Chapitre III

Les bras croisés devant sa poitrine, son regard se porta sur les trois femmes qui étaient superbement coiffées et habillées. L'une avait des cheveux bruns et possédait d'étonnants yeux verts qui ressemblaient aux plaines de la campagne Écossaise.

Vêtue d'une robe bleue au décolleté carré, les manches mi-courtes étaient décorées d'un petit voile, on y retrouvait aussi au bas de sa jupe des motifs brodés à la main à l'aide de fils en argents. Toutefois, vu la robe éclatante dont elle s'était vêtue, la jeune femme avait préféré porter seulement un collier en perles et de petites boucles en or. La jeune femme, s'appelant Clarissa Brighton, aurait sans doute un franc succès durant ce bal. Si son carnet n'était encore pas plein, Pandora était certaine qu'à son arrivée, les hommes du monde se bousculeraient afin de partager une danse avec elle.

Bien qu'elle la trouve magnifique, elle aimait la robe rose pâle de sa sœur qui mettait en valeur sa chevelure auburn attachée en un chignon. Quelques mèches rebelles retombaient aux extrémités de son beau visage rosé, et la couleur de ses yeux ambrés, les tenant de leur père, donnait une impression de fraicheur à son beau visage. Bien que ses lèvres pulpeuses soient colorées de rose, il n'y avait rien de vulgaire contrairement aux femmes qui possédaient ce genre de lèvres. Les hommes ne tiendraient qu'à posséder sa bouche, une chose que Pandora trouvait cela amusant à penser. Elle imaginait bien Faith rendre fou les hommes autour d'elle rien qu'en parlant, de nature enjouée et d'un caractère bien trempé, sa sœur cadette apparaitrait comme un défi pour les gentilshommes de cette société.

Et enfin, son regard se posa sur la dernière femme, plus âgée qu'elles toutes réunies, qui s'était vêtue de façon simple, un brin austère même. Sa robe de couleur crème, s'accordait aux diamants qu'elle portait, ils étaient d'une couleur ambrée et pourtant, ils ne passaient pas vraiment inaperçu. C'était des grosses pierres qui pendaient à ses oreilles, bien que Clarissa aime l'excentricité vu la tenue qu'elle portait, l'autre femme dépassait les normes et c'est ce qui avait plu à Pandora. Mis à part cela, on voyait bien que cette femme et Clarissa étaient apparentées. Elles possédaient toutes les deux une beauté naturelle, les mêmes cheveux bruns, seule la couleur de ses yeux, les siens noisettes et ceux de Clarissa verts, les différenciaient. Et si on ne lui avait pas informé que c'était sa tante, Pandora aurait eu l'erreur de penser que cette femme n'était autre que sa mère. Jeanne Brighton, sœur de la défunte mère de la jeune fille, était veuve depuis trois ans déjà et s'en portait pas moins bien.

Après une brève discussion avec elle, attendant que sa sœur cadette se prépare rapidement afin d'aller au bal que Lady Hamilton organisait, Jeanne avait avoué à Pandora trouver son mari un peu trop autoritaire, strict à son goût et un tantinet avare. Ce ne fut qu'après sa mort qu'elle avait pu profiter de la fortune qu'ils possédaient.

« Vous ne venez pas ma chère ? demanda justement Jeanne, en fronçant légèrement des sourcils.

—Je ne pense faire qu'une brève apparition, répondit Pandora en s'approchant de sa sœur qui parlait avec Clarissa, un sourire aux lèvres.

—Une brève apparition ? Pourquoi cela ? Vous êtes la bienvenue dans notre société Lady Fortune, voyez combien d'hommes se pavaneront devant votre beauté.

—Lady Hamilton m'est une amie vraiment très chère, si ce n'était pour elle, je ne serais pas du tout venue.

—Lady Hamilton ne vous est pas inconnue ? » la questionna Jeanne, ne cachant pas la curiosité qu'engendrait cette nouvelle jeune fille.

