Chapitre III



Finissant de mettre ses paires de boucles d'oreilles en or, elle arrangea les quelques mèches de ses cheveux qui ressortaient de son chignon, puis tourna lentement sur elle-même faisant virevolter les jupons de sa robe incarnate. Ce n'était pas les robes à la mode que toutes les femmes possédaient dans sa garde-robe, mais pour l'instant, Len ne se contenterait que de cela. Elle attrapa une boite en bronze, et se dirigea en direction de son cabriolet qui l'attendait dans la cour centrale. Celle-ci était ornée de diamants aux extrémités, une petite marqueterie y était dessinée sur le dessus, représentant le sceau du duc de Mormont, et enfin, seule une clé permettait l'ouverture de cette boite.

Cependant, lorsqu'elle l'avait reçu une semaine plus tôt, le valet lui avait annoncé que le duc était en possession de celle-ci et qu'il serait ravi qu'elle vienne au diner des fiançailles de sa nièce afin de la lui remettre en main propre. Si c'était le moyen le plus efficace, pour lui que de la persuader sur sa décision, Eleanor s'attendait à ce qu'il sorte le grand jeu ce soir. Néanmoins il fallait qu'il sache qu'elle n'était pas une femme influençable, et que ce n'était pas grâce à quelques bijoux qu'elle finirait par écarter ses jambes.

Le valet de pied ouvrit la portière de la voiture, la laissant grimper à l'intérieur, avant de la refermer derrière un bruit de jupons. Il monta à l'avant, avec le cocher, puis attendit que sa maîtresse ne frappe contre le plafond pour qu'ils se mettent en route. Soudainement, le signal retentit et les chevaux se mirent en route. La marquise posa sur ses cuisses la boite, posant ses mains gantées de cuir au-dessus, avant de regarder l'extérieur à travers la vitre de l'attelage.

Dans deux ou trois mois, elle oublierait tout de ce paysage enneigé, les lueurs du soleil finiraient par se montrer. Elle l'espérait, rien n'était plus désagréable que d'avoir froid les soirées d'hivers. La seule pièce qui arrivait à totalement la réchauffer n'était autre que le petit boudoir. Mais dormir sur la méridienne n'était pas aussi agréable que son lit à baldaquin.

Lorsqu'il s'arrêta devant l'entrée d'une demeure, le valet de pied sauta sur le sol avec entrain et ouvrit brusquement la porte de sa maîtresse. Il découvrit sa maîtresse, les yeux clos, et resta muet en attendant qu'elle réagisse. La première fois qu'il l'avait découverte ainsi, il avait pensé qu'elle dormait. La seconde, qu'elle était morte.

Des secondes plus tard, la marquise rouvrit lentement ses paupières. Son regard se posa sur Thomas, son valet de pied qui avait toujours cet air maussade affiché sur son visage. Le domestique la regarda, la main tendue vers elle, patientant silencieusement qu'elle se décide à mettre pied à terre. Finalement, Eleanor glissa sa main dans la sienne avant de la lui serrer, s'aidant de son domestique afin de poser son pied sur le sol. Ayant agrippé d'une main le pli de sa robe, la relevant lors de sa descente, Len la relâcha doucement, le temps qu'elle relève sa tête et regarde le manoir dans lequel une réception avait été préparée en l'honneur de l'heureux événement.

De toutes les demeures, celle-ci était la plus typique. Il y avait ce fameux portail devant des escaliers menant à la porte principale, sur les côtés, un petit étang avait été placé en-dessous d'un arbre à fleurs, dont on voyait des bourgeons commencer à fleurir. Poussant le portail de sa main gantée, elle sentit la main d'un homme se poser sur la sienne, ayant eu dans l'intention de lui ouvrir le portail comme un gentilhomme. Lorsque ses yeux se relevèrent, les yeux de la marquise étincelèrent de malices avant qu'elle ne parcourt le chemin assez court menant à l'entrée.

« Je pensais que vous seriez déjà à l'intérieur.

—Il me fallait vous voir avant tout le monde.

Elle eut un petit rire moqueur à son insu.

—Dites-moi, êtes-vous venus ici me remettre mon cadeau, ou bien parler de mon offre avec quelques conditions ? »

Avant même qu'elle n'atteigne le seuil de la porte, suivi du duc, la marquise de Suffolk fut accueillie par le majordome tenant la demeure. Damien DeClarmont offrit son bras à la jeune veuve à ses côtés, qu'elle prit sans aucune réticence à son égard, et ils purent rentrés dans le manoir de sa nièce, celui-ci armé d'un sourire éclatant. Eleanor eut du mal à pouvoir définir ce que signifiait ce sourire, néanmoins elle décida de ne pas donner d'importance à l'humeur changeante du duc de Mormont, qui avait tendance à en changer souvent très rapidement.

« Un entretien privé ne serait pas de refus, lui avoua-t-elle seulement, entendant à des mètres plus loin, des éclats de rires et de verres qui s'entrechoquaient entre eux.

—Je vous enverrais un domestique en fin de soirée, lui chuchota le duc au creux de son oreille, pensant que ses pouvoirs de séduction marcheraient sur la jeune femme. »

Ce qui n'était heureusement plus le cas. Peut-être, qu'autrefois, elle se serait laissée piégée par cette voix mielleuse, à la fois rauque et douce, cachant une grande et dangereuse tentation. A présent, Eleanor ne se laissait pas si aisément duper.

« Damien...souffla-t-elle, le regardant à son tour, s'armant de son plus beau regard enchanteur.

