Chapitre IV (Partie I)



Les sourcils froncés, le cœur lourd et fulminant intérieurement de rage, Pandora essayait de se calmer tandis qu'elle faisait les cents pas dans le salon du manoir familial. Marcher l'aidait à réfléchir et surtout à se calmer. Face à la situation dans laquelle elle figurait, il était facile pour n'importe quelle femme de perdre la tête !

Lorsque le majordome pénétra dans la pièce, ne sachant pourquoi elle était rentrée bien tôt de ce bal, il lui demanda alors d'une voix forte, la sortant de ses réflexions :

« Avez-vous passé une bonne soirée ? »

Ses yeux se levèrent dans sa direction, et, dans un bruit de jupons, elle se laissa choir sur le canapé du salon.

« J'en conviens que non.

— Comment papa a-t-il bien pu penser à m'unir à ce grossier personnage ? » s'était-elle exclamée, repensant à sa confrontation qu'elle avait menée avec le duc de Wayland des heures plus tôt.

Toujours vêtue dans sa robe en satin rouge cerise, elle y lissa ses plis en essayant vivement de se calmer. Rien que de penser à lui, elle avait les nerfs à vifs. Et il lui en fallait pourtant beaucoup pour qu'elle perde son sang-froid.

« Vous avez finalement fait la rencontre du duc, affirma Henry en se retenant de sourire.

— Il ne veut aucunement annuler le mariage. »

Se mordillant la lèvre inférieure, réfléchissant à un moyen efficace de lui faire revenir sur sa décision, Pandora se leva avec lenteur avant de se remettre à faire les cent pas dans la pièce. Elle croisa ses bras devant sa poitrine, et commença à tourner autour de la table, une chose à laquelle le majordome avait été habitué lorsqu'elle avait vécu au sein de cette demeure.

« Vous devriez aller vous coucher.

— Je ne pourrais fermer l'œil de la nuit. », répondit celle-ci à voix basse.

Si elle était restée à Venise, rien de tout ceci ne se serait passé. Il voulait s'amuser à ses dépens. Il le lui avait dit. Il lui avait proposé de jouer, et il avait l'intention de gagner. Soudainement, elle fut arrêtée par les mains gantées de son majordome, qui l'avait prise par les épaules.

« Dora, vous devez vous reposer.

— Je ne peux pas, dit-elle en soutenant son regard sévère.

— Vous n'essayez même pas !

— Comment le pourrais-je ? Il me reproche presque mon incapacité à procréer. »

Henry roula des yeux, surpris par cette annonce. Il la relâcha sans paraître brusque et poussa un petit soupir.

« Sophie fera sans doute l'affaire. »

Pandora écarquilla des yeux, elle cligna plusieurs fois des paupières avant de se saisir de ses jupons et de se diriger, les talons claquant contre le bois de la pièce, en direction de la sortie. Elle retint un filet de jurons avant de sortir de celle-ci.

Sophie, bien que petite et de nature calme, avait un côté effrayant. Petite, elle se rappelait l'avoir fait courir dans le jardin du domaine car elle avait toujours détesté les carottes. La louche à la main, d'une très bonne endurance, elle l'avait rapidement rattrapé et pendant une semaine entière, Sophie lui avait fait goûter toute sorte de plats avec principalement de la carotte au menu. Depuis, elle n'osait plus aller à l'encontre de sa parole. Elle n'osait imaginer ce que ce serait cette fois-ci. Peut-être qu'elle lui ferait seulement la morale. Ou peut-être qu'elle l'attacherait au matelas.

Atterrissant des minutes plus tard dans sa chambre, la jeune femme se déchaussa immédiatement, ne supportant plus ses souliers noirs qu'elle n'avait pas cessé de mettre en Italie durant les festivités qu'il y avait eues précédemment. Elle adorait ces souliers, néanmoins, à présent, elle préférait celles confortables aux extravagantes qu'elle venait d'enlever. D'un énorme ruban noir sur les côtés, entourés de dentelle, elles possédaient un talon fendu et extrêmement fins dont le bruit pouvait alerter quiconque de sa présence si jamais elle se déplaçait dans un palais.

« Dois-je faire appel à Annie ? requit Henry, après avoir toqué trois coups seulement à la porte.

