Chapitre 3


FIN SEPTEMBRE         

            Clarke arriva dans la cour du lycée aux côtés de Nathan. Ils avaient pris le petit-déjeuner tous les deux dans le café du coin. C'était un rituel qu'ils renouvelaient au moins une fois toutes les deux semaines, où Nathan lui racontait les derniers potins sur les autres étudiants. Et bien que ça n'intéressait pas vraiment Clarke, elle adorait la façon dont son meilleur ami lui racontait, et cela la faisait toujours mourir de rire. A peine entrée, la jeune fille chercha des yeux Raven et Octavia, mais elle croisa directement le regard de quelqu'un d'autre, Finn. A l'autre bout du couloir, le jeune homme la fixait, et c'était comme si le temps s'était arrêté. Clarke se demanda lequel des deux devait faire le premier pas pour aller à l'encontre de l'autre, elle était partagée entre plusieurs sentiments différents : la colère, l'inquiétude, l'incompréhension, l'amour aussi. Finn se décida enfin, et avança jusqu'à sa petite-amie, dont les oreilles bourdonnèrent les premières secondes.

« Clarke... »

Il passa une main délicate sur sa joue, et même si la jeune fille adorait cette sensation, elle eut un moment de recul. C'était bien trop facile, il ne pouvait pas la laisser sans nouvelle ainsi, seule dans son inquiétude, et revenir comme si rien ne s'était passé.

« Où étais-tu ? Je t'ai envoyé une vingtaine de messages, je t'ai appelé et je suis même allée devant chez toi ! On devait passer notre soirée ensemble hier, tu te souviens ? »

« Je sais, je suis désolé, je n'avais plus de batterie. »

« Personne ne pouvait te prêter un téléphone ? Et tu ne pouvais pas m'écrire sur Facebook ? Vraiment Finn, j'étais morte d'inquiétude, je me suis imaginée les pires scénarios. »

« Hey, calme-toi, ce n'est pas la peine d'en faire une telle histoire. J'étais fatigué, légèrement malade, et je ne suis pas allé au lycée. Je n'ai juste pas pensé à te prévenir, ça peut arriver, non ?, dit-il avec agacement »

« Tu n'y as pas pensé ? Mais à quoi est-ce que tu pensais, alors ?, elle s'énerva »

Clarke soupira et ferma les yeux quelques instants, la colère lui nouait le ventre. Elle détestait se disputer avec Finn, mais elle ne comprenait pas à quel point il pouvait lui parler de cela sans aucune culpabilité.

« Tu sais quoi ? Laisse tomber, commença-t-il. C'est complètement injuste, tu ne peux pas me reprocher de ne pas être à ta disposition alors que tu es très loin d'être à la mienne. »

« Est-ce que tu es sérieux ? C'est comme ça que tu conçois les choses ? »

Finn ne prit même pas la peine de lui répondre, et lui tourna le dos. La jeune fille tenta de le rattraper en lui agrippant le bras, mais il s'en échappa sans trop de difficulté. Clarke regarda autour d'elle, certains élèves les observaient, peut-être même que la plupart d'entre eux avaient pris des photos pour le blog d'Echo. En plus d'humilier les élèves face à face, cette imbécile aimait les afficher sur la toile, sans même cacher son identité. Plusieurs personnes avaient tenté de porter plainte, mais après tout, ce n'était que des querelles de lycéens, n'est-ce pas ?

Les larmes montèrent aux yeux de Clarke, et sans même regarder les gens autour, elle se réfugia immédiatement dans sa salle de lecture, presque en courant. Arrivée dans le silence, et sentant le réconfort d'une salle vide, la jeune fille glissa le long de la porte et éclata en sanglots. C'était bien la première fois que Finn lui reprochait si ouvertement son manque de présence, devant tout le lycée, en plus... Pourtant, elle avait tenté de se rattraper. C'est lui qui n'avait pas accepté ses efforts.

« Clarke ? »

Surprise, l'adolescente sursauta, elle ne s'attendait pas à ce que quelqu'un soit là. La blonde se releva rapidement et sécha ses larmes d'un revers de la manche. C'était Bellamy.

« Bellamy, qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'es pas censé faire le ménage après les cours ? »

Elle avait dit cela avec une telle agressivité qu'elle se surprit elle-même. Mais après tout, elle ne connaissait presque pas Bellamy, elle se fichait bien de la manière dont elle disait les choses. En revanche, elle était en colère de savoir qu'il l'avait vu pleurer.

« Pour ta gouverne, cette salle est aussi réservée aux réunions, et c'est moi qui installe tout le matériel pour celle de ce soir. »

Clarke ne savait absolument pas que sa salle de lecture était en fait réservée à l'administration, elle n'avait jamais vu personne y entrer, elle pensait que c'était simplement une salle oubliée. La tension était retombée, et la jeune fille releva les yeux sur Bellamy, il avait un regard compatissant. Pas de la pitié, juste de la compréhension.

« Et... je sais que c'est stupide de te poser cette question étant donné ton état d'il y a quelques secondes mais... Est-ce que ça va ? »

« Si tu sais la réponse, alors pourquoi tu me poses la question ? »

« Du calme, madame la furieuse, je ne fais qu'essayer d'être sympa. »

La jeune fille soupira, elle pouvait être vraiment désagréable lorsqu'elle était blessée. C'était sa manière à elle de ne pas montrer ses faiblesses. Clarke s'assit sur une chaise et se radoucit un peu, elle tripota ses mains et entreprit d'expliquer la situation à Bellamy.