—Pensiez-vous que des joyaux auraient pu m'influencer ? continua-t-elle d'une voix enjôleuse. »

A ce jeu-là, la marquise de Suffolk était très forte, et si jouer les séductrices étaient à la portée de tous, il fallait savoir qu'Eleanor avait grandement apprécié d'apprendre au fil des années les ficelles du métier. Certaines dames de la cour faisaient cela pour les plaisirs charnels qu'elles n'eurent pas le bonheur de rencontrer dans leur mariage, néanmoins, Len avait un but précis. Elle remarqua que le duc fut troublé par le timbre changeant de sa voix, mais il s'y fit rapidement. Cette lueur d'intérêt qui apparut au fond des pupilles noisette du bel homme la détendit.

« Toutes femmes aiment recevoir.

—Cela dépend de ce que nous recevons.

—Dites-vous n'être aucunement intéressé par les bijoux ?

Eleanor fit mine de réfléchir.

—Je ne suis pas une femme matérialiste, les bijoux ne m'apportent guère de bonheur, mais je pourrais vous avouer qu'en terme financier, ils me sont extrêmement important. Et ce, depuis que ma situation a changé, avoua-t-elle finalement. »

Ils rentrèrent dans la salle de séjour, où le couple fut accueilli par de nombreux sourires de la part de nombreux nobles. Ce dont la marquise pouvait être sure, c'était que le lendemain, les rumeurs iraient bon train sur le rapprochement qu'il y aurait au cours de la soirée entre le duc et elle. Car elle le savait, le duc de Mormont mordait petit à petit à l'hameçon, et tant qu'elle ne lui ferait pas part de sa décision, il serait judicieux pour elle de le laisser se languir. Enfin, ce, jusqu'à la fin de la soirée.

« Laissez-moi vous apporter le bonheur qu'il vous manque dans ce cas. »

La jeune femme ne put réprimer le rire cristallin qui fusa de sa gorge. Sur-joué mais efficace, et après s'être entrainée, elle fut ravie que cela marche aussi bien.

Damien DeClairmont était un homme intéressant, un jour il pouvait vous mordre, un autre, il vous faisait croire qu'il était incapable de le faire. Sa main le relâcha doucement, puis Eleanor s'éloigna de lui, mettant fin à leur discussion, afin d'aller rejoindre son amie la plus loyale. Comme à son habitude, la jeune femme était entourée de beaux étalons, qui, un à un, s'éloignait d'elle après qu'elle les ait surement blessée dans leurs fiertés.

Victoria Armstrong, fille d'un duc, et toujours célibataire après sept saisons. Sa beauté les attirait, bien plus que sa dot. Certes, elle était très belle avec ses grands yeux bleu, sa peau ivoire, et des cheveux acajou toujours remontés en un chignon. Mais elle disposait d'un caractère bien trempé qui n'avait jamais plu à bon nombres de nobles. Il est vrai que celle-ci n'avait jamais su tenir sa langue. De plus, sa meilleure amie avait cette tendance à faire fuir de beaux étalons. Pourquoi donc ? Peut-être parce qu'elle prenait plaisir à manipuler qui bon lui semblait et qu'elle ne se retenait jamais pour leur dire franchement ce qu'elle pensait d'eux. Ou bien, parce qu'elle n'attendait rien du mariage ?

Victoria était maîtresse d'elle-même. Et disait-elle souvent, « être maitresse de son destin ». La dernière fois que son grand-père l'avait forcé à épouser un homme, il l'avait retrouvé, la veille de son union, dans les bras d'un homme, qu'elle avait expliqué être son amant. Sa meilleure amie avait toujours déclaré que :

« L'amour d'un homme finissait toujours par s'éteindre, comme le feu d'une cheminée. Seul le désir résistait aux temps.»

Et Victoria prenait plaisir à devenir la femme la plus scandaleuse d'Angleterre. C'était même sur elle qu'Eleanor avait pris exemple. Quoi de mieux que d'avoir la plus grande séductrice d'Angleterre comme amie ?

Les pupilles de celle-ci se posèrent sur la marquise, qui avait toujours cet énorme sens de contrôle de soi-même malgré la situation qui l'avait frappé. La première fois qu'elle l'avait vu, Victoria l'avait comparé à un pantin. Ses gestes si familiers étaient pourtant si gracieux en soi, mais contrôlés. Ses paroles étaient toujours mesurées. Et elle n'oubliait jamais aucun détail grâce à sa mémoire visuelle. Quelle plaie, de son côté, rien ne la restreignait. Elle se préférait libre qu'emprisonnée dans ces règles.

« Tu deviens veuve, donc tu décides de disparaitre complètement de la surface, fit son amie, en buvant une gorgée de son verre de champagne.

Len esquissa un petit sourire en coin.

—Et bien, qui aurait cru qu'être veuve était plus ennuyant qu'être marié ?

Victoria lui tendit une seconde coupe, une qu'elle n'avait pas commencé à entamer, mais la marquise refusa d'un signe de tête. Haussant des épaules, celle-ci lui demanda plus sérieusement :

—J'ai appris que tu cherchais un protecteur.

—Oh, les nouvelles vont bons trains.