—Non, je me débrouillerai seule Henry. Merci. »

En entendant ses pas s'éloigner le long du couloir, Pandora commença à défaire son corset tant bien que mal avant de faire glisser sa robe sur le sol. Il lui manquait plus qu'à retirer ses nombreux jupons et enfin se vêtir de sa fameuse chemise en coton au vu des nuits qui se rafraichissaient. Une fois fini, elle posa sa robe sur la chaise en face de sa coiffeuse, puis dans l'obscurité de la pièce, seulement éclairée par les lueurs de la lune, elle se dirigea jusqu'à son lit à baldaquin, marchant sur le large tapis en peau de loup. S'allongeant finalement dessus, le regard rivé sur son plafond, Pandora entrouvrit ses lèvres, se laissant ensevelir par ses souvenirs. Petit à petit, la fatigue la gagna et elle ne sut à quel moment précis elle s'était endormie. Peut-être avant le retour de Faith qui, elle, était restée au bal avec Clarissa et la tante de celle-ci.

Les rideaux furent tirés par une servante qui possédait un corps frêle. Ses cheveux bruns, cachés par le bonnet qui allait avec sa tenue de domestique, étaient montés, elle en était sure, en un chignon comme toutes les anglaises du pays.

« Il vous faut vous lever madame. Il est bien tard.

—Quelle heure est-il ? » demanda Pandora.

En rassemblant toute son énergie, la jeune femme se redressa à l'aide ses coudes sur son lit et plissa ses yeux, éblouie par la lumière du soleil provenant de l'extérieur. Elle balança sa tête en arrière, et ferma ses yeux attendant la réponse de la jeune servante.

« Il est bientôt neuf heures madame. »

Doucement, Pandora s'était glissée au bord de son lit en prenant son temps.

« Votre bain est prêt, rajouta la jeune servante qui avait deux ans de plus que sa sœur cadette, toutefois, son visage juvénile lui laissait parfois à croire le contraire.

—Père est à la maison ?

—Il est dans son bureau. Dois-je lui informer que vous souhaitez le voir ?

—Non, ça ira. Informez-lui juste que je serais de sortie. »

Pandora se leva afin de permettre à Annie de faire son lit, bien qu'elle aurait été capable de le faire elle-même.

« Dois-je préparer votre tenue ? Allez-vous en ville, ou...

— Je souhaiterais faire une balade à Green Park. Pouvez-vous porter un message ? » la coupa-t-elle, se dirigeant jusqu'au paravent au coin de sa chambre.

Elle fit glisser sa chemise de nuit sur le sol, apparaissant nue devant la domestique, puis se dirigea dans sa salle de bain.

« Bien sûr, quel est-il madame ?

— Dites à Henry d'envoyer un valet afin d'inviter Lady Brighton et sa tante pour une longue promenade au parc.

— Dois-je en informer votre sœur ?

— Bien évidemment, Clarissa et elles auront sans doute des choses à se raconter.

— Je me charge de cette corvée madame, devrais-je vous coiffer après ? Ou souhaitez-vous que je vous laisse avec vos ravissantes boucles ?

— Je me chargerai de ma coiffure, ne vous inquiétez pas pour cela. »

La discussion prenant fin, Pandora s'immergea totalement dans l'eau chaude en poussant un soupir de bien-être. Après une vingtaine de minute, s'attardant sur ses différentes pensées, la jeune femme avait quitté l'eau devenu tiède et était revenue dans la pièce d'à côté. La tenue qu'Annie lui avait choisie ne lui plaisait pas vraiment. Elle se retrouverait fagotée de la même sorte que ses anglaises qu'elles trouvaient trop ternes à son goût. Toujours dans la retenue.

Ayant remis ses dessous, elle ouvrit sa grosse malle au pied de son lit à baldaquin et farfouilla à l'intérieur quelque chose qui lui plairait. Finalement, elle opta pour une robe de couleur pourpre, au décolleté descendant, sans trop de vulgarité, elle mettait en valeur ses seins et moulait à la perfection ses formes bien que ce ne fut comme la robe rouge qu'elle avait portée la veille. Elle la préférait à celle du bal avec son jupon élaboré, celui-ci était plus simple et moins volumineux que le dernier. De plus, il y avait ce dégradé de jupons qui rendait la robe unique en son genre. Une chose qui était peut-être aussi surprenant pour la mode anglaise, et que son couturier italien avait trouvé cela amusant, c'était le fait que son corset se fermait sur le devant par des boutons en argent. Fait seulement en dentelles, il n'était pas aussi lourd que ceux que devait porter les Ladys anglaises, et puis un ruban venait décorer le corset à la naissance de ses seins.

« Dora, es-tu prête ?

— Il me faut prendre mon petit déjeuner, Faith. Sophie a-t-elle préparé des encas ? » questionna Pandora, sachant qu'en si peu de temps, Sophie était capable de nourrir tout un bataillon si elle le voulait.

« Sophie nous a préparé un panier pique-nique. Nous pourrons déjeuner là-bas. »

Pandora sortit de la chambre après avoir noué les lacets de son corset sur le devant, apparaissant dans le couloir dans lequel sa sœur cadette était restée, croyant qu'elle n'avait pas encore fini de se vêtir, elle eut le plaisir de voir un sourire sur le visage de sa sœur.