Connaissant la famille Fortune depuis la mort de son mari, le baron de Conwell, Jeanne n'avait jamais entendu parler de la sœur ainée de Faith. L'amie de sa nièce elle-même n'en avait jamais parlé à quiconque, il était donc surprenant de la rencontrer dans cette demeure. Au départ, ayant connu Arabella, l'ancienne comtesse d'Hempton, elle avait pensé la voir revenue à la vie, néanmoins le visage de la jeune fille s'avérait manquer de rides. Et lorsque le majordome avait fait les présentations, la tante de Clarissa était restée sous le choc, en proie à des questions silencieuses. Tandis que Pandora arrangeait la coiffure des filles, Jeanne dévoila son éventail en dentelles roses, rajoutant une touche d'originalité à sa tenue.

« Ne sont-elles pas magnifiques ?

— Ainsi, ses jeunes filles trouveront beaucoup de prétendants ce soir, rajouta Pandora en esquissant un sourire à leur insu.

— Dora, ne préfères-tu pas venir avec nous ? fit sa jeune sœur, en la regardant.

— En Italie, les femmes de mon âge ne peuvent se permettre d'arriver en début de bal. Nous laissons la place aux débutantes. Si vos carnets sont remplis à mon arrivée, j'en serais soulagée.

— Ce pays a de drôles de coutumes, s'exclama Clarissa, piquée par une certaine curiosité.

— Je suis sure que vous aimeriez en faire la visite, Lady Brighton.

— Sa visite ? Dites-vous que je devrais y aller, mais avec qui ?

— Devez-vous vous attendre à ce qu'un homme vous accompagne ?

Jeanne éclata d'un fou rire.

—Dites-moi, Lady Pandora. Êtes-vous mariée ?

Celle-ci lui sourit malicieusement.

—Croyez-vous que je le suis ?

—Il m'est difficile de le croire, vous avez l'air d'être une femme qui n'a besoin de personne pour survivre. Néanmoins, le fait que vous puissiez vivre seule en Italie durant ses dernières années peut vous apporter des problèmes à Londres.

— La société anglaise et ses commérages ne m'effraient pas. Il serait temps qu'une femme telle que moi leur apporte de la nouveauté ! rétorqua l'incongrue.

Le raclement de gorge de Henry les interrompit dans leurs discussions.

— Mesdames, votre attelage arrivera en retard si vous n'y allez pas maintenant.

— Oh oui ! Nous avons tellement été emportées par notre conversation avec Lady Fortune que nous en avons oublié l'heure. Allons-y les filles, il ne faut se présenter en retard. », s'était écriée le chaperon des deux jeunes débutantes.

Cela amusa Pandora et le majordome lui-même, qui rejoignit la demoiselle en quelques pas, se plaçant à ses côtés. Ils les regardèrent s'en aller dans un bruit de jupons, celles-ci les saluant avec de petits rires et des sourires.

« Vous n'y allez pas ? demanda Henry à la jeune femme à ses côtés.

— Si. Mais je préfère y aller en milieu de soirée, personne ne fera attention à moi et ce sera mieux ainsi.

— Avez-vous discuté avec votre père ? »

Pandora poussa un long soupir. Son père lui avait imposé un dilemme. Soit elle endossait le rôle d'épouse auprès du duc, soit, après l'annulation, elle se mariait avec un homme de son choix. A vingt-six ans, célibataire, elle était considérée comme une vieille fille dans la société anglaise et il lui fallait trouver très rapidement un homme avec lequel elle serait sous sa protection afin d'assurer son avenir. C'était ce que son père n'avait pas cessé de lui répéter durant ses derniers jours, depuis son retour en fait.

« Dites à Claire de venir dans ma chambre dans une vingtaine de minutes.

— Comme il vous plaira. »

****

Le bal de Lady Hamilton était sans pareille. Toute la noblesse d'Angleterre était réunie, il y avait même des tuniques rouges mélangées à la foule de personnes qui rentraient un à un dans la salle de bal.

Lorsque le duc de Wayland pénétra dans la salle, vêtu d'un gilet en argent assorti à ses chaussures ainsi qu'à son nœud papillon fermant le col de sa chemise blanche, le duc s'aperçut que les mères de familles le regardaient d'un air soupçonneux. Vérifiant que sa veste de costume noire était bien fermée, assortie à son pantalon, il balaya la pièce du regard.

