Chapitre 4

FIN SEPTEMBRE

         Il était vingt-heures, et après son déjeuner avec Raven et Octavia ce midi, Clarke n'était pas sortie de l'après-midi. Elle était simplement restée dans sa chambre et s'était entraînée au violoncelle. De toute façon, le temps était maussade. Depuis sa réconciliation avec Finn, Clarke se sentait beaucoup mieux. Ils s'étaient retrouvés tous les deux après les cours et avaient discutés, chacun avaient reconnu ses torts. Les choses semblaient rentrer doucement dans l'ordre, jusqu'à la prochaine fois, peut-être ? Dans tous les cas, la blonde se sentait soulagée de savoir qu'il n'y avait plus de reproche en suspens entre eux deux.

Clarke fouilla dans les placards, elle mourrait de faim. Mais elle ne trouva que des paquets de riz et de pâtes. Sa mère et Marcus étant très pris par leur travail à l'hôpital, ils n'étaient pas souvent présents, et n'avaient pas toujours le temps de faire les courses. Alors, la jeune fille piqua quelques légumes dans le frigo et se cuisina une salade composée. Elle prit son assiette et s'installa devant la télévision, à cette heure-ci, elle aimait regarder les magazines documentaires.

L'adolescente finit son repas et déposa la vaisselle dans l'évier. Dans moins d'une heure, Bellamy viendrait la chercher pour aller boire ce café qu'elle lui avait promis. Clarke monta dans sa chambre et fouilla dans sa garde-robe. Ce n'était pourtant pas si compliqué de s'habiller, ce n'était pas un rendez-vous comme elle aurait pu en avoir avec Finn. Elle l'avait simplement invité pour le remercier. Alors, la jeune fille secoua la tête et choisit un simple jean et un pull beige. Elle secoua ses cheveux et y passa ses doigts pour les démêler légèrement, elle était prête. Lorsque Bellamy sonna à la porte, elle eut un sentiment un peu encombrant dans sa poitrine, comme un infime stress. Mais elle n'avait pas de quoi, Bellamy était un camarade de lycée qui l'avait aidé lorsqu'elle avait douté, rien de plus. Clarke attrapa son sac en bandoulière, et quand elle ouvrit la porte, toute son angoisse s'évanouit. Bellamy n'était pas un étranger ; il lui offrit son plus beau sourire et la fit monter dans sa voiture.

« Alors, Clarke, à toi de me guider jusqu'à ce si merveilleux café. »

La jeune femme acquiesça et l'emmena jusqu'au café où elle avait croisé Jasper et Monty la même semaine. Ce n'était pas un gros café, il était convivial, de quartier. Bellamy poussa la porte le premier, la petite cloche de l'entrée sonna, et il laissa passer la blonde. Les deux adolescents allèrent s'asseoir sur des banquettes rouges au fond de la salle, sous un néon bleuté. A cette lumière, les yeux de Clarke ressortaient plus que jamais. Bellamy s'empara de la carte.

« Qu'est-ce que tu me conseilles ?, demanda-t-il »

« Tout est délicieux ici, mais... dis-moi comment tu es, et je te dirais ce que tu bois. »

« Ce n'est pas l'inverse, normalement ?, rit-il »

Clarke sourit et se mordit la lèvre. Le brun fouilla dans son sac et en sortit des lunettes noires qu'il posa sur son nez. Cela lui donnait un tout autre style, un peu plus sérieux, moins décontracté que d'habitude. Il se concentra et plissa les yeux. Voyant qu'il était observé, Bellamy leva un sourcil.

« Ce sont les lunettes, c'est ça ? Je sais, ça peut surprendre au début, je ne les mets jamais au lycée, il souffla »

« Pourquoi ? »

« Je n'aime pas trop les porter, il haussa les épaules. Mais bon, ici, il n'y a que toi. »

La blonde acquiesça. A vrai dire, ces lunettes lui allaient plutôt bien. Elle aurait voulu lui dire, mais c'était bizarre de lui faire un compliment, d'autant plus sur quelque chose qu'il n'aimait pas. Alors, elle se racla la gorge et regarda la carte à son tour.

« Si tu n'arrives pas à choisir, prends le mocaccino, dit-elle »

« C'est le meilleur ? »

« Pas forcément, c'est une question de goût. Mais c'est celui qui rassemble le plus de bonnes choses : le capuccino, le chocolat, la crème et le cacao. »

Bellamy hocha la tête et reposa la carte. Il avait envie de lui faire confiance, de toute façon, il avait toujours l'habitude de ne prendre qu'un simple café, et ne s'était jamais intéressé à toutes ses préparations diverses. Le serveur arriva, Bellamy commanda son mocaccino, et Clarke un café viennois.

« Donc, commença Bellamy, tu ne m'as pas dit ce qu'il s'était exactement passé avec Finn ? »

« Exactement comme tu l'avais prévu ; il en a eu marre que je l'ignore et il est revenu de lui-même. »

« Qu'est-ce qu'il t'a dit ? »

« Qu'il était désolé, et j'avoue que je lui ai répondu la même chose. On n'a tous les deux fait des erreurs dans notre histoire. »

« Finalement, ça a été plus rapide et facile que ce je pensais. J'admets que je croyais Finn plus fier que cela, mais je suis content que les choses se soient arrangées. Tu me sembles plus en forme que la dernière fois où je t'ai vu. »

Clarke rit légèrement. En effet, dans sa salle de lecture, elle n'était pas très avenante, presque froide avec Bellamy qui ne lui avait pourtant rien fait. Le serveur arriva avec leurs deux commandes et ils trempèrent leurs lèvres dans leur tasse de café.

« Mais changeons de sujet, on n'est pas ici pour parler de moi. Toi, Ô grand Bellamy, tu n'as donc personne ? »

« Personne, il soupira. Il y a bien eu Gina, l'année dernière, mais ça n'a pas marché. »

« Et depuis, plus rien ? »

Bellamy se gratta l'arrière du crâne, et la blonde regretta immédiatement. Elle se rendit compte à quel point elle pouvait être curieuse, quelques fois. Surtout qu'elle venait juste de faire la connaissance de Bellamy, et cela pouvait certainement paraître incommodant.

