Memento mori

Je ne sais plus comment on m'appelait avant que les gens d'Atlantica me surnomment Undertaker. Ou plutôt je n'ai pas envie de m'en souvenir. Ce n'est rien de plus qu'un nom après tout. En revanche, il y en a un que je n'oublierai jamais. Celui de Vincent Phantomhive.

Je n'avais jamais aimé la compagnie des autres. Les sourires de façades que je gardais tous les jours étaient plus pour cacher ma peine plus que pour paraître joyeux. Mais curieusement, ce jour-là, je me sentais seul. Alors j'avais été à la surface et j'avais contemplé l'océan toute la journée, assis sur un rocher, en pensant que ça m'aiderai à oublier.

Mais à oublier quoi ? Que j'étais différent ? Je ne pensais pas comme les gens '' normaux '', je ne m'intéressais pas aux même choses qu'eux. Ils avaient peur de moi. Ma seule amie, c'était la solitude. Mais, ce jour-là, j'ai rencontré Vincent. À l'époque il devait avoir une vingtaine d'années, il était svelte et grand et son regard était plus bleu que la mer, brillant de bienveillance. Il était allé se promener sur la plage et je ne l'avais pas vu arriver, perdu dans mes pensées. Lorsqu'il m'a adressé la parole, j'ai sursauté.

-Bonjour ! fit-il d'une voix amicale en me souriant. Vous êtes seul ?

Je ne disais rien et le regardais fixement, abasourdi.

-Je...je...

Je n'arrivais plus à articuler une phrase. Soudain, il aperçut mes tentacules et ouvrit de grands yeux ronds. J'allais repartir, certain de l'avoir effrayé, mais il me retint par le bras.

-Attendez ! Je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Vincent Phantomhive. Et vous ?

Je ne sais pas pourquoi mais j'avais du mal à respirer, mon coeur battait trop vite. Alors je murmurais du bout des lèvres :

-Undertaker...

Puis je repartis chez moi et tentais de trouver le sommeil en oubliant Vincent. Mais cette rencontre m'avais troublé plus que je ne l'aurais pensé.

Le lendemain je suis revenu sur la plage et je l'ai revu. Il était assis et lisait un livre. Lorsqu'il m'a aperçut, il m'a sourit. Alors je me suis approché et on a commencé à parler. Je lui parlais d'Atlantica, des sirènes et de la mer et il me parlait des humains et de la terre. La journée passa à une vitesse folle. Mais avant de retourner chez nous, nous nous sommes promis de nous revoir les jours suivants. Et ce contact dura cinq ans.

Un jour, An donnait une fête pour l'anniversaire d'une de ses filles, Sarivan. J'étais très surpris d'y être invité. Mais j'y allais quand même, le coeur léger. Pour une fois, le sourire ne cachait rien, ni peine ni douleur. Forcément, les autres invités me dévisageaient avec crainte. Alors je suis resté dans un coin, à attendre. An fut la seule à venir me parler.

-Tu as l'air heureux ce soir ! constata-t-elle.

-Oui, je crois que je ne me suis jamais senti aussi bien !

-Je peux en connaître la raison ?

-Une rencontre improbable.

Je ne m'étendais pas sur le sujet, sachant pertinemment que les humains et les êtres marins n'étaient pas censés entretenir de contact ensemble. Au diable sa loi idiote ! Elle s'éloigna avec un sourire et la fête reprit.

Le lendemain, je remontais à la surface pour revoir Vincent. Nous avons parlé encore et encore et c'est là qu'il m'apprit la nouvelle.

-Je dois partir pour un voyage important, commença-t-il avec un soupir. Je pars en bateau demain et je ne reviendrais pas avant un bon mois. Désolé de devoir te laisser.

Je mis un moment pour digérer la nouvelle. Mais je l'acceptais quand même et essayais de faire bonne figure.

-C'est ainsi ne sois pas désolé. J'attendrai ton retour.

-D'accord, sourit-il tristement. On se retrouvera dans un mois.

Nous avons ris ensemble une dernière fois et nous nous sommes séparés, conscients que l'attente serait longue. Mais ce que nous ignorions, c'était que nous nous voyions pour la dernière fois.


Ce matin-là, j'avais le coeur plus lourd qu'une pierre. J'avais regardé le bateau s'éloigner sans dire un mot. Un mois sans pouvoir parler de tout et n'importe quoi avec quelqu'un qui me comprenait... Ça allait être long ! La journée était déjà bien avancée lorsque mon regard se posa sur l'horizon. De gros nuages sombres et quelques coups de tonnerre parsemaient le ciel. Une tempête.

-Je t'en supplie, An !

-Pour sauver un humain ? Tu es devenu complètement fou !

Je lui avais avoué. Cette tempête était puissante et le pauvre navire tangueait fortement, les vagues s'écrasaient sur le pont. Le mat s'était brisé et le bateau se dirigeait vers les récifs. Je ne pouvais rien faire, alors je me suis résolu à en parler à An. Mais elle ne comprenait pas.

-An, tu as le pouvoir d'empêcher des gens de mourir ! Je t'en prie c'est un gamin !

-C'est un humain ! Pourquoi devrais-je sauver la vie de ces êtres ? Ils ne sont pas attachés à la mer, mais à la terre. Eux et nous sommes différents. Et intervenir contre les éléments est contre-nature.

Je la regardais une dernière fois avec un regard rempli de haine. Rien ne la ferait plier. Je suis parti...mais tout ce que j'ai pu faire, c'est regarder, impuissant, la coque s'éventrer sur la roche, les marins s'affoler et le navire couler. Mon coeur cessa de battre à l'instant où je vis une silhouette se laisser emporter sous l'eau et je plongeais à mon tour.

Je pensais savoir ce qu'était la tristesse et la douleur mais perdre un être cher, je ne savais pas à quel point ça faisait mal. J'aurais voulu mourir aussi, ne plus ressentir cette douleur et cette peine, ne plus me sentir seul... Mais mes larmes se perdirent dans l'océan sans que personne ne puisse les voir.


La Lanterne s'accéléra et Grell vit défiler les années, jusqu'à revoir les souvenirs les plus récents. Puis elle disparut. Undertaker leva une dernière fois les yeux vers la rouquine et lui fit un petit sourire. Alors il ferma les yeux et tout fut terminé.

-Grell !

Ronald arriva en nageant rapidement vers elle, la poupée s'étant effondrée sur le plancher. Mais la sirène écarlate ne sembla pas l'entendre. Lorsqu'elle se tourna vos lui, les larmes coulaient abondamment sur ses joues et elle se jeta dans ses bras. Le blond fut désarçonné et l'enlaça pour la calmer.

-Calme-toi...c'est terminé...

Elle sursauta et se dégagea brusquement. Sa mère était devant elle et avait retrouvé ses esprits. Elle s'avança vers sa fille, soulagée qu'elle n'ait rien mais cette dernière la gifla violemment. Puis elle se dirigea vers Sebastian qui se relevait péniblement mais indemne. Elle l'aida à se remettre debout avant de s'adresser à sa mère d'une voix froide et tranchante.

-Explique-moi pourquoi.

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