Elles croyaient sans doute à cette annonce sur son mariage. Maintenant qu'il apparaissait comme un jeune marié, il devenait un époux volage dû à ses précédentes réputations. Quoique cela commence à l'enchanter, si elles refusaient de lui envoyer leurs filles, il n'avait plus qu'à s'amuser dans la salle de jeu.

Ce fut ce qu'il avait envisagé de faire jusqu'à ce que ses yeux se posent sur la ravissante Clarissa Brighton qui virevoltait sur la piste de danse. Sa robe bleue mettait en valeur sa belle chevelure brune relevée au-dessus de sa tête en une couronne de tresses. N'était-ce pas le comte de Wilkshire qui dansait avec elle ? Un jeune homme de son âge qui avait l'air sous le charme. Bien qu'un peu petit vis-à-vis d'elle, il ne paraissait pas moins séduisant. De plus, ce qui l'irrita, ce fut l'éclatant sourire de Clarissa qui lui donna l'envie de réclamer une danse auprès de la jeune femme sans se soucier de son carnet.

« N'est-ce pas le duc de Wayland que je vois là ? s'exclama une voix féminine qui lui parut familière.

Se tournant en direction de celle-ci, il afficha un sourire malicieux sur son visage.

— Lady Conwell. »

Il la salua d'un hochement de tête, répondant à la révérence de celle-ci. Trevor la connaissait en raison des nombreuses visites qu'elle lui avait données avant qu'elle ne se marie. Sa grand-mère et elles étaient de grandes amies, malgré la différence d'âge entre ses deux femmes, ce qui les avait faites se rencontrer avait été grâce à un homme. Le père de Trevor. Jeanne Brighton aurait pu être sa mère néanmoins son père était tombé amoureux de la fille d'un marchand, qui n'avait eu, elle, aucun scrupule à les abandonner. Il avait toujours traité sa mère d'égoïste, ne pensant qu'à son propre bonheur, détruisant celui des autres, surtout celui de son père, qui n'avait jamais été autant brisé que par la disparition de sa femme. A chaque fois qu'il repensait à ce souvenir, il avait un gout amer dans la bouche qu'il ne pouvait pas enlever même avec de l'alcool.

— Lady Brighton, je vous prie. », le corrigea-t-elle, sortant brusquement son éventail qu'elle plaça devant ses lèvres.

Au bord de la piste de danse, un verre à la main, Trevor Maynfield suivait des yeux la jeune Clarissa sur laquelle il avait jeté son dévolu. Buvant une seconde gorgée, il plissa ses yeux en la voyant valser avec un soldat anglais du nom de...

« Que vois-je, n'est-ce pas ma nièce que vous regardez ? » l'interrompit Lady Brighton, qui, lui, était dans ses pensées.

Il eut un petit rire avant de boire une troisième gorgée du gin qu'un serveur lui avait apporté sur un plateau d'argent.

« Elle est ravissante.

— N'est-ce pas ! s'exclama Jeanne en relevant son menton avec fierté.

— Et elle n'est pas encore mariée si j'en vois les hommes qui se bousculent sur la piste afin d'avoir la chance de danser avec elle.

— C'est une excellente danseuse. Si je n'avais pas fait appel à Vincienzo, elle n'aurait jamais progressé. Cet italien est une merveille ! »

A l'entente de l'origine du professeur de danse de la jeune fille, il s'était raidi avant de se détendre. Voilà qu'il repensait à l'italienne qu'il avait épousée. Cette Pandora Fortune n'avait cessé de le tourmenter depuis son arrivée à Londres. Il n'avait pas encore fait sa merveilleuse rencontre et à chaque fois qu'il avait eu l'occasion d'aller à sa rencontre, son majordome lui informait qu'elle était de sortie et qu'il l'avait manqué de peu ou bien qu'elle souffrait d'un mal.

« Oh...Seigneur ! » s'exclama Jeanne, le regard rivé sur une fine silhouette élancée.

Elle déglutit péniblement et baissa son éventail qu'elle prit soin de refermer. Lady Conwell eut du mal à détacher ses yeux de ce qu'elle voyait. Et elle n'était pas la seule puisque la plupart des invités étaient tournés vers une seule et même discussion. Elle le rouvrit brusquement ne détachant pas ses yeux de la fine silhouette qui s'avançait.