« Désolée, je suis parfois trop intrusive. »

« Non, ce n'est pas ça. Mais si je l'ai quitté, c'est parce qu'elle m'a trompé. Comme c'était ma première copine, c'est plus compliqué de faire confiance après ça. »

« Oh... je vois. Je suis désolée, je sais à quel point ça peut être blessant. »

Clarke n'avait jamais vécu cela. A sa connaissance, Finn ne l'avait pas trompé. Mais elle s'imaginait si cela avait été le cas un jour, elle aurait eu beaucoup de mal à s'en remettre. Bellamy sourit légèrement pour la remercier.

« En tout cas, je n'aurais jamais pensé que Gina ait été ta seule copine. »

« Pourquoi, je suis si attrayant que ça ?, rit-il »

L'adolescente se mit à rougir instantanément. En une seule phrase, il avait réussi à la déstabiliser complètement.

« Non, ce n'est pas ce que je voulais dire, elle baissa les yeux »

« Relax, Clarke, je rigolais. Ne t'évanouis pas, s'il te plaît. »

Il se mit à rire, il se moquait d'elle. Mais la jeune fille se détendit un peu et le regarda, puis rit à son tour. Elle lui donna une légère tape sur le bras.

« Je ne sais pas, tu es plutôt sociable, tu as pas mal d'amis, tu es apprécié au lycée, les filles s'intéressent à toi... »

« Alors tu pensais que j'en profiterais ?, il leva un sourcil »

« Eh bien, oui ? »

« Les filles ne sont pas ma première préoccupation, Clarke, il rit. Et ce n'est pas parce qu'il y en a qui me tournent autour que je vais sauter sur la première venue. Je suis presque déçu de dégager cette image-là, au lycée. »

« C'est peut-être juste mon interprétation, elle haussa les épaules »

La jeune fille réfléchit. Peut-être qu'elle se trompait sur la personnalité de Bellamy ; même s'il avait tendance à côtoyer les gens les plus populaires du lycée, il était certainement le plus discret d'entre eux. Et c'était peut-être le détail le plus important de l'histoire. Bellamy avait cette faculté à s'entendre avec tout le monde, jamais on ne l'avait vu se disputer avec qui que ce soit, jamais il ne s'était retrouvé sur le blog d'Echo pour un quelconque potin. Il était comme transparent parmi tout son groupe d'amis, et cela lui convenait bien.

« Alors, voyons, Clarke fit semblant de se concentrer. Tu es quelqu'un de calme, tu n'aimes pas les conflits et tu n'aimes pas non plus te faire remarquer. Je dirais que tu sais ce que tu veux, tu as beaucoup d'humour et tu accordes une attention toute particulière à ta famille. Tu es introverti en public, et extraverti en privé. Tu aimes l'art, par contre, je ne sais pas quelle forme d'art. Et je ne sais pas non plus si tu préfères être seul ou entouré. »

« Tu as lu tout ça dans ta tasse de café ?, il rit »

« Dans la tienne, en fait. Je n'ai jamais vu quelqu'un de nerveux prendre un mocaccino, mais plutôt un café noir et serré. Du coup... j'ai procédé par déduction. Et un peu au pif, aussi. J'ai raison ? »

Bellamy sourit et baissa la tête pour remuer sa cuillère dans sa tasse de café. Il laissa un court silence s'installer avant de reprendre la parole.

« Tu es dans le mile pour beaucoup de choses. Je n'aime pas les litiges, et puis je suis assez discret de nature. Ma famille, c'est mes parents, et Octavia. Je fais du piano depuis longtemps, et j'aime être seul ou entouré en fonction du moment. Mais même en privé, je suis introverti. Désolé, tu avais presque un sans-faute. »

Clarke sourit, elle aimait discuter avec lui, il était très calme et posé. Même mentalement parlant, il paraissait aussi plus vieux que son âge, plus mature. Il ne parlait pas beaucoup, contrairement à la blonde, Bellamy n'était pas curieux et ne cherchait pas à en savoir davantage. Plus le temps passait, plus elle se rendait compte que l'image qu'elle s'était faite de lui était totalement fausse. Le brun était simple, naturel, ce n'était pas difficile de s'entendre avec lui.

Cependant, quelque chose revint à l'esprit de Clarke. La dernière fois que Bellamy avait parlé de Finn, dans la salle de lecture, il semblait rancunier envers lui, comme s'il s'était passé quelque chose entre eux deux. Quelque chose dont elle n'était pas au courant.

« Bellamy, je peux te poser une question ?, elle se racla la gorge, gênée »

« Je t'en prie. »

« L'autre jour, tu m'as dit que Finn était ton ami, avant. Pourquoi ce n'est plus le cas ? »

*

         Raven dévala les marches de sa maison en courant. Eleanor venait tout juste de lui écrire pour l'appeler à l'aide. Apparemment, un nouveau projet à Stylish Industries avait été entamé le jour même, et il fallait du renfort pour concrétiser les choses et que le travail soit fini à temps. Peut-être aurait-elle préféré se reposer un samedi soir, mais après tout, être disponible allait être un atout, et elle n'avait rien prévu d'autre. Dans le salon, sa mère regardait la télévision, tandis que son père lisait son journal sans se préoccuper d'elle.

« Où est-ce que tu cours comme ça ?, demanda sa mère »

« Je vais à S.I. Ils ont besoin de moi. »

Derrière elle, Raven entendit Lexa, sa sœur, descendre les escaliers à la même vitesse qu'elle auparavant.

« Je t'emmène ! »

« Lexa, je croyais que tu avais du travail à finir pour la fac ?, s'agaça leur mère »

« Ok maman, je connais le discours. Mais tu préfères peut-être que Raven prenne les transports en commun à cette heure-ci, un samedi soir, avec tous les fous qui traînent dehors ? »

La femme ne répondit pas, mais soupira. Lexa savait toujours donner les arguments qu'il fallait pour convaincre sa mère. D'accord, elle avait le don de l'agacer, mais sur ce coup, la jeune femme avait raison, et sa mère s'en voulut presque de ne pas y avoir pensé avant elle.

