Chapitre X - Une requête particulière
Sandro Bencivenni
Échelle : 33 ans
Âge réel : 77 ans
***
La cacophonie citadine se muait en ronronnement paisible depuis les terrasses du Delta, le chef-lieu de la Ligue. L'édifice titanesque dominait la capitale au côté des maisons-mères des plus grandes firmes américaines du siècle. Cime de la babylonienne Atlanta, cette poignée de gratte-ciels paraissait frôler le monde des dieux. Mais les préoccupations de leurs habitants ne pouvaient être plus terrestres.
Sandro Bencivenni était accoudé à la barrière de l'une des terrasses panoramiques du Delta. Il remuait machinalement son verre de whisky d'un mouvement de poignet. Le ciel crépusculaire se peignait d'encre, et le scintillement des éclairages publics prêtait à Atlanta l'apparence d'une galaxie. Ses yeux ocre divaguaient sur ce paysage vertigineux.
En aval de la ville, à travers le lit de cumulus que le Delta surplombait, Sandro distinguait les contours de l'Eldorado ; la plateforme télévisée internationale. Installée ici pour couvrir l'actualité liée à l'attentat, elle devait émigrer à la fin de la semaine. La structure incarnait l'une des œuvres techniques les plus abouties du siècle ; elle voguait tantôt dans les airs, tantôt sur les océans du monde. De la taille d'une petite ville, l'Eldorado comptait près de cent mille habitants. Le statut d'Etat lui avait même été octroyé, avec toutes les spécificités dues à l'absence d'ancrage territorial de l'édifice.
Sandro trouvait absurde que cette citadelle de débauches détienne les droits régaliens ; c'était le lieu de toutes les extravagances et fantaisies. Mais il ne polémiquait pas. L'Eldorado constituait un partenaire commercial précieux pour les Etats-Liguiens, et la nature des informations divulguées par leurs journalistes était inoffensive.
Il eut un léger tournis en prenant conscience du gouffre, devant lui, dont seule sa barrière le protégeait. Et si elle se brisait ? Il s'écraserait après plusieurs kilomètres de chute libre, pour se transformer en cassoulet d'organes et d'os. On le pleurerait durant des jours. L'enterrement serait illustre, mais prématuré au goût de Sandro. Sceptique, il s'écarta de la rambarde, puis s'installa dans un siège en rotin, en ingurgitant un peu d'alcool. L'air frais lui glaçait la peau en cette soirée hivernale. Il resserra son trench grenat contre lui. Originaire du Mexique, et bien qu'ayant élu résidence à Atlanta des décennies auparavant, il ne s'était jamais habitué au climat de la région.
Malgré tout, il savourait ce rare instant de solitude. La fraîcheur ambiante l'aidait à organiser ses idées.
Les voix d'ingénieurs et officiers résonnaient, de l'autre côté de la baie vitrée par laquelle Sandro s'était échappé. Ses subalternes testaient le matériel holographique en prévision de la conférence prévue à dix-neuf heures. La montre dorée du dirigeant affichait dix-huit heures quarante-cinq. Le temps s'écoulait au ralenti depuis l'aube ; il trépignait.
Suite à l'attentat, la Ligue avait reçu un appel de Vienne. « La Confédération n'a ni participé ni favorisé cette tragédie », avait déclaré la Chancelière Centrale à ses homologues américains. Prompte, elle avait surtout sauté sur l'occasion pour quémander à la Ligue un créneau, afin de converser d'une « requête particulière ». Sans autres précisions, le Delta supputait qu'il serait question d'entreprendre des mesures communes, pour parer à une nouvelle attaque.
Peu de choses effrayaient Sandro, et cette conférence n'en faisait pas partie. Cependant, tout en savourant son whisky, il s'interrogeait sur la teneur de la conversation à venir. Depuis la mort de l'ancien Chancelier Central, Nikita Mikhaïlovitch Aleksandrov, en 2082, le dialogue entre la Ligue et la Confédération Centrale s'était appauvri en quantité et qualité. Leur plus long entretien avec Sylvester Van der Strauss, l'héritière et la fille adoptive de Nikita, avait été dédié à saluer son accession à la Chancellerie Centrale. Sa soudaine proposition d'une conférence piétinait donc leurs habitudes.