« Tu viens de louper la dispute la plus croustillante du siècle, ironisa-t-elle »

« Entre toi et Finn ? »

« Comment est-ce que tu le sais ? »

« C'est logique, je ne vois pas avec qui d'autre tu aurais pu te disputer... Raven et Octavia ne sont pas encore arrivées, et j'ai du mal à croire que tu puisses un jour te prendre la tête avec Nathan, même si ce mec peut parfois être une vraie diva. »

La dernière remarque de Bellamy arracha un léger sourire à la jeune fille. L'adolescent continua d'installer le matériel avec paresse, tout en posant des questions à Clarke.

« Et alors, c'était quoi, le problème ? »

« On devait passer la soirée ensemble hier soir, et je n'ai pas eu de nouvelle de la journée. Ce matin, il ne comprenait même pas que je sois énervée, et semblerait-il qu'il 'n'avait juste pas pensé à m'écrire.' »

« A quoi tu t'attendais ?, il rit. Finn Collins est un obsédé du basket qui ne vit que pour le sport et qui est bien trop fier pour admettre ses torts. Je sais, c'est un cliché, mais ce mec rentre absolument dans ce stéréotype-là. »

« Je le connais, d'accord ?, elle s'agaça. Il y a quelques mois, il ne m'aurait jamais fait ça, d'ailleurs c'est la première fois qu'il fait ça. »

Sentant la voix de Clarke trembler, Bellamy arrêta son occupation et prit une chaise pour s'asseoir en face de la jeune fille. Il laissa un court silence s'installer, avant de reprendre la parole.

« Je suis désolé. Je ne voulais pas être méchant envers lui, s'excusa Bellamy. C'était un ami, avant. Est-ce que tu veux un conseil ? »

« Pourquoi j'écouterais ton conseil ?, rit-elle »

« Je ne sais pas, à tes risques et périls, il sourit. Disons que je vois les choses d'un œil extérieur et objectif, je ne te connais pas vraiment, alors... bon. A toi de voir. »

« C'est bon, on va dire que tu m'as convaincu. Je t'écoute. »

« En prenant en considération que Finn est quelqu'un de très fier, je suppose qu'il risque de te faire la tronche pendant un certain moment si tu lui fais des reproches... Et il risque d'être encore plus agacé si tu lui cours après, et se dire que tu reviendras dans n'importe quelle circonstance, même si tu es en colère contre lui, alors il aura tout gagné. »

Clarke réfléchit. C'est vrai que Finn avait toujours eu du mal à admettre ses torts, c'était quelque chose qu'elle ne supportait pas vraiment, mais jusque-là, ça n'avait jamais été aussi présent dans leur relation.

« Donc, tu me conseilles de le laisser revenir, conclut-elle »

« Oui, acquiesça-t-il. Finn a beau être parfois très arrogant, je suppose qu'il t'aime et il reviendra certainement de lui-même lorsqu'il en aura marre de bouder. »

« Okey... Alors, puisque tu as un avis masculin, et que tu connais probablement comment fonctionnent la plupart des garçons, je veux bien essayer. Mais ! Si ça ne fonctionne pas, je n'écouterais plus jamais tes conseils, sourit-elle »

« Et si ça fonctionne ? »

« Je ne sais pas. Tu aimes le café ? »

« Quel étudiant américain normalement constitué n'aime pas le café ? »

« Alors je te promets de t'emmener là où on sert le meilleur café de la ville. »

Bellamy accepta. Cette conversation avait permis à Clarke de relativiser sur ce qu'il venait de se passer. Quel couple ne connaissait pas une phase de disputes ? Aucun. Et Bellamy avait raison, même si Finn était fier, il n'était pas idiot et méchant, son but n'était pas de blesser Clarke. Au contraire, il l'avait toujours rendue heureuse.

La jeune fille observa le brun, il faisait indéniablement plus vieux que son âge. Sans savoir qu'il avait dix-huit ans, elle lui aurait facilement donné la vingtaine. Au collège, lorsqu'Octavia avait expliqué qu'il était son cousin, elle s'était un peu plus intéressée à lui. Elle l'avait trouvé particulièrement à son goût, mais ça n'avait été qu'un béguin de quelques mois, même les autres Deltas n'étaient pas au courant. Et puis, ensuite, elle avait rencontré Finn, et la question ne s'était plus posée. Bellamy lui sourit gentiment quelques secondes, et la jeune fille se dit que la Clarke d'il y a quelques années aurait certainement rougi comme une écrevisse.

La sonnerie la coupa dans ses contemplations, elle ferma les yeux quelques secondes, comme pour revenir à la réalité. Clarke se leva de sa chaise précipitamment, gênée, même si elle était presque sûre que Bellamy ne l'avait pas vu le regarder avec insistance. Elle se racla la gorge.

« Faut que j'aille en cours. Merci pour ton conseil, à plus tard. »

Sans même attendre de réponse, la blonde se dirigea vers la sortie et ferma la porte, laissant derrière elle ses pensées divagantes. C'était une habitude chez elle, faire deux pas en avant, et trois pas en arrière.

*

       Ce matin-là, Raven avait mis ses plus hauts et ses plus beaux talons. Parce que oui, cette fois, elle était fière qu'on la regarde, elle était en train d'accomplir son plus grand rêve. Certes, elle n'était que stagiaire, mais si peu de personnes –de son âge, qui plus est– avait la chance d'accéder à Stylish Industries, et certainement pas cette abrutie d'Echo.

La brune déambula dans les couloirs, elle avait passé du temps à se maquiller, ce jour-ci, et elle savait que cela faisait son effet. Habituellement, elle n'aimait pas forcément qu'on la regarde, mais aujourd'hui, elle était fière de ce qu'elle était en train d'entreprendre et elle s'autorisait largement à le montrer. La mode, c'était son truc. Et puis, même si pour le moment, elle n'était que lycéenne, elle se devait d'être bien habillée tous les jours, puisqu'elle allait travailler après les cours.