Les deux sœurs ne restèrent pas plus longtemps et montèrent dans la voiture de Lexa. Quand elles arrivèrent devant l'entreprise, Raven souffla un grand coup. Même si elle adorait ce qu'elle faisait, c'était une pression supplémentaire d'être entourée de professionnels. Si son travail était mauvais, elle ne serait jamais engagée, et elle jouait son avenir, en quelques sortes. Sa sœur lui souhaita bon courage et Raven sortit de la voiture, puis entra dans le grand hall d'entrée, où elle prit l'ascenseur. A cette heure de la soirée, très peu d'ateliers étaient utilisés, et lorsqu'elle arriva à l'étage demandé, elle ne vit que celui d'Eleanor éclairé. La jeune femme s'empressa d'entrer.

« Salut Eleanor, j'ai fait aussi vite que j'-»

Raven se stoppa net. Eleanor n'était pas seule, en fait, elle était avec John et elle devinait Adam, son autre fils, au vu de la ressemblance entre eux. Depuis quand étaient-ils présents lorsqu'elle travaillait ?

« Pas de problème, Raven ! Installe-toi, sourit-elle. Je te présente mes fils, John et Adam. »

Elle les regarda tour à tour, John avait un sourire moqueur, les bras croisés, comme s'il savait qu'elle allait aussi mal réagir. Si elle n'était pas observée de tous les côtés, elle aurait certainement levé les yeux au ciel pour montrer son agacement. Son frère semblait beaucoup plus neutre, de toute façon, elle ne le connaissait pas. Alors, elle se contenta de sourire. Raven alla s'asseoir autour du plan de travail où se trouvaient tous les plans.

« Serena a eu une super idée, commença Eleanor. Elle veut lancer Stylish Industries dans les vêtements pour hommes, ne plus s'arrêter exclusivement à la mode féminine. Je trouve que c'est un projet génial, mais on a peu de temps avant la collection d'été, et tout doit être prêt. On a vu tes croquis pour entrer ici, tu en as dessiné. Serena veut que tu m'aides, et qu'on fasse cette collection, avec l'aide d'autres stylistes, bien sûr. »

Raven hésita entre exploser de joie ou s'évanouir. C'était une énorme responsabilité, et en même temps, elle s'en sentait tellement capable. Après tout, quel styliste ne rêvait pas de dessiner les croquis d'une future collection, surtout à un âge comme celui de Raven ?

« Oui, ce serait vraiment génial. Je ne peux pas refuser, elle sourit »

« Super. Les garçons sont là pour nous servir de mannequins, ce soir. On ne trouvera jamais de mannequins à cette heure-ci sans les payer une fortune, mes fils me sont d'une aide très précieuse. »

La jeune femme acquiesça et sourit hypocritement. Si c'était pour le travail, alors, elle ne pourrait rien dire.

« Par quoi on commence, alors ? »

« Le symbole de l'élégance masculine, les chemises. »

Raven paniqua légèrement, elle n'avait jamais créé de vêtements pour hommes, même si elle en avait déjà dessiné. Aucun homme n'avait encore accepté de faire le mannequin pour prendre les mesures. Alors, pour les vêtements féminins, elle s'était servie d'elle-même, et des autres Deltas.

« Motifs ou couleur unie ? Tu choisis, Raven, demanda Eleanor »

« Les deux ?, sourit-elle. Une couleur unie pour toute la chemise, et quelques motifs et une couleur différente sur le revers des manches et du col. C'est peut-être un peu original, mais ça permettra au moins à l'entreprise d'imposer une marque de fabrique dès le début. »

« Pourquoi pas ? J'aime beaucoup. Allons choisir les tissus. »

Les deux femmes allèrent prendre plusieurs matières et tissus qui concordaient ensemble, des différentes teintes et nuances. Pendant ce temps, les garçons restèrent sur une chaise sans vraiment prêter attention à ce qu'elles faisaient, ils flânaient sur leur téléphone et semblaient totalement désintéressés.

Les minutes passaient, les heures même... Et Raven était vraiment à bout de force, elle n'avait pas l'habitude de travailler si dur, si tard. Il était bien trois heures du matin, cela faisait un moment qu'elle n'avait pas regardé l'horloge. La jeune femme courait partout, allant chercher tels ou tels matériaux, mesurant chaque élément avec la base du patron, tout devait être revérifié au centimètre près. Puis, en enfilant son fil, Raven se piqua avec son aiguille.

« Aïe ! »

« Raven, ça va ?, demanda Eleanor »

Etant depuis deux heures dans le silence par concentration, les garçons avaient sursauté en l'entendant.

« Oui, je me suis juste écorchée avec l'aiguille, elle grimaça »

« Ne tâche pas le tissu. John, elle s'adressa à lui, emmène la jusqu'à la boite à pharmacie et désinfecte lui le doigt. »

« Je peux le faire moi-même, s'empressa-t-elle de dire »

« C'est bon, Raven. Profites-en pour prendre une pause et un café, tu es épuisée. »

La jeune femme soupira discrètement et se contenta de hocher la tête. Sans rien dire, et sans une seule expression sur le visage, John se leva et passa devant, tandis que Raven le suivait tête baissée. Il l'emmena jusqu'à une petite salle d'eau à l'autre bout du couloir, où il trouva la boite à pharmacie dans un placard. Le brun sortit le désinfectant et un coton. Sans attendre, l'adolescente lui prit des mains.

« C'est bon, je vais y arriver toute seule, dit-elle froidement »

« Ne fais pas l'enfant, Raven, il soupira. Je ne suis pas contagieux, je ne vais pas te refiler la peste. »

Raven se mordit la joue, elle ne pouvait pas s'empêcher d'être aussi agressive avec lui, c'était automatique. Malgré tout, elle le laissa reprendre le produit et lui donna son doigt, à contrecœur. L'adolescent posa une main délicate sous la sienne et commença à tamponner la plaie. La brune grimaça sous la douleur, mais ne dit rien. Elle l'observa ; il était concentré, avec la bouche entrouverte, des yeux azur fixes et quelques mèches châtaines lui retombaient sur le front. Sous cet angle-là, il n'était pas aussi repoussant qu'elle avait l'habitude de le penser. Peut-être était-ce parce qu'il faisait tous les efforts possibles pour qu'elle l'apprécie ? Mais Raven secoua la tête, et regarda son reflet dans le miroir tandis qu'il terminait de désinfecter, et qu'il colla un pansement.