Peu avant dix-neuf heures, la baie vitrée s'ouvrit sur la silhouette du responsable des techniciens.
« Monsieur Bencivenni, la configuration est prête. Madame Dobson s'est installée. »
Sandro le remercia, puis le congédia d'un bref signe de la tête. Il prit une nouvelle gorgée d'alcool doré pour s'encourager en prévision de la longue soirée annoncée, et se leva de son siège. Vigoureux mais de taille moyenne, il arborait des traits plus jeunes que ceux de James Greyson ou Meghan Dobson ; à l'avènement de la Ligue, en 2027, il soufflait à peine sa dix-neuvième bougie. Sa renommée n'en avait que flamboyé davantage. Il entra dans la salle de conférence. La lumière tamisée de la pièce révéla la blondeur des cheveux gominés qui dégringolaient jusqu'au bas de sa nuque, rehaussés par son teint bronzé.
L'endroit ne comportait que trois sièges cuivrés, disposés face à une large table charbonneuse. Sur le côté, une vitre donnait sur l'espace de commandes dans lequel deux ingénieurs s'installaient, accompagnés par Côme Anderson, le Haut Secrétaire de la Ligue.
Après s'être assis, Sandro posa son verre sur la tablette qui séparait son fauteuil de celui de Meghan.
« T'es en retard, s'étonna cette dernière. Je commençais à croire que j'allais devoir entamer la discussion toute seule. »
Sandro ricana.
« Et James... ? » s'enquit-il.
Comme toujours, sa voix traînante semblait contenir une irrésistible envie de bâiller.
« En rendez-vous avec sa psy de ce que je sais, lui répondit Meghan. Il m'a dit qu'il serait à l'heure. »
Un silence pensif s'installa entre eux. Depuis l'attentat, leurs emplois du temps ne leur accordaient aucun répit. La pâleur anormale de leurs teints et leurs cernes violacés dévoilaient un inquiétant manque de sommeil.
« Au fait, t'as dû répondre aux questions de l'Eldorado... ? railla Sandro.
— Ouais. Ils m'en ont posé quelques-unes... Rien de dérangeant, mais ça m'a pris une bonne heure. Ils parlaient plus que moi. »
Les deux collaborateurs dévoilèrent un sourire sarcastique. Les chiffres écarlates du cadran qui leur faisaient face indiquaient dix-huit heures cinquante-six. Tandis que Sandro finissait le fond de son verre, les portes de la salle de conférence s'ouvrirent, laissant apparaître James, qui chantonna, tout à son aise : « Me voilà !
— Tu sais qu'on commence dans quatre minutes, pas vrai ? l'accusa Meghan.
— Je t'avais dit que je serais en avance. »
En se gaussant, le dirigeant se servit un verre, et s'assit dans le siège restant.
Dans l'espace de contrôle, les ingénieurs s'activaient. L'œil de chaque caméra s'alluma, cernant la Ligue. En même temps, flottant au-dessus de la table ébène, la date et l'heure apparurent avec une telle netteté qu'elles paraissaient matérielles. Lorsque l'horloge indiqua dix-huit heures cinquante-neuf, le processus de chargement s'enclencha. À dix-neuf heures, une image holographique de quatre mètres de large sur trois mètres de haut se substitua aux inscriptions.
Une pièce aux teintes de lys apparut. Seul l'Obsto, incrusté sur le mur du fond, dissonait dans cet intérieur immaculé. Sandro réprima un rictus à la vision de la zébrure.
A l'instar de celle du Delta, la salle de conférence qui leur faisait face imitait un salon. Entre deux canapés reposait un unique fauteuil. Sept individus siégeaient face à eux.
« Merci d'avoir accepté ce rendez-vous, les salua la femme qui trônait au centre, en esquissant un sourire fugace.
— C'est avec grand plaisir, répondit James, préposé aux formalités diplomatiques. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir initié cette entrevue. C'est une délicate attention, compte tenu des circonstances.