—Penses-tu sérieusement qu'un homme ne voudrait pas de toi ? »

En toute franchise, Eleanor ne le pensait pas. Elle savait qu'il lui serait facile de trouver un époux, ou même un amant pouvant lui assurer une protection. Mais ce qui était difficile à trouver, c'était d'un homme qui lui laisserait la liberté qu'elle voulait. Et puis, il fallait qu'elle jette son dévolu sur un homme auprès duquel elle ne s'attacherait pas aussi facilement. Ce serait plus facile si jamais elle le quittait, ou si c'était le contraire. La mort de Raphaël lui avait laissé une plaie qui se refermait avec quelques difficultés, mais elle s'y faisait. Elle y était obligée. De jour en jour, son absence ne se ressentait presque plus.

« Je pense qu'aucun homme ne me donnerait ce que je désire.

Avant que Victoria ne puisse lui répondre, une clochette retentit dans la pièce, alertant les invités à suivre l'hôtesse qui les mènerait dans la salle à manger.

—Et que désires-tu ? lui chuchota Victoria, la prenant par le bras.

Eleanor se laissa entrainer par son amie dans la foule de nobles qui s'y hâtaient.

—Une chose que je ne pourrais obtenir, finit-elle par lui répondre. »

Lorsqu'elles entrèrent dans la pièce, les nobles se mettaient déjà tous en place, en fonction des places que l'hôtesse leurs attribua à chacun. Des minutes plus tard, le diner était servi et les discussions fusèrent dans tous les sens. Quel heureux hasard que le duc de Mormont soit juste en face d'elle. Durant tout le repas, ils furent les seuls mis à l'écart des autres, puisque ce fut eux qui le voulurent ainsi. A la fin de celui-ci, un valet apporta une petite note à la marquise de Suffolk, lui donnant rendez-vous à l'étage, dans le petit boudoir du manoir afin de parler d'une affaire importante. Lorsque ses yeux s'étaient relevés, elle avait croisé le regard du duc qui attendit son approbation, ce qu'elle fit d'un hochement de tête, avant qu'il ne suive les hommes pour fumer dans la bibliothèque du domaine.

« Sais-tu ce qu'il t'en coûtera ?

Eleanor commençait à être frustré qu'on lui dise quoi faire dans ces moments, elle était assez grande pour prendre ses décisions seule. Elle ne mettait pas en péril la nation, nom de Dieu !

—J'ai déjà pris ma décision Victoria, dans les deux cas, le résultat aurait été le même. »

A ces mots, elle quitta son amie de la place sur laquelle elle s'était assise, afin d'aller rejoindre le duc. Une heure plus tôt, à la fin du diner, les hommes s'étaient séparés des femmes pour continuer à boire et fumer. Tandis que les femmes avaient préférés prendre place dans le salon, dans lequel les hommes revinrent leur tenir compagnie. Damien était parti une dizaine de minutes plus tôt qu'elle afin de n'émettre aucun soupçon, mais elle savait que les rumeurs ne parleraient que d'eux des jours plus tard.

En sortant de la pièce, elle rencontra le majordome qui tenait dans ses mains une petite boite en bronze.

« Thomas vous l'a bien faite parvenir depuis les cuisines ? demanda-t-elle, en tendant ses mains vers lui.

—Oui, milady, il m'a demandé de vous l'apporter.

Il la lui remit en main propre avant de se racler la gorge.

—Bien, merci.

Alors qu'elle allait continuer son chemin, il lui déclara d'une voix forte :

—Monsieur m'a demandé de vous mener à l'étage, si vous voulez bien me suivre. »

Eleanor eut un temps d'hésitation, qu'était-elle donc en train de faire ? Etait-ce bien raisonnable de sa part ? Mais il était trop tard pour reculer, elle l'avait déjà suivi à l'étage. Avant de pénétrer dans la pièce, il la salua comme il se devait puis lui ouvrit la porte, la refermant après son passage. La boite en main, la marquise s'avançait jusqu'au milieu de la pièce, regardant autour d'elle. A quelques mètres, se trouvait un homme avachi contre le dossier d'un fauteuil en cuir, un verre de cognac à la main, semblant réfléchir, les yeux rivés sur le feu de la cheminée. Elle s'approcha de lui sans aucune crainte. Les bruits de ses chaussures s'approchant de lui, lui alertèrent finalement de sa présence en ses lieux. Lorsqu'il se redressa, s'étant trouvé dans une posture inconvenante pour un gentilhomme, Len se posta près de lui.

« Vous m'avez fait attendre.

—Ne vous a-t-on jamais appris que la patience était une vertu.

—La patience ne m'a jamais rien apporté, milady.

Il avait l'air très impatient de connaître sa réponse. Dans ce cas-là, il allait être ravi.

—Tenez.

Elle lui tendit la boite qu'elle avait reçue de lui en guise de cadeau, celui-ci la prit à contrecœur avant de se lever d'une lenteur calculée.

—Savez-vous que les nobles remarqueront que votre attelage est toujours ici ? »

Eleanor ne lui répondit pas, s'avançant jusqu'à la cheminée, à quelques pas devant le fauteuil. C'est vrai, les nobles s'apercevront qu'elle n'aurait pas quitté le domaine au moment où elle leur avait annoncé son départ, et tout le monde en aurait convenu qu'elle avait préféré rejoindre le duc qui s'était désisté après le diner. Mais c'était ce qu'il voulait. Que la bonne société sache ce qu'il en était d'eux aujourd'hui et elle aurait pu décliner et s'en aller, le laissant attendre et grogner, cependant Len s'était décidée de braver les règles de la société...Pour une seconde fois dans sa vie.