Et cette fois-ci, ce n'était pas un sourire forcé avec lequel elle ne cessait de lui faire face. La jeune femme savait pertinemment que sa sœur avait quelque chose à lui reprocher, néanmoins elle attendait toujours qu'elle fasse le premier pas afin de l'en informer comme une adulte. Faith devait apprendre à régler ses problèmes, les gérer et avoir l'audace d'en parler. Une chose que son père n'avait jamais voulu entreprendre pensant que sa sœur cadette ne grandirait jamais. Il devait comprendre une chose cependant, Faith avait déjà dix-huit ans et en faisant son entrée dans le monde, son père aurait dû accepter le fait qu'elle doit se marier à un homme. Dans le cas contraire, il aurait dû l'envoyer en Italie, Pandora savait qu'en sa compagnie sa sœur aurait gagné en maturité et serait devenue une femme accomplie.

« Bien, le temps que ton amie arrive accompagnée de sa tante, j'irai prendre mon petit-déjeuner. »

Battant plusieurs fois des paupières, Faith resta stupéfaite par l'accoutrement de sa sœur. Sa robe était...originale. Audacieuse, peut-être. Ce dont elle en était sure, c'était que c'était la première fois qu'elle voyait une robe qui possédait un corset qui se fermait sur le devant et non en arrière, à l'aide de boutons en argents.

« Qu'y a-t-il ? demanda Pandora en posant son regard sur elle, haussant un sourcil interrogateur.

—Oh, hum...Rien. Juste...Sophie t'a apporté ton petit-déjeuner sur la terrasse. », l'informa-t-elle en tentant de cacher son trouble.

Elle suivit du regard sa sœur qu'elle remercia avant de partir dans un bruit de jupons en direction de la terrasse. Dora se tourna vers elle avant de tourner à l'angle, s'exclamant, un sourire aux lèvres :

« Ne viens-tu donc pas ? »

Faith sursauta de stupeur avant de la rejoindre d'un pas précipité.

« Si, si, j'arrive ! », avait-elle répondu en empoignant les plis de ses jupons, afin de pouvoir marcher rapidement jusqu'à elle. »

****

L'attelage n'était pas vraiment animé. A son grand regret, la tante de la jeune Clarissa n'avait pu venir en raison d'une migraine qui ne l'avait quittée de la semaine. Dans un soupir, Pandora essaya de lancer la discussion mais en vain, que pouvait-elle bien leur dire ? Quelles étaient leurs habituels sujets de conversations ? Elle espérait que ce ne soit les commérages.

« Je me demande qui est la mystérieuse Lady P. dont parle le Times, lança Clarissa, curieuse.

— Lady P. ? Que dit donc le Times sur cette jeune femme ? demanda Pandora, amusée.

— Oh, seulement qu'elle est l'épouse du duc de Wayland. Nous ne savons pas vraiment de quelle famille elle pourrait appartenir, seule la première lettre de son prénom a été divulguée. »

Pandora s'empêcha de sourire. Si seulement la société anglaise savait que la scandaleuse Italienne, n'étant autre qu'elle, était l'épouse d'un duc aussi fortuné que lui, comment réagiraient les plus grandes commères d'Angleterre ?

« Prudence...Pénélope, peut-être ? Paige ! » s'exclama soudainement Clarissa, qui cherchait vraisemblablement la jeune fille qui était liée au duc, avec un intérêt particulier.

Lentement, son regard se posa sur la sœur ainée de sa meilleure amie, Faith Fortune. Clarissa plissa ses yeux pendant un long moment ne cessant de la regarder, lorsque le regard de Pandora croisa le sien, elle fut confuse et eut les joues légèrement rouges, gênée. Pandora l'intimidait fortement. Clarissa avait l'impression qu'elle pouvait lire en elle. Détournant vivement son regard, les yeux verts de la jeune fille se posèrent sur le paysage extérieur.

« Cela vous intéresse-t-il véritablement ? » demanda la jeune Italienne, le regard rivé sur elle.

Lorsqu'elle lui posa la question, elle y laissa bien un sous-entendu que seule les plus perspicaces auraient compris, mais elle était sure que Clarissa l'était.

Posant tout d'abord son regard sur Faith, elle regarda Pandora, néanmoins, intimidée elle aussi par son regard perçant, elle le détourna bien vite et préféra poser le sien sur ses mains gantelées, celles-ci jointes et posées sur ses cuisses.

« Le duc de Wayland n'a cessé de lui faire la cour depuis le début de la saison. », informa soudainement Faith, décidée à enfin parler.

