4. Un peu de sirop de fraise
Julian poussa un soupir de contentement et rangea soigneusement son instrument dans son étui. Il ignorait comment le cours de natation de sa sœur s'était passé mais pour lui tout allait on ne peut mieux. Les salles de musique étaient vastes, les élèves tous très doués et leur professeur était un amour. Elle avait dès le début demandé à ce qu'on l'appelle Maryse, arguant qu'il s'agissait d'une option pas d'un cours traditionnel.
Lucia, une fille de sa classe qui jouait de la flûte, l'avait présenté à l'orchestre et il s'était immédiatement senti à l'aise. Le lycée Verlaine était décidément plein de surprises. Il referma son étui et se pinça machinalement l'arrête du nez. Une voix le fit alors sursauter :
_ Un saxophoniste... Pas courant comme instrument mais véritablement passionnant.
Il leva la tête et rencontra le regard doré d'un grand garçon dégingandé aux cheveux d'un blond presque roux ébouriffés. Un sourire charmant lui mangeait le visage tandis qu'il regardait Julian calmement, attendant visiblement une réponse. Julian le regarda un instant interdit avant de sourire à son tour.
_ Ouais, j'ai commencé par le piano mais ça ne m'intéressait pas tant que ça finalement.
L'inconnu continuait de le regarder et Julian commençait à trouver la situation embarrassante. Pour se donner contenance, il se leva et passa la sangle de son étui sur son dos.
_ Au fait, moi c'est Julian.
Le jeune homme haussa un seul sourcil, ce qui lui donna un air encore plus égaré. Avec son pantalon à carreaux et sa longue veste de velours brun malgré la température agréable, il paraissait sortir tout droit d'un roman de Conan Doyle.
_ Je croyais que c'était Julien, fit-il simplement en rangeant lui aussi son violon.
_ Ça arrive souvent, affirma le jeune homme en haussant les épaules. Ça me dérange pas qu'on m'appelle Julien mais je préfère Julian.
L'inconnu hocha la tête et se détourna légèrement. Prenant cela pour la fin de cette étrange conversation, Julian se dirigea vers la sortie. Lucia était déjà partie mais il savait où se trouvait la bagagerie et comment rejoindre les dortoirs. Il avait à peine fait trois pas dans le couloirs vide qu'un bruit de course se fit entendre.
Le jeune inconnu saisit son épaule et dans un immense sourire s'exclama :
_ Au fait, moi c'est Adam. 17 ans, terminale ES et violoniste comme tu as pu le voir. Je t'épargne mes mensurations et la marque de mon dentifrice.
Avec un léger rire, Julian leva la tête vers Adam qui le dominait de quelques centimètres. Adam semblait être le type de personne que rien ne pouvait contrarier et dont la patience n'avait aucune limite. Julian décida qu'il lui plaisait et répondit :
_ Enchanté Adam, moi c'est Julian, 1m78, terminale S et timide maladif.
Le violoniste secoua la tête dans un éclat de rire. Ses cheveux volèrent dans tous les sens et deux fossettes apparurent sur ses joues creusées.
_ Joli répartie pour un grand timide ! T'es nouveau à Verlaine toi ! Je connais tous les terminales et pourtant c'est la première fois que je te vois.
_ Oui, je viens d'arriver dans la région. Je ne connais personne.
Julian se sentait mal à l'aise, discuter avec des inconnus n'avait jamais été son point fort et la situation le mettait mal à l'aise. Adam avait l'air d'être un gars sympa mais pourtant Julian avait hâte qu'il le laisse. Il détestait ne pas maîtriser les choses et cette rencontre, il ne la maîtrisait pas du tout. Mais le violoniste en avait décidé autrement.
_ Et bien tu me connais moi et crois-moi, c'est sûrement la meilleure rencontre de ta journée.
Ils continuaient de marcher et Julian esquissa malgré lui un sourire.
_ Tu es bien confiant.
_ Je dirais plus réaliste, riposta immédiatement Adam. Je suis intelligent, extrêmement drôle, très accueillant, pas dégueulasse à regarder et en plus j'aime la musique ! Que demande le peuple ?
_ Le peuple j'en sais rien, s'esclaffa Julian, mais moi je demande surtout la paix ! Tu cherches à te vendre ?
Adam fit la moue mais son visage ne semblait pas pouvoir rester sérieux plus de quelques secondes et très vite son sourire réapparut, plus éclatant qu'avant.
_ Je te prouve simplement que tu as tort et que je suis ta meilleure rencontre de la journée ! Je ne me vends pas. De toute façon, je coûterais bien trop cher.
Julian leva les yeux au ciel. Malgré tout, son apparente lassitude ne trompait pas : le lycéen avait su le mettre à l'aise et sa gêne s'était envolée. Comme par magie.
_ Au fait, t'as déjà vu ta piaule ?
_ Non, mais je sais avec qui je suis, un garçon de ma classe m'a dit qu'on partageait notre chambre ! Il me reste juste à la trouver.