« Vous êtes bien audacieuse. »

Son regard se détourna du feu de la cheminée afin de le poser sur le duc de Mormont, qui avait l'air contrarié. Il était clair qu'il aurait voulu faire d'elle sa maîtresse, cependant étant donné qu'elle lui avait rendu la boite, Damien s'était rendu finalement compte de la décision qu'elle avait prise.

« Je devrais l'être encore plus à vos yeux, déclara celle-ci en le regardant.

Il haussa un sourcil, interrogateur, ne sachant pas où elle voulait en venir.

—Que dirait la société au vu de la folie dans laquelle je m'engagerais ? Ma réputation serait sans doute ruinée. Nous savons tous les deux que vous auriez faits en sorte qu'elle le soit, afin que je vienne vous demander si votre offre tenait toujours. Dans les deux cas, le résultat aurait été le même. Je me serais offerte à un homme fortuné.

—Vous auriez pu rencontrer un homme totalement ignorant de vos activités. Un homme qui serait tombé à vos pieds sans aucuns efforts.

—Mais en combien de jours l'auriez-vous persuadé de renoncer au mariage ?

Il lui répondit d'un sourire suffisant.

—Assez pour que les hommes de la société sache que vous m'appartenez.

—Voici ce dont j'étais venue vous parler. »

Elle garda le silence tandis qu'elle rodait dans la pièce tel un vautour autour de ses proies. Ses talons martelant le sol, dans un bruit rythmé et lent, augmentaient cette tension entre eux. Une tension pesante que le duc ressentit. Lorsqu'une femme pouvait penser par elle-même, celle-ci réservait de mauvaises surprises aux hommes qu'elle fréquentait. Il se l'était toujours dis, et il en avait eu déjà la preuve.

« Je ne vous appartiens pas. Si vous voulez que je devienne votre maitresse, il faudra accepter le fait que mes mouvements soient libres et que vos paroles ne seront d'aucuns poids sur mon comportement à l'avenir.

—Vous dîtes que si vous décidiez de me quitter, ou de partir loin de moi, je n'aurais rien à vous dire ?

—Exactement.

—Mais n'est-ce pas moi qui vous financerai ?

—Mais n'est-ce pas moi que vous voulez ? répondit-elle au tac-au-tac. »

Damien DeClairmont avait le choix. Mais quel était le prix à payer pour avoir cette femme ? Sa liberté ? Soit. Mais elle devrait lui promettre fidélité et il comptait la faire tout d'abord plier, afin de pouvoir l'obtenir de son plein gré.

« J'accepte. »

Le duc s'approcha alors d'elle, tandis qu'elle avait convenu de mettre une certaine distance entre eux, s'étant adossée au bord d'un petit bureau.

« Que signifiait donc ceci ?

Il lui montra la boite en la plaçant devant ses yeux.

—Je n'ai pas de prix, Damien. Je ne suis pas un objet que vous pouvez acheter.

—Pourtant, que vous le veuillez ou non, vous êtes la marchandise qui a servi à rembourser la dette de votre beau-frère. »

Les pupilles violettes de la marquise ne se détachèrent pas de ceux du duc. Si ça n'avait tenu qu'à elle, Eleanor aurait délaissé Théodore et ses problèmes derrière elle. Mais Raphaël aurait été déçu de son comportement, et elle lui devait sept années de mariage, vécu dans l'opulence.

« Les hommes considèrent les femmes comme de vulgaires monnaies d'échanges. Seulement, vous oubliez que votre dépendance à votre désir vient du fait qu'elles ont réussi à vous séduire.

—Quiconque aurait réussi à me séduire serait devenu mon épouse, dans ce cas-là.

—Alors vous auriez du me proposer de le devenir. »

****

Qui l'aurait cru. Eleanor Grantham, la marquise de Suffolk, devenue la maîtresse du duc de Mormont. Personne ne se serait permis de croire aux rumeurs, qui s'avéraient souvent fausses, néanmoins, cette fois-ci, les nobles ne purent nier la vérité. Ils le voyaient tous. Cette ravissante veuve aux yeux violets se pavanait au bras du duc de Mormont, dans une somptueuse robe bleu royale au fil argenté. Le chapeau noir, assez simpliste, qu'elle portait ne révélait pas tout du chignon bas que sa femme de chambre avait pris soin de lui confectionner.

« Vous faites parler de vous.

La bottine de la jeune femme s'enfonça dans la boue, et ils durent s'arrêter pour qu'elle puisse l'enlever sans trop de dégâts sur le bas de ses jupons.

—Vraiment Damien, vous auriez pu choisir un endroit beaucoup plus convenable.

Il eut un petit rire, amusé par la lueur de colère qu'il voyait dans les pupilles de sa maitresse, puis lui répondit :

—Je suis navrée ma douce, mais je n'osais pas venir à cette réception seul. »

Réussissant finalement à la retirer, elle s'agrippa plus fortement au bras de son amant et continua de marcher, faisant plus attention où mettre ses pieds. Qui aurait eu dans l'idée d'inviter une dame à chasser dans ses conditions ? Et d'ensuite assister à une réception. Elle n'avait su quelle tenue choisir et avait opté pour quelque chose d'à la fois rudimentaire mais élégant.

« Ne me dites pas que vous aviez peur de vous retrouver au milieu de jeunes filles à marier ?