Raven alla jusqu'à son casier, ouvrit la petite porte en métal et observa brièvement son maquillage dans le miroir. Derrière elle, elle vit le visage d'Echo qui lui apparut comme une hallucination, mais elle était bien là, avec son sourire mauvais, à l'observer de haut en bas. La jeune femme l'ignora, elle ferma les yeux et récupéra ses livres. Lorsqu'elle se retourna, Echo n'était plus là, mais John, oui. Raven soupira, elle ne pensait pas devoir l'affronter si tôt. L'adolescent se dirigea vers elle avec hésitation, il vérifia qu'Echo était bien partie, et adressa la parole à la brune.

« Je suis au courant pour ton poste à Stylish Industries. C'est... cool, tenta-t-il »

« Evidemment que tu es au courant, je l'ai posté sur les réseaux sociaux, elle roula des yeux »

« Peut-être, mais je ne l'ai pas su comme ça. »

« Qu'est-ce que tu veux, John ? A l'évidence, nous ne sommes pas amis, alors je ne pense pas que tu sois venu me parler simplement pour me féliciter. »

« Ma mère a tendance à raconter sa vie à quiconque veuille bien l'entendre, je voulais juste que... quoi qu'elle t'ait dit, j'aimerais que les choses ne s'ébruitent pas. Je sais que vous avez parlé. »

Raven eut une légère montée d'angoisse lorsqu'elle se rappela tout ce qu'Eleanor lui avait raconté. Les paroles de John étaient sincères, et ce n'était même pas venu à l'idée de la jeune fille de le dire à qui que ce soit, elle n'en voyait pas l'intérêt. Elle se radoucit légèrement.

« Tu peux compter là-dessus. Je ne dirais rien à personne. »

« Merci. »

John baissa les yeux, gêné. C'était certainement la première fois qu'elle le voyait comme ça, faible ; mais ce n'était pas pour autant qu'elle ressentait une vague de gentillesse envers lui. Il restait l'ami du diable. Le jeune homme n'en dit pas plus et partit plus loin. Quelques secondes plus tard, c'est une tornade rouge que Raven vit devant ses yeux : Octavia.

« Qu'est-ce qu'il te voulait, celui-là ? »

« Rien de méchant, O. On a juste parlé de mon poste dans l'entreprise de sa mère. »

Octavia fut septique, mais elle ne releva pas. De toute façon, elle l'aurait certainement vu si Raven avait été blessée.

« Alors, j'espère que tu es prête à devenir la prochaine Coco Chanel, dit-elle avec un accent français »

« On ne s'emballe pas, O. Je suis juste stagiaire. »

« Pour le moment, et ils seraient bêtes de ne pas t'embaucher par la suite. Tu es vraiment talentueuse, je crois en toi. »

Raven se mordit la lèvre tant les paroles de sa meilleure amie lui touchèrent. Elle l'enlaça rapidement, la remerciant de tout son cœur. Les deux jeunes filles se dirigèrent dans leur salle de classe, le premier cours de la journée était littérature, avec Mr Whittle. Lorsqu'elles arrivèrent, le cours venait tout juste de commencer, et elles s'excusèrent de leur retard avant d'aller s'asseoir au fond de la classe, où Clarke était déjà.

« Salut, Blondie, chuchota Octavia »

« Salut les filles. »

Raven fronça les yeux, Clarke n'avait pas la mine joyeuse qu'elle avait habituellement le matin –quelque chose que Raven et Octavia avait du mal à concevoir, d'ailleurs–. Raven fit un léger signe de tête à Octavia, lui montrant la morosité sur le visage de son amie, qui plus est, elle avait les yeux rouges.

« Ça va, Clarke ? Tu es pâle. »

« Je vous raconterais, soupira Clarke. Alors Raven, c'est comment, Stylish Industries ? »

« Imagine-toi remplie d'une énorme salle de violoncelles, de toutes les couleurs et de tous les sons possibles et inimaginables. Tu as le pouvoir d'en faire ce que tu veux, et d'être formée par les meilleurs compositeurs de la région. Voilà ce que ça fait. »

« Oh, waouh, elle rit. Le rêve ! Et, du coup, pas trop dur d'être dirigée par la mère d'un démon ? »

« Elle n'est pas... Raven réfléchit, si désagréable, je dirais. »

Clarke acquiesça, elle savait à quel point c'était dur pour son amie d'être liée à Echo ou même Murphy au travail, c'était comme une impression que cette période de sa vie si terrible la suivrait partout, même dans son métier idéal. Mais elle savait aussi que Raven était forte, et qu'elle ne se laisserait certainement pas déconcentrer par un nom.

Mr Whittle entama de distribuer les contrôles réalisés au dernier cours. Il était respectueux, et ne relevait pas sur les notes des élèves, ne les disait pas à voix haute non plus. Lorsqu'il s'arrêta à la hauteur d'Octavia, celle-ci s'attendit à avoir une mauvaise appréciation, comme d'habitude, mais ce ne fut pas le cas. Elle obtint un A.

« Octavia, est-ce que tu peux rester à la fin du cours, s'il te plaît ? »

*  

Octavia se sentit gênée et surprise, d'autant plus que la classe entière s'était retournée sur elle. Elle qui détestait attirer l'attention sur sa personne... La brune hocha simplement la tête et n'ajouta rien de plus. Elle vit les regards plein de sous-entendus de ses deux meilleures amies, et lança un bout de gomme à Raven qui rit silencieusement en l'évitant.

Sans aucune raison, Octavia était stressée à l'idée de se retrouver seule face à son professeur, pourtant, Mr Whittle était loin d'être terrifiant. Au contraire, c'était quelqu'un de très avenant et rassurant. Jusqu'à la fin du cours, l'adolescente avait sorti son carnet de croquis pour griffonner et espérer que cela la détende. Lorsque la sonnerie retentit pour annoncer le cours suivant, tout le monde se pressa de sortir de la salle, mais Octavia resta à sa table, attendant silencieusement que le professeur vienne lui parler. Quand il ferma la porte derrière lui, elle baissa les yeux, c'était bien la première fois qu'elle était aussi intimidée face à un adulte. Lincoln s'approcha d'elle doucement, prit une chaise en face d'elle et s'assit. Octavia fut obligée de relever les yeux, et ferma son carnet de croquis.

