DEUX

Lundi

Ma valise est prête. J'ai réussi à tout caser dedans. Je ne prends que le strict nécessaire. Je la pose dans le salon et m'assied à la table. Il me reste un peu de temps avant de partir. Je vois le bol et les tartines devant moi.

Je prends une tartine et la mange sans grande envie. Simplement pour envoyer un message: celui que je fais des efforts.

- Alors Charlie? Prêt pour ton vrai premier jour, me demande la même voix aiguë qu'hier.

Je hoche la tête, la bouche encore remplie de miel.

- Tu veut que je t'accompagne? Ma voiture n'est pas garée loin...

C'est en prononçant sa phrase qu'elle se rend compte de son erreur. Elle ecquarquille les yeux et murmure un "Désolée Charlie", qui me fait un peu mal au coeur.

Je décide de partir directement et me dirige vers l'arrêt de bus. Je ne pense pas pouvoir prendre un jour la voiture. Ou alors dans très longtemps. Ça fait un an que cette phobie me hante. Ça fait un an que....

Le bus débarque et je m'y engouffre.

Une fois arrivé au lycée, on nous dit de d'abord déposer nos affaires dans nos chambres. Je ne suis pas stressé à propos de ça: je m'en fiche bien des personnes avec qui je partagerais ma chambre tant qu'ils ne m'embêtent pas. Les groupes commencent déjà à se  forment devant moi. On doit être quatre par chambrée. Je suis seul pour l'instant mais je sais qu'on finira par me refiler à des gens. Je sais me faire discret, en fait, c'est pour moi un mode de vie. Certains me regardent avec peine.  Je ne veux pas de leur pitié, qu'ils la gardent!

La prof me dévisage, en haussant un sourcil. Pourquoi il n'est avec personne? Doit-elle se demander. Je lui souris. Je sais ce qu'elle va faire, ça ne me plais pas mais c'est un peu obligé.

- Il nous faut un groupe pour ce jeune homme! annonce-t-elle à voix haute.

Je soupire, je ne m'étais pas trompé.

- Charlie, je grommelle, pour lui indiquer que j'ai bien un prénom.

- Pas de problème, il peut venir avec nous!

Je me retourne. D'habitude, j'attends pendant un silence gênant jusqu'à ce que les profs me mettent dans un groupe au hasard. Voir leurs têtes dégoutée me fait rire intérieurement d'habitude. Mais là, ce n'est pas ce qui se passe. Qui a bien pu faire entorse à la règle cette fois-ci?

Bien sûr, c'est Kian que je vois. Ce gars fait décidemment une fixette sur moi. Il veut probablement devenir mon ami, je ne sais pas pourquoi...

.

La chambre est assez spacieuse et possède donc quatre lit disposés à chaque coin. Autour de ces lit, il y a des tringles au mur pour tirer un rideau. Un peu d'intimité ne fait pas de mal.

J'observe les trois autres garçons avec qui je devrait vivre toute l'année.

Il y a bien sûr Kian qui se démarque avec ses cheveux couleur océan et sa bonne humeur infondée. Il y a aussi un autre garçon, plus petit à l'air enfantin et innocent. Il est blond et a de grands yeux bleus. Il parle avec un brun qui a de grandes cernes et une voix rauque. Il a plus que tout l'air d'un fumeur mais son sourire lui donne un air gentil.

- Bienvenue chez toi, Charlie! annonce Kian en tendant les bras autour de lui.

Je ne peux m'empêcher de sourire. Chez moi? Je n'espère pas me sentir chez moi mais au moins me sentir bien. Je ne pense pas me sentir chez moi nulle part depuis l'accident de toute  façon.

- Moi c'est Émile! s'exclame le petit blond en plissant les yeux.

Je le salut et me tourne vers celui qui est posé sur son lit. Il me fixe de ses pupilles noires encre puis se présente.

- Je m'appelle Logan.

Je regarde ma montre: il est dix heures et nous avons une journée d'intégration à finir. Jusqu'à midi, on peut se mettre à l'aise dans la chambre et se familiariser avec nos camarades.

Alors que je m'apprêtais à sortir mes vêtements de ma valise, je sens une main sur mon épaule. Je me retourne, alerté.

- Viens, on doit te montrer un truc, s'exclame Logan en me tirant en arrière.

Je ne comprends rien alors que nous déambulons dans les couloirs. Je regarde dans tous les sens.

- On va où? Je crie aux autres, tout en marchant avec eux d'un pas rapide.

Je prends alors peur qu'il s'agisse d'un bizutage ou d'une sorte de rituel dans le genre pour les nouveaux. Ce genre de pratique ne m'amuse pas du tout.

- Tu verras!

Logan continue à courir devant moi et je les suit bien que je pourrais m'enfuir. Je suis quand même un peu curieux.

Nous arrivons vers la porte d'entrée et Kian l'ouvre en grand. Nous marchons alors dehors. Il fait un temps assez ensoleillé et l'herbe bien verte nous file sous les pieds. Nous nous dirigeons vers la forêt qui borde les alentours.

Et là, au beau milieu des sapins et des feuilles, je vois une cabane en bois tagée de toutes parts à coup de blanco. Elle est en hauteur et n'est donc pas trop visible. Pourtant, sur le tronc, des bouts de bois sont plantés afin de pouvoir y grimper.

Je questionne les trois autres du regard et Émile hausse les épaules avant de s'elancer sur l'arbre. Il grimpe alors les échelons de bois, vite suivi de Kian. Seul reste Logan qui me regarde avec méfiance et marche jusqu'à l'arbre.

Une fois arrivé tout en haut, j'y découvre une cabane assez petite mais où l'on peut tenir au moins à quinze si on se sert un peu. Il y a un peu de tout ici: allant de photos collées aux murs à des ours en peluche, en passant par un drapeau du Portugal. Mais ce que veulent me montrer les garçons se trouve apparemment dans une petite commode posée dans un coin. Émile l'ouvre et en sort des bouteilles d'alcool diverses ainsi que des cigarettes, des joints. Je hausse un sourcil.

- Si tu crois que je vais accepter de fumer ça juste pour m'intégrer, tu te fous le doigt dans l'oeil.

Il y a un silence.
Puis Logan se met à rire de sa voix rauque et grave.

- Mon gars, on t'oblige à rien! C'est juste un petit tuyau, une info pratique, si tu veux. Ici, on stocke tout ce qui interdit. On est les seuls a connaître l'endroit et les autres ne sont au courant de rien.

J'observe les deux autres. Ils n'ont pas l'air de criminels mais plutôt de bisounours au pays des pâquerettes. D'ailleurs, Kian a ramassé un collier en fleur et le porte sur ses cheveux bleus. Émile lève les mains, comme pour prouver son innocence.

- Moi je fais rien. C'est Logan le dealer! Kian et moi on ne fait rien de mal.

Tout d'un coup, j'entends des bruits en bas. Rapidement, une tête apparaît, une tête féminine.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top