SIX

Je grimpe l'échelle en bois.

Dans la cabane cachée sous les feuillages, se trouve déjà Dali. Elle est en train de fouiller comme une folle dans une sorte de coffre rose bonbon. Plusieurs vêtements colorés sont éparpillés au sol ainsi que des accessoires divers. Elle se retourne vers nous.

- Mais... qu'est-ce que tu fais? demande Émile, confus.

- Oh... je cherche des vêtements pour la soirée de vendredi! Je vais prendre des trucs bien colorés, les gens vont pas comprendre! Ça va être hilarant, explique-t-elle en riant doucement. D'ailleurs vous deux, un peu d'excentricité vous ferait pas de mal.

Je regarde Émile: il porte un jeans basique ainsi qu'un large pull gris dans lequel il flotte. Quant à moi, j'ai attrapé un T-shirt blanc et une veste en cuir. C'est vrai que l'on est pas très chatoyants mais je ne vois pas pourquoi on devrait l'être.

Dali ne semble pas de mon avis. Elle sort, triomphante, un boa jaune fluo qu'elle s'empresse de me mettre autour du coup. Pour Émile, elle déniche un ridicule chapeau bleu à paillettes.

C'est à ce moment là que Kian apparaît. Il à l'air surpris de notre accoutrement et je le comprends. Mais à peine est-il arrivé, que Dali lui balance un bandana rouge à la figure.

- Tiens Kian, mets ça!

Ce dernier s'exécute sans rien demander.

Dali, quant à elle, porte un large pancho à franges à motif fleuri ainsi qu'un bonnet rouge.

- Je vous préviens! Vendredi on se ramène tous comme ça! Et c'est pas une question.

Bon bah... C'est pas comme si on avait le choix je suppose. 


Pendant toute l'heure j'observe les objets variés et complètement loufoques qui traînent dans la cabane tandis que les autres parlent et rigolent. Bizarrement, il m'arrive aussi de me joindre à la conversation.  À la fin du temps imparti, nous retournons en cours.

Pendant tout le reste de la journée je ne suis vraiment pas concentré. Le soir, nous mangeons à la cantine et, au moment du couvre-feu, je retourne dans la chambre.

- Bonne nuit, murmure Kian. N'oubliez pas que demain y'a course!

Le lendemain après-midi, nous nous retrouvons à l'orée de la forêt, selon les instructions données par monsieur cheveux bleus. Il n'y a pas grand monde, nous somme seulement une dizaine lorsqu'il arrive.

Après un échauffement rapide, nous nous élançons entre les arbres. Le soleil chaud vient jetter faiblement ses rayons sur le sol et parmis les feuillages. Et la terre humide accueille nos pas et nos foulées. J'avance de plus en plus rapidement, comme la voiture rouge dans mon rêve. Je cours et mon torse se soulève au rythme de ma respiration.

Je vois Kian courir devant moi. Il est rapide, et ses pas sont presque rebondissants. Il me rappelle un lapin dans la forêt, ça me fais doucement sourire.

Mon énergie décuple et je cours encore plus vite. Je sens mon coeur battre si fort...

Je me rends alors compte que je suis devant tout le monde et c'est là que j'entends le bruit de leurs pas en arrière qui frappent le sol à intervalles réguliers. Je sens surtout mes poumons se remplir puis se vider et mon pouls s'accélérer. Je ressens également le soleil me caresser les joues parfois, et la légère brise qui accompagne mon effort physique.

Je ne pense plus à rien.

Puis mon corps me réclame grâce. Mon souffle n'en peut plus et se fait plus las tandis que mes côtes commencent à me faire mal. Je ralentis la cadence jusqu'à l'arrêt.

Je me retourne dans la forêt, et je vois que je suis seul au milieu des troncs et des branchages. J'ai donc couru si vite...

Je ne sais pas si je dois attendre les autres ou faire demi-tour pour les trouver.