« Je suis pratiquement sûre de savoir ce que vous avez à me dire, commença-t-elle »

« Vraiment ? »

« Oui, ma note est inhabituelle et vous pensez que j'ai triché. »

« Non, loin de là. Je ne rabaisse pas mes élèves ainsi. Je sais que ce texte est authentique, et qu'il est de toi, je reconnais ta plume. »

« Qu'est-ce que j'ai fait, alors ?, elle fronça les sourcils »

« Pourquoi penses-tu que ma remarque sera négative ? »

« Parce que les remarques de mes profs sont toujours négatives. »

Lincoln rit légèrement. Octavia avait-elle si peu confiance en elle ? N'avait-elle pas conscience de qui elle était ?

« Je suis venu te demander d'exploiter ton talent, dit-il »

« Mon talent ? Le dessin ? La photo ? Qu'est-ce que ça à voir là-dedans ? »

« Au cas où tu n'étais pas au courant, tu as aussi un réel talent d'écriture. Je veux que tu en prennes conscience et surtout, que tu l'utilises. »

Octavia en resta bouche bée, c'était bien la première fois qu'on lui disait qu'elle écrivait bien. Ses précédents professeurs de langues n'en avaient rien à faire, ils retenaient simplement le fait qu'Octavia ne travaillait pas. L'adolescente croisa les bras.

« Et... Comment je suis censée faire ça ? »

« Ecrire un roman, des nouvelles, un recueil de poèmes ? Je ne sais pas, quelque chose qui te correspond. »

« Mais, je n'ai jamais fait ça. En fait, je n'y ai même jamais pensé. »

« Tu ne feras pas ça seule, je serais là pour t'aider. »

« Vous voulez qu'on collabore pour un projet d'écriture ?, conclut-elle »

« En fait, l'écrivain, ce sera toi, c'est toi qui a une plume originale. Je serais là pour te conseiller, te relire, t'encourager s'il le faut. Mais je n'écrirais pas. »

La jeune fille sentit comme une adrénaline s'emparer d'elle, le goût de la nouveauté, certainement. Mais, à vrai dire, elle était bien trop choquée pour prendre une quelconque décision à ce moment-là. Des milliers de questions lui traversaient l'esprit.

« Mais comment on gèrerait ça ? »

« Pas dans l'enceinte du lycée, en tout cas. Tu écris de ton côté, chez toi, n'importe où, avec le rythme qui te convient. Je te donne mon adresse mail, tu m'envoies ton travail, et je fais mon boulot de mon côté. »

Octavia acquiesça, elle réfléchit. Ce n'était pas une si mauvaise idée... Bien sûr, il fallait qu'elle s'y mette, qu'elle travaille son style d'écriture, mais ce n'était pas insurmontable. De plus, échanger par mail avec Mr Whittle ne lui permettrait pas d'être déstabilisée comme elle pouvait l'être actuellement. Après tout, cela aurait été bête de refuser un projet qui avait la possibilité d'être abouti, puisqu'il serait encadré par un professionnel. Et honnêtement, Octavia avait envie d'avoir confiance en lui. Elle attrapa doucement le bout de papier sur lequel son professeur avait écrit son mail, et le glissa dans sa trousse.

« J'accepte. »

*  

A l'heure du déjeuner, Clarke déposa ses affaires dans son casier tandis que Raven et Octavia l'attendaient à une table, dehors. Son cœur rata un battement lorsqu'elle croisa de nouveau le regard de Finn, au loin. Mais cette fois, elle ne ramperait pas à ses pieds, bien au contraire. La jeune femme cala son sac à dos sur son épaule et avança dans le couloir, croisa son petit-ami, mais ne lui adressa même pas un sourire. Elle ne joua pas la Clarke en colère, mais celle qui était indifférente, et ça marchait plutôt bien. En fronçant les sourcils, Finn se retourna, et observa la blonde partir ; un comportement qui lui était plutôt habituel, en règle générale, lorsqu'ils étaient en froid, c'était toujours elle qui revenait. Et Finn ne savait pas si ce changement lui plaisait, ou si cela l'énervait, peut-être un peu des deux, finalement.

Clarke attrapa son sandwich et s'assit aux côtés de ses deux meilleures amies. Distraite, Octavia griffonnait encore sur son vieux carnet, et Raven remit ses longs cheveux caramels derrière ses épaules pour enfiler ses lunettes de soleil.

« Alors, entre Roméo et Juliette, c'est la rupture ?, demanda Raven »

La jeune femme donna son téléphone à Clarke, avec un onglet sur le blog d'Echo, et en première page, un article sur Finn et Clarke. La jeune femme le lut rapidement, il était stipulé que ces deux-là s'étaient séparés, comme quoi... Les rumeurs pouvaient aller bien vite, même si elles étaient fausses.

« Je ne comprends toujours pas pourquoi tu lis ce truc-là, Raven, dit Octavia. En plus d'être une harceleuse, cette nana se prend pour une 'journaliste' à la noix. »

« Je suis d'accord avec toi, O. Je hais cette fille mais, en attendant, c'est malheureusement le seul moyen de se tenir au courant des nouveautés au lycée. Ce n'est pas comme si on était au cœur des discussions. Sauf peut-être Clarke..., se moqua la jeune femme »

Clarke leva les yeux au ciel en riant. En réalité, elle ne s'était retrouvée que quelques fois sur le blog d'Echo, et ça avait toujours un rapport avec Finn. Les gens s'intéressaient à Finn, pas à Clarke, elle le savait.