—Si, avoua-t-il dans un souffle, légèrement gêné. »

Eleanor ne put réprimer un éclat de rire qui charma la plupart des tireurs autour d'eux. Ses pouvoirs de séduction commençaient à faire effet. Quant à Damien, il leva les yeux au ciel, regrettant de le lui avoir dit. Mais ce qui l'avait le plus surprise de son côté, c'était que lord DeClairmont lui montrait un tout autre côté de sa personne qu'il avait toujours pris soin de dissimuler à la société. A vrai dire, si elle avait côtoyé l'homme qu'il était à présent, autrefois, elle ne l'aurait jamais fui.

« Elles sont fraiches et innocentes. De frêles jeunes filles qui débutent leur première saison, en ce début de printemps. Dites-moi ce qui vous auriez effrayés ?

—Qu'on me marie à l'une d'elle, évidement !

—Bien sur, si l'une d'elle serait ignorante de votre réputation de meurtrier...Mais qui pourrait avoir le pouvoir de vous forcer à vous marier ?

—Les convenances.

—Comme si l'une d'elle aurait eu dans l'idée de s'adonner à vous.

Il grogna de mécontentement, et à cet instant-là, elle retira sa main de son bras, le devançant. Elle souleva sa jupe, laissant ses mains agripper les plis de sa robe, puis continua :

—Leurs mères auraient eu cette idée-là. Mais vous avez une maîtresse désormais, et elles n'auraient jamais osé, surtout vu le titre que j'ai en ma possession. Nul autre à Londres ne peut le nier.

—Comment le savez-vous ?

Eleanor s'arrêta des mètres plus loin, elle se tourna à demi vers le duc qui la rejoignait petit à petit. La marquise élargit le sourire en coin qui ne l'avait pas quitté depuis le début de leur conversation.

—Parce que je suis la veuve la plus scandaleuse d'Angleterre pardi ! Et que la société est révoltée par mon comportement inapproprié. Mais je suis une vieille fille, et les vieilles filles ont plus d'expériences que des vierges effarouchées.

—Et un homme comme moi aurait préféré une femme expérimentée c'est cela ?

—Tout à fait. Ne le niez pas, rares sont les hommes qui préfèrent des femmes dociles et naïves.

—Pas tous, mais il est vrai que faire face à la difficulté, en séduisant des femmes entrainées, nous exalte bien plus que de le faire sur des innocentes.

—Ah-Ha, je le savais ! »

Elle leva les bras au ciel, laissant retomber le bas de ses jupons, qui étaient, de toute façon, dans un mauvais état. Puis la marquise se détourna de lui, rejoignant l'arrière cour, tout en s'exclamant :

« Que Dieu vous vienne en aide Damien. Vous avez eu l'opportunité de trouver une femme agréable à vivre, au lieu de cela, vous avez une belle garce à vos côtés. »

Oui, que Dieu lui vienne en aide, car Damien ne s'était jamais autant amusé que depuis qu'il l'avait fréquenté. Et leur relation avait débuté des années avant qu'elle ne se marie, il s'était toujours demandé pourquoi elle lui avait préféré à Raphaël Grantham. C'est vrai, à part son titre, il n'avait rien eu d'autre à lui offrir qu'une fortune assez modeste, et d'une beauté commune. Il y avait des questions qu'il attendrait, pour l'instant, d'élucider.

Hâtant le pas, elle gagna rapidement les écuries tandis que le duc devenait plus lent derrière elle, discutant avec ses quelques amis, qui furent invités à la réception ouvrant la nouvelle saison. Cependant, lorsqu'elle s'y aventura, la marquise fut surprise de retrouver la nièce du duc de Mormont, les joues colorées. Apparemment, lorsqu'elle la surprit ressortir de cet endroit, celle-ci avait baissé honteusement la tête, continuant son chemin sans lui adresser un seul mot, mis à part la courte révérence qu'elle lui avait offerte du moins. Eleanor resta un instant, curieuse de savoir qui avait été le fou qui avait osé déflorer la nièce du duc. La jeune femme arqua alors l'un de ses sourcils, en voyant un homme d'une carrure assez impressionnante sortir d'un box, boutonnant sa chemise, l'air de rien. Elle fronça lentement des sourcils en prenant conscience qu'il était le seul homme qu'elle n'aurait jamais voulu rencontrer en pareil circonstance.

« Len ? Qu'y a-t-il ? »

Le débauché releva sa tête dans la direction de cette voix grave, il la surprit l'observer avec un mépris qu'elle ne lui cachait pas. Lorsque sa bouche voulut s'ouvrir, elle leva sa main vers lui, lui demandant de ne rien dire, avant qu'elle ne tourne les talons et ne s'écrit d'un air faussement enjoué :

« Voyez combien je m'empresse de vous fuir mon cher. »

Elle passa devant le duc en affichant son plus beau sourire malicieux, celui-ci la retint par le bras et l'attira brusquement à lui, lui soufflant au creux de l'oreille :

« Que dites-vous d'un petit jeu ?

—Êtes-vous mauvais perdant ?

Il ne voulut pas la laisser partir, ce qui était inconfortable pour elle. Être dans ses bras ne lui avait jamais plu, et il le savait pertinemment.

Vous vous habituerez bien vite ma chère, lui avait-il déclaré des jours plus tôt, alors qu'il l'avait enlacé dans ses bras afin d'humer l'odeur de ses cheveux.

—Je ne perds jamais ma douce. Vous devriez le savoir puisque vous êtes dans cette situation. »

Elle serra les dents, restant près de lui, décidant de ne pas réagir en sentant la langue de cet homme se glisser le long de son cou, celui-ci le faisait aux yeux de tout le monde. C'était humiliant. Jouer les maîtresses n'avait jamais été une chose qu'elle avait convenu de faire. Si, il y a des mois de cela, elle fut à la recherche d'un protecteur, c'était bien parce qu'elle avait eu dans l'intention de l'épouser. Non pas de jouer les courtisanes.

