*

Dans le salon, l'ambiance était bien plus calme. Nathan et Jackson s'étaient éclipsés, tous les deux fatigués de leur journée apparemment bien remplie. Octavia s'était une fois de plus enfoncée dans le fauteuil, sous un plaid, pour continuer à écrire. Raven se tenait d'un côté du canapé, tandis que John se tenait de l'autre extrémité. Octavia soupira, exaspérée, ces deux-là étaient vraiment deux têtus incapables de se parler. Ils regardaient un film Netflix qui passait sans même être concentrés. Raven tentait de capter l'attention de son ami, mais en vain. Alors, vexée et un peu blessée, elle tira la baie vitrée et sortit sur la terrasse. Murphy ne leva même pas les yeux pour la regarder partir, alors qu'Octavia observa sa meilleure amie accoudée sur la rambarde, le regard nostalgique.

« Si tu veux mon avis, Murphy, tu es un très mauvais acteur, commença Octavia »

« Alors, ça tombe vraiment bien que tu me dises ça, parce que je ne t'ai pas demandé ton avis. »

Octavia sourit derrière son ordinateur. Même si cela l'écorchait de l'avouer, elle aimait bien parler avec John, son répondant et son sarcasme était similaire au sien. Cela ne voulait pas dire qu'elle l'appréciait, mais au moins, elle pouvait se permettre de ne pas avoir de filtre avec lui. Peut-être qu'ils se ressemblaient bien plus qu'ils ne pouvaient le penser.

« Tu sais que j'ai raison. Je n'ai jamais vu deux personnes aussi têtues que vous deux. »

John soupira et se tourna un peu plus pour regarder la brune dans les yeux. Même s'il n'avait pas du tout le cœur à ça, il se retrouvait bien obligé d'avoir cette conversation. Octavia ferma son ordinateur.

« Ce n'est pas un secret, Murphy. Je ne te porte pas particulièrement dans mon cœur. Mais pour une raison que j'ignore, ma meilleure amie a l'air de vraiment tenir à toi, alors s'il te plaît, cesse de faire l'indifférent avec elle. »

« C'est elle qui passe son temps à me repousser, souffla-t-il »

« Et je comprends que tu en ais marre de tourner en rond. Mais elle a juste peur. »

« Peur de quoi ?, il haussa les sourcils »

« Mets-toi à sa place. Il y encore un mois et demi, tu étais le petit toutou d'Echo, autrement dit celle qui lui a pourri la vie pendant des années. Maintenant elle doit gérer ses sentiments envers toi alors que c'est si... soudain. »

Les mots d'Octavia ne faisaient pas plaisir à John, ils étaient crus. Mais elle avait raison, il le savait. Le jeune homme ne répondit pas et passa une main sur son visage. D'accord, il fallait qu'il parle à Raven. De toute manière, il était incapable de rester en froid avec elle trop longtemps. Il y avait entre eux une alchimie qu'il ne pouvait pas expliquer. Comme des aimants, à s'attirer et se repousser sans arrêt. S'il pensait qu'un jour, il allait écouter les conseils d'Octavia Blake...

« D'accord, et parlons de ton cas, commença John. Ton cousin est au courant de ton idylle avec ton prof de littérature ? »

Il avait lâché cela avec un sourire narquois. Les yeux d'Octavia manquèrent de sortir de leurs orbites, elle attrapa un coussin et le lança à la tête de Murphy.

« Tais-toi, gros débile. Bell pourrait nous entendre. »

« Donc j'ai raison ? »

« Certainement pas ! »

« Alors ce dessin que tu as fait de lui la dernière fois ? Le fait que vous bossiez ensemble sur un projet commun de livre est tout à fait anodin, n'est-ce pas ? »

« C'est strictement professionnel. »

« Octavia, il sourit. A d'autres. J'ai vu ton regard quand tu l'as dessiné. »

« C'est un professeur, John. Tout le monde n'est pas aussi dégénéré que toi pour trouver cette situation normale. »

« Ose me dire qu'il n'y jamais rien eu entre vous. »

Octavia tiqua. Elle aurait aimé dire que non, parce que Murphy n'était certainement pas la bonne personne pour parler de cela, d'autant plus qu'il était devenu relativement ami avec son cousin. Mais elle était très mauvaise menteuse alors, s'il devait l'apprendre, autant que cela se fasse de manière sincère.

