Méfiante, Tori sortit son glock et l'arma, puis elle entra, ouvrant grand la porte. Assis, jambes croisées, dans l'unique fauteuil de la chambre, un homme la regardait sans paraître le moins du monde surpris.

— Ah, fit-il comme si de rien n'était. Je vous attendais.

Méfiante, Tori jeta un coup d'œil alentour. Après avoir constaté que la chambre était vide de toute autre mauvaise surprise, elle reporta son attention sur l'intrus. Ce dernier, dans la petite quarantaine et de bonne carrure, avait un maintien qui trahissait une position de pouvoir. Il émanait de lui quelque chose d'intriguant, une aura de mystère à la fois fascinante et glaçante. D'instinct, Tori su qu'elle devait se méfier du personnage.

— Qui êtes-vous, lui lança-t-elle sans baisser sa garde.

— Un ami.

— Mes amis ne s'invitent pas chez moi en mon absence.

— J'ai jugé plus prudent de procéder ainsi. Voyez ce geste comme une garantie de confidentialité.

— De confidentialité pour quoi au juste ?

— Pour le conseil que je suis venu vous donner.

— Et qui est ?

La jeune femme s'impatientait. Elle prisait peu les phrases nébuleuses. Encore moins lorsqu'elles étaient prodiguées si généreusement par de parfaits inconnus s'invitant sans crier gare dans sa chambre, alors qu'elle enquêtait sur une affaire déjà bien complexe.

— Peut-être pourriez-vous baisser votre arme ? Vous n'avez rien à craindre de ma part ce soir.

Tori accepta de mauvaise grâce tout en notant intérieurement l'avertissement sous-jacent. Elle rangea son glock à la ceinture.

— Et donc ? Quel conseil avisé voulez-vous me donner ?

L'autre eut un sourire en coin et reprit la parole, baissant la voix sur un ton de confidence.

— Arrêtez-moi si je fais erreur. Vous avez récemment mis la main sur le contenu d'un vieux journal, si je ne m'abuse. Contenu que vous n'avez pas encore pu déchiffrer.

Visiblement l'homme était très bien renseigné et il était inutile de chercher à nier les faits. Tori garda le silence, l'incitant à continuer. Son vis-à-vis reprit, sans se départir de son sourire, comme s'il se régalait par avance d'une bonne blague à venir.

— Ce journal voyez-vous renferme un secret que vous seriez bien avisée de ne pas essayer de percer.

— Ou sinon quoi, "l'ami" ? C'est là que vous me dîtes que les conséquences pour moi seraient très fâcheuses ?

— Pas seulement pour vous, sans quoi je ne prendrais même pas la peine de vous prévenir.

— Eh bien vous, ce n'est pas l'empathie qui vous étouffe, on dirait !

L'autre éclata d'un rire bref et se recula dans son siège.

— Ma chère, vous et votre franchise me plaisez beaucoup. Alors ne prenez pas ce conseil trop à la légère quand je vous dis de ne pas chercher plus loin. Dîtes-vous que je suis une sorte de médiateur, le genre de personne qu'on envoie en dernier recours, avant d'envisager des solutions plus... drastiques. Sur ce, je vais vous laisser méditer sur notre petite conversation. Je gage que la nuit à venir saura vous guider vers la voie de la sagesse.

Il se leva, et prit congé comme l'aurait fait un simple invité.

Une fois seule, Tori eut le plus grand mal à se reposer tant elle restait perplexe face à cette étrange mise en garde. Les questions se bousculaient dans sa tête, sans qu'aucune réponse ne vienne les éclaircir. Dehors, comme un étrange écho au bruit sourd de ses pensées, un vent léger s'était levé, faisant bruisser les feuilles des arbres à la manière d'une murmuration lointaine. Elle finit par s'assoupir.