Tori avait scrupuleusement suivi les indications du shérif. Après être sortie de la ville, elle avait pris à l'ouest et roulé en direction d'un vieux domaine abandonné... et fraîchement investi par de nouveaux locataires. Le SUV roulait maintenant lentement sur un chemin de terre battue, ses feux au minimum. Un kilomètre avant d'atteindre sa destination, elle gara le véhicule sur le bas-côté, prêt à repartir vers la ville. Elle ferait le reste à pied. La jeune femme prit son sac pour récupérer le matériel dont elle allait avoir besoin : une lunette infrarouge agrémentée d'un détecteur thermique, une arbalète de poing dont la portée modeste était compensée par une très grande vitesse de tir, une machette à la lame bien affûtée, et un vieux Glock dont l'utilité n'était plus à prouver. A cela, elle ajouta une petite boîte métallique, pas plus grande qu'un étui de cigarillos et soigneusement fermée par un aimant. Enfin, elle se mit en route à travers les bois. C'était une simple mission de reconnaissance, mais elle se sentait comme un lapin se rendant dans un terrier de renards. La sensation n'était pas des plus agréables.

Au bout de dix minutes, elle arriva en vue d'une maison de maître, petit manoir aux murs lézardés et aux carreaux sales et partiellement brisés. Restant dans l'ombre des bois, elle prit position pour observer attentivement les lieux. En apparence, tout était calme et semblait inhabité, mais Tori ne se fiait pas à ce qu'elle voyait. Sortant de la poche de sa veste la petite boîte, elle l'ouvrit et prit dans sa main ce qui ressemblait à un petit tube percé. Elle le porta à ses lèvres et souffla. Aucun son n'en sortit, pour autant la jeune femme n'eut pas à attendre longtemps les effets du sifflet. Sous ses yeux, l'air trembla autour de la bâtisse, comme un mirage qui se délite. C'était plus ou moins le cas, car les occupants du manoir avaient la capacité de projeter des illusions autour d'eux, ce qui les rendait particulièrement difficiles à repérer. Fort heureusement, l'Ordre Tutaris avait mis au point ces petits sifflets, dont la fréquence entrait en dissonance avec celle utilisée pour générer ces illusions.

Tori reprit son observation avec attention. Sa lunette lui apprit que le groupe n'était composé que de cinq individus. C'était déjà beaucoup, mais cela restait moins inquiétant que ce qu'elle avait pu imaginer. Deux se trouvaient au rez-de-chaussée, les trois autres dans les étages. Elle aurait pu se satisfaire de cette information, mais la chasseuse avait le souci du détail. On la payait pour cette mission, elle ne voulait pas la bâcler. Il fallait qu'elle en apprenne plus sur ce groupe et sur ce qui les avait motivés à venir s'installer ici. Le shérif avait dit à la population qu'ils n'étaient que de passage, mais en vérité, il n'en savait rien. Les habitants pouvaient composer avec ces inquiétants voisins le temps de quelques jours, mais qu'en serait-il s'ils décidaient d'élire domicile ici ? Tori savait déjà comment cela se terminerait, et le shérif aussi. Sa mission était donc des plus simples : faire un état des lieux et prévenir le problème.