Que voyait-elle ? Quelqu'un qui savait ce qu'elle voulait, mais pas qui elle était. Sa période de harcèlement au collège l'avait tellement détruite qu'elle avait cessé de se construire à partir de cet instant. Si elle n'avait pas eu le soutien des Deltas, et de sa sœur, elle n'en serait certainement pas là où elle était aujourd'hui. Raven s'était concentrée sur ses amies, sa sœur, la mode, les études, mais elle s'était complètement oubliée. La jeune femme regarda à sa gauche ; dans le miroir, John la regardait avec tristesse. Elle se tourna pour lui faire face. Echo, Echo, Echo. Elle la voyait à travers lui, c'était sa meilleure amie, et qu'importe pourquoi.

« Je te déteste. »

« Je sais, il baissa la tête. Et tu me détestes pour les mauvaises raisons. »

« Peut-être, mais j'ai constamment envie de t'anéantir quand t'es un peu trop près de moi. A chaque fois. »

« Est-ce que je peux t'en vouloir pour ça ? »

John eut un demi-sourire. Pas mesquin, pas moqueur. Mais sincère et triste. Le jeune homme baissa la tête et rangea la boite à pharmacie dans le placard. Raven eut un léger sentiment de culpabilité, peut-être y était-elle allée un peu fort ? Mais elle voulait être franche, et puis de toute façon, John le savait déjà. Ce qui l'avait blessé, c'était de l'entendre de sa bouche. Le brun soupira et reprit la parole, calmement.

« Viens, ma mère va t'attendre. »

*

        Octavia relut une énième fois le mail qu'elle venait tout juste de recevoir. Seule dans sa chambre, simplement éclairée par la lumière d'une bougie, elle tapota ses doigts sur son bureau en bois, nerveuse. La jeune femme soupira et attacha ses dreadlocks en un chignon.

✉ de [email protected]

Bonjour Octavia,

C'est un très bon début, je te félicite. Cependant, il y a quelques incohérences, et certains mots ne correspondent pas exactement à ce que tu cherches à exprimer (je suppose ?), mais je ne peux pas tout t'expliquer par mail, ce serait beaucoup trop long. Accepterais-tu qu'on travaille dessus ce week-end, si tu n'as évidemment rien de prévu ?

✉ à [email protected]

Bonjour,

Oui.

Dans la précipitation, c'est tout ce qu'elle avait réussi à lui répondre. Quelquefois, Octavia s'en voulait de ne pas réfléchir à ce qu'elle disait. Là, c'était le cas ; elle était tellement excitée à l'idée de continuer son projet qu'elle n'avait pas mesuré tout ce que cela impliquait. A vrai dire, elle n'était pas fan de la proximité qu'elle était obligée d'instaurer avec son professeur. D'accord, dans ce cadre, il restait son professeur, mais tous les élèves ne se rendaient pas chez leur professeur pour écrire un livre, de manière la plus discrète possible. Octavia en avait évidemment parlé aux autres Deltas, cela lui semblait impossible de le garder pour elle. Et puis, elle avait besoin de leurs avis.

Malgré tout, elle s'était engagée, et lui poser un lapin n'était ni honnête, ni professionnel, ni très mature. L'adolescente attrapa son sac, son ordinateur, et sortit dehors. Heureusement pour elle, sa mère avait déserté l'appartement pour aller chez Edward. Ce qu'elle ne concevait pas, mais ce soir, ça lui arrangeait de ne pas devoir lui expliquer où elle allait. Octavia monta sur son vélo fraichement réparé, et commença à rouler en direction de chez Mr Whittle. Le temps s'était considérablement rafraîchi, peut-être même allait-il pleuvoir, au vu des nuages noirs. Elle ne mit qu'une vingtaine de minutes pour arriver chez lui. La jeune fille attacha son vélo à un lampadaire et chercha « Whittle » sur l'interphone. Lorsqu'elle le trouva, elle hésita quelques secondes, avant d'appuyer franchement.

« Oui ? »

« C'est Octavia, dit-elle d'une voix faible »

« Monte, c'est au septième étage. »

Et heureusement pour elle, il y avait un ascenseur. La jeune femme entra à l'intérieur et soupira, c'était bien plus angoissant qu'elle ne l'aurait pensé. Une fois en haut, elle frappa à la porte de l'appartement, et il ouvrit tout de suite.

« Entre, je t'en prie, l'invita-t-il »

Sans attendre, l'adolescente s'introduit dans l'appartement. Un grand appartement, en vérité, considérablement plus spacieux et entretenu que le sien. Les murs étaient d'un marron foncé, quelques lampes éclairaient la pièce, mais ce n'était pas très lumineux. Au fond, la cuisine ouverte était parfaitement rangée, Octavia ne pensait pas que son professeur était maniaque. Elle sourit légèrement. Mais ce qui attira le plus son attention, c'était la baie-vitrée donnant sur le balcon en longueur, où la vue était magnifique.

« Tu peux t'asseoir dans le salon, ce sera plus simple de travailler sur la table basse. »

Octavia acquiesça et s'installa sur le canapé, puis déplia son ordinateur où tout son premier essai était déjà écrit. Mr Whittle s'assit à côté d'elle, et la jeune femme tenta de réprimander le frisson qui parcourut son bras. Elle se mordit la lèvre, tentant de réfléchir, appréhendant ce que son professeur s'apprêtait à lui dire. L'homme plissa les yeux, survolant de nouveau le texte qu'Octavia avait écrit.

« Toute cette partie..., il montra un paragraphe, elle est parfaite. Malgré une erreur de syntaxe, l'histoire commence exactement comme il le faut pour accrocher ton lecteur. Par contre, ici, c'est trop bref, pas assez explicite. »

« Pourquoi ? Tout l'essentiel est expliqué. »

« Justement, tu ne peux pas démarrer par un paragraphe détaillé sur la personnalité d'Olivia, ses sentiments et son enfance, mais seulement survoler l'aspect maternel alors que tu mentionnes bien à quel point cela touche le personnage principal. Tu mets le lecteur en haleine de la mauvaise manière. »

« Je devrais... M'attarder un peu plus sur sa mère, alors ? »

« Oui. Ou alors, tu fais l'impasse sur certains détails d'Olivia, ce qui serait vraiment dommage, il sourit »

La jeune femme acquiesça, il avait raison. C'était comme changer de technique d'écriture au milieu d'un récit, cela n'avait pas de sens. Malgré tout, Octavia tiqua intérieurement, livrer des informations personnelles sur sa mère ne la réjouissait pas. Mais pas parce que celle-ci risquait d'être en colère, simplement parce que ce n'était pas la meilleure partie de la vie d'Octavia, peut-être la pire, en fait ; et en parler dès le début du livre pouvait la décourager complètement.