Cela ne surprit Pandora, elle avait entendu dire par les domestiques du domaine que si elle décidait d'annuler le mariage, le duc se rabattrait sur la jeune Clarissa Brighton sur laquelle il avait jeté son dévolu. Un choix intéressant de ce qu'elle pouvait voir. Si elle était la femme qu'il avait choisie, peut-être qu'elle figurait sur sa liste de parfaites épouses. Tous les hommes avaient des préférences, bien que cela ne se fasse voir. Elle était sure que le duc de Wayland avait préparé la sienne en avance et qu'il avait décidé d'attendre avant de s'y contraindre, finalement, à la respecter comme il se devait.

« Quelle heureuse nouvelle, n'est-ce pas ? s'exclama-t-elle, amusée par la situation.

—Heureuse, oui. Si le duc n'était pas marié... », répondit Clarissa sèchement en fusillant du regard sa meilleure amie qui devenait un peu trop enthousiaste à son goût.

Ce n'était pas la situation dans laquelle se trouvait Clarissa qui l'amusait, en outre, ce n'était que la sienne. Savoir qu'une femme avait intéressé le duc bien avant qu'elle n'apparaisse l'aiderait sans doute mieux à fuir ses responsabilités et à prendre la poudre d'escampette. Il lui suffirait juste d'abattre ses dernières cartes afin d'annuler ce mariage. Une fois cela fait, elle irait sans doute en Italie. Aucun homme, bien que plus âgés qu'elle, ne voudrait d'une femme stérile. Bien évidemment, elle ne l'était pas, le médecin du pensionnat, à ses seize ans, lui avait affirmé que la jeune femme était bien fertile et qu'elle devait faire attention à se préserver afin de ne prendre aucun risque.

« N'a-t-il pas déjà une maitresse ? déclara Clarissa, se tournant vers Pandora.

— Et alors ? Qui vous empêche de le voler à sa maitresse ? »

Faith roula des yeux, n'imaginant pas ce qui devait se tramer dans la tête de sa soeur.

« J'espère que tu ne penses pas à...

— Non, non, loin de là ! » s'était, immédiatement, corrigée Clarissa, feignant d'être confuse.

Faith poussa un soupir, soulagée que ce ne soit ce qu'elle était en train d'imaginer bien qu'elle en aurait été capable. Toutefois, Pandora aperçut la lueur malicieuse qui avait traversé les pupilles vertes de l'amie de sa sœur. Oh que oui, elle l'avait envisagé !

« Je pense qu'il ne faudrait pas que cela vous arrête à mi-chemin, si vous envisagiez de le laisser vous courtiser, faites-le. Croyez-le ou non, si cette « Lady P. » n'apparait pas avant la fin de la saison, c'est bien parce qu'elle n'existe pas ! Et à en voir par les vingtaines de femmes existant à Londres et possédant un prénom commençant par cette fameuse lettre, il faudrait au duc une bonne année afin de confirmer le testament de son père. »

Après de longues réflexions, Clarissa fut hésitante mais répondit finalement :

« Il n'y aura rien de mal à ce que je le laisse faire, alors.

— C'est bien cela. »

Pandora évita de regarder sa sœur cadette qui la fusillait du regard. Elle n'avait pas l'habitude de manipuler les personnes de son entourage pour obtenir ce qu'elle voulait, néanmoins lorsque cela mettait en danger son propre avenir, Dora était bien obligée. Tout humain l'aurait fait. Toute femme de son époque aussi. Rester auprès d'un débauché qui ne vous apportera guère de bonheur, ce n'était pas le destin qu'elle aurait même envisagé d'avoir.

Son regard se posa sur la robe de couleur émeraude de la jeune Clarissa, à la même coupe carrée que celle de sa sœur, jaune poussin. En fait, les deux robes étaient presque similaires, les seules choses qui pouvaient les différencier étaient, bien évidement la couleur, mais aussi le tissu dans lesquels elles avaient été conçues. L'une était en satin, appartenant à Clarissa et l'autre était faite dans de la soie. Elle aimait particulièrement le chapeau qui était assorti à la robe de Lady Brighton et les accessoires de sa sœur sur ses cheveux, décorant son chignon par de petits rubans.

Soudainement, l'attelage s'arrêta, elles attendirent quelques minutes, afin de laisser le valet de pied descendre, leur ouvrir la porte et leur préparer le petit escalier les aidant à combler le mètre qu'elle devait descendre du haut de la voiture. Pandora fut la dernière à descendre, et lorsque ses pupilles noires reçurent l'image en couleur de l'entrée du parc, la jeune femme afficha un sourire rayonnant dont la foule fut témoin. Non seulement ils faisaient la rencontre d'une femme étrangère en ses lieux, mais ils avaient la chance de contempler sa beauté étant considérée comme unique.

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