— Oh Seigneur Tout-Puissant ! répéta-t-elle dans un fou rire en replaçant son éventail devant sa bouche, recommençant à s'éventer.

Il semblerait que Lady Conwell soit amusée par quelque chose ce qui le fit se détourner de la piste de danse pour rejoindre la tante de Clarissa dans son émerveillement.

Ses yeux se posèrent en direction d'une jeune femme qui descendait les escaliers de la salle de bal dans une tenue flamboyante. Son cœur manqua de faire un bond lorsque celle-ci releva son visage afin d'observer la foule, qui semblait être abasourdie par sa venue. De ses yeux noirs et perçants, elle balaya la pièce d'un seul regard avant de le poser sur la piste. Ses longs cheveux noirs d'ébène bouclés sur ses pointes cascadaient le long de son dos, quelques boucles retombaient sur les côtés de son visage, et soudainement, elle illumina la pièce par son éblouissant sourire. Le duc avait du mal à détacher ses yeux de la jeune femme qui apparaissait dans une robe géorgienne rouge cerise. Son corset rouge en dentelles noirs formait bien la rondeur de ses seins nacrés, en bas de sa jupe, doublée par des jupons, étaient décorés de rubans noirs. Et enfin les manches mi-longues de la robe étaient entourées d'une dentelle noire de forme évasée.

Les murmures cessèrent jusqu'à ce que la mystérieuse jeune femme s'exclame :

— Mia cara amica. Ma chère amie.

A l'entente de ses paroles, le duc de Wayland se figea sur place. Avait-il bien entendu ? Était-ce bien de l'italien ? Alors, la femme qui était présente ici, et attisait la curiosité de toute la société anglaise...Était-ce, « Elle »? Il devait en avoir le cœur net. Trevor restait pourtant subjugué. La voyant se déplacer avec aisance entre la foule qui ne cessait de la détailler sous toutes les formes, il aperçut des hommes se déplacer en grand nombre afin d'aller à sa rencontre.

Pandora aurait dû écouter Annie lors de sa préparation. Aucune femme ici n'avait laissé sa chevelure cascader le long de son dos. Leurs cheveux étaient tous coiffés en un chignon formel, perfectionné par des accessoires. Et la couleur de sa robe n'était pas trop voyante ? Ou plutôt osée ? Les anglaises avaient l'habitude d'une certaine douceur, cette couleur était trop agressive pour leurs yeux et elle le remarquait, bien que les hommes soient complètement conquis par elle.

Levant les yeux au ciel, elle essaya du moins de passer inaperçu, se frayant un chemin jusqu'à sa chère amie, quoiqu'avec quelques difficultés. Grace Hamilton, la vicomtesse de Guise et son amie depuis le pensionnat.

« Pandora, ma chère, je n'attendais plus que toi pour rendre ce bal intéressant. »

« Intéressant ? » C'était bien le genre de la vicomtesse. Elle adorait alimenter les potins et c'était encore plus drôle, de son point de vue, lorsque cela concernait son entourage.

« C'est-à-dire ? » demanda Pandora, ayant un mauvais pressentiment.

Elle regarda Grace en haussant un sourcil interrogateur puis fronça ses sourcils, s'attendant au pire depuis qu'elle s'était aperçue de la lueur malicieuse, qui traversa les yeux noisette de la jeune femme. Celle-ci posa son regard par dessus l'épaule de Pandora, et petit à petit, le sourire de Grace lui confirma ses soupçons.

« Ne vois-tu donc pas arriver ton époux ? »

Pandora vit arriver deux, puis trois, non, même quatre hommes superbement bien habillés et qui n'allaient pas tarder, elle en était sure, à lui demander une danse. Pourtant, elle aurait préféré ne pas voir l'homme qui s'approchait dangereusement d'elle et semblait écarter ses concurrents sans aucune gêne. La jeune femme fronça des sourcils, inquiète de ce qu'il se passerait. Si Pandora se souvenait bien de ce qu'on disait sur lui, elle ne le supporterait pas.