Adam fronça un instant les sourcils et son visage se déforma en une nouvelle grimace. Julian commençait à croire que un mauvais tic.
_ Qui c'est ?
_ Comment ça ?
_ Le gars qui partage ta piaule. C'est qui ?
Julian poussa la porte du bâtiment et déboucha dans la cour du lycée. Il faisait encore bon et le soleil n'était pas encore couché. Par contre, le lycée semblait désert.
_ Il s'appelle Marcus.
_ Ah Marcus, soupira Adam. Il était dans ma classe en seconde, c'est un brave gars. Par contre, il a une notion très relative du rangement et de l'organisation. Je préfère te prévenir afin de t'éviter une syncope.
Julian lâcha un éclat de rire. Ils avaient atteint la bagagerie et il attrapa son sac, le seul qu'il restait dans la pièce. Il se tourna vers Adam qui n'avait pas de sac.
_ Il est déjà dans ma chambre, j'arrive le dimanche soir.
Après un hochement de tête bref, Julian suivit le lycéen qui le guida jusqu'au bâtiment des dortoirs, derrière le théâtre. Ils croisèrent quelques élèves et grimpèrent au premier étage.
_ Le rez-de-chaussée c'est les parties communes, expliqua Adam. Le premier c'est les dortoirs des garçons et le deuxième c'est pour les filles. J'ai pas besoin de te préciser que c'est formellement interdit d'y aller mais les pions tolèrent des allers-retours jusqu'à neuf heure du soir. Bon sur ce, je te laisse, ta chambre c'est la troisième porte à gauche ! Et les douches c'est au milieu du couloir. A plus !
Adam agita joyeusement sa main et entra dans sa chambre, une porte recouverte d'un panneau stop se referma et Julian resta seul dans le couloir. Suivant les conseils du violoniste, il ouvrit la troisième porte à gauche. Il se figea sur le seuil.
Si l'apocalypse ressemblait à quelque chose, c'était à ça. La chambre était pourtant basique, un côté avec un bureau, puis une armoire puis un lit avec un commode à ses pieds et un autre côté avec une armoire, puis un bureau, puis un lit et enfin une commode contre le mur. Pourtant, on aurait dit qu'une mini tornade avait ravagé la pièce.
Julian avança d'un pas. Il était figé par la stupeur. Les vêtements étaient éparpillés partout, des livres de cours parsemaient toute la chambre entre des paquets de chips et des bouteilles de sodas. Une cinquantaine de photos recouvraient le lit et, au fond de la pièce, Marcus se débattait furieusement avec sa housse de couette.
Après un moment de complète hébétude, Julian explosa de rire et posa son sac sur son lit, de l'autre côté de la chambre.
_ Mec, tu fous quoi là ? C'est le premier soir et on dirait que ça fait trois mois que personnes n'a rien rangé.
Marcus se redressa en pestant et fusilla son colocataire du regard.
_ Garde tes commentaires Julian et aide-moi avec ce drap ou je vais commettre un meurtre !
Le jeune homme ne pipa mot mais un grand sourire barrait son visage lorsqu'il prêta main forte à son nouvel ami. En dix minutes le lit fut fait et Julian s'occupa de sa moitié de chambre. Il se sentait étrangement bien, loin de son père, il parvenait à concevoir une vie où sa famille ne serait pas déchirée. Il parvenait à se dire qu'avancer était possible. Or, lorsqu'il voyait son père complètement ivre pleurer à chaudes larmes, il ne se voyait pas d'avenir.
Il savait que, sans ses enfants, son père allait sombrer encore plus, mais, bien égoïstement, il s'en fichait. Pour la première fois depuis des mois, il respirait enfin.
Lorsqu'ils descendirent au réfectoire, leur chambre ressemblait enfin à une chambre même si Julian avait dû insister longuement pour que le grand blond range son bordel.
¤¤¤
_ Dites les gars, gronda Lucia en posant brusquement son plateau en face de Marcus, qui a eu l'audace de taguer ma valise ?
La jeune flûtiste pouvait paraître fragile avec ses longs cheveux bruns qui tombaient en grosses boucles dans son dos, ses lunettes rondes et sa silhouette fluette. Pourtant, ses yeux bleus étaient polaire et elle dévisageait froidement Marcus et Léo, un rugbyman turbulent aux yeux verts. Julian se fit tout petit à côté de la jeune fille pendant que les deux autres faisaient profil bas. Marcus passait machinalement sa langue sur son appareil dentaire et semblait fasciné par son assiette de pâtes. Léo se contenta pour sa part d'un sourire charmeur et d'un œillade suggestive qui attisa la colère de Lucia.
_ C'est ça, prenez moi pour une gourde mais vous allez le regretter ! Tous les deux ! Bien sûr, ça ne te concerne pas Julian, t'es arrivé aujourd'hui. Mais sache que ces deux lâches ont l'habitude de me faire une blague de mauvais goût à chaque rentrée scolaire.
