Chapitre XII
Le feu s'était éteint au beau milieu de la nuit. Aucuns de l'un ou de l'autre n'eurent froid pour autant. Leurs corps complètement collés les réchauffaient mutuellement. De plus, la couverture qu'ils s'étaient entourés à la fin de leur union cachait bien évidemment leur nudité mais leur donnait davantage plus chaud. Le chant des oiseaux avait réveillé Eleanor en première. Douglas, lui, avait rouvert ses yeux lorsqu'elle avait voulu s'extirper de ses bras. Il l'avait resserré contre lui et avait feint de dormir, néanmoins sa respiration n'était plus aussi régulière et Len avait rapidement compris que l'écossais s'était réveillé à son tour.
Ils avaient échangé un regard, puis un sourire. Et ensuite, les caresses commencèrent. Étant donné qu'Eleanor avait la tête tout contre le torse de Douglas et que l'une de ses mains était posée dessus, le comte ne put s'empêcher de faire courir le bout de ses doigts sur sa peau. De longues minutes s'écoulèrent ainsi, dans cette mélodie harmonieuse que constituaient leur respiration et le chant des oiseaux.
« Étiez-vous amoureux ? »
Sa tête ne se releva pas. Elle resta ainsi à apprécier les caresses incessantes de son amant dans ses bras. Elle ne s'était jamais sentie aussi apaisée que depuis qu'elle s'était réveillée. Len savait pertinemment que la question pouvait le déranger, vu de la manière dont il était venu chez elle, la veille, la jeune femme avait décelé dans son comportement qu'il avait été blessé.
« Je pensais l'être, mentit-il.
--De votre fiancée, n'est-ce pas ? répondit-elle directement.
Brusquement, l'écossais arrêta son geste et bougea légèrement la tête avant de pousser un petit soupir.
--Ne répondez pas si vous n'en avez pas l'envie, je comprendrais, reprit la marquise en l'ayant senti se tendre par la suite.
--Elle a épousé un autre homme.
--Vous l'aimiez.
--Je l'aimais. Mais cela reste du passé. »
Il recommença ses caresses et le silence s'installa dans la pièce. Si elle était aussi perspicace qu'elle le pensait, la fiancée du comte s'était mariée sans faire attention aux sentiments de l'écossais épris d'elle.
« L'aimiez-vous ? »
Se dégageant doucement du bras qui avait remplacé un coussin, posé en-dessous de sa nuque, elle s'était redressée afin de se tenir sur ses coudes afin de le regarder dans les yeux. Elle réfléchit longuement à sa réponse. Lui dire la vérité s'avérait pénible à avouer. Et elle ne voulait surtout pas qu'il pense qu'elle ne s'était mariée que par obligation. D'ailleurs, c'était elle qui l'avait choisi, pas ses parents mais elle seule.
« Je vous avoue que je ne saurais vous le dire.
--Je suis certain que vous l'aimiez, ajouta-t-il à ses dires.
--Je...Douglas. »
Se redressant d'un seul coude de son côté, de son bras engourdi, ceci dû au poids de la tête de la jeune femme mais il n'avait pas voulu le lui confier, Douglas plongea son regard dans le sien. Elle le détourna bien assez vite, comme honteuse et entrouvrit ses lèvres mais n'eut pas la force d'en sortir un simple son. L'inquiétude le gagna. Il fronça petit à petit des sourcils et s'assit ensuite sur le sol en gardant ses jambes allongées.
« Asseyez-vous sur mes cuisses, m'eudail, exigea-t-il de sa voix grave en mettant l'une de ses mèches derrière son oreille. »
Elle fit ce qu'il lui demanda et glissa ses mains pour y poser ses paumes sur ses épaules. Ce n'était pas pour autant qu'elle releva ses pupilles pour croiser les siennes. Il surprit de ses beaux yeux violets quelques larmes s'en écouler et entoura soudainement sa taille de ses bras musclées pour plaquer sa poitrine contre son torse.
L'une de ses mains caressa son dos tout en longueur jusqu'à ce qu'elle se détende dans ses bras. Ainsi, de longues minutes s'écoulèrent ainsi. À chaque fois que ses ongles se plantaient dans sa chair Douglas espérait qu'elle lui confie ce qui la rendait dans cet état...Néanmoins, plusieurs fois, la jeune femme se laissait aller à ses caresses en essayant de se détendre.
Finalement, Eleanor desserra son étreinte et lui fit face. Essuyant ses yeux, elle avala difficilement sa salive et prit une grande inspiration sans pouvoir relever son regard.