— Bien sûr. Chaque Chancelier de la Confédération se joint à moi pour vous réaffirmer notre soutien devant ce drame. »
Leur interlocutrice n'était autre que Sylvester Van der Strauss, Chancelière Centrale et Prophétesse de Sateth. Elle s'exprimait dans un anglais parfait, si l'on faisait abstraction de son grossier accent allemand — langue officielle de la Confédération. Plus que n'importe quel participant à cette conférence, le visage pâle de la Chancelière était indécent de jeunesse. Les éclats braises de ses cheveux et les taches de rousseur qui picoraient sa peau blanche accentuaient son apparence candide. Sandro tenait de son ambassadeur à Vienne qu'elle n'avait pas vingt-cinq ans. Un âge bien juvénile, pour un regard si sévère.
Il se reconnaissait en elle, lorsque, à peine sorti de l'adolescence, il avait raflé le pouvoir américain. Mais une différence fondamentale les opposait : la jeune femme avait accédé à la Chancellerie Centrale portée par la légitimité que lui conférait sa lignée ; alors que Sandro ne devait sa position à personne d'autre qu'à lui-même.
« Toutefois, les dommages dont vous souffrez ne sont pas le motif de cette conférence », reprit la Chancelière, de son timbre naturellement grave.
Cette déclaration provoqua une demi-seconde de confusion dans la salle de conférence du Delta. Le silence s'écourta grâce au rire amusé de James.
« Bien sûr ! enchaîna-t-il. Nous sommes ouverts à toute discussion.
— Parfait. Dans ce cas, je vous parlerai sans détour, rebondit Sylvester, libérée d'une contrainte. Par la conclusion du Traité d'Atlanta de 2028, cela fait cinquante-neuf ans que la paix a été scellée entre nos deux territoires, pour notre bonheur commun. Mais cela fait aussi cinquante-neuf ans que Sevastyan et Kirsan Ivanovitch Aleksandrov sont privés de leur Russie natale. »
Sandro eut un instant de latence. Son oreille s'était habituée au nom d'usage de Sevastyan et Kirsan : « Connor et K Bass ». Ses sourcils se froncèrent. On ne débattait plus de ce sujet depuis des années.
Le Traité d'Atlanta, rédigé en 2028, avait installé un demi-siècle de quiétude entre les Etats-Liguiens nouveaux-nés et la Confédération Centrale. Au sortir de l'anarchie causée par la Flakka, cet accord monumental avait permis aux deux Empires de panser leurs plaies, et de se relever.
Il avait par ailleurs affirmé le droit de chaque citoyen liguien et satethien à disposer de lui-même. Grâce à cette clause, Sevastyan et Kirsan, malgré leur statut d'héritiers de la Chancellerie russe, avaient officiellement pu abandonner leur legs, interdisant dès lors à la Confédération de les traquer.
« Bien évidemment, continua la Chancelière Centrale, en vertu de l'article douze du Traité d'Atlanta, nous respectons le choix de Sevastyan et Kirsan de vivre où bon leur semble. En revanche, nous estimons approprié, après 59 ans d'application des termes du Traité, de leur demander à nouveau s'ils souhaitent, ou non, rentrer chez eux. »
Sandro lança un regard placide à ses homologues. Le sourire de James paraissait avoir été cryogénisé, et l'ossature de la mâchoire de Meghan saillait sous sa peau.
« Et pourquoi leur demander ça maintenant ? lâcha cette dernière.
— Le douzième article est respecté de notre côté aussi..., rattrapa Sandro d'une voix plus mesurée. Sevastyan et Kirsan ont toujours eu la possibilité de retourner en Russie... Ils n'en ont jamais manifesté l'envie. »
L'un des hommes qui accompagnaient la Chancelière se hérissa. Il s'agissait d'Ivan Mikhaïlovith, Chancelier de Russie, le père de Sevastyan et Kirsan. Droit sur son siège, sa posture crispée reflétait une envie brûlante d'intervenir dans la conversation. Depuis le début de la discussion, Sandro avait remarqué les rides nerveuses qui creusaient ses joues et son front. Désormais, il comprenait pourquoi ; d'après les diplomates liguiens en place dans la Confédération, il n'avait jamais digéré le départ de ses fils.
Sylvester, ayant elle aussi remarqué l'agitation d'Ivan, eut un imperceptible geste de la main en sa direction. Sandro supposa qu'elle le contraignait au silence.
« Dans ce cas, demander à nouveau l'avis des principaux intéressés ne devrait pas poser de problème, argumenta la Chancelière d'un ton doucereux.
