NEUF

Le bus se balance en de petits sauts à chaque virage. J'ai réussi à me dégoter une place vers le fond, à côté d'une vieille dame qui sent la lavande. Un peu plus loin, j'aperçois Kian qui parle avec une fille et un garçon. J'espère vraiment qu'il ne m'a pas vu. J'essaie à tout prix de l'éviter, au moins jusqu'à lundi.

Il a bien essayé de me parler mais j'ai réussi à l'ignorer.

Il était arrivé dans la chambre assez tard dans la soirée et avait voulu me réveiller, sans doute pour me parler de ce qu'il s'était passé. Comme à mon habitude, j'ai fait semblant de dormir et tout s'est passé pour le mieux !

Et maintenant, je suis en direction de ma maison. Je ne pense à rien. Je regarde dans le vide mais mes yeux se posent instinctivement sur ces cheveux bleus si attrayants et mystérieux...

Quand le bus arrive à mon arrêt, je me relève lourdement et me pose sur le trottoir pour marcher jusqu'à la maison.

Jeanne m'attends sur la table du salon avec un grand sourire et un brownie encre fumant sur la table.

- Alors Charlie?? Tu nous a bien manqué mon chéri!!

Je viens lui faire un câlin.

Mon cœur cassé ne ressent rien à cette étreinte. Pour moi, ce sont juste deux corps qui se serrent...

Les seules personnes qui m'ont un jour vraiment manqué sont mes parents. Sinon, mon âme solitaire m'épargne cette souffrance : celle de ressentir des choses... Des fois je me dis que je suis comme mort à l'intérieur. Mais une petite lueur brille toujours faiblement et elle me tient en vie.

En observant ce sourire chez Jeanne, ma mère adoptive depuis un an, je me demande ce que ça fait d'avoir encore des sentiments. De réels sentiments qui brûlent dans ta poitrine...

Je tords ma bouche en un petit sourire qui se veut bienveillant.

Gordon arrive alors. Il s'arrête en me voyant. Il s'approche et m'offre un gros sourire accueillant.

Jeanne coupe une part du gâteau et m'en tend un morceau dans une assiette en carton.

Je n'ai pas faim.

Mais je mange quand même la moitie.

- Alors? me demande Gordon. Tu as des bons profs?

- Moui ça peut aller...
Il fronce les sourcils. Je sais ce qu'il pense. Qu'il faut que j'aie mon bac cette fois-ci. Il sait bien qu'avec l'accident de mes parents l'année dernière je n'avais pas trop la tête à ça. J'ai vécu une horrible dépression -d'ailleurs est-ce que j'en suis vraiment sorti ?-.

- Et tu t'es fait des amis? me demande Jeanne, soucieuse de ma vie sociale.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un sourire : malgré les problèmes, je suis content d'avoir ces personnes dans ma vie...

Après avoir répondu à l'interrogatoire de Jeanne, je vais dans ma chambre.

Je passe tout le week-end chez moi à faire mes devoirs et à écouter de la musique et à regarder des films.

Le lundi matin je prends mon bus jusqu'à l'internat.

- Salut! me lance une voix enjouée derrière moi.

Je me retourne, prêt à remballer la personne qui s'interpose entre moi et mes écouteurs. Mais il s'agit en fait de Kian. Décidément il est partout...

Je le salue sans trop de conviction et retourne vite à ma musique.

- Tu as passé un bon week-end?

- Hummm... bah j'ai rien fait de spécial...

Il fronce les sourcils.

- On va devoir remédier à ça! Tu aimes le rock?

Je hoche la tête. C'est ce que j'écoute en ce moment mais je ne comprends pas vraiment le rapport.

- Samedi prochain je vais à un festival avec Dali, tu dois venir!

Je hausse les épaules. Pourquoi pas après tout? Je n'ai rien à perdre.

Une fois arrivés au lycée nous nous dirigeons vers le bâtiment des dortoirs pour y déposer nos affaires. Émile est déjà dans la chambre. Quand il nous voit, un sourire illumine son visage et il nous saute dessus, manquant de me faire tomber à la renverse.

- Ça fait longtemps! crie le blond en se reculant un peu pour nous laisser de l'espace.

- Émile ça fait seulement deux jours! Réponds-je en riant un peu.

- Oui mais toi, dit-il en me pointant du doigt, tu t'es dégonflé vendredi soir et quand on est revenus à la chambre tu dormais déjà comme un bébé.

Je regarde furtivement Kian qui n'a pas l'air de se souvenir d'un quelconque... rapprochement. Il est même en train de froncer les sourcils comme pour attendre une réponse de ma part. Après tout peut-être que pour lui ce n'était rien du tout cette danse collés l'un contre l'autre ou peut-être qu'il a tout oublié... D'un côté ça m'arrangerais qu'il ne se souvienne de rien...

-J'étais fatigué...

Émile, d'un haussement d'épaule accompagné d'un petit sourire , balaye cette conversation.

- On y va? propose Kian en se dirigeant vers la porte.

Nous le suivons et allons vers les salles de cours.

Les professeurs, eux, n'ont pas l'air aussi contents de nous revoir. Il faut dire que notre classe n'est pas la plus calme. En fait c'est la plus agitée. Kevin est dans mon cours d'anglais ce qui aggrave les choses. Et quand ce n'est pas lui, c'est Logan qui s'amuse à mettre les professeurs à bout.

Pour ma part, je reste discret. Je n'écoute pas particulièrement mais je ne me fais pas remarquer.

À midi nous allons au self pour déjeuner quand une personne arrive en courant vers nous. Bien sûr, il s'agit de Dali qui galope dans notre direction, les bras ouverts en gueulant comme une furie.

-J'ai tellement faiiiim! crie-t-elle en tirant le bras de Kian en direction de la cantine.

Arrivés à notre table nous bous asseyons. Je vois que Dali m'ignore un peu. Elle prend ses distances. .

Il faudra que je lui parle...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top