« J'ai eu une liaison, lui avoua-t-elle d'une voix qui se brisa. »
Il fut surprit. Très surpris. Mais ne dit pas un mot pendant de longues minutes. Cette femme, avoir une liaison ? C'était impossible, pourtant, elle-même le lui avait bien annoncé de vive voix. Il y avait toujours une raison à ce qu'une femme trompe un homme. À moins que depuis le départ, cette liaison avait déjà débuté.
« Cela n'a duré que quelques mois à peine...J'étais...Je désirais cet homme autant qu'il me désirait, et je ne savais pas ce que je faisais. Je pensais pouvoir-...
--...gérer la situation.
--En effet. Mais j'ai mis un terme à ma liaison quand j'ai compris que ce que je faisais était mal. C'était la première fois que je le faisais, Douglas. Et...il en parlé autour de lui.
Elle se retenait visiblement d'éclater en sanglots dans ses bras. Parlait d'une vitesse incroyable, comme dépassée elle-même par ce passé qui la troublait, d'autant plus que cela le troublait lui.
--Vous n'êtes pas obligés, lui souffla Douglas.
Il posa ses mains autour de son visage et l'obligea à le regarder dans les yeux.
--Eleanor, vous n'êtes pas obligés de me le dire, avait-il repris pour peser chacun de ses mots.
Pourtant, elle hocha plusieurs fois de la tête pour lui signifier qu'elle devait le lui dire.
--Raphaël avait été dévasté. »
Ses larmes ruisselaient le long de ses joues et elle dut fermer ses yeux pour qu'il ne voit pas combien cela lui faisait mal de se souvenir combien il en avait souffert par sa faute, combien d'ailleurs cela avait été humiliant de le savoir de celui qu'il considérait comme son meilleur ami.
« Ele-...
--Non, je dois vous le dire.
Il serra ses dents et baissa légèrement sa tête avant de la relever et la relâcher.
--Il m'a pardonnée et depuis, j'ai tout fait pour mériter son pardon. Alors...Alors quand vous l'avez tué, j'ai...
Une main se posa sur ses lèvres tremblantes. L'écossais voulut la faire taire, mais il avait l'impression qu'elle avait besoin de connaître son avis à ce sujet, de savoir ce qu'il en penserait.
--J'ai été soulagée...Parce que j'étais certaine qu'il ne souffrirait plus ainsi de cette trahison car il n'était pas homme à oublier aisément les fautes de ses proches. Pourtant, j'ai culpabilisé en ayant cette atroce pensée.
Elle marqua alors une longue pause. Elle essuya ses larmes, des petits hoquets se succédèrent parfois avant qu'elle ne reprenne :
--Suis-je impardonnable Douglas ? Suis-je...abjecte ? Est-ce que-... »
Ses lèvres rencontrèrent les siennes. Elle ne se débattit pas. L'accepta avec dévouement. Laissant même passer sans aucune retenue sa langue dans sa bouche tandis qu'elle se laissait dévorer par ce sentiment de désir qui embrasait ses sens. Avant qu'elle ne puisse savourer pleinement ce baiser, Douglas y mit fin afin de poser son front contre le sien et de se saisir de ses poignets.
« Vous êtes la femme la plus honnête que je connaisse. Certaines n'auraient jamais faits d'efforts pour se faire pardonner. Bien que votre union n'ait pas été créée par l'amour, vous avez tenu bons malgré vos erreurs. Ce n'était pas noble de votre part, je vous l'accorde...Mais ma douce, si vous saviez le nombre de femmes qui a trompé un nombre incalculables de fois leurs époux vous en seriez abasourdies ! »
Elle en rit sur le coup. Et il était bien heureux qu'elle en rit qu'elle en pleure n'est-ce pas ? Ses larmes l'avaient bien évidemment affecté. Mais ce rire sonnait pourtant faux en l'entendant, un rire nerveux qu'elle ne put retenir au fond de sa gorge. Douglas décala sa tête de la sienne et déposa ses mains sur ses cuisses. Il en frissonna à leur contact, sachant qu'à quelques centimètres se trouvait son sexe.
« Que diriez-vous de rester ici, toute la journée ? Vous, vous prélassant dans mes bras et moi, me délectant de votre odeur ?
--Je pensais que vous m'auriez jeté un regard dédaigneux avant de vous en aller...Ce que j'ai fait...C'était...reprit-elle dans un souffle.
--J'aurais été mal placé de le faire, ne suis-je pas le plus ignoble des débauchés de la Grande-Bretagne ?