« Il m'a embrassé. Une fois. C'était une erreur et on ne s'est pas parlé pendant plusieurs semaines. »

John hocha la tête, attentif. Bizarrement, Octavia s'attendait à ce qu'il soit choqué, stoïque ou quelque chose dans le genre. Mais il resta impassible, comme s'il s'y attendait.

« Pourquoi ? »

« Tu me demandes vraiment pourquoi ?, demanda-t-elle, incrédule. Parce que je te le répète, c'est mon professeur, et qu'il n'est pas censé faire ça. Alors j'ai eu peur et je lui ai dit que je ne voulais plus travailler avec lui. »

« C'est parce que tu as aimé et que tu ne veux pas te l'avouer que tu prends comme prétexte le statut de professeur ? »

Octavia eut la bouche bée. Il ne la connaissait pas, pour qui se prenait-il d'insinuer une telle chose totalement sordide et sortie de son esprit ? Elle attrapa un deuxième coussin et le lança une nouvelle fois à la tête de Murphy qui le rattrapa de justesse.

« Occupe-toi de tes affaires de cœur complètement désordonnées au lieu de te mêler de ce qui ne te regarde pas et de promulguer des âneries. »

John explosa franchement de rire en se levant.

« Fais-en ce que tu veux, mais je pense que si tu arrives à écrire uniquement depuis que tu lui reparles –parce que oui, les évènements coïncident avec ton manque d'inspiration-, c'est qu'il y a une raison. Mais tu n'as pas tort, j'ai moi aussi des choses à régler. »

Sans un dernier regard, John attrapa son paquet de cigarettes et tira la baie vitrée pour rejoindre Raven sur la terrasse. Elle était dos à lui, toujours accoudée sur la rambarde et le regard perdu dans le vide. Il alla s'asseoir sur une des banquettes d'extérieur et tapota la place à côté de lui quand elle se retourna pour le regarder. John alluma sa cigarette, alors qu'elle venait s'asseoir près de lui. Ils restèrent plusieurs minutes sans parler, juste à observer les étoiles, avant que Raven ne brise le silence.

« Je suis désolée, commença-t-elle »

Il ne répondit pas, et ils ne se regardaient même pas. De toute manière, Raven savait qu'elle allait totalement perdre ses moyens si ses yeux croisaient ceux de John.

« J'ai tourné notre dernière conversation dans ma tête des centaines de fois avec toutes ces choses que j'aurais pu te dire. Et ça aurait été tellement plus simple si je te les avais dites au bon moment. Elle marqua un temps. Tu vois, maintenant que j'ai l'occasion de le faire, je ne sais plus comment le faire. Parce que c'est toujours comme ça que les choses se déroulent avec toi, j'ai l'impression de pénétrer dans un flou total, et le pire, c'est que j'adore ça. »

Le jeune homme fronça les sourcils et se tourna pour l'observer, mais elle, elle ne détourna pas le regard du ciel.

« J'aime cette manière que tu as de me faire ressentir de nouvelles sensations, j'aime quand tu me dis de me laisser aller et j'aime encore plus te faire confiance pour ça. Je déteste quand tu es loin de moi et je sais que c'est vraiment, vraiment débile mais j'en reviens à attendre les moments où je serais avec toi. »

Raven secoua la tête, sourit et regarda ses mains, ne sachant pas trop quoi en faire. Elle se sentait si niaise, ce n'était pas son genre et pourtant, c'était bien les mots qu'elle avait sur le cœur à cet instant-ci. John posa une main délicate sur les siennes, la forçant à le regarder, et elle le fit, hésitante.

