Flammes de désir

  Ce qui réveilla la jeune femme au matin fut le petit cri poussé par la chouette, qui attendait sur le dossier du fauteuil. Elle se redressa et, tout en maudissant sa nuque endolorie, décrocha le message de la patte de l’animal. Son père lui avait répondu. Tout en lisant, elle remonta dans sa chambre avec l’intention d’aller prendre un bain avant son petit-déjeuné. L'eau, apportée quelques minutes plus tôt par Hannah et Mey-Lin, était chaude à souhait.

     Tout en s'y glissant, Claudia termina sa lecture. Son père allait bien, il était chez eux et tentait de retrouver '' la route vers ce maudit château '' d’après ses mots. Avec un petit sourire, elle posa la lettre et acheva de détendre ses muscles endoloris. Lorsque l’eau commença à refroidir, elle sortit, se sècha et, debout devant l’armoire, enfila une robe bleu azur. Sa couleur préférée. Puis elle descendit pour le repas. Lorsque les deux majordomes la virent commencer à s’installer à la table et la saluèrent poliment, avec un sourire pour Sebastian, sans pour Claude.

-J’ose espérer que Loukas ne vous a pas embêté hier soir, déclara le majordome aux yeux ambrés, toujours aussi stoïque.

-Non, répondit la jeune femme en prenant une viennoiserie. Il est adorable ! Et si joyeux, vous devriez essayer de sourire un peu Claude, vous seriez détendu ! 

    Sebastian pouffa d’un rire discret tandis que Claude ne releva pas la pique.

-Mademoiselle a raison, Claude, rigola Hannah en apportant du lait chaud. Tu es trop froid envers les autres.

-Je fais mon travail, répliqua le concerné. C'est tout.

    Mey-Lin arriva avec l'intention d'aller ranger les assiettes qu'elle portait mais elle trébucha en marchant sur son lacet mal noué. Le service de porcelaine vola dans les airs...avant d'être rattrapé par Claude tandis que la femme de chambre se retrouvait dans les bras de Sebastian. Surprise et confuse, Mey-Lin rougit comme une tomate lorsque le majordome aux yeux carmin lui sussura quelques mots à l'oreille.

-Vous allez bien ? s’enquit Claudia, inquiète.

-Oui...Oui. Veuillez me pardonner ma maladresse.

-Tant que vous allez bien, c’est le principal.

     Le repas reprit et, une fois son petit-déjeuné avalé, la jeune femme profita de la belle journée pour retourner se promener dans les jardins. Elle avait gardé en tête le petit bosquet couvert de roses et sa spiritualité. Elle s'y rendit donc mais resta un peu en retrait en voyant Adrian assis sur un banc, en train de lire à voix haute. Puis il s’arrêta et fit la conversation à la statue.

-Je ne sais pas quoi penser, Lily. C’est très étrange...J’aimerais tellement que tu sois là pour m'aider. Je voudrais tellement entendre ta voix encore une fois...

    Il se tut et regarda dans la direction de la jeune femme. Un peu honteuse de l’espionner ainsi, elle s’apprêtait à repartir lorsqu'il la retint doucement par le bras. 

-Vous...rougit-il en baissant la tête. Vous avez entendu ?

-Je n’ai pas saisi le sens de votre...conversation, expliqua Claudia, sincère et gênée. Je ne voulais pas vous déranger.

-Vous ne me dérangez pas, vous pouvez rester...

   Galament, il la fit asseoir sur le banc. Elle n'osa pas prononcé un mot et un silence pesant s'installa entre eux, seulement troublé par le gazouillis des oiseaux.

-Cette femme représentée sur la statue, commença-t-elle au bout d'un moment, c’est...

-C’était ma soeur...

    La jeune femme comprit tout de suite.

-Je suis désolée...

-Oh vous n’avez pas à l’être, la rassura Adrian. C’était il y a longtemps... Elle était toujours souriante, toujours joyeuse, elle était la lumière d'une vie morne...Mais elle avait une santé fragile. Quand elle est morte, je n’avais plus personne...

    Il tourna la tête vers elle et sourit tristement.

-Elle était comme vous, elle aimait lire. Alors je viens ici tous les jours et je lui fais la lecture. Vous devez trouver ça bête mais...ça me permet de...

-vous évader dans un autre temps.

    Il se tut un moment et regarda la jeune femme. Claudia, qui commençait à grelotter, cala ses jambes contre sa poitrine, laissant sa longue robe descendre le long de ses chevilles.

-Ma mère était pareil... murmura-t-elle en se remémorant le passé. Elle aimait beaucoup me conter des histoires qu’elle inventait juste pour moi. Elle voyait toujours le bon en chacun de nous et elle disait que l’on ne choisissait que deux choses dans la vie : notre façon de la mener et le souvenir qu’on laisse à ceux que nous aimons. J'ai toujours vécu ma vie comme je l’entendais et depuis sa disparition, je vis seule avec mon père. Il est ma seule famille...

    La neige se remit à tomber et Claudia grelota de plus bel.

-Vous devriez rentrer, proposa Adrian en se levant. Vous allez finir par attraper froid.

-Je suis d'accord, approuva la jeune femme. Vous m’accompagnez ?