C'était ce qu'elle avait redouté le plus lorsqu'elle s'était revêtue de sa robe de bal. Voir cet impertinent duc. Elle ne désirait pas encore lui faire face, comment lui dire qu'elle se fichait royalement de leur union et qu'une fois qu'elle aurait trouvé un protecteur, elle annulerait ce mariage pour s'unir à lui ? Peut-être qu'il partageait les mêmes intentions. Elle l'espérait !

« Mesdames. »

Les pupilles noirs de Pandora se posèrent sur l'homme qui apparut à leurs côtés. Séduisant, elle devait l'avouer, d'une carrure impressionnante aussi. Il avait l'air d'appartenir à une lignée d'Highlanders avec ses traits durs et ses yeux bleus ensorcelants, mais enfin, pour toute jeune fille innocente. Avait-il au moins un minimum d'intelligence ? Quoique cela, elle ne l'espérait pas. S'il était simple d'esprit, cela l'arrangerait, elle userait de ruses afin d'obtenir l'annulation de leur mariage par de simples battements de cils. Sinon, elle devait se montrer directe et ferme sur ses intentions.

« Votre Grâce », répondirent-elles sur le coup.

Soudainement, il y eut un silence pesant que les nobles autour d'eux remarquèrent. Grace avait l'air ravi, quant à Pandora, elle demeura ennuyée par sa présence. Puis, brusquement, le duc de Wayland se tourna vers Pandora tendant sa main vers elle et lui proposant :

« Voudriez-vous m'accorder cette valse ?

Les commères londoniennes retinrent leurs souffles, attendant la réponse de la beauté italienne.

— Je ne sais danser. »

La réponse qu'il eut d'elle, le surprit, néanmoins cela l'amusa. Et les murmures fusèrent dans la salle. Trevor était cependant frustré de la manière dont elle avait de le rejeter publiquement. Elle ne s'intéressait nullement à lui et ne semblait vouloir que le fuir.

« Oh, je me rends compte que vous vous connaissez déjà ! Je vais donc vous laisser, je n'ai pas encore accueilli la baronne de Wilkmore. Si vous voulez bien m'excuser. »

La vicomtesse s'éclipsa aussitôt à la venue du duc de Wayland afin de les laisser parler seuls à seuls. Pandora allait surement la détester pendant un bon moment, cependant, Grace s'amusait de la voir dans ce genre de situation. Elle qui avait l'habitude d'avoir le contrôle sur tout. Comment allait-elle se sortir des filets du libertin le plus célèbre de Londres ? Surtout qu'il était son époux.

« Il me tardait de vous rencontrer, Lady Fortune.

— Ne vous trompez guère de personne milord, je ne suis celle que vous cherchiez. »

Pandora crut qu'il lui suffit d'une révérence et de quelques paroles pour le fuir, cependant il ne la laissa pas partir. Sa main glissa le long de son bras et elle sentit une pression lui enserrer le poignet droit.

« Lâchez-moi je vous prie.

— J'ai besoin de discuter avec vous.

— Je n'ai rien à vous dire. Je vous prie de me lâcher.

— Je ne vous demande qu'un peu de votre temps. »

Elle le fusilla du regard et releva son menton, attendant qu'il la lâche. Aussitôt fait, elle le suivit à l'intérieur d'un petit salon, dans lequel les couples avaient l'habitude de se réunir afin de forniquer à leurs bons plaisirs.

Éclairée par les lueurs de la lune grâce à une grande fenêtre, elle rentra la première, suivie du duc de Wayland qui prit soin de refermer la porte derrière elle. Pandora s'avança jusqu'à la fenêtre, contournant les fauteuils en tissu au milieu de la pièce. Un petit bureau, sur lequel une chandelle à trois bras était allumée, était placé dans un coin de la pièce. Posé sur celui-ci, des feuilles de papiers et de l'encre. Une petite chaise en bois avait été placée près du bureau, puis juste derrière, sur le mur, il se trouvait un tableau qui lui semblait familier.