« La seule chose que je veux, maintenant, c'est être avec toi. Et être à toi. Elle soupira. Pour de vrai. Je ne veux plus jouer au chat et à la souris. Je ne sais même pas comment j'ai pu faire pour mettre autant de temps à m'en rendre compte. C'est de toi dont j'ai besoin. »

Raven frissonna, l'air dehors était frais, et elle se sentait électrisée par ce regard bleu azur sur elle. Le châtain glissa une main moite dans le cou de la jeune fille, elle ferma les yeux pour mieux apprécier le contact et pencha la tête pour le provoquer plus encore. La seule lumière de la lune les éclairait. Petit à petit, Raven sentit l'haleine de tabac froid se rapprocher d'elle, et quand elle ouvrit les yeux, il l'embrassait. Ce n'était pas la première fois qu'ils échangeaient un baiser, mais celui-ci n'avait rien à voir avec le premier. Raven l'avait attendu pendant des jours, il était arrivé au bon moment. C'était agréable de sentir qu'elle n'avait plus peur, qu'elle en mourrait juste d'envie. Ils se séparèrent quelques secondes pour se regarder, avant de recommencer, non sans un sourire.

*

A l'intérieur, Clarke et Bellamy étaient revenus dans le salon après que la jeune fille se sente mieux. Ils suivirent le regard d'Octavia qui observait Raven et Murphy, dehors. Clarke esquissa un demi-sourire.

« Il était temps, depuis le temps que ça leur pend au nez, à ces deux-là, dit-elle »

Octavia et Bellamy sourirent sincèrement. Puis, la brune observa sa meilleure amie qui luttait contre le sommeil. C'était peut-être la première fois qu'elle la voyait si alcoolisée, mais avec sa rupture avec Finn, son audition et toute la pression qu'elle se met toute l'année, cela ne lui faisait pas de mal de décompresser un peu.

« Je pense qu'il est temps d'aller se coucher, sourit Octavia »

« Ouais, j'ai préparé mon lit pour toi et Clarke, dit Bellamy. Raven et Murphy dormiront dans la chambre de mes parents et moi je serais dans le canapé. »

« Je préfère dormir sur le canapé, dit O. J'aimerais bien écrire, je risque de me coucher tard. »

« Tu es sûre ? »

Bellamy fronça les sourcils, il ne savait pas si elle avait considéré que cela demandait à Clarke de dormir avec Bellamy. Pas que cela le dérangeait, ils étaient amis. Mais Octavia avait cette fâcheuse tendance à toujours vouloir éloigner sa meilleure amie et son cousin. Sauf que depuis cette conversation qu'elle avait eue avec Clarke, la brune avait confiance en eux, elle savait qu'il n'y avait rien, que Clarke n'utilisait pas Bellamy pour se soigner de sa rupture. Alors, Octavia sourit et hocha la tête, elle était sûre.

Bellamy se leva donc et Clarke le suivit jusqu'à sa chambre. Sans réfléchir, la blonde s'enfonça dans les draps toute habillée et encore maquillée. Le brun tiqua lorsqu'il réalisa qu'il devrait probablement laver son oreiller le lendemain, mais peu importe, ce n'était qu'un oreiller. L'adolescente ferma les yeux presque instantanément, alors Bellamy en profita pour se retourner et changer son tee-shirt pour la nuit. Curieuse, Clarke ouvrit un œil et son regard se perdit sur le creux des reins marqué du brun. Lorsqu'elle le vit se retourner, elle ferma brusquement les yeux en espérant qu'il ne l'ait pas vu, et heureusement pour elle, ce ne fut pas le cas. Alors, la blonde simula le sommeil profond tandis que Bellamy s'allongeait à ses côtés. Dos à dos, Morphée les emporta.

*

Le lendemain matin, Bellamy fut le premier à être réveillé. L'adolescent se retourna et observa Clarke, toujours profondément endormie, la bouche entrouverte. Il se leva, enfila un jogging et se dirigea dans la cuisine. Le brun ouvrit le frigo et attrapa le bacon et les œufs, ses amis seraient sûrement ravis de voir que le petit-déjeuner serait appétissant. Au moment où il mit le bacon à griller, Bellamy sursauta lorsqu'il sentit une main sur son épaule, c'était John.