Marcus émit un gloussement qui lui valut un lancer de pâtes sur le visage et il se tourna vers Julian.
_ A la rentrée de Pâques de l'année dernière, on a mis de la mousse à raser dans ses draps.
_ Oui et comme cette petite poupée est complètement machiavélique, renchérit Léo, elle nous a offert des cupcakes fourrés à la mousse à raser une semaine plus tard. Si c'est pas honteux !
La jeune fille explosa de rire et donna une bourrade à Julian qui ne savait pas trop où se mettre.
_ Ils l'avaient mérité. T'en fais pas, ajouta-t-elle en voyant son air égaré, tu vas vite t'intégrer, on mord pas et puis t'es un mec sympa !
Après le repas. Des surveillants firent circuler des tasses de chocolats chauds en pagaille. Chaque élève en prit une et Julian put voir sa sœur, entourée d'une bande de première. Il fut heureux de voir qu'elle aussi semblait avoir trouvé sa place. Un sourire attendri naquit sur ses lèvres lorsqu'il vit une jeune fille aux cheveux corbeau lui tendre une tasse fumante. Il se retourna vers ses propres amis.
_ Pourquoi du chocolat chaud ? demanda-t-il en soufflant sur sa boisson.
Léo haussa les épaules.
_ Tradition à Verlaine mec, lâcha-t-il nonchalamment. On s'y fait. Et puis avec la pratique ils sont super bons leur chocolats chauds !
Il avait raison. Même si Julian trouva le moyen de se brûler la langue.
¤¤¤
Julian lisait la biographie de Mozart, tranquillement installé sous sa couette en attendant le couvre-feu, lorsque Léo débarqua dans la chambre comme un boulet de canon. Ses cheveux bruns étaient en pagaille et il était vêtu uniquement d'un caleçon et d'un t-shirt trop large avec une écriture « J'aime les filles » sur le devant. Il haletait et Marcus leva les yeux de son téléphone et le regarda ahuri :
_ Elle arrive, souffla le nouveau venu.
Julian le regarda sans comprendre mais Marcus sauta hors de son lit et hurla :
_ Tous aux abris !
Julian comprit alors sa panique lorsque Lucia surgit dans son pyjama rose avec un vaporisateur à la main. Il se jeta derrière son lit mais la petite brune restait concentrée sur le basketteur et le rugbyman. Avec un hurlement de sioux, elle se jeta sur Léo en vaporisant un liquide rosé sur son t-shirt puis sur ses cheveux.
_ Marcus j'ai besoin de renfort !
Celui-ci faillit se faire la malle mais Julian l'attrapa par le bras et, hilare, lui lança :
_ Bats-toi si t'es un homme !
Puis, sous le regard effaré du garçon, il le projeta sur Lucia qui l'arrosa copieusement en riant aux éclats. La bataille dura encore un moment puis un surveillant déboula le regard noir et manqua de peu de recevoir le liquide rosé de la musicienne.
_ Mlle Blanchet, veuillez poser ce vaporisateur immédiatement, cria-t-il. Quant à vous messieurs Dufour et Devon, je tiens à vous signaler que nous ne sommes que le premier soir et je n'ai aucune envie d'avoir à gérer vos gamineries dès aujourd'hui. Monsieur Dobris, j'apprécierai pour votre part que vous ne laissiez pas ces garnements vous influencer !
Il semblait fou de rage et les trois garçons baissèrent piteusement la tête, dissimulant ainsi un sourire qui lui aurait certainement déplu. Lucia se contenta de murmurer un « pardon » innocent.
_ Je préfère ça, cracha le surveillant. Lucia, montez dans votre dortoir vous n'avez rien à faire ici, je passerai l'éponge sur votre comportement pour cette fois. Quant à vous messieurs, changez-vous et retournez dans vos lits. D'ailleurs, ajouta-t-il en regardant Marcus, je prendrai votre téléphone au passage monsieur Dufour, je vous rappelle qu'il devrait déjà être rendu.
Puis il quitta la pièce et les curieux attirés par les cris retournèrent dans leurs chambres. Marcus et Léo examinèrent leur vêtements poisseux qui leur moulaient le torse.
_ Je la déteste.
_ Tu le penses pas, gloussa Léo.
_ Non, admit son ami. Par contre Julian, je vais t'étrangler de mes mains ! Espèce de traître !
Celui-ci se contenta de rire avant de désigner son t-shirt :
_ C'est quoi ?
Léo lécha un bout du tissus et soupira :
_ Sirop de fraise. En plus, j'en ai plein les cheveux !
Les trois garçons se regardèrent puis explosèrent de rire. Julian se sentait bien.
Hello! Encore un nouveau chapitre haha, j'ai une question pour vous, j'ai l'impression que mes chapitres sont très longs, qu'en pensez-vous? Préféreriez-vous que je les divise en deux comme sur mon autre histoire ? (Il font actuellement 2300 mots environ, si je les divise il ferait entre 1000 et 1500 mots selon la découpe). Bref, dites-moi ce que vous préférez^^
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