--Et je suis la maîtresse de ce débauché, n'est-ce pas ? lui avait-elle répondu en esquissant un petit sourire qu'elle se força à lui montrer pour le rassurer. »
Il fut soulagé qu'elle ait la force de le regarder dans les yeux et de plaisanter sur certains sujets. Il n'avait pas supporté l'idée qu'elle ne veuille croiser son regard de peur d'y voir un certain jugement de sa part, or, il était impossible qu'il juge cette ravissante femme. Ce regard le rendait fou d'ailleurs, ou plutôt cette lueur qui signifiait qu'elle se répugnait elle-même à cause de cette « atrocité ».
****
« Je ne suis pas une très grande cavalière, monsieur le comte, mais je pourrais vous surprendre dans un tout autre domaine.
Douglas haussa un sourcil. De quoi pouvait-elle parler ? Était-ce un sous-entendu qu'il aurait du comprendre ou... ?
--La chasse, Douglas, fait d'un homme un sage. »
La chasse ? À l'expression qu'il posa sur la jeune femme, Len ne put réprimer un sourire. Il était aussi surpris que le fut Raphaël à l'époque où elle lui avait demandé si elle pouvait le rejoindre pour l'une de ses parties. Après avoir quitté le boudoir, déployant d'étonnants efforts pour quitter les bras de ce libertin, elle s'était rapidement rendue dans sa chambre. Elle ne comptait pas le nombre de fois où elle s'y rendait mais elle savait que depuis la mort de son époux, Eleanor n'y allait que très rarement. D'ailleurs, elle stockait ses robes dans un petit coffre contre un des murs de la pièce du boudoir. Elle n'était plus allée à la chasse, la compagnie de passionnés tel que Raphaël ou encore son père lui manquaient terriblement. Sauf la fois où Damien lui avait fait part de sa requête. Mais cela ne comptait pas puisqu'elle n'avait pu toucher à aucunes armes.
« Vous me surprenez ma Lady.
Elle lui tendit un fusil déjà chargé sans enlever ce petit sourire amusé de son visage.
--Je le sais, monsieur le comte, je le sais.
Toutefois, quelque chose la fit sourciller. Ce récent souvenir qu'était sa confession.
--Êtes-vous assez expérimentés ? Je ne voudrais pas que vous vous blessiez. »
Elle prit un temps avant de lui répondre, chose qu'il remarqua aussitôt mais ne releva aucunement. À quoi bon ? Lorsqu'elle voudrait en reparler, il serait là pour l'écouter, Douglas ne voulait l'obliger à rien et si elle en avait pleuré et lui avait confié cela, c'était bien parce que ce fardeau pesait en elle. L'écossais était d'ailleurs heureux de voir qu'elle se dévoile à lui.
« Bien évidemment, mon père a fait de moi une chasseuse-née, lui dit-elle sur un ton moqueur.
Ils se dirigèrent tous les deux, à pieds, sur un sentier qui s'enfonçait dans la forêt et qui bordait le domaine de la jeune femme.
--Savez-vous au moins comment tirer, Len ?
--En toute franchise Douglas, ce n'est pas vous qui m'apprendrez à tirer, mais bien moi. »
Sur ces mots, Eleanor le devança d'une vingtaine de mètres, se frayant un chemin entre les arbres et buissons afin de se poster là où elle avait eu l'habitude de se positionner lorsqu'elle chassait. Derrière un rondin où la surface était recouverte de mousses.
Elle n'hésita pas à se coucher sur le sol, juste derrière celui-ci, le fusil placé sur le gros morceau de bois. Douglas la rejoignit très vite, après avoir pressé le pas bien évidemment, il fut surpris de la voir allongé de cette manière mais n'en fut que plus ravi. Il avait une vue splendide, quand il se tenait debout, des courbes de sa maîtresse. Et puis, la marquise avait opté pour ses vêtements d'équitations, dont un pantalon beige qui lui moulait à la perfection les jambes et un petit veston noir sur une chemise, de même couleur que le bas. Ses bottes arrivant à ses genoux étaient aussi noirs que le veston et aussi propre que ses vêtements. Jusqu'à ce qu'elle les salisse déjà en se mettant dans cette position.
« Couchez-vous, lui ordonna-t-elle sur un ton autoritaire. »
Il ne se fit pas prier. Se couchant à ses côtés, prenant une position bien particulière au sol, une jambe repliée près de son torse et pourtant allongé, il plaça son fusil et carra ses épaules de sorte à ce que le dos de son arme rencontre sa clavicule droite.
« Vous êtes à découvert, imbécile ! siffla la jeune femme à ses côtés.
Il en rit. Mais si elle savait que c'était la meilleure façon de faire tomber n'importe quel animal au sol, et d'un seul tir, elle ne lui aurait pas dit cela.