— Vous voulez qu'on programme un nouveau rendez-vous où Kirsan et Sevastyan seraient invités, en résumé ? intervint à nouveau Meghan.
— Pas exactement. Nous souhaitons que leur frère, Adrian Ivanovitch Aleksandrov, se rende à Atlanta, afin de s'enquérir de leur choix.
— Vous semblez souffrir d'un cruel manque de confiance à notre égard, Chancelière... », nota Sandro en croisant les bras.
La Prophétesse esquissa un sourire impatient. Elle se reprit, sans paraître regretter sa maladresse : « Je me suis mal exprimée, veuillez m'excuser. Nous ne souhaitons pas envoyer Adrian par suspicion à votre égard. Nous voudrions simplement qu'il puisse s'entretenir avec ses frères.
— Individuellement », précisa Ivan, sortant de son mutisme.
Il y eut un flottement chez la Ligue. Puis James s'esclaffa : « Notez que cela fait beaucoup de requêtes tout à coup.
— Le Traité n'inclut pas que l'un des partis interfère pour influencer Kirsan et Sevastyan, s'acharna Meghan.
— Et comment, exactement, pensez-vous qu'Adrian puisse les influencer ? intervint à nouveau le père des intéressés. Ils se connaissent à peine. »
Cette fois-ci, Sylvester lui adressa un regard sévère.
« Voyez simplement cette demande comme une faveur politique que nous sollicitons, soupira-t-elle, en reportant son attention sur ses interlocuteurs. Adrian est nostalgique de ses frères. L'inverse doit être vrai aussi. Il n'est pas question « d'influencer » quiconque.
— Ce n'est là qu'une question d'interprétation, Chancelière..., la contredit aussitôt Sandro. Je dois avouer, et mes associés se joindront à moi, que votre doléance me laisse sceptique.
— Nous pourrions en discuter à nouveau. Vous n'êtes pas tenus de nous livrer une réponse dès ce soir.
— Ce ne sera pas nécessaire », trancha Meghan.
Un silence frigorifique s'installa, durant lequel Ivan fusilla la dirigeante liguienne du regard. Sylvester, quant à elle, tapotait l'accoudoir de son siège avec ses ongles, sans chercher à dissimuler son agacement.
« Regrettable. Et prévisible, piqua-t-elle.
— Bon, très bien. S'il s'agissait du seul motif de cette entrevue, je propose que nous nous arrêtions là. Vous comprenez, nous avons fort à faire, avec cet attentat », essaya de conclure James.
Mais l'immobilité des hauts personnages qui accompagnaient la Chancelière suggéra à Sandro que les négociations n'étaient pas finies ; elles venaient sans doute à peine de commencer.
« Il y a autre chose, articula la jeune femme.
— Ah ? Vraiment ? fit mine de s'étonner James.
— En effet. »
Elle ménagea une pause, cherchant visiblement la meilleure façon de formuler son propos.
« Je crois savoir que vous avez eu des difficultés à imposer votre autorité sur le Canada, dans le courant des années 2020, James, énonça la Chancelière, en décortiquant chacun de ses mots.
— Certes, mais enfin, je n'irais pas jusqu'à parler de difficultés, gloussa l'intéressé.
— Il n'empêche que la région vous a donné du fil à retordre, à commencer par la tentative d'étatisation d'Estbury, n'est-ce pas ? Si je ne fais pas d'erreur, l'initiative doit être créditée à « l'Ordre ».
— C'est correct, mais cela fait bien longtemps que l'Ordre est enterré.
— Je ne vois pas bien le rapport avec cette conférence, s'impatienta Meghan.
— J'y viens. Il se trouve que la Confédération Centrale détient l'un des artisans de l'Ordre, siffla la rouquine dans un sourire reptilien. Je suis persuadée que vous n'avez pas oublié le nom de Jude Sheridan, James. »
Le silence qui suivit cette déclaration fut partagé entre l'incompréhension des uns et la consternation des autres. L'éternel sourire de James demeurait, mais la ride du lion qui fendait son front traduisait son scepticisme.
Quant à Sandro, ce nom ne lui évoquait rien de plus qu'un passé aux oubliettes. Il ne s'était jamais opposé de front ni à Sheridan, ni à l'Ordre, au contraire de James ; alors, tout au moins l'air satisfait de la Chancelière l'indifférait, tout au plus il l'irritait.