« Ne fais pas le mec apeuré. Entre toi et moi, c'est toi le plus moche, le matin. Le reste de la journée, c'est une autre histoire... »

Bellamy rit franchement.

« Bien dormi ?, demanda Bellamy »

« Bien. Et toi ? »

« Bien, genre bien ? Ou bien... Vraiment bien, dit-il en haussant les sourcils »

John lui lança un regard noir en comprenant les sous-entendus lancés par Bellamy. A vrai dire, il ne s'était strictement rien passé avec Raven dans la chambre. Ils s'étaient simplement endormis dans les bras l'un, l'autre. Le châtain n'avait pas envie de brusquer sa désormais petite-amie.

« Tout le monde n'est pas aussi impatient que toi, Blake. »

Bellamy fit le faux offusqué et donna un coup dans l'épaule de son ami en riant. Au même moment, les garçons virent un bras dépasser du canapé du salon.

« Salut, je suis là. Je n'ai pas envie d'entendre cette conversation, dit Octavia »

« Pourquoi est-ce que tout le monde crie si fort dès le matin ? »

C'était Clarke. Les cheveux encore ébouriffés, le maquillage qui avait coulé sous ses yeux et ses nausées trahissaient sa bonne humeur matinale. Elle alla s'installer sur un des tabourets du bar aux côtés de John. Bellamy sortit un verre et fit fondre une aspirine à l'intérieur. Sans parler, Clarke lui sourit et le remercia des yeux. Il était toujours si prévenant avec elle, comme il l'était avec Octavia. Comme si elle était sa sœur. Raven avait Murphy. Clarke et Octavia avaient Bellamy. A la seconde où Bellamy déposa des assiettes devant ses amis, c'est Raven qui débarqua dans la cuisine à son tour. Contrairement à Clarke, elle était rayonnante.

« Quelle heure est-il ?, demanda Raven »

« Neuf heures et demies. »

« Est-ce qu'on est tous en train de sécher les cours ? »

« Ouais. On ira en enfer, mais au moins, on ira ensemble, répondit Murphy »

*

Après le petit-déjeuner, tout le monde avait décidé de rentrer chez soi, hormis Clarke qui était encore particulièrement amochée. John avait évidemment proposé de ramener Raven chez elle. C'était encore un peu bizarre entre eux, ils ne réalisaient pas vraiment que les choses s'étaient concrétisées, mais c'est aussi particulièrement soulageant de ne pas se poser de questions. Alors, quand il avait garé la voiture devant chez elle, il s'était naturellement penché pour l'embrasser, et Raven se demanda si cela allait l'électriser ainsi à chaque fois ou si les papillons dans son ventre allaient un jour s'en aller. Avant qu'elle ne passe la porte d'entrée, il descendit la vitre de la voiture et l'appela.

« Raven ! »

Elle se retourna et le questionna du regard.

« Rien, je voulais juste retarder le moment. »

*

Plus tard, lorsqu'il rentra dans sa cuisine, chez lui, John vit sa mère avec un homme. Et cela ne le dérangeait pas, mais c'était simplement surprenant, il ne l'avait jamais vu avant. John connaissait presque tous les collègues de travail de sa mère, puisqu'il l'aidait souvent à l'atelier. Ayant un travail très prenant, elle n'avait que peu d'amis, et ils étaient des amis de longue date que John connaissait forcément aussi.

Surprise, sa mère s'éloigna de l'homme et sourit, gênée. L'adolescent attrapa une pomme dans la corbeille à fruits et observa le nouveau venu avec bienveillance. Il s'avança vers lui pour se présenter lorsqu'il prit lui-même la parole.

« Je devrais peut-être y aller. »

John aurait voulu le retenir et lui dire qu'il ne le dérangeait pas. Mais l'homme s'excusa et partit à la volée. Tant pis, se dit John, une autre fois. Le châtain croisa le regard de sa mère qui n'avait jamais été aussi mal à l'aise. Il voulait la rassurer.

