10 - L'obscure clarté du cliché

Ah bah oui ! Me revoilà avec les clichés. Je vous avais prévenus d'un autre côté, je ne vous prends pas en traître. Et pour ceux qui grognent, là-bas, au balcon : non, je n'avais pas tout dis la dernière fois. Loin s'en faut.

Comme je l'avais précisé en fin de chapitre, je m'étais surtout attardé sur les clichés que je qualifiais de scénaristiques, ou encore de construction. Aujourd'hui, on va plutôt parler de clichés textuels... Ces phrases qu'on ressort pour un oui ou un non en pensant que ça fait bien, ou par simple habitude.

Tenez-vous bien car, là, il y a de quoi faire un livre entier, certains s'y sont d'ailleurs déjà essayés sur Wattpad ou ailleurs. Je ne vais donc pas refaire leur travail, ce serait stupide, mais donner ma version ;)

Définition :

Il faut toujours commencer par une définition. Celle du cliché, on la connait, elle est dans le chapitre précédent. Celle du cliché textuel en revanche n'existe nulle part, que je sache. Ce type de cliché est tout bêtement une phrase, ou une expression, qu'on retrouve régulièrement. La plupart du temps ce sont des expressions toutes faites ou des copiés collés de « grands auteurs » et le sens n'est pas toujours maîtrisé...

Vous voulez un exemple je suis sûr ? Eh bien il y en a un dans le titre déjà. L'obscure clarté, porte étendard de l'oxymore, se retrouve bien souvent dans les textes d'auteurs qui veulent prouver qu'ils écoutaient en cours de français. Le plus incroyable, c'est que la plupart du temps, c'est juste pour montrer qu'on connait l'expression. Ça sort de nulle part. Pour faire bien, en d'autres termes.

Pourquoi éviter les clichés ?

La question peut paraître bête, mais elle vaut le coût d'être posée, selon moi. En effet, il est bien des fois où éviter la phrase cliché revient à faire un détour. Prenons l'exemple de l'escalier (pourquoi pas hein...). Pour monter un escalier, on le grimpe souvent. Quand on est pressé, on y va « quatre à quatre ». Qui n'a jamais employé cette expression ? Voici un cliché. (Rappelez-vous la définition du chapitre précédent). On pourrait dire elle monta l'escalier si vite qu'on aurait dit Flash, mais on va plus facilement dire elle monta l'escalier quatre à quatre. Pourtant, jamais Ô grand jamais, elle ne franchira quatre marches d'un coup ! Deuxième grand représentant du cliché escalier : la volée de marches. Celle-là, on la croise très souvent (même chez moi, je l'avoue volontiers). Peu d'entre nous ne savent réellement ce qu'est une volée de marches. Pour la bonne et simple raison que ça n'existe pas, à l'origine (j'ignore si depuis le temps ça a été officialisé). C'est une volée d'escalier qu'il faudrait dire, car la volée représente justement les marches ;)

Ça fait donc une excellente raison d'éviter les clichés : la plupart du temps, on n'en maîtrise pas vraiment le sens.

Deuxième raison, ça ne fait pas bien de reprendre une formule de style que tout le monde utilise. Rappelez-vous qu'une des volontés d'un écrivain est de se démarquer. En faisant comme tout le monde, ça ne marche pas.

C'est ce qui fait que le cliché a si mauvaise presse chez nous.

Pourquoi on ne peut pas se passer des clichés ?

Euh... Attendez deux secondes, je viens de dire qu'il ne fallait pas et là je dis qu'on ne peut pas s'en passer ?

En effet. Difficile de passer outre certains clichés. La jeune femme sentit le rouge lui monter aux joues. Voilà encore un beau cliché ! Le problème c'est que là, on décrit un phénomène physique et du coup, même en le tournant différemment, il sera compliqué de ne pas être cliché. La solution consisterait à supprimer purement et simplement ce passage. Des fois on peut, d'autre fois pas.

Il courut à perdre haleine ! Encore un qui a la vie dure. Elle en eut le souffle coupé ! Il fondit comme neige au soleil. Il serra si fort que ses jointures blanchirent. Elle se mordit la lèvre inférieure. Il se dandina d'un pied sur l'autre. Elle avait des papillons dans le ventre. Eh oui, mesdames et mesdames ! Tout ceci n'est que cliché. Vous voyez que c'est difficile de faire sans. Ce n'est pas impossible, mais c'est beaucoup plus difficile qu'il n'y parait de prime abord.

Tout ça pour quoi au final ?

J'ai commencé cette série d'articles parce que j'ai vu cette manie qu'avaient finalement pas mal de monde de condamner les clichés. A tel point que je pense que c'est devenu cliché de mettre les clichés au ban. Mais le cliché est inévitable dans une œuvre un peu conséquente. Tout a été écrit, donc vous imaginez bien que ça ne sera pas simple de passer à côté d'un cliché, qu'il soit scénaristique ou textuel. Il y a certains clichés plus utilisés que d'autres, ceux-là, effectivement, fuyez-les. Pour le reste, faites ce que vous pouvez, ce n'est pas la mort. Et si vous en repérez dans vos textes, essayez de les remplacer.

Attention ! Je ne défends pas le cliché. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Il faut les éviter autant que possible, mais ne soyez pas trop focalisé sur ce sujet particulier. Il y a l'orthographe, la conjugaison, la grammaire, la concordance des temps, la longueur des phrases, le rythme, la fluidité, la cohérence et la crédibilité qui passent avant. Et de ce côté-là, il y a beaucoup de boulot.

Sur ce... à bientôt.

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