--Observez, Eleanor. »
Elle ne rajouta rien de plus. De longues heures s'écoulèrent ainsi, et personne, oui personne ne s'était mis à débuter une conversation, trop concentrés sur la zone qu'ils observaient. Soudainement, un silence pesant les tendit tous les deux. Chacun l'index sur la détente, les yeux fixant l'animal qui ne s'imaginait pas être pris pour cible par deux chasseurs, ils restaient silencieux à regarder l'innocent chevreuil vaquer à ses occupations.
Sitôt, des tirs résonnèrent dans la zone provoquant l'envol de volatiles autour. Seulement, il n'y eut qu'un seul bruit mais sourd ce qui voulait dire qu'ils avaient tirés en même temps. Ils se regardèrent tous les deux, surpris puis se relevèrent vivement afin d'aller voir l'animal.
Évidemment, il n'agonisait pas. L'une des balles s'était enfoncée dans son crâne quant à l'autre, c'était dans le buste de l'animal. Certainement pour toucher le cœur mais comment savoir si la balle l'atteindrait vraiment ?
« Au moins il n'a pas souffert, n'est-ce pas ?
--Vous êtes stupides, avait-elle répliqué en le fusillant du regard.
Douglas ne comprit pas sa réaction et leva les yeux au ciel avant de pousser un petit soupir.
--Vous visez le cœur en sachant que vous avez une chance sur deux de le toucher.
--Je sais chasser depuis que je suis né, Eleanor. De plus, je suis écossais et tout qu'il y a à savoir sur ce genre de domaines, je n'ai besoin de personne pour me l'apprendre.
--Et si vous l'aviez raté ? s'était-elle exclamée en s'accroupissant.
--Il serait mort dans le second cas, votre balle s'est enfoncée dans son crâne. »
Elle pesa le pour et le contre et se renfrogna en comprenant que dans tous les cas, il ne se serait pas remis en question s'il avait raté son tir. Combien même, elle n'aurait pas supporté voir l'animal agoniser à ses pieds.
Le dos du fusil de Douglas rencontra le sol.
« Vous êtes impressionnantes. Du premier coup, vous l'avez eu.
--Mon père m'a appris à chasser.
--Il vous a appris à tirer Len, pas à chasser. La chasse ne se définit pas par déterminer une cachette et tirer sur la cible qui viendrait au bout de trois heures.
Elle ne sut quoi dire. Elle ne s'était jamais attardée à définir ce que signifiait chasser ou non. Tout ce qui l'avait importé à l'époque était de tenir compagnie à son père. Et la chasse était la meilleure opportunité pour renforcer le lien qu'elle avait avec lui.
--La chasse s'explique par la traque de l'animal. Chaque détail, chaque brindille, feuille, traces au sol révèlent qu'un animal spécifique ait été dans les parages, de plus, ces indicent nous informent même s'il avait été récemment dans la zone ou non.
Assise finalement au pied du chevreuil se vidant de son sang, elle resta bouche-bée en entendant Douglas s'exprimer avec autant de sérieux sur un sujet.
--C'est...étonnant...Je ne pensais pas que tout cela pouvait révéler autant d'informations.
Son visage se tourna dans sa direction et, esquissant ce sourire canaille qu'il avait l'habitude d'avoir avec elle, Eleanor sentit ses joues s'enflammer.
--Il est temps de rentrer. Le soleil ne va pas tarder à se coucher et peut-être que votre cuisinier saura nous préparer un plat assez rapidement avec votre chevreuil. »
Elle opina de la tête et décida de se lever. Len surprit la main du comte se tendre dans sa direction, immédiatement, elle la lui prit. Une fois debout, près de lui, elle sentit son cœur bondir rapidement dans sa poitrine. Qu'est-ce qui lui prenait de le regarder ainsi ? Elle n'arrivait pas à détacher son regard de son visage. Parfois il était de profil, soulignant ses traits durs, quand il lui faisait face, elle sentait son cœur manquait un bond à cause de ses yeux envoutants. Et à certains angles...Juste ciel, il fallait qu'elle cesse immédiatement !
Détachant sa main de la sienne gantée, elle se mit en route jusqu'au domaine afin d'alerter à l'un de ses domestiques d'aller récupérer la carcasse. Enfin c'était avant qu'elle n'aperçoive Douglas le porter à l'aide de ses deux bras. Des minutes plus tôt, il lui avait demandé de lui prendre son arme pour ne pas être dérangé au niveau de sa ceinture, sans comprendre pourquoi...Jusqu'à la vue de cette image.
« Vous... »
Elle n'avait pas les mots pour le décrire. Et ne préférait pas encore s'attarder à le détailler avec minutie sous chaque angle.
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