« On n'est même pas séparés. On s'est juste disputés ce matin. Assez publiquement... Mais je sais que ça s'arrangera. »

« Tu le sais ? Ou tu l'espères ?, demanda Octavia, levant ses yeux de son carnet »

« Les deux. En fait, j'attends qu'il revienne s'excuser. J'essaie d'adopter la méthode du 'suis-moi, je te fuis, et fuis-moi, je te suis'. »

Octavia explosa de rire, c'était bien la première fois que Clarke se servait de citations pour rythmer sa vie amoureuse. Elle qui aimait tant tout contrôler.

« Et qu'est-ce qui t'a donné envie de changer de méthode ? »

« Eh bien, ton cousin, figure-toi ! »

L'adolescente aux cheveux rouges grimaça, elle ne s'attendait pas à ce que sa meilleure amie lui réponde cela. A vrai dire, ça ne lui plaisait pas énormément que Bellamy et Clarke soient amis ; elle venait tout juste de retrouver son cousin, elle ne le reconnaissait presque plus, et l'idée que quelqu'un puisse s'approcher de lui autant qu'elle lui faisait bizarre. D'autant plus qu'elle était particulièrement possessive avec Clarke et Raven, et elle n'avait pas encore assez acquis de confiance en Bellamy pour accepter une amitié entre eux deux.

« Relax, O. On n'a pas épilogué sur le sujet, il m'a juste dit ce qu'il en pensait du peu qu'il savait. Et je ne suis pas assez bête pour écouter à la lettre le conseil de quelqu'un que je ne connais qu'à peine. »

Octavia acquiesça. Donc, elle ne le considérait pas comme son ami, pas plus qu'une connaissance. Ils se croisaient simplement, et pour l'instant, c'était bien assez. Octavia voulait apprivoiser Bellamy avant qu'il ne s'approche de son amie.

« En tout cas, c'est une bonne idée, ajouta Raven »

« J'espère. »

Au même moment, le téléphone de Clarke vibra, c'était un SMS.

✉ de Finn

Ok, j'ai peut-être un peu abusé, je suis désolé... On peut se voir après les cours ?

Instantanément, Clarke sourit. Elle avait gagné, pour une fois, ce n'était pas elle qui avait eu la faiblesse de revenir. Et finalement, ça lui faisait du bien de savoir que Finn l'aimait assez pour lui écrire en si peu de temps. Peut-être qu'il n'était pas si fier que Bellamy l'avait dit. Elle lui répondit à l'affirmative et alla sur Facebook pour un nouveau message.

✉ à Bellamy

Tu avais complètement raison. Tu es plutôt cappuccino ou expresso ? :)

*  

Malheureusement pour la population du Colorado, l'arrivée de l'automne annonçait aussi un climat plus que défavorable. Contrairement à l'heure du déjeuner, le temps s'était dégradé, et c'était à présent une véritable averse qui ravageait Columbine. Habituellement préparée à toutes les situations, Raven avait évidemment oublié son parapluie ce jour-là. Elle qui avait enfilé ses plus beaux talons, elle envia secrètement les autres élèves aux baskets plates.

Pressée d'attraper son bus pour se rendre à Stylish Industries, la jeune femme courut sous la pluie, et manqua de tomber en glissant sur une flaque d'eau. Elle se rattrapa de justesse à une barrière près d'elle, et ignora le regard moqueur des autres. L'adolescente se remit quelques cheveux derrière les oreilles, puis se retourna pour ne pas perdre son objectif de vue : le bus. Ce n'était définitivement pas son jour de chance, puisqu'il partit juste devant ses yeux, elle tenta de faire signe au chauffeur, mais celui-ci était déjà bien loin. Elle était trempée, tant pis, elle n'avait pas le choix, elle irait à pied. En réalité, c'était trente minutes de marche, et non seulement elle serait en retard pour son premier jour, mais elle arriverait dans une tenue plus que médiocre et un maquillage complètement ravagé.

Raven soupira, elle espérait vraiment que sa responsable ne lui tiendrait pas compte de tout ça. La jeune femme attrapa ses écouteurs, et lança une playlist au hasard. Elle marchait la tête baissée, regardant ses pieds, essayant à tout prix d'éviter les gouttes de pluie dans les yeux. Soudain, un klaxon la fit sursauter, elle se retourna, faisant virevolter des gouttelettes de sa queue de cheval. La jeune femme plissa les yeux pour observer son interlocuteur tant l'averse était puissante. Lorsqu'elle le vit, Raven râla, c'était encore une fois John. Est-ce qu'il la suivait ?

« Vraiment, John ? Me suivre jusqu'au chemin du travail ?, s'énerva-t-elle »

« Je ne te suis pas, c'est simplement mon chemin pour rentrer. Monte. »

La jeune femme hallucina, elle le détestait, il le savait, alors pourquoi perdait-il son temps à faire en sorte qu'elle l'apprécie ? Elle roula des yeux, et continua à marcher doucement.

« Jamais de la vie ! Je ne suis pas assez idiote pour monter dans ta bagnole. Il faudrait me droguer. »

« Très bien, alors je resterais à côté de toi jusqu'à ce que tu acceptes que je t'emmène. »

Raven sourit légèrement, il était particulièrement coriace. Et ça l'agaçait énormément, mais ça l'amusait beaucoup, aussi. C'était une image que Raven aurait voulu voir de l'extérieur : elle, trempée, sous la pluie, et John Murphy roulant au pas à côté d'elle, attendant qu'elle monte dans sa voiture. Au bout de cinq minutes sans parler, il se lassa.