« Et que détenez-vous exactement...? Son cadavre...? persifla-t-il.
— Détrompez-vous ! Il est bien vivant.
— Depuis combien de temps est-il chez vous ? s'enquit James.
— 2027. Nos anciens chasseurs de primes nous l'ont ramené. Il oscillait entre vie et mort. Mon prédécesseur a fait en sorte qu'il soit soigné. »
James opina, d'un air entendu qui dissimulait mal son irritation. Depuis des décennies, la croyance commune voulait que Sheridan se soit fait trouer par les chasseurs européens à la recherche de Sevastyan et Kirsan. Mais nul n'avait prémédité qu'il ait survécu, et encore moins grâce à la Confédération.
Sandro vouait personnellement peu d'importance à l'antiquité que représentait Sheridan, mais l'idée de s'être laissé berner par les satethiens depuis tout ce temps provoquait une démangeaison désagréable dans sa nuque.
« Je vous propose d'aller droit au but, reprit leur interlocutrice. Connaissant votre contentieux avec Jude Sheridan, je me permets de croire que vous souhaiteriez le juger. C'est pourquoi nous vous proposons de l'extrader vers les Etats Liguiens. »
La Chancelière disait vrai : Sheridan avait été une tête de proue de la résistance à James après la propagation de la Flakka. On ne pouvait laisser ce genre de spécimens sans contrôle, et encore moins aux mains de la Confédération Centrale. La narine droite de Sandro tressaillit de contrariété. Il haïssait être mis devant le fait accompli.
« Bien sûr, ce service ne sera pas gratuit, anticipa Meghan, défiante.
— Notre prix est moindre. En échange de l'extradition de Jude Sheridan, nous requérons qu'Adrian puisse s'entretenir avec Sevastyan et Kirsan, et recueillir leur choix de revenir, ou non, en Russie.
— Cet entretien aurait lieu en présence de soldats de la Confédération, n'est-ce pas ? » continua la dirigeante liguienne.
La Prophétesse n'eut pas le temps de répondre.
« Nous ne laisserons pas un autre de mes fils à votre merci, gronda le Chancelier russe, les dents serrées.
— Assez, Ivan !
— Cela pose problème, martela Meghan, en ignorant les discordes adverses. Vos soldats ne peuvent pas pénétrer sur notre sol.
— Il ne s'agirait que d'une escorte, bien entendu. Mais si ce point est contraignant, nous pourrons le renégocier ultérieurement. »
Meghan arbora une moue réprobatrice en s'enfonçant dans son fauteuil. Présenté de cette façon par la Chancelière, le marché paraissait favorable à la Ligue, mais la réalité n'était pas si binaire.
Sevastyan et Kirsan entre leurs mains, les Américains détenaient un argument de poids pour obtenir les faveurs du Chancelier russe. Valait-il la peine de s'en départir pour récupérer Sheridan ? Tout seul, l'ancien porte-drapeau de la résistance était inoffensif. Mais, sous le contrôle de la Confédération, il devenait un problème de premier plan : les Satethiens pourraient utiliser sa notoriété passée pour déstabiliser la Ligue en interne. Il leur fallait à tout prix mettre Sheridan à l'ombre, comme ils l'avaient fait pour Jill Foster et Nicholas Blavatsky ; ce dont la Chancelière avait conscience. Une lueur victorieuse étincelait d'ailleurs dans les pupilles de la jeune femme, qui contenait mal son sourire.
Ce marché évoquait davantage à Sandro un chantage qu'un échange de bon compromis.
« Il nous faut nous concerter, trancha-t-il. Nous vous donnerons notre réponse plus tard.
— Je suis persuadée que nous allons trouver un terrain d'entente », minauda leur interlocutrice.
Sandro grinça des dents. Un bouquet d'insultes salées fleurissait dans son esprit. Hormis Ivan, chaque Chancelier de la Confédération exhibait une figure confiante. Que leur satisfaction était désagréable !
La conférence prit fin sur les politesses d'usage, puis l'hologramme s'évanouit.
« Son père était plus chaleureux, résuma James dans un sourire cynique.
- Et moins impudent », siffla Sandro.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top