« Cela dit, recommença le professeur, parler de quelque chose d'aussi fort peut parfois être compliqué pour une débutante comme toi. Il y a des chances que cela parte dans tous les sens, avec des incohérences. Rien ne t'empêche de revenir à ce paragraphe quand tu seras prête à écrire sur la mère d'Olivia. »

Bien sûr, Mr Whittle n'était pas stupide, il avait compris qu'Octavia parlait de sa propre vie dans ce récit. Il y avait un indice à chaque phrase de son premier essai. Malgré tout, elle apprécia le fait qu'il ne relève pas, qu'il ne lui dise pas clairement –cela aurait pu être complètement déstabilisant pour elle–, et surtout, qu'il ne la brusque pas. Octavia ne paniqua pas, au contraire, elle se sentit presque soulagée qu'il l'ait compris de lui-même. Habituellement, elle aurait fui à grandes enjambées, s'en serait voulu d'avoir été si confiante et si naïve. Mais elle n'avait pas envie de fuir, pas avec lui.

« Je ne sais pas si je vous l'ai dit les jours passés, hésita-t-elle, mais merci. C'est nouveau pour moi, elle haussa les épaules. Je ne savais pas que j'aimais autant écrire, et que je pourrais avoir autant d'espoir dans un projet autre que dans les arts appliqués, alors... Merci de m'avoir ouvert cette porte. »

« Tu me remercieras plus tard, on a encore beaucoup de travail. En attendant, il marqua un silence, lorsque nous sommes ici, nous sommes associés, pas étrangers. Alors tutoie-moi et appelle-moi par mon prénom, par pitié, il rit »

« D'accord, elle rit à son tour. Je pense que ce ne sera pas toujours facile au début mais... D'accord, Lincoln. »

*

      Bellamy sourit légèrement et baissa la tête, comme s'il s'attendait à ce que Clarke finisse par lui poser cette question. C'était évident, il en avait trop dit, et Finn était son petit-ami. Il était logique qu'elle se demande pourquoi Bellamy avait une telle rancœur envers lui. Le jeune homme commença à glisser son doigt autour de sa tasse pour se concentrer.

« Je veux bien te l'expliquer, mais de un, ce n'est pas important, et de deux, ce n'est pas aussi croustillant que tu ne le crois. Désolé, pas d'histoire de nanas, il eut un petit sourire »

« Je m'en fiche, Bellamy, elle leva les yeux au ciel. Je ne suis pas à l'affût des ragots, je veux juste comprendre. »

« D'accord, alors... il soupira. Il y a deux ans, quand je suis arrivé en seconde dans ce lycée, j'ai essayé de rentrer dans l'équipe de basket en même temps que Finn. C'était un bon ami, à l'époque. Mais il n'y avait qu'une seule place pour nous deux. Je savais à quel point ça comptait pour lui, autant qu'à moi, on s'était promis de ne pas s'en vouloir quoi qu'il arrive, et que le meilleur gagne. Il est entré dans l'équipe, bien sûr, en donnant une liasse de billets au coach. »

Si Clarke n'avait pas été assise, elle serait certainement tombée à la renverse. Elle ne pensait pas Finn capable de cela... Il était prêt à détruire une amitié par ambition. S'il pouvait le faire avec son ami, alors il pouvait certainement le faire pour son couple... La blonde recula au fond de sa chaise et baissa les yeux, tentant de cacher son trouble.

« Le pire dans tout ça, c'est qu'une semaine avant, le coach m'avait confié que la place était pour moi. J'étais content, bien sûr, mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser à ce que ressentirait Finn quand il l'apprendrait. J'ai songé à cela pendant des jours, j'ai tourné en rond... J'avais même pris la décision de refuser, pour Finn. Et finalement... »

« Et finalement, c'est lui qui t'a trahi, finit-elle avec amertume »

Bellamy acquiesça doucement. C'est à cet instant qu'il vit à quel point Clarke était touchée. Peut-être aurait-il dû inventer quelque chose pour qu'elle tombe de moins haut ? Non, il n'aimait pas mentir. Et la blonde avait le droit de savoir ce que son présumé petit-ami avait pu faire auparavant. Il grimaça face à la déception de la jeune fille, cela allait faire la troisième fois qu'il réconfortait une fille en l'espace de très peu de jours. Mal à l'aise, il posa une main rassurante sur le poignet tremblant de Clarke.

« Clarke, c'était il y a deux ans. Il n'est peut-être plus comme ça. »

« Peu importe, elle soupira. Il l'a été un jour. Et dire que tu m'as donné des conseils pour que je me réconcilie avec lui, alors que tu le détestes. »

« Je suis loin de le détester, il haussa les sourcils »

« Mais il n'a eu aucun scrupule en te prenant ta place ! Est-ce qu'au moins il s'est préoccupé de toi après qu'il soit entré dans l'équipe ? »

« Je ne sais pas, il tripota sa serviette en papier. Je me suis barré dès que j'ai su la vérité, je n'ai plus voulu entendre parler de lui. »

« Et maintenant ? »

« Et maintenant, ce n'est plus mon ami, je ne lui ai pas complètement pardonné. Mais je ne lui enlève pas sa place d'être humain avec ses qualités et ses défauts. Je peux comprendre qu'il puisse être aimé, c'est pour ça que je t'ai aidé. Et puis de toute façon, votre couple n'a rien à voir avec mes vieux conflits avec Finn, il souffla »

Clarke hocha la tête, elle s'était un peu plus détendue. Certes, elle restait choquée par cette histoire, elle ne pensait pas que c'était possible de la part de Finn. Son petit-ami, la personne qu'elle aimait depuis des mois... Peut-être que finalement, il n'avait pas changé au fil de leur relation, mais qu'au contraire, il se révélait chaque jour...