« Raven, je ne rigole pas. Toi comme moi, on sait très bien que ce n'est pas très professionnel d'y aller comme ça. Et puis sérieusement, tu vas attraper la mort comme ça. Monte, je te dis. Si tu le fais maintenant, tu ne seras même pas en retard. »

La brune reconsidéra la question. John avait beau être un sombre crétin, il avait de bons arguments. Lorsqu'il la vit réfléchir, le jeune homme ouvrit la portière, comme pour l'empêcher de changer d'avis. Raven hésita encore quelques secondes, mais soupira et entra finalement dans la voiture. Instantanément, John augmenta le chauffage, puis fouilla sur la plage arrière et dégota un sweat –avec son nom de famille à l'arrière– qu'il donna à Raven. L'adolescente l'enfila sans trop broncher, en vérité, elle était morte de froid, et son cerveau était bien trop glacé pour réfléchir à ce qu'elle était en train de faire. En revanche, elle eut la nausée lorsqu'elle se rendit compte que le vêtement était imprégné de l'odeur de John.

Raven tourna légèrement la tête, assez pour voir le conducteur, mais pas assez pour qu'il la voit l'observer. Il avait les yeux rivés sur la route, un regard vide, impassible. Le jeune homme restait silencieux, peut-être avait-il emmené Raven par simple sympathie ?

« Est-ce que je peux te poser une question ?, commença-t-il »

Loupé, ce n'était pas de la sympathie, et il était évident qu'il allait finir par parler. Raven haussa les épaules, et regarda de nouveau devant elle.

« Tu viens de le faire alors... Je suppose que je ne suis plus à ça près. »

« Pourquoi est-ce que tu as autant de mépris envers moi ? »

La bombe était lancée. A vrai dire, elle s'attendait à cette question, mais c'était une question stupide, d'après elle. Il savait très bien pourquoi Raven le détestait, lorsqu'elle le voyait, elle voyait Echo. Cependant, elle avait décidé d'être franche.

« Qu'est-ce qu'Echo t'a raconté à mon sujet ? »

« Rien de spécial, que vous ne vous êtes jamais bien entendues depuis le collège. Et que tu étais lesbienne, aussi, il rit »

« Je ne suis pas lesbienne, d'accord ? Elle se retourna pour le regarder. On peut aimer les garçons et les filles ! »

« C'est bon, Raven. Tu peux aimer qui tu veux, je m'en fiche. »

Raven soupira, elle en avait plus que marre des rumeurs à propos de sa sexualité. Dommage que la bissexualité soit un tabou, cela obligeait certaines personnes à ne pas s'accepter telles qu'elles étaient, ou à perdre confiance en soi. Les mots fusèrent à l'intérieur de sa tête, elle allait lui dire la vérité, la douloureuse vérité. Mais son estomac se noua, une boule se forma dans sa gorge et elle joua avec ses doigts pour chasser l'angoisse naissante.

« La vérité c'est que ta très chère meilleure amie m'a harcelé pendant deux ans, et m'a abaissé plus bas que Terre. Elle m'a fait vivre un véritable enfer, elle accentua le dernier mot. Personne n'a rien dit, bien évidemment, puisque si elle s'en prenait à moi, elle ne pouvait pas s'en prendre aux autres, elle avait déjà son souffre-douleur. Heureusement que Clarke et Octavia sont arrivées, ou je serais peut-être encore dans les griffes de cette pétasse que je considérais comme mon amie. »

John ne dit rien, il garda le même regard vide et impassible rivé sur la route. Raven s'attendait au moins à une petite réaction, mais peut-être connaissait-il cette histoire ? Cela faisait de lui quelqu'un d'encore plus mauvais.

« Tu ne dis rien. Tu étais au courant, elle baissa les yeux »

« Echo ne m'a jamais parlé de tout ça. »

« Mais tu ne réagis pas, merde ! C'est exactement ce qui fait que je te méprise autant. Tu assistes à sa méchanceté tous les jours et tu ne dis rien. Jamais rien ! »

Sur cette dernière phrase, Raven s'était emballée, elle s'énervait, avait les larmes aux yeux. Et mon dieu, quelle sensation ignoble cela faisait d'être faible devant son ennemi.

« En étant spectateur de tout ça sans rien faire, tu en es complice, et tu es presque pire qu'elle, dit-elle avec aigreur »

« Je ne suis pas Echo, d'accord ? Je ne suis pas Echo !, hurla-t-il »

La jeune femme sursauta lorsque ce fut lui qui s'énerva. Elle ne pensait pas qu'il était capable d'être autant en colère, lui qui avait toujours cet air si calme sur le visage. En prononçant cette phrase, il avait lâché la route du regard et avait plongé ses yeux bleus azur dans ceux de Raven. Quelques secondes plus tard, il se radoucit et soupira.

« Je sais que ce qu'elle fait ou ce qu'elle a pu faire par le passé est mal, et je suis loin de le cautionner. Mais Echo était là quand personne ne l'était au moment où j'ai perdu mon père. Je me suis attachée à elle, elle s'est attachée à moi. Je déteste cette part d'elle qui vise à cracher sur le monde entier, mais c'est mon amie. »

« Je ne te comprends pas. »

« Je veux seulement que tu essayes deux secondes de te mettre à ma place. »

Et elle essaya. Que ferait-elle si ses seules amies venaient à humilier quelqu'un mais qu'elles avaient passé des années à la rendre heureuse ? Est-ce qu'elle les abandonnerait complètement ? Certainement pas, mais elle aurait au moins tenté de les résonner.

« Admettons..., elle soupira. Tu pourrais, je ne sais pas... Lui parler. »

« J'ai essayé, Raven. Mais tu connais Echo. »

L'adolescente acquiesça, Echo était tellement bornée et stupide qu'il était dur de lui faire entendre raison. Lorsque Raven regarda à travers la vitre, elle remarqua que la voiture était garée devant Stylish Industries. La brune était tellement absorbée par leur conversation qu'elle n'avait même pas remarqué qu'il s'était arrêté. Elle retira le sweat-shirt et le redonna à John, il la repoussa.