« John, euh, je... J'ai quelque chose à te dire. »

« Détends-toi, maman, il croqua dans sa pomme. Assieds-toi, respire un grand coup et raconte-moi. Je ne suis pas du tout en colère. »

« Vraiment ? »

« Mais oui. »

Eleanor sourit et secoua la tête. Sous les conseils de son fils, elle tira une des chaises de la cuisine et s'assit, en face de John. Même si elle était rassurée de voir qu'il n'était pas fâché, c'était toujours délicat d'aborder ce sujet-là avec lui, surtout qu'elle avait été prise sur le fait.

« J'ai rencontré quelqu'un, dans une soirée de la boîte. Il s'appelle Owen, il est journaliste. On se voit depuis quelques semaines, je ne t'en ai pas parlé parce que je ne suis encore sûre de rien et... Je ne veux pas prendre cela à la légère. »

« Je comprends, maman, il sourit »

« Tu es sûr que ça ne t'ennuie pas ? Je ne veux pas que tu penses que j'essaie de remplacer ton père. »

« Maman, il roula des yeux. J'ai dix-sept ans, je suis capable de comprendre que tu n'aies pas envie de rester seule toute ta vie. Papa est mort il y a plusieurs années, tu as le droit d'être heureuse à nouveau. Et même si ça risque d'être difficile de te voir avec quelqu'un d'autre, je suis capable de l'accepter si tu es bien avec lui. »

Eleanor posa une main sur celle de son fils. Elle avait de la chance que John soit si mature et compréhensif. La femme savait que la mort de son père avait été très compliquée à gérer pour lui, pourtant il était prêt à accepter quelqu'un d'autre dans le foyer familial. Mais après tout, cela ne faisait que très peu de temps qu'elle fréquentait Owen, elle ne voulait pas se projeter pour l'instant.

« Mais parlons plutôt de toi, commença-t-elle. Je me demandais pourquoi tu faisais le mur ces derniers soirs alors que je t'avais consigné. J'ai trouvé la raison maintenant... Raven ? »

Incrédule, John laissa échapper sa pomme de sa main et elle roula sur le sol. Honteux, il la ramassa et passa une main dans ses cheveux.

« Ne sois pas si étonné, Jonathan, j'ai été jeune avant toi, se moqua-t-elle »

Dieu, il détestait quand elle l'appelait Jonathan.

« Tu m'espionnes ?, souffla-t-il »

« Pas besoin. Tu laisses ton téléphone sur le plan de travail toute la journée et tu reçois toujours des messages d'elle, sans compter cette petite démonstration d'affection à l'atelier, la dernière fois. »

Bon, elle n'avait pas tort. John n'était définitivement pas la personne la plus discrète de cette maison. Il est vrai qu'il aurait pu faire attention à son téléphone. Et puis à son sourire béat sur son visage lorsqu'il recevait des messages. Il était vexé, John parlait beaucoup avec sa mère, mais le sujet des filles n'était jamais abordé entre eux. Et en même temps, il n'avait jamais eu l'occasion de présenter qui que ce soit.

« Alors, est-ce que comptes te résoudre à me dire ce qu'il se passe entre vous ?, elle insista. Est-ce qu'elle est ta petite-amie ? »

« Oui. On peut changer de sujet, maintenant ? »

Pas qu'il en avait honte, loin de là. Il était fier d'être avec une fille si géniale. Mais encore une fois, ce n'est pas un sujet qu'il aimait aborder avec sa mère. Même s'il n'avait plus de figure paternelle pour en parler, il n'avait pas l'intention de se rabattre sur sa figure maternelle.

« Je vois, tu veux garder ton jardin secret, tout ça. C'est légitime, soupira sa mère »

« Le jardin secret, voilà. »

« Mais même si tu n'as pas envie de parler de ça, sache que tu n'aurais pas pu faire meilleur choix. Raven est une fille fantastique. »

Là, elle réussit à lui décrocher un sourire.