J'opte pour la solution qui me demande le moins d'effort étant donné mon état de fatigue. Je m'approche donc d'un grand arbre et m'assied contre l'écorce brune.

Au bout de plusieurs minutes, mes yeux deviennent plus lourds et ils se ferment peu à peu.

Un bruit de frottement me tire de mon semi-sommeil. Je vois une chose qui bouge près de moi et je cligne des yeux pour mieux voir. Il s'agit de Kian qui est en train de se poser à côté de moi, je détourne immédiatement le regard.

- Oh... je t'ai réveillé, remarque-t-il calmement.

- Je ne dormais pas.

- Tu te reposais.

- J'avais les yeux fermés.

Je me tourne vers lui et je vois que c'est lui, désormais, qui ferme les yeux. Il a la tête un peu penchée en arrière si bien que sa pomme d'adam est en évidence. Il a l'air si serein, posé comme ça contre l'arbre avec ce sourire planté sur son visage. Je le regarde un moment, en silence. Puis je me lève d'un coup.

Il entend que je bouge alors il ouvre les yeux. Il me regarde et sourit.

Nous retournons en arrière, là où les autres doivent nous attendre. En effet, j'aperçois un petit groupe de personnes qui discutent. Lorsqu'ils remarquent Kian, toutes les têtes se tournent. Il est un peu leur berger, celui qui les guide. Moi, je suis le mouton noir. Celui qui est différent et qu'on laisse de côté sans trop y réfléchir. Celui qui n'a de berger que lui-même et qui avance, la tête haute. Je suis le petit cygne au milieu des canards. Pour autant, je ne me sens pas supérieur. Je ne méprise pas les autres, ils me sont juste indifférents.

Le groupe suit Kian qui se dirige vers les bâtiments du pensionnat.

Il ne fait pas tard, il doit être à peine dix-sept heures à en juger par le soleil encore vivant dans le ciel.

Je vais directement dans la chambre pour prendre une serviette et je vais à la salle de bain. Ici, elle est commune et j'entends donc le bruit de l'eau qui pleuviote sur le carelage. L'eau n'est pas chaude très longtemps ici, c'est pourquoi les élèves se rendent dans les douches le plus tôt possible.
Moi, je m'en fiche.

Une demi-heure plus tard, je retourne vers les chambres. Je marche dans les couloirs assez peu peuplés. À cette heure-ci, la plupart des gens font leurs devoirs ou sont dans la salle commune.

Je suis presque arrivé dans le couloir qui mène à ma chambre lorsque je vois quelqu'un planté au milieu, me bouchant le passage. Il s'agit de Kevin le taureau. Il se tient accoudé sur le mur avec un sourire qui n'a rien d'amical.

Mais je garde espoir qu'il ne me veut pas de mal. Je passe la tête rivée au sol, priant intérieurement pour que je me soit fait des idées.

Mais à peine suis-je à son niveau qu'il arrive avec force vers moi. Il me pousse avec violence contre le mur, tenant un bout de mon T-shirt dans son poing. Je fronçe les sourcils, et lui me lance un regard aiguisé.

- Ben alors! Toi et ton pote vous vous croyez intéressants?

Il crache ses paroles avec le plus de méchanceté qu'il peut puis me presse contre le mur encore plus.

- De... de quoi tu parle..?

Je n'arrive pas bien à parler, ma cage thoracique étant compressée par la force que Kevin y exerce.

- Ne fait pas le malin Charlie. Tu n'aura jamais Dali, elle m'appartient!

Il me lâche et je tombe au sol. Ma respiration revient petit à petit. J'ai bien envie d'aller refaire le portrait à ce con mais je sais que les conséquences n'en vaudraient pas la peine. Il est tout en muscle et surtout, il n'est pas du genre à se laisser faire.

Je me relève avec difficulté et avance les yeux dans le vide jusqu'à ma chambre.

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