« Garde le, tu me le rendras plus tard. »

« Hors de question, ta mère risque de se poser des questions si j'ai un sweat à ton nom. Et en plus, il empeste ton odeur. »

« Je ne savais pas que tu avais pris l'option loup-garou à la naissance ? »

Raven roula des yeux, mais elle sourit quand même. Il fallait bien avouer que par-dessus son agacement et sa colère, John la faisait parfois rire. Malgré elle, elle aurait pu être amie avec lui, si seulement il n'y avait pas eu Echo. La brune balança le sweat sur la plage arrière et ouvrit la portière, avant de partir, elle s'adressa à lui une dernière fois.

« Hey, Murphy ? »

« Reyes ? »

« Ça m'écorche la langue de te dire ça mais... merci. »

John ne répondit rien, mais sourit sincèrement. Puis, Raven le regarda partir, toujours sous cette pluie torrentielle.

*  

« Maman ? Je suis là, annonça-t-elle »

Il était dix-neuf heures trente lorsqu'Octavia rentra chez elle. Comme d'habitude, elle monta les escaliers miteux de son bâtiment, passa sa main sur les murs dégradés et arriva jusqu'au cinquième étage, où elle vivait avec sa mère. La jeune fille ouvrit la porte, et une odeur d'alcool lui monta tout de suite au nez, au point qu'elle eut une nausée. La mère d'Octavia n'avait absolument pas l'habitude de boire, elle pouvait avoir des défauts, mais elle était raisonnable sur l'alcool.

Mais Octavia ne reçut aucun réponse. La jeune femme alla jusqu'au salon, où elle découvrit sa mère et un homme noyés dans un nuage de fumée, qui ne semblait pas être une cigarette. Sur la table basse, plusieurs verres de vin étaient versés. L'adolescente se cacha derrière la porte pour observer, sa mère ne l'avait pas remarqué, et l'homme se tourna légèrement, juste assez pour qu'Octavia le reconnaisse. En fait, il ne lui était pas étranger du tout, c'était l'ex petit-ami de sa mère : un homme déplorable, alcoolique, drogué, et parfois violent. Par chance, il ne s'en était jamais pris à Octavia, mais elle avait vu sa mère souffrir pendant plusieurs mois à cause de lui, et elle ne comprenait même pas qu'elle l'ait fait revenir.

Hors de question que la jeune fille reste une heure de plus dans cet appartement malsain. Octavia attrapa de nouveau son sac et partit, claquant la porte derrière elle, elle se fichait bien qu'on l'entende. De toute façon, sa mère devait être bien trop défoncée pour réagir à quoi que ce soit. Une fois dans le hall de l'immeuble, elle s'assit sur les premières marches de l'escalier, elle n'allait quand même pas rester là toute la nuit ? Il y avait bien Clarke, mais elle était à son cours de violoncelle, et Raven travaillait dans son entreprise de mode. Instantanément, elle pensa à quelqu'un d'autre : dans son téléphone, Octavia hésita longuement à appuyer sur le nom de Bellamy, mais elle finit par le faire. Durant trois sonneries, elle se demande bien ce qu'elle pouvait lui dire, mais lorsqu'il décrocha, tout lui sembla bizarrement évident.

« Bell, est-ce que je peux rester chez toi, ce soir ? Je sais, j'abuse un peu... Mais..., elle soupira »

« T'inquiète, ne bouge pas, je viens te chercher. »

Il raccrocha, elle n'eut même pas le temps de le remercier, mais elle lui était reconnaissante qu'il n'ait pas posé de questions. Et surtout, qu'il accepte de la sauver pour ce soir. En revanche, elle savait que Bellamy allait certainement lui demander quelques explications une fois arrivé. Octavia sortit dehors en attendant, prit une bouffée d'air frais, et alluma une cigarette. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas fumé, habituellement, elle dessinait ou prenait quelques photos pour se détendre. Mais à cet instant, tout son matériel de dessin était chez elle, et elle avait bien son appareil avec elle, mais les bâtiments en ruines n'étaient pas très photogéniques.

Son cousin arriva devant chez elle à peine vingt minutes après. Octavia souffla légèrement et monta dans la voiture, presque gênée. Ils restèrent quelques secondes dans le silence, jusqu'à ce qu'elle relève la tête et qu'elle voit ce sourire sincère sur les lèvres de Bellamy. Elle lui rendit, et les larmes lui montèrent aux yeux. Avant même qu'elles ne franchirent la barrière de ses yeux, le brun attrapa sa tête et l'enlaça. Octavia posa son front sur l'épaule de son cousin, et cela faisait tant de bien de pouvoir se raccrocher à quelqu'un. Une figure masculine. Toute sa vie, elle n'avait été entourée que de femmes. Elle n'aimait pas particulièrement pleurer devant quelqu'un, mais Bellamy n'était pas un étranger.

Octavia se releva, et lança un regard reconnaissant envers son cousin. Il hocha la tête, puis regarda devant lui pour démarrer la voiture.

« Désolée, elle sourit, j'ai un peu mouillé ton tee-shirt. »

« Ça va. Tu n'es pas la seule fille que je vois pleurer, aujourd'hui, il rit légèrement. »

Evidemment, il parlait de Clarke. Mais Octavia ne le savait pas, et elle ne posa pas de questions. Elle était loin de se douter qu'il mentionnait quelqu'un aussi proche d'elle, alors elle ne rétorqua pas. A la radio, les Gun's and Roses chantaient « Knockin' On Heaven's Door », et Octavia monta le son. Ainsi, le reste du trajet se passa dans le calme, Bellamy laissant sa cousine digérer ce qui avait pu se passer chez elle.