    Mal à l’aise, il accepta néanmoins avec un sourire et la ramena au château.

     ******

    Les semaine passèrent et la jeune femme apprit à apprécier la compagnie de son hôte si particulier. Il se montrait plus souvent et, même s’il ne partageait pas ses repas, ils trouvaient de nombreuses occasions de discuter et ils plaisantaient souvent. Claudia n'oubliait pas d’écrire à son père mais elle n’avait pas précisé qu’Adrian était la bête qui l’avait mis à la porte. Elle lui parlait des domestiques et rajoutait toujours quelques anecdotes amusantes. Il continuait de demander de ses nouvelles et de l’informer de la situations au village. Personne ne la cherchait, mis à part Cédric, mais son père ne disait rien et gardait leurs lettres secrètes. Tant mieux ! Elle avait enfin trouvé quelqu’un qui la comprenait...et...un peu plus ?...

    Après avoir de nouveau accroché la lettre à la patte de la chouette, Claudia la fit s'envoler par la rentre de sa chambre et la regarda s'envoler dans la nuit. Puis elle descendit pour le dîner.

    ~~~

   Tanaka rentrait chez lui après avoir acheté du papier et de l'encre ainsi que plusieurs plumes d'oie. Sa fille avait promis de lui envoyer une lettre ce soir alors il ouvrit la fenêtre et attendit l’arrivée de l’animal...

~~~

    De l'autre côté du village, en bordure de la forêt, Cédric avait pris un are avec la ferme intention de chasser pour se calmer. Il en avait plus qu’assez ! Cela faisait plusieurs semaines de Claudia avait disparu et son père agissait comme si elle allait bien alors qu’il avait parlé d'un monstre dès sa rentrée au village. Mais où était donc la vérité dans cette histoire ?! Sur les nerfs, alors que le premier oiseau fendait la nuit, il arma son arme et lâcha la flèche qui atteint sa cible au coeur. L’animal tomba un peu plus loin et le jeune homme, une fois devant sa proie, fut sur pis de voir une magnifique chouette harfang. Sa surprise ne fit que redoubler lorsqu'il aperçut un petit message accroché à sa patte. Mais la colère monta en lui lorsqu'il en lut le contenu.

                      Papa,

       j’espère d'abord que tu vas bien, même si je me doute de la réponse. Je n’arrive pas à croire que le libraire ait mis la clé sous la porte. C’est incroyable que personne n’ait rien fait ! Je me demande même si ce village sait lire !

    Ici, Sebastian est en mauvaise posture : Claude a découvert que Mey et lui étaient amoureux ! Mais pour avoir la paix, ils lui rappellent qu’Hannah a besoin de lui et il court pour y aller. Je crois qu'il l’aime aussi, bien qu’il n'en laisse rien paraître. Adrian est de moins en moins timide, mais il fait beaucoup de cachotteries ces derniers temps... C'est étrange de passer mon anniversaire loin de toi. Cette journée était plus morne que d’habitude mais j’espère quand même que tu me pardonneras mon absence. Je ne veux pas les laisser seuls...Je ne veux pas le laisser seul...Est-ce normal de ressentir ce genre de sentiments envers quelqu’un ?  S'il te plaît,  reponds-moi vite,

                                                                                                                                                             Claudia.

    Cet imbécile de marchand savait où se cachait sa fille et il se taisait ?! À mainte reprises, Cédric l’avait questionné et il avait toujours dis qu’il ne savait pas, qu'il ne se souvenait pas ! Et elle était en compagnie d'un autre homme apparemment... D'un pas rageur, il se dirigea vers la demeure du vieil homme, un peu en retrait du village, abandonnant le cadavre de la chouette. Il allait voir ce qu'il en coûtait de se moquer des Rosewood.

  ~~~

    Tanaka ne comprenait pas pourquoi la chouette n’était pas là. Il sursauta violemment lorsque quelqu’un frappa à sa porte. C’était étrange,  personne ne venait jamais le voir. Mais lorsqu’il enleva le verrou, il se retrouva plaqué contre le mur.

-Sale menteur ! hurla Cédric, sa voix couverte de haine. Tu sais où ta fille se cache !

   Il lui présenta la lettre et le marchand eut un sourire.

-Et alors ?

-On ne se moque pas de moi impunément, vieil homme ! Dis-moi où elle se trouve !

-Tu n’auras jamais son coeur Cedric, ricanant le marchand sans se départir de son calme. Qu’espère-tu à la fin ? Tu ne l'aime même pas.

     Tanaka eut un hoquet de surprise en sentant la lame froide plonger entre ses côtes et atteindre son coeur. Le chasseur retira sa digue d'un geste agacé et lâcha le marchand qui s'écroula à terre.

-C'est vrai, je ne l'aime pas. Mais je la désir. Et j'obtiens toujours ce que je désire.

   Laissant là le pauvre homme agonisant, il prit une bougie allumée et fit courir la flamme le long des rideaux, jusqu'à ce que les poutres prennent feu. Puis il sortit et se dirigea vers la forêt pour reprendre sa partie de chasse interrompu, laissant la petite maison douillette se transformer en un brasier qui tentait le ciel de rouge...

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