« Dans tous les cas, ne tient pas compte de cette histoire, je ne veux pas qu'elle remonte à la surface. Et je te répète, c'était il y a deux ans, avant que vous ne soyez ensemble, alors ne change pas ton regard sur lui. »

La blonde acquiesça, même si Bellamy faisait tous les efforts possibles pour maîtriser la déception de Clarke, elle était obligée d'être déstabilisée. La jeune fille avait le regard perdu dans le vide, jouant avec sa cuillère. Elle se ressaisit lorsque le brun se racla la gorge, et quand elle releva les yeux, il eut un sourire compatissant, presque plein d'espoir. Instantanément, elle sourit à son tour, il la calmait.

« Excuse-moi, elle secoua la tête. Tu n'es pas là pour supporter mes états d'âme. »

« Sans problème, Clarke. Je peux comprendre, c'est une légère accumulation depuis ces derniers jours. Tu as le droit de douter. »

« Je suppose, elle hocha la tête »

« Et de toute façon, je suis capable de supporter tes états d'âme, comme tu dis. En tant que..., il réfléchit, ami, je crois ? »

Clarke sursauta presque au mot 'ami'. Pas que cela la dérangeait, loin de là. Mais elle ne pensait pas que Bellamy souhaitait créer un quelconque lien d'amitié avec elle, ou peut-être s'était-il créé naturellement ? Elle sourit, amusée.

« Est-ce que Bellamy Blake vient-il de nous déclarer amis ? »

« Attention, je n'ai pas dit que je voulais rentrer dans votre bazar de Deltas, là, il rit. Mais je présume que oui, c'est bien ce que je viens de dire. »

« Avant d'accepter ta proposition, -parce que oui, une amitié se fait à deux, et je me donne tout à fait le droit de refuser-, il rit à cette phrase, je veux de bonnes raisons de devenir amie avec toi, elle eut un regard fier, de défi »

Bellamy ne fut pas du tout étonné de la réaction de Clarke. En fait, il était amusé. Et sûr de lui, il répondit à sa demande.

« Déjà, je t'ai donné des conseils véridiques sur Finn, ensuite, on a deal toi et moi, chacun connaît un secret l'un sur l'autre, enfin, tu m'as montré ton café préféré et ce n'est vraiment pas négligeable. Et hum... pour finir, on a Octavia, ma cousine, ta meilleure amie. »

Clarke l'écouta avec attention et sérieux. Elle plissa les yeux, hormis le défi qu'elle lui avait lancé, il avait de très bons arguments, assez pour qu'elle ait envie d'être amie avec lui. Surtout pour l'aspect 'Octavia', il faisait partie intégrante de sa vie, et elle voulait le connaître à son tour.

En fait, avant de partir de chez elle, Clarke s'était dit qu'elle était redevable envers Bellamy. Ils allaient prendre un café, discuter pendant une bonne demi-heure de la pluie et du beau temps, se rendre compte qu'ils n'avaient aucun point commun, et repartir chez eux. Le lendemain, ils allaient faire comme avant, se croiser dans les couloirs sans même se regarder. Mais étonnamment, Bellamy semblait bien plus intéressant qu'elle ne l'aurait pensé.

« Bonne réponse, elle sourit. Proposition acceptée. »

Les minutes qui suivirent, ils continuèrent de parler de tous les sujets qui leurs passèrent par la tête : le lycée, le travail de leurs parents, leurs passions, sans trop rentrer dans les détails non plus. Vers vingt-trois heures trente, ils décidèrent de rentrer. Bellamy raccompagna Clarke devant chez elle en voiture, et lorsqu'il s'arrêta, elle brisa le silence.

« Merci, pour cette soirée, ça m'a vraiment fait du bien, dit-elle »

« Merci à toi pour le café, du coup. »

Clarke acquiesça et sourit une dernière fois avant de sortir de la voiture. Lorsqu'il redémarra, elle lui fit un signe de main. La jeune femme resserra son gilet autour de ses épaules, le temps était pluvieux. Elle rentra à l'intérieur de la villa, et tomba nez à nez avec Marcus qui regardait par la fenêtre. La blonde sursauta, puis rit.

« Tu m'espionnes, maintenant ?, le taquina-t-elle »

« Jamais de la vie. Mais y a-t-il quelque chose que je devrais savoir ? A l'évidence, ce garçon n'était pas Finn... »

« Tout va bien, avec Finn, elle avala difficilement sa salive en repensant à ce qu'il avait fait à Bellamy. C'était Bellamy, le cousin d'Octavia, un ami. »

Marcus ne chercha pas à en savoir plus et embrassa le front de sa belle-fille, lui souhaitant une bonne nuit. Oui, cette fois, elle pouvait le dire sans que cela manque de sens ; Bellamy était son ami.

*

         Les minutes continuaient de défiler, et il était cinq heures du matin. Raven n'avait pas refait de pause depuis sa petite altercation avec John. A vrai dire, elle était bien trop concentrée sur son travail pour penser à quoi que ce soit d'autre, mais lorsque vint le moment de prendre les mesures sur les mannequins, Raven sentit de nouveau la culpabilité monter en elle. Doucement, elle déposa les tissus sur le buste du jeune homme, et entoura sa taille d'un mètre de couturier. Elle n'osa même pas le regarder dans les yeux, et de toute manière, John fixait le mur devant lui sans même se préoccuper de ce qu'on lui faisait faire. Ce n'était pas du mépris, juste de l'indifférence, comme s'il avait abandonné toute forme de sympathie forcée.

Raven soupira, même si elle n'appréciait pas particulièrement John, elle préférait quand il avait ce regard mesquin dans les yeux. L'indifférence était plus difficile à supporter, et maintenant, elle comprenait enfin ce qu'elle lui faisait vivre depuis le début. Eleanor et Adam allèrent dans l'atelier d'à côté, où la lumière était plus intense. La brune les observa partir et décida de faire face, elle se recula légèrement puis força John à la regarder dans les yeux. Lorsque celui-ci tourna enfin ses prunelles azur, elle eut une montée d'angoisse qu'elle refoula directement.