« Je m'excuse, je ne me suis pas encore présenté, déclara Trevor d'une voix sourde en restant devant la porte fermée. Trevor Maynfield, duc de Wayland, enchanté de faire enfin votre connaissance, reprit-il en s'avançant de quelques pas, se retrouvant au milieu de la pièce. »

Le duc attendit quelques minutes, pensant qu'elle se présenterait à son tour, mais tout ce qu'elle faisait c'était de le regarder de haut en bas de ses yeux perçants, les bras croisés devant sa poitrine.

« Je m'attendais à ce que vous vous présentiez.

— Il semblerait que vous me connaissiez Votre Altesse, à quoi cela servirait-il que je me présente ?

— Il se pourrait que je sois dans le doute, veuillez m'aider à le faire disparaitre. »

Il esquissa un sourire, cette femme était effrayante, aussi belle qu'intelligente, car oui, il en était sur, elle devait posséder une grande intelligence. Puisqu'effacer toute trace d'elle pendant deux années, il fallait bien qu'elle use de ses capacités intellectuelles. Et si c'était bien la Pandora Fortune dont il avait entendu parler grâce à son père, il ne pouvait qu'en être certain.

« Pandora Fortune, fille du comte d'Hempton, milord », répondit-elle les dents serrées.

Ne fut-ce pas du mépris qu'il surprit dans les yeux de son épouse ? Du dégoût peut-être ? Il n'en était pas sur.

« N'êtes-vous pas heureuse de faire ma rencontre ? »

Elle éclata d'un rire sans joie, presque moqueur.

« Heureuse ? Le devrais-je ?

— Et pourquoi ne le devriez-vous pas ?

— Je devrais me réjouir de rencontrer mon mari qui n'est qu'un débauché aux yeux de tous ? »

Ce qui la décontenança, ce fut le fou rire dont le duc fut pris. Elle roula des yeux, surprise avant de se racler la gorge et de détourner son regard afin de le porter sur le tableau au loin.

« Puis-je savoir la raison de votre venue ici ?

— Voudriez-vous celle de mon retour en Angleterre ou de ma subite et surprenante apparition à ce bal ?

— Si les deux ont une réponse, je les voudrais toutes les deux, si je puis me permettre.

— Lady Hamilton est une amie qui m'est chère, ayant reçu son invitation, et ne l'ayant pas revue depuis des années, j'ai saisi cette occasion pour aller la voir. »

Il y eut un silence à la fin de sa phrase. Lorsqu'elle l'avait prononcé, Pandora semblait s'éloigner du monde actuel, elle était tellement concentrée sur la description du tableau qu'elle entreprenait, qu'elle n'avait pas senti la présence du duc à ses côtés jusqu'à ce qu'il lui souffle au creux de son oreille :

« Puis-je avoir la deuxième réponse ? »

Pandora sursauta de stupeur, plaçant sa main devant sa poitrine puis expira, légèrement irritée. Elle resta, le dos collé contre le torse du duc, dans le silence. Il pensait qu'en la tourmentant de cette manière, il lui ferait perdre la tête, mais elle en avait vu des joueurs et elle connaissait leurs tours par cœur.

« Je suis revenue à Londres afin de réclamer l'annulation de notre mariage. »

Esquissant lentement un sourire, elle fut ravie de le sentir se raidir derrière elle. Pensait-il qu'il était inconcevable pour une femme que de ne vouloir aucunement avoir à faire avec lui ?

« N'est-ce pas ce que vous vouliez aussi ? J'ai entendu dire que vous m'aviez cherchée depuis la mort de votre père justement en faveur de cette cause. »

Avec lenteur, Pandora s'était tournée vers lui afin de lui faire face, affichant son plus beau sourire, le plus magnifique sourire moqueur qu'elle pouvait montrer. Cependant, celui qu'il lui rendit la troubla. S'était-elle trompée ? Voulait-il aussi annuler leur union ? De toute façon, une fois cela fait, il ne la dérangerait plus. Trevor Maynfield n'avait cessé de la réclamer depuis son retour à Londres et elle n'avait cessé d'inventer des prétextes. Aujourd'hui, maintenant qu'elle en avait l'occasion, il fallait bien qu'elle lui avoue la raison de son retour ici.

« Et qu'auriez-vous fait après que ce mariage soit annulé ?