Lorsqu'ils arrivèrent, Octavia fut étonnée de voir la maison vide, son oncle et sa tante étant absents. Elle se tourna vers Bellamy, et il comprit immédiatement son interrogation.

« Mes parents sont allés fêter leur vingt ans de mariage, ils ne dorment pas ici cette nuit. »

Octavia acquiesça, et déposa sa veste sur le porte-manteau. Naturellement, Bellamy alla préparer deux verres de jus de fruits, et s'installa sur le canapé. Il fit signe à la jeune fille de s'asseoir à côté de lui. L'adolescente le suivit, et souffla. Elle se sentait beaucoup plus détendue que lorsqu'elle était chez elle. C'est comme si elle se sentait davantage à sa place auprès de Bellamy qu'auprès de sa mère.

« Il s'est passé quelque chose ?, commença Bellamy »

« Juste une énième dispute avec ma mère, mentit l'adolescente. »

« O, il soupira, je ne peux pas te forcer à parler si tu n'en as pas envie. Mais je vois quand tu mens, et je sais que tu es bien assez habituée et forte pour gérer une dispute. Je sens qu'il y a quelque chose d'autre. »

Ils s'étaient peut-être éloignés pendant quinze ans, mais la communication entre eux deux ne pouvait pas être plus facile. C'était comme s'ils ne s'étaient jamais quittés, finalement. Et pourtant, quinze ans, c'était long ; mais les liens du sang étaient indiscutables. Leur lien n'avait pas été cassé. Octavia ouvrit une première fois la bouche, puis la referma. Elle ne trouvait pas vraiment les mots, alors elle alla juste aller le flot de ses paroles.

« Edward est quelqu'un de vraiment mauvais... Je dirais même qu'il est néfaste, tu vois, commença-t-elle. Lui et ma mère sont sortis ensemble pendant presque un an, je sais qu'elle l'aimait de tout son cœur mais il la détruisait à petits feux, il buvait, il se droguait, elle le suivait dans ses délires et j'avais un légume à la place d'une mère. Quand il est parti, on s'est enfin un peu retrouvées toutes les deux, même si nos relations sont encore difficiles, je n'ai plus l'impression d'être inexistante. Elle se mordit la lèvre. Il était là, ce soir, quand je suis rentrée. Ils se noyaient dans leur bain de fumée et buvaient je ne sais combien de bouteilles de vin. Je n'ai juste pas envie de retrouver cette vie-là, elle haussa les épaules. »

Bellamy baissa les yeux, elle s'attendait à ce qu'il dise qu'il était désolé, comme l'aurait fait beaucoup d'autres personnes à sa place. Mais il ne le dit pas, il savait qu'Octavia l'aurait pris comme de la pitié, alors il se contenta de placer une main réconfortante sur le bras de sa cousine et de lui adresser un demi-sourire. La jeune femme était reconnaissante, elle avait compris que Raven et Clarke ne seraient pas ses seules confidentes.

« Je suis désolée de t'avoir appelé aussi précipitamment. Ca va faire deux jours que je squatte chez toi, elle rit »

« Tu es ma cousine, Octavia. Et quoi qu'il arrive, tu resteras ma cousine, ne crois jamais que tu me déranges. »

Il avait prononcé cela avec une telle sincérité et un tel sérieux que la jeune fille en fut surprise. Alors, elle perdit son sourire quelques secondes et lui lança un regard reconnaissant. Puis, Octavia regarda autour d'elle, et ses yeux s'arrêtèrent sur le piano droit au fond de la pièce. Lorsqu'il était petit, les parents de Bellamy lui avait offert ce piano, et il adorait en jouer.

« Tu en joues toujours ?, elle montra l'instrument »

« Je n'ai jamais arrêté, il sourit »

« Tu peux en jouer pour moi ? »

Bellamy accepta avec plaisir, et alla s'installer devant le piano. Il souffla légèrement et ses doigts caressèrent les touches d'ivoire. Octavia sourit en entendant la couleur de ce son, il était si particulier, son cousin avait cette manière de jouer qu'elle ne pouvait expliquer. Cela lui transmettait quelque chose dans l'estomac ; plein de sentiments mélangés qui n'attendaient qu'à sortir, et elle sait qu'un jour, il serait là pour l'aider.

Soudain, elle eut une idée. Alors, l'adolescente sortit son ordinateur et commença à écrire. Elle inventa un personnage, Olivia. D'une certaine façon, c'était elle. Elle entreprit de raconter son enfance, et y plaça tous ses souvenirs, un poids se libéra de sa poitrine. Les notes de Bellamy s'arrêtèrent, il se retourna pour la regarder.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

« N'arrête pas de jouer, tu es ma muse, ce soir. »

Son cousin rit légèrement, mais ne posa pas de questions. Octavia continua d'écrire, encore et encore, tandis que Bellamy laissaient glisser ses mains sur le clavier au fil de ses envies. Ils continuèrent ainsi pendant plus d'une heure, jusqu'à ce qu'Octavia boucle son chapitre. Elle ne se relut même pas, elle savait que les choses avaient été écrites dans le vif du moment, et elle n'aurait pas pu changer un seul mot sans en changer son sens aussi. Puis la jeune femme ouvrit sa boite mail, et écrivit.

[email protected]

Bonsoir, je vous envoie en pièce jointe un premier essai. Je ne garantis rien, pour être honnête je ne me suis même pas relue. Mais vous m'aviez demandé de trouver quelque chose qui me correspond, je l'ai trouvé : je veux raconter l'histoire d'Olivia.

Bonne lecture. O.

L'espace d'un instant, elle oublia qu'il était son professeur, qu'elle avait signé avec son surnom, et surtout, qu'elle s'apprêtait à lui raconter ses pensées les plus intimes sans même qu'il ne le sache.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top