« Ce truc t'irait presque bien, en fait, elle baissa les yeux sur sa chemise »

« Eh bien, c'est logique lorsqu'un vêtement est taillé sur mesure, non ?, il eut un demi-sourire »

« Je parle des couleurs, des motifs, de la chemise en général, tout ça. Je n'ai pas beaucoup eu l'occasion de te voir en chemise, à vrai dire... »

En réalité, c'était plutôt difficile de réengager la conversation après ce qu'elle lui avait dit dans la salle d'eau. Alors, Raven avait décidé d'y aller en douceur, ce qui, visiblement, ne fonctionnait pas. Elle était sûre que John était presque aussi rancunier qu'elle. Cependant, il n'avait pas eu des mots aussi durs qu'elle avait pu en avoir... La brune était épuisée, et sans tourner autour du pot, elle soupira et reprit.

« Je suis désolée, ok ? Je sais que j'ai été injuste avec toi tout à l'heure. »

Trop gênée pour affronter le regard de John, elle continua ses mesures et piqua des épingles dans le tissu. Cependant, elle sentit les yeux du châtain se poser sur elle.

« Je suppose que c'est ta manière de te venger. C'est humain. Je te l'ai dit, je ne peux pas t'en vouloir de me détester, dit-il d'une voix impassible »

« Si, tu peux, elle soupira. Je te reproche d'être ami avec Echo alors que je suis tout juste en train de commencer à te traiter comme elle l'a fait avec moi au début. Et non seulement c'est illogique, mais en plus c'est complètement nul et inhumain. »

Même si Raven s'occupait du bas de la chemise, elle vit John hocher la tête, presque convaincu. Le jeune homme se gratta l'arrière du crâne, gêné.

« C'est bon, Raven. Ça ne sert à rien de se justifier. »

« Honnêtement, j'y tiens. »

Elle se releva, et elle ne pouvait pas tomber plus nez à nez avec John qu'à cet instant. C'était à la fois fascinant, et incroyablement gênant. Malgré tout, aucun d'eux deux ne bougea tout de suite, le temps s'arrêta quelques secondes. C'est à ce moment qu'Eleanor et Adam refirent leur apparition, et Raven se recula d'un pas, reprenant ses esprits. Elle se racla la gorge et continua à piquer quelques épingles. Heureusement pour eux, personne ne se rendit compte de rien. Discrètement, John rapprocha sa bouche de l'oreille pour lui murmurer quelque chose.

« Tes excuses sont acceptées, mais je ne changerais pas d'avis. J'arrête de te courir après. »

Elle reconnut enfin ce sourire de défi sur le visage de John, et même s'il était agaçant, il était largement plus supportable que son indifférence.

« Tout doux, Murphy. Dois-je te rappeler que j'ai en ma possession des épingles parfaitement aiguisées et prêtes à piquer la peau si besoin est ? »

Le jeune homme se retint d'exploser de rire. Pour une fois, Raven avait du répondant, mais elle ne l'attaquait pas sérieusement. C'était comme... un petit jeu entre eux deux. Cependant, la brune n'oublia pas ce que John venait tout juste de lui dire, il arrêtait de lui courir après, et elle, elle se devait de se faire pardonner ; non seulement, pour alléger sa culpabilité, mais aussi parce qu'il ne méritait pas toute la méchanceté qu'il avait pu accumuler ces dernières semaines.

Alors, les rôles étaient échangés, c'était à elle de lui courir après.

*

         Octavia retravaillait son texte avec Lincoln depuis bientôt deux heures, les choses n'étaient pas si difficiles qu'elle ne l'aurait pensé. Elle croyait que son essai n'était franchement pas excellent, ce qui était le cas, honnêtement, mais la spontanéité de ses mots était son véritable atout. Mr Whittle était très à l'écoute, il ne cherchait pas à tout contrôler, au contraire, il cherchait à comprendre la personnalité d'Olivia ; en quelques sortes, à cerner Octavia. D'un côté, c'était compliqué pour elle de se dévoiler à un parfait inconnu, et elle ne l'aurait certainement pas fait en temps normal, mais c'était nécessaire si elle voulait continuer à exploiter son projet de manière un peu plus professionnelle.

Octavia adorait écrire, c'était indéniable, mais elle ne tenait pas en place. Rester autant de temps sur le canapé à travailler sur ordinateur la lassait, la fatiguait aussi. Alors que Lincoln continuait de lui parler, elle tourna la tête et regarda à travers la baie vitrée, celle qui menait sur le balcon. Son esprit s'évada quelques secondes, puis, le silence soudain la ramena sur Terre. Mr Whittle l'observait en souriant.

« Est-ce que tu veux y aller ?, demanda-t-il »

« Pardon ? »

« Sur le balcon. Tu peux aller t'aérer quelques minutes, si tu veux. Fais une pause. »

Gênée, Octavia acquiesça et se leva. Elle tira la baie vitrée et s'avança sur le balcon ; tout de suite, elle sentit l'air frais sur sa peau. Mais elle s'en fichait, elle était éblouie par la vue, le septième étage avait ses avantages. Au premier plan, ce n'était que des bâtiments semblables à celui dans lequel elle se trouvait, mais à l'horizon, les paysages typiques du Colorado brillaient : les Montagnes Rocheuses et la rivière South Platte. De son petit appartement, il lui était impossible de voir cet horizon-là, et elle n'y était jamais allée dans les montagnes non plus.

Derrière Octavia, Lincoln arriva, et il s'accouda à la rambarde, regardant au loin. Il sourit en voyant l'émerveillement dans les yeux de la jeune femme.

« J'ai beaucoup de chance, commença-t-il. C'est encore plus beau quand le soleil se couche, il disparaît juste derrière cette montagne, dit-il en pointant un doigt à l'horizon »

« Je sais que c'est une demande bizarre mais... Est-ce que je peux prendre quelques photos ? »

« Bien sûr ! »

Octavia le remercia en souriant et partit prendre son appareil photo, heureusement qu'elle ne le quittait jamais. La jeune femme le sortit de son étui et commença à prendre plusieurs clichés, les couleurs orangées étaient tellement belles... Elle savait qu'elle ne pourrait pas voir ce spectacle tous les jours. Puis, elle rangea l'appareil et continua de contempler le paysage.

