Quand Elle s'en mêle...

  Claudia n’arrivait plus à bouger. Elle n’arrivait plus à penser. Elle n’arrivait plus à supporter une douleur qui n’était pas la sienne. Elle se fichait de l'ombre qui engloutissait le meurtrier de son père,  des cinq silhouettes disparaissant dans ces ténèbres. Elle ne voyait que du rouge.

      Lorsqu’elle retrouva ses esprits, elle se mit à genoux aux côtés de son ami et contempla, impuissante, le sang qui coulait le long de ses doigts.

-Qui l'eut cru, ricana doucement le noble en caressant la joue de la jeune femme. La Mort en train de mourir... Je me demande à quoi ressemble le repos éternel...ça doit être mortel...
 
-Ce n’est pas le moment de plaisanter ! hurla-t-elle en laissant les larmes couler. Tu es en train de mourir !

-Sans blague...Au moins, tu n’auras plus de raison d’avoir peur...

-Arrêtes de dire n'importe quoi ! s'emporta-t-elle dans une nouvelle crise de sanglots. Comment pourrais-je avoir peur de toi ! Je t'aime !

   Avec un sourire bienveillant, le noble attira son visage plus près du sien et essuya les larmes qui le perlaient.

-Et moi plus encore...

   Elle lui laissa à peine le temps de finir sa phrase qu'elle l’embrassa passionnément, incapable de cacher plus longuement ces sentiments qu'elle niait depuis des jours. Il lui rendit son baiser, et plus encore sa passion, qu'il ressentait jusqu'au plus profond de son âme. Puis leurs lèvres se séparèrent, et Adrian contempla le visage de sa bien-aimée. La dernière chose qu'il vit avant de se perdre dans les ténèbres fut ses grands yeux bleus étincelant de larmes.

      À quelques pas d'eux, une silhouette mince et élancée drapée d'une longue cape noire s’avança.

-Enfin je te retrouve, soupira la Mort, faisant sursauter Claudia. Je commençais à perdre patience, Adrian.

   Elle s’approcha encore un peu et dévisagea froidement Son serviteur.

-Moi qui pensait que tu m’obéirais mieux que les autres, j’aurais mieux fait de te laisser errer sur Terre en tant que fantôme. Prendre ta soeur et te pousser au suicide était assez simple mais tu avais abandonné ta loyauté chez les vivants.

-Que lui avez-vous fait ? demanda Claudia d'une voix éteinte.

-Chaque humain mettant fin à ses jours ne mérite pas le repos éternel, expliqua-t-Elle en souriant cruellement. De part cette Loi, je dispose de l'âme de cet humain et il devient alors le serviteur de la Mort, récupérant mes âmes jours après jours. Mais, comme si sa condition de damné ne lui suffisait pas, il m’a désobéit et je l'ai traqué depuis plusieurs siècles. Tout ça pour finir tuer par un vulgaire humain avec sa propre Faux.

    Elle éclata de rire et dévisagea la jeune femme qui se relevait péniblement et haussa un sourcil, comme frappée d'un détail.

-Qui êtes-vous ? Je...

    Claudia ne l’avait pas laissé continuer. Elle lui avait administré une gifle monumentale. Choquée, la Mort resta un instant figée avant que Son visage blafard ne se colore du rouge de la colère.

-Comment une simple humaine ose...

-Je me fiche bien de qui vous êtes ! enragea la jeune femme en La défiant du regard. Si vous aimez jouer avec les sentiments et les âmes comme vous le faites, alors vous ne valez pas mieux que Cédric. Un humain. Vous me dégoûtez.

   Sa voix se fit chevrotante et elle laissa quelques larmes couler, incapable de les retenir plus longtemps.

-Vous méprisiez Adrian mais il était bien plus digne que vous ! Il avait du respect pour les autres, il savait aimer ! Il aimait sa soeur, que vous lui avez lâchement arrachés ! Il aimait ses domestiques même s’il n’en laissait rien paraître ! Sa soeur l'aimait, Mey, Hannah, Claude, Loukas, Sebastian l’aimaient ! Je l'aimais ! Alors il est hors de question que je vous laisse arriver ici pour salir son nom et sa mémoire !

-Tsss...siffla la Mort. Personne ne peut aimer quelqu'un comme vous le dites. Que seriez-vous réellement prête à faire pour lui, pour un traître de son espèce ?

   La jeune femme garda son calme et, impassible, ramassa la Faux argentée pour la Lui tendre. La Mort la prit, sans comprendre, et Claudia releva la lame jusque sous sa gorge avec un air de défi.

-Je vendrais mon âme pour le revoir ne serait-ce que quelques instants. Alors allez-y. Tuez-moi.

   Pendant un instant, la Mort se surprit à douter. Douter de Ses choix, passés et futurs. Douter d’Elle. Douter de Sa propre existence. En face d’Elle, Claudia la regardait, impassible, attendant le jugement qui allait être rendu. Dans ses yeux se lisait toute la détermination de son âme, forte et inébranlable.

     Alors la Mort sut.

    Elle sut qu’Elle ne ferait pas changer cette humaine d’avis, qu’Elle allait prendre leurs deux âmes mais pourquoi donc ? Pour un de Ses caprices ? Pour Son plaisir ? Pour...rien ?

   Avec un soupir agacé qui masquait mal Son embarras, Elle retira la Faux de sous la gorge de la jeune femme et la lui rendit.

-La chasse était trop courte, railla-t-Elle en s'approchant du corps d’Adrian et en posant Sa main sur son coeur. Nous verrons bien dans quelques siècles si je suis toujours aussi vexée.

   Le noble ouvrit soudainement les yeux et se redressa. En apercevant la Mort, il eut une grimace.

-Oh...Euh...Bonsoir ?...

-Tu peux dire merci à ton humaine, ricana-t-Elle. Elle t’a sauvé la vie, si je puis dire.

-Et tu as accepté ?!

   Devant Sa mine boudeuse, Adrian ne put se retenir plus longtemps et éclata de rire. Claudia se pencha vers lui et l’embrassa à pleine bouche, l’interrompant et le faisant sourire de plaisir.

-Oui bon...bougonna la Mort. Moi je m’en vais. Profite bien de ton sursis, Adrian.

-Oh ne t'inquiète pas pour ça, murmura le Faucheur en plongeant son regard dans celui de sa belle.

   Mais déjà la silhouette avait disparu. Le noble, aidée de la jeune femme, se releva calmement avant de l’enlacer. Puis, en traître, il lui enleva le ruban bleu qu'elle avait dans les cheveux et carressa ses longues mèches bleutées.

-Tu es vraiment parfaite...

-A-arrêtes ! rougit la jeune femme en bégaillant. Je-je ne suis p-pas une lady...

-Si...you are my fair lady...

   Il l’embrassa encore. Elle le lui rendit. Puis elle se défit lentement de son étreinte et lui posa la questions qui lui brûlait les lèvres.

-Où sont passés les domestiques ? Et Cédric ?

-Tu veux vraiment le savoir ? la nargua Adrian.

-Pourquoi je demanderais sinon ?

-Il sont en Enfer.

-Et c’est comment l’Enfer ? 

-C’est chaud !

   Il rit de bon coeur tandis que la jeune femme se mordait les lèvres pour ne pas en faire autant. Une fois calmé, il lui prit la main et l'entraîna dans sa chambre.

-Ils en ont pour un moment alors on pourrait peut-être...profiter, sussura-t-il en la plaquant sur le lit.

-Tu lis dans mes pensées...sourit-elle en l’embrassant.

  FIN

  

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