— J'aurais fait mon entrée dans le monde en bonne et due forme, répondit-elle tout simplement.

— Vous seriez considérée comme n'étant qu'une vieille fille dans ce monde.

— Il m'aurait suffi de faire tourner la tête d'un jeune homme naïf et fortuné pour assurer mon avenir. Vous ne les avez pas vus des minutes plus tôt ? »

Trevor arqua un sourcil, amusé. Pandora n'aimait pas réellement se vanter, mais elle était tout aussi capable que lui d'obtenir ce qu'elle voulait en usant de ses charmes.

« Et vous auriez donc gagné, une nouvelle fois, votre liberté.

—Tout à fait. »

Ils restèrent un instant, les yeux dans les yeux, chacun défiant l'autre du regard.

« Il est bien dommage pour vous que je ne veuille point annuler ce mariage. »

Dans un clignement de paupières, Pandora perdit son sourire.

« Pourquoi ? »

Ses sourcils se froncèrent immédiatement.

« Pourquoi vous donner ce que vous désirez le plus alors que vous semblez me mépriser ? »

Elle entrouvrit ses lèvres, voulant lui répondre, mais Pandora ne sut quoi lui dire. Elle ne comprenait pas pourquoi il n'acceptait pas de la quitter. Soudainement, elle comprit la raison pour laquelle il ne voulait annuler. Ce n'était pas parce qu'elle le méprisait, non, c'était bien autre chose.

« Il me suffit donc de vous donner un héritier c'est bien cela ? En échange, je garderais la maison et Lucky.

— Pas seulement.

— Mais que voulez-vous donc de plus ? Vous deviez vous marier pour assurer votre lignée, et moi pour assurer mon avenir.

—Qui me dit que vous êtes fertile ? Et pensez-vous que je vous laisserais la maison en Cornouailles ou même ce magnifique pur-sang ?

— Comment ? s'exclama-t-elle, abasourdie.

— Vous ne me quitterez pas tant que je ne me serais pas assuré que vous portez mon enfant. »

Pandora cligna plusieurs fois des paupières, de la façon dont il lui annonçait cela, c'était comme si elle était prise au piège et n'avait aucunement son mot à dire.

« Je...Vous ne pouvez me garder près de vous parce que vous en avez décidé ainsi !

— Si, bien sûr que si.

— Oh et de quel droit ?

— J'en ai tous les droits. N'oubliez pas que vous êtes ma femme.

— Nome di Dio ! » avait-elle sifflé entre ses dents, levant les yeux au ciel, agacée.

Elle le contourna brusquement afin de quitter la pièce, épuisée par cette conversation sans queue ni tête. Seul le rire percutant du duc résonna dans la pièce avant qu'il ne la retienne de partir, à quelques mètres de la porte.

« Je n'en ai pas fini. »

Il resserra sa poigne tandis qu'elle essayait d'enlever son bras de son emprise.

« Tandis que moi, si. Lâchez-moi !

—Je me dois de vous informer de quelque chose. »

À ces mots, Pandora le regarda. Elle examina ensuite la main du duc sur son bras, puis se calma, à vrai dire, elle y était bien forcée. Et enfin, elle inspira un bon coup, prête à écouter la suite de ses propos.

« Et bien dites-le lorsque vous m'aurez lâchée. », lâcha-t-elle sur le coup, et elle fut ravie qu'il le fasse à la fin de ses paroles.

« Étant donné que nous sommes mariés juridiquement, il ne nous reste plus que la bénédiction du Seigneur. Il nous faut choisir une date. »

Pandora avait du mal à accepter ses paroles. Il pensait réellement qu'il allait la lier à lui ? Qu'il allait l'obliger à porter son enfant et qu'il allait l'obliger à passer sa vie à ses côtés ? Était-il sérieux ? Il en avait tout l'air, vu le ton ferme qu'il avait employé lors de ses dires. Soudainement, elle sentit la main du duc empoigner son menton, relevant son visage afin de plonger ses beaux yeux bleus dans les siens. L'Italienne fut d'ailleurs troublée par le sourire qu'il lui offrit.

« Giochiamo, mia bella. » Jouons, ma belle.

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