« Habituez-vous bien vite ma chère, plus vous êtes proches de moi, plus vous attisez le désir que j'ai pour vous.

—Alors je resterais loin de vous jusqu'à ce que je décide que vous me mériterez, murmura-t-elle en se dégageant avec lenteur de lui.

—Dans ce cas, devenez moins séduisante, lui répondit Damien en esquissant un sourire moqueur. »

Un long frisson de dégout lui parcourut l'échine tandis qu'elle s'en allait en direction de la salle de réception. Elle s'abaissait à une chose qui ne convenait ni à son titre, ni à elle-même. Et qui devait-elle remercier pour cela ? Le comte de Linverslay. Non. Théodore.

Voilà que maintenant, chaque fois qu'elle allait quelque part, elle se retrouvait nez à nez avec le duc de Mormont qui ne cessait de lui faire des avances inconvenantes en face de la société. Lorsqu'elle se tournait, Eleanor le voyait en face d'elle. Lorsqu'elle dormait, elle rêvait de cet homme. Lorsqu'elle mangeait, elle avait la sensation de sa langue dans sa bouche. Et cela commençait à devenir agaçant. Il faisait cela pour qu'elle cède finalement. Pour qu'elle s'abandonne entre ses bras et le laisse se lasser d'elle. Cependant, si la marquise lui accordait cela, s'il se lassait d'elle, effacerait-il la dette de son beau-frère ? Était-il seulement un homme d'honneur ?

Pénétrant dans la pièce, les regards se posèrent toutes sur la jeune veuve qui ne fut pas intimidés par ceux-ci. Tout le monde jugeait tout le monde ici, pourquoi n'y passerait-elle pas ? Retirant son chapeau, le donnant à un valet, elle se tourna vers eux en leur offrant son plus beau sourire. Eleanor commença à marcher dans la pièce, se dirigeant jusqu'au buffet et se saisit d'une coupe de vin avant de se poster jusqu' l'une des fenêtres non loin.

« --Est-ce vrai ?

--Quoi donc ?

--Lady Grantham est la maitresse du duc de Mormont.

--Comment ? »

Voilà ce qu'il se murmurait derrière elle, tandis qu'elle savourait son vin, les yeux rivés sur le jardin extérieur.

« Pourrais-je compter sur vous pour votre discrétion ? »

Cette voix grave...Qui était-ce ? Elle ne l'avait jamais entendu. Et pourtant, quelle était cette sensation au fond de sa poitrine ? Ses yeux se levèrent vers l'homme qui était apparu à ses côtés, puis ils se détournèrent de lui. Buvant une autre gorgée de son vin, elle ferma ses paupières, humant le parfum du liquide qu'elle avalait.

« Faites donc ce que votre instinct vous dictera. En somme, ne sommes-nous pas des animaux ? »

Le comte fut surpris par sa réponse. Encore plus par sa réaction. Son regard l'avait troublé dans l'écurie, mais le pire, c'était le mépris qu'il y avait lu. Il en avait été fortement irrité. Douglas avait eu cette impression qu'elle se sentait bien plus supérieure à lui, et il avait détesté ressentir cette infériorité par sa faute.

« Des animaux ? Et quels animaux sommes-nous ?

—Certains sont des prédateurs. »

Elle marqua une pause, rouvrant brusquement ses yeux. Eleanor se tourna vers lui, et eut un petit sourire en coin, buvant une nouvelle gorgée du liquide corsée, dans l'intention de continuer ses dires.

A ce moment-là, Douglas eut une bouffée de chaleur qui mit ses nerfs à vifs. Encore ce regard. Et ce ton...Nom de Dieu, qu'avait donc cette femme ? Qui était-ce ? Et pourquoi ne se trainait-elle pas à ses pieds comme toutes les autres ? Il contracta sa mâchoire et fronça des sourcils.

« D'autres ne restent que des proies. »

Pourquoi se sentait-il visé par ses paroles ? Par de simples mots sortant de la bouche d'une inconnue ? Il avait l'impression qu'il n'était rien qu'un insecte sous ses pieds. D'une simple pierre sur son chemin. De par sa prestance, le comte de Linverslay se sentait écraser par ses paroles âcres. Mais n'était-il pas le débauché le plus cruel d'Angleterre ? Celui qui n'hésitait pas à prendre le cœur des femmes avant de les briser. Comme on le lui avait fait par le passé ? Une vengeance amère qu'il continuerait à leur faire vivre pour qu'elle puisse comprendre la douleur d'une âme meurtrie tourmentée par la passion.

« Bien évidemment. Mais savez-vous dans quelles catégories vous figurez ? lui demanda t-il en se décidant à la remettre à sa place.

—Dans la première, cela va de soi.

Il se pencha vers elle, lui murmurant alors, d'une voix grave :

—Pourtant, vous semblez être dans la deuxième. Une proie facile à laminer. »

Eleanor sentit son cœur manquer un bond, elle roula des yeux en l'entendant et se décala immédiatement de lui, légèrement effrayée par ce simple sous-entendu. La jeune femme remarqua le sourire narquois qui naquit au coin de ses lèvres. En la voyant dans cet état, celui-ci s'élargit et elle eut du mal à garder son sang-froid. Elle ne le remarqua pas encore, mais son verre était vide.