« Donc... elle hésita, je suppose que tu vis seul ? »

« Exact. »

« Et... Pas d'enfant, non plus ? »

« Non, il répondit. Pas que je suis contre d'en avoir, mais je n'ai jamais eu l'occasion, je n'arrête pas d'être muté dans les quatre coins du pays alors... Ce n'est pas toujours facile de se poser. »

« Je vois, sourit-elle. Il faut parfois choisir entre sa vie de famille et sa carrière. »

Lincoln hocha la tête, sans répondre oralement. Peut-être n'aurait-elle pas dû lancer cette conversation. Déjà, parce que c'était intrusif, et en plus, parce que c'était certainement un aspect de la vie du professeur qu'il n'aimait pas aborder, ou qui le dérangeait. Malgré tout, si elle s'excusait, cela paraîtrait peut-être un peu décalé, et il ne comprendrait pas forcément. Et puis, de toute manière, Octavia avait assez de fierté pour ne pas se sentir obligée de s'excuser à tort et à travers.

Puis, le bruit des gouttelettes brisa le silence environnent. Octavia regarda le ciel et soupira, peut-être était-il temps de rentrer avant que l'averse n'empire.

« Je pense que je devrais y aller, ou je risque de me prendre la saucée... »

« Oui, c'est mieux. Veux-tu que je te ramène en voiture ? »

« Ça ira, merci, répondit-elle. J'ai mon vélo. »

« Ah, tu l'as réparé, alors ?, il leva un sourcil »

« Pas vraiment, elle rit. C'est mon cousin Bellamy qui s'en est occupé. Je suis polyvalente mais être mécano, ce n'est pas mon truc, pour être honnête. »

Lincoln rit franchement, avant d'ouvrir de nouveau la baie vitrée et rentrer à l'intérieur de l'appartement. La jeune femme replia son ordinateur et le rangea dans son sac. Lorsqu'elle se retrouva de nouveau face à son professeur, elle perdit tous ses moyens, de quelle manière était-elle censée lui dire au revoir ? Simplement oralement, lui serrer la main peut-être ? Puis, il mit fin à toutes ses questions et s'avança pour lui faire la bise. Si près de lui, elle se sentit de nouveau mal à l'aise, une sensation qu'elle avait oubliée depuis qu'elle s'était assise sur le canapé. Cette proximité... elle n'avait pas l'habitude, elle n'aimait pas cela, parler de manière un peu plus profonde ne la gênait pas (de toute façon, pour son livre, elle était obligée), mais le contact physique la rebutait complètement. Elle n'était pas tactile, et sentir l'odeur de son professeur de si près lui fit retrouver sa carapace.

La jeune femme se braqua un peu, sans pour autant le montrer, elle se recula légèrement, remercia Lincoln et sortit en vitesse de l'appartement. Dans l'ascenseur, elle sentit ses joues lui chauffer, et l'air frais de l'extérieur lui fit tout de suite reprendre ses esprits. Octavia monta sur son vélo, et rentra chez elle, essayant d'éviter tant bien que mal la pluie qui commençait à s'intensifier. Heureusement pour elle, ce n'était pas la pire averse qu'elle ait connue.

Lorsqu'elle passa la porte de son appartement, elle vit sa mère sur le canapé. Dommage, Octavia aurait espéré pouvoir rentrer tard sans que sa mère ne s'en aperçoive, et ne pas devoir affronter la colère de sa génitrice. Cependant, lorsqu'elle se tourna, la jeune fille comprit qu'elle allait passer un sale quart d'heure.

« Je peux savoir où tu étais passée ? »

« Je bossais, chez Clarke, mentit-elle »

« Et hier soir ? Tu n'es pas rentrée, tu ne m'as donné aucune nouvelle ! Je me suis inquiétée, Octavia, tu pourrais au moins me prévenir quand tu découches, merde !, hurla-t-elle »

« Hier soir, j'étais chez Bellamy, maman, dit Octavia en insistant bien sur le dernier mot. Et visiblement, tu me semblais bien trop ivre pour te rendre compte de quoi que ce soit, surtout pas pour être inquiète. Si tu veux savoir, je suis rentrée, mais je suis repartie aussitôt, quand j'ai vu toute cette déchéance dans le salon. »

Aurora eut un moment de recul, elle détestait quand sa fille avait le dernier mot. Mais là, elle devait bien avouer que c'était elle qui avait tort. La brune baissa la tête et avala difficilement sa salive, elle essaya doucement de se rapprocher d'Octavia, qui recula instantanément. Aurora savait que sa fille détestait Edward, et elle avait toutes les raisons de le faire, après tout.

« Ok, Octavia, on devrait peut-être parler de ça... »

« Peut-être effectivement, que tu aurais dû m'en parler avant, non ? Enfin, elle soupira, je suis fatiguée, de toute façon, je vais me coucher. On verra ça plus tard. »

Sa mère n'eut même pas le courage de la contredire. De son côté, Octavia était tapie par la colère, mais elle avait tellement l'habitude d'être déçue par sa génitrice... En fait, elle ne comprenait même pas pourquoi elle lui pardonnait à chaque fois. Peut-être était-ce parce qu'elle avait été sa seule famille pendant longtemps ? Elle n'avait jamais essayé de se rapprocher du reste de sa famille, puisque sa mère n'avait fait que de mettre le feu aux poudres ces dernières années. Mais elle espérait qu'un jour, elle laisserait sa lâcheté de côté, pour laisser place au courage d'arrêter d'excuser une personne qui ne le méritait certainement pas.

*

Heeeey donc je vous retrouve pour un nouveau chapitre (et oui, c'est mon premier petit mot à la fin d'un chapitre), j'avais vraiment envie d'interagir un peu avec mes lecteurs/lectrices donc voilà. J'aimerais savoir ce que vous avez pensé de ce chapitre, ce qui vous a plu, ce qui vous a déplu etc. N'hésitez pas à me donner des idées si vous en avez envie, mais aussi pour poser des questions sur la fiction si ça vous intéresse, et j'ai enfin Twitter :  https://twitter.com/lesdeltas

Donc suivez-moi :3

En attendant, j'ai créé un trailer de la fiction, mais il n'est pas encore posté sur YouTube, si vous avez envie de le voir, n'hésitez pas à vous manifester et je le mettrais en ligne.

Des bisous ♥

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