« Je sais. »

*

Après le petit-déjeuner, Clarke était restée chez Bellamy. C'était lui qui avait insisté. Elle n'était ni dans un état physique, ni dans un état moral pour retourner chez elle. Il aurait pu la ramener en voiture, mais même si John l'avait dépanné provisoirement, il l'avait fait réparer au garage. Alors, la tête sur les jambes de Bellamy, elle était allongée sur le canapé avec une énorme bouteille d'eau dans l'espoir d'éponger tout l'alcool bu la veille.

« Je suis désolée d'avoir gâché ta soirée, dit-elle »

« Gâché ma soirée ? »

« Oui, tu as pris un temps fou pour cuisiner et tout préparer, pour finir par me tenir les cheveux pendant que je vomissais ce si bon repas... »

Bellamy commença à caresser les cheveux de Clarke alors qu'il pouffa de rire.

« Tu ne m'as rien gâché du tout, Clarke. Je ne l'aurais pas fait si je ne l'avais pas voulu. »

« Quand on réfléchit bien, tu m'as vu dans tous mes pires états. Le stress, la grippe, la gueule de bois... »

« Je dois avouer que j'aime bien quand tu es comme ça. »

Silence.

« Qu'est-ce que tu veux dire ?, demanda-t-elle doucement »

« Tu sais, j'apprends que j'ai la peau douce et que tu craquais sur moi, au collège. »

Pourvu qu'elle comprenne l'humour là-dedans, se dit-il. Parce que ce n'était que de l'humour, après tout. Qu'est-ce que cela pouvait bien lui apporter de savoir cela aujourd'hui ? Heureusement pour lui, elle rit franchement et lui donna un coup dans l'épaule.

« Tu es un idiot, lui dit-elle »

Oui, il était idiot. Il était idiot et il commençait définitivement à se poser beaucoup trop de questions. Il se surprenait souvent à appréhender la réaction de Clarke, comme si ce qu'elle pensait de lui importait vraiment. Il s'était amicalement attaché à elle facilement, en fait. C'était la musique qui les avait rapprochés. Clarke lui envoyait souvent des références de duos entre piano et violoncelle, ils se disaient toujours qu'ils les travailleraient ensemble, mais ils ne prenaient jamais le temps.

C'était comme ça, entre eux. Pas de prises de tête, pas de promesses. Leur amitié avait été naturelle. Ils auraient mille fois eu l'occasion de ne pas se parler avec toutes les remarques qu'Octavia pouvait faire, au départ. Et puis, ils n'avaient pas grand-chose en commun. Mais les choses s'étaient passées ainsi, sans qu'ils ne s'en soient réellement rendu compte, ils tenaient l'un à l'autre. Ils étaient importants l'un pour l'autre. C'était presque un besoin. Bellamy attendait toujours ce message où elle lui enverrait ce lien YouTube, Clarke dépendait presque du contact physique avec Bellamy depuis qu'il l'avait rassuré lors de l'audition. Aucun d'entre eux ne doutait de la nature de leurs sentiments, c'était de l'amitié pure et dure, parce que c'était inconcevable autrement. Ils avaient eu une sorte de coup de cœur amical mutuel. Clarke était désolée de l'avouer, mais en plusieurs mois d'amitié avec Nathan, elle n'avait pas réussi à se sentir aussi bien qu'en un mois d'amitié avec Bellamy. Il était devenu son meilleur ami et son confident, elle était une sœur et une amie pour lui, mais ce n'était pas comparable avec sa relation avec Octavia.

Agglutinés tous les deux sur ce canapé à regarder des comédies stupides à la télé, ils étaient bien. Ils n'avaient pas besoin de parler. Parce que c'était ainsi que leur amitié se construisait, la simple présence de l'autre suffisait. Au fond d'elle, Clarke avait simplement la crainte que la rapidité et l'intensité de cette relation n'allait pas retomber aussi vite qu'elle était arrivée dans leur vie.

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