« Et bien, où est passé cette répartie bien cinglante dont le Seigneur vous a doté ? la questionna Douglas en lui retirant des mains son verre.

La marquise manqua de réagir impulsivement lorsqu'il lui enleva la coupe des mains, mais elle comprit qu'il n'y avait plus rien à boire et qu'elle aurait été ridicule avec celui-ci.

« Une vingtaine de femme...Et c'est moi qu'il choisit d'importuner, marmonna-t-elle en se dirigeant vers la terrasse menant au jardin.

Elle poussa la porte-fenêtre avant d'y accéder. Heureusement, elle était seule, et il n'y avait ni le duc, ni cet homme en vue.

—Fuir est une chose qu'une proie ferait.

Eleanor sursauta de stupeur en sentant la présence d'un homme près d'elle. Elle se tourna vers lui, et le fusilla du regard. Ne pouvait-elle pas être seule avec elle-même ? Devait-elle toujours être entourée d'un homme ennuyant ?

—Un débauché n'est pas un prédateur.

Il haussa des sourcils, surpris qu'elle discute de sa réputation avec lui.

—C'est-à-dire ?

—N'est-ce pas les femmes qui vous pourchassent, et non le contraire ?

Douglas se tut. Il est vrai qu'il n'avait jamais eu dans l'habitude de poursuivre une femme, c'était toujours le contraire qu'il se passait. Pourtant, il s'était contenté de la suivre.

—Pourquoi me détestez-vous ?

Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent, surprise. Le détester ? Lui ? C'était absurde, pourquoi le ferait-elle ? Ce serait lui donner de l'importance. Quelque chose qui ne méritait pas venant d'elle.

—Et bien ? Répondez. J'ai la nette impression que cela a en rapport avec ma réputation.

Son rire le tendit instantanément. La sorcière ! Elle avait un rire charmant. Le rire d'un démon. A la fois adorable, et aguicheur. Un rire qui vous livrait à la tentation.

—Vous détester ? lui fit-elle en riant, essayant de se calmer.

Il attendit quelques minutes, mais elle ne semblait pas prête à lui répondre, pas tant que ce fou rire l'avait prise.

—Et bien ?

—Je ne vous déteste pas. Enfin, pas à ma connaissance milord. Je vous méprise, tout simplement.

Douglas retint un grognement, il n'avait pas l'air satisfait de sa réponse. Et bien que grand bien lui fasse, elle n'allait pas lui dire ce qu'il voulait entendre. De son côté, le comte n'avait jamais connue une femme, dans ce monde, qui lui montrait du dédain, aussi bien qu'elle.

—Vous voulez sans doute en savoir la raison ?

—Me la direz-vous seulement si je vous la demandais ?

Elle se tourna vers lui, lui faisant face et lui annonça, un sourire aux lèvres.

—Je suis veuve par vôtre faute milord. »

Petit à petit, il se mit à réfléchir. Qui avait-il bien pu tuer ? Les seules fois qu'il avait donné la mort à une personne, ce fut durant des duels, des duels menés par des maris humiliés par leurs femmes. Et il avait toujours tiré à des endroits, les handicapant seulement. Cependant, ses yeux s'agrandirent en repensant à ses mêmes pupilles violettes dans lesquelles il y avait lu une certaine détresse. Cette femme...Douglas la regarda dans les yeux, elle avait fortement embelli. Il se rappelait que seul ses yeux avait fait un bel atout sur son visage, néanmoins, peut-être qu'il l'avait mal regardé puisqu'en ce moment même, il la trouvait magnifique.

« Êtes-vous...Lady Grantham ? »

Elle lui ricana au nez avant de s'approcher de lui. La main de la veuve se posa sur le gilet beige du comte, lentement, elle glissa jusqu'au cou du débauché qui ne bougea pas. L'agrippant brusquement par la nuque, abaissant son visage vers le sien, elle lui souffla, le regardant dans les yeux :

« Inconsciemment, vous m'avez poursuivie milord, mais faites attention...Cela pourrait être une habitude. Ne devenez pas le prédateur d'un autre, vous le regretterez. »

Il ne cilla aucunement. La regardait avec intensité, et en convenait que bien que cette femme lui avait montré une faiblesse deux années plus tôt, la marquise de Suffolk n'était pas stupide. Au contraire, qui n'avait pas vu cette perspicacité au fond de ses pupilles ? Personne ne voulait être sa cible, toutefois, il voulait se confronter à cette femme.

Doucement, elle l'avait relâché, s'apercevant que Damien l'attendait au seuil de la porte. Il en avait mis du temps. Lui qui avait dans l'habitude de ne pas la quitter d'une semelle, c'était étrange qu'il n'apparaisse que maintenant. En voyant le regard assassin qu'il lui envoya, elle s'attendait à ce qu'il la sermonne, cependant, à son arrivée, le duc demeura silencieux.

Ils partaient. Il le lui en avait informé indirectement lorsqu'il avait salué l'hôtesse de la réception. Bien, elle se garderait de dire quoique ce soit. Eleanor n'avait pas envie de débattre. Elle finirait par le mettre en colère et dans ces moments-là, la jeune femme avait toujours eu peur que le désir qui voilait les pupilles du duc remplace sa colère. Il n'y avait pas de fumée sans feu. C'était ce qu'elle avait toujours dit. Mais avec lui, la marquise s'était toujours mise à une certaine distance de sécurité. Ses vêtements étaient toujours difficiles à enlever. Il y avait multiples jupons sous sa robe, le corset était fermé par un laçage passant par des milliers d'œillets, et elle avait fait en sorte que la plupart de ses robes soient à col remonté. Bien qu'elle soit sa maîtresse dans la société, elle ne restait pas moins intacte, enfin pour l'instant. Le seul l'ayant touché, et le resterait, n'était autre que Raphaël. Si jamais elle se mariait, elle accepterait d'être touchée par un autre que lui, néanmoins parfois il était difficile de s'éloigner des bras d'un homme.

« Avez-vous décidé de vous rabattre sur le comte ? siffla-t-il, les yeux posés sur l'extérieur de l'attelage.

S'étant assise en face de lui, regardant dans la même direction que le duc, elle osa lui jeter un regard avant de se remettre à regarder le paysage qui défilait sous leurs yeux.

« Il voulait connaître la raison de mon ressentiment envers lui.

—Est-ce un moyen de l'avoir ?

Elle leva les yeux au ciel et posa finalement son regard sur lui.

—La jalousie ne figurait pas dans notre accord.

Il ne lui répondit pas. Elle attendit quelques minutes pour continuer sur ce sujet.

—Je vous l'ai dit. Je suis peut-être votre maîtresse mais je suis libre de faire ce que je veux, avec qui je veux, quand je le veux.

Elle n'entendit plus rien d'autre que le brouhaha extérieur, ce qui la perturba. Lorsque son regard se tourna vers lui, elle plaqua son dos contre le dossier de la banquette et fronça petit à petit ses sourcils en voyant son visage tout près du sien.

—Vous n'oserez pas...souffla-t-elle, en sentant soudainement les mains baladeuses du duc remonter sa robe.

—Bien sur que si, vous êtes ma maitresse après tout.

La jeune femme se raidit instantanément en sentant le bout de ses doigts glisser le long de ses cuisses, commençant à les dénuder puisqu'elle avait mise des collants.

—Pas ici, nous ne pouvons le faire ici, c'est inconfortable. »

Ses lèvres se posèrent au creux de ses seins, remontant le long de son cou. Eleanor tenta de le repousser sans le brusquer afin qu'il ne devienne pas violent, cependant tout ce qu'elle réussit à faire ce fut de le mettre en colère. L'une des mains de Damien se serra sur son cou, ce qui la rendit furieuse. Il n'attendait plus qu'elle recommence à le repousser pour qu'il resserre sa prise et ne la force à écarter ses jambes comme une vulgaire catin.

Elle se détendit brusquement, le laissant remonter sa bouche pour qu'elle fonde sur la sienne. Eleanor répondit à contrecœur à son baiser, mais n'hésita pas à le faire.

« Avez-vous décidé de devenir raisonnable ? lui murmura t-il au creux de son oreille, la laissant mener la danse, en esquissant un sourire en coin. »

La marquise de Suffolk ne lui répondit pas encore, elle était bien trop concentrée à sa tâche. La main de la jeune femme se dirigea sur le torse du duc qui ne put réprimer ce frisson de plaisir lorsqu'elle glissa jusqu'au bas de son ventre. Doucement, il se rassit à sa place puisqu'Eleanor l'avait reculé pour qu'elle puisse s'assoir à califourchon sur ses cuisses. Il voulut l'embrasser fiévreusement mais il fut arrêter par son autre main qu'elle posa entièrement devant ses lèvres. Ceux de la jeune femme se posèrent alors juste en-dessous de son oreille, lui déposant un premier, puis un second baiser à cet endroit sensible tout en lui faisant sentir son souffle courir sur sa peau. Cette chose désagréable et gonflée qu'elle sentait près de son sexe lui fit serrer des dents.

Il émit un grognement, lui communiquant le fait qu'il ne pouvait plus attendre, cependant il eut un choque en sentant quelque chose de brulant sur l'une de ses joues. Ses yeux s'écarquillèrent de stupeur, tandis qu'elle se retira de lui, prenant de lisser le bas de ses jupons après avoir remonté ses collants. Elle arrangea les quelques mèches de sa coiffure qui s'étaient échappées, puis se rassit silencieusement sur la banquette d'en face. Ses mains tremblaient. Bien sur qu'elle était effrayée, les larmes allaient sans doute lui monter alors elle s'obligea à penser à autre chose.

« Que-...

—Je ne suis pas une catin que vous pouvez prendre par la force. Réessayez, et je vous tuerais votre Grâce, l'avait-elle coupé en essayant de contrôler sa voix peu contrôlée du moins. »

Son émotion la submergeait et il en avait conscience en face d'elle.

Damien fut pris d'ailleurs d'un fou rire lorsqu'il croisa le visage inexpressif de la jeune femme. Bien heureusement pour lui que l'attelage s'arrêta à cet instant-là, devant la demeure de la jeune femme. Il s'attendait à ce que cette langue de vipère ne le rende plus violent qu'il ne l'avait été. Le duc comprenait tout à fait que cela puisse lui déplaire. Cette femme aimait dominer. Et personne n'osait le faire, mis à part lui, ce qui déplaisait fortement à Eleanor. Mais elle avait accepté d'être sa maîtresse et il obtiendrait ce qu'il voulait tellement d'elle.

Qu'en pensez-vous de sa situation ? D'Eleanor ? Du Duc ? D'après vous, comment leur relation évoluera-t-elle ? Avez-vous apprécié votre lecture ? Si oui tant mieux, si non...Et bien j'espère faire en sorte que vous l'appréciez avec le temps !

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