Pourquoi une carte ?

Oh, tu es toujours là !

Te voilà donc, jeune padawan, à l'aube de la naissance de ton univers Fantasy. Bravo à toi, et bon courage, car la suite promet d'être le plus délicat. Que tu choisisse de te la jouer Tolkien en créant une langue complète, J.R.R. Martin en axant davantage ton récit sur le contexte géopolitique ou encore C.S. Lewis en nous offrant un univers de rêve pour fuir une réalité oppressante, ton travail ne fait que commencer... et, peu importe la tournure que prendra ton histoire, un jour ou l'autre, il te faudra une carte.

La grande question, c'est : POURQUOI?

Dans un premier temps, parce que c'est joli, que ça décore et que tu peux te la péter en disant à tes amis "hé, regardez ma super carte comme elle est trop belle !"

Bon, d'accord, peut-être pas quand même.  Par contre, une carte peut te permettre de mieux visualiser le lieu où se déroulera ton histoire. Imagine un instant que tu arrives dans une ville inconnue et qu'on te dise de gagner l'église du coin depuis la gare dans laquelle tu es arrivé(e). Tu as toujours la technique du "excusez-moi, c'est par où, s'il vous plaît?" mais si les gens ne sont pas aimables, que tu es en voiture ou même juste que tu n'as pas envie (ou peur !) de demander, il va te falloir te débrouiller. Et là, tu seras bien content d'avoir google maps sur toi ! Au moins pour voir que non, l'église n'est pas en plein centre-ville et que oui, tu as une ligne de bus qui t'y emmène directement depuis la bibliothèque, située à trois rues de la gare que tu n'as pas quittée de peur de te perdre dans les rues vastes et labyrinthiques de la ville.

Pour ton monde, c'est pareil. Tu peux supposer dans ta tête que tes héros doivent se rendre au palais de Gaufrette-sur-Flanc depuis la basse-ville, mais si tu situes le palais, ses jardins, sa bibliothèque, l'emplacement exact des murailles et le chemin le plus discret ou le plus court pour y arriver, c'est quand même plus sympa. Pour toi, qui sauras exactement où faire passer ta compagnie du Chien Gémissant et éviteras les grosses incohérences (par exemple passer deux fois devant la bibliothèque alors que tu as bien précisé que la rue est droite, ou se réfugier dans la cathédrale directement en sortant du palais alors que tu avais précisé six chapitres plus tôt qu'elle se trouvait à l'ouest à l'extérieur des murailles internes de ta ville), mais aussi pour ton lecteur. Tu as sans doute déjà expérimenté le "au bout de la rue, prends à droite, puis à gauche au croisement suivant, puis de nouveau à droite trois rues au-dessus avant de tourner encore à droite deux fois, puis prendre la première sortie au rond point" et te retrouver dès le premier croisement devant un panneau de travaux et une déviation qui te perds complètement, alors qu'avec ton GPS, c'est magique, tu n'es plus perdu ! (ou presque...) ? Ben pour ton lecteur, c'est la même chose. Sans le prendre par la main en surlignant en rouge l'itinéraire de tes personnages, juste lui donner une carte pour qu'il s'y retrouve, c'est mieux, quand même.

Tiens, lié à ce premier point, le second est pas mal utile pour toi, l'auteur et créateur du monde : une carte te permet de mieux visualiser les distances. Ou, si tu n'as pas d'échelle bien définie, te donner une idée avec les vitesses approximatives de tes héros. Un cheval reste un cheval, des pieds restent des pieds, donc les vitesses moyennes de marche pour les deux sont parfaitement utilisables dans un monde fantasy pour déterminer grosso modo quelques distances.

Je m'explique : après avoir récupéré la sainte amande dans le palais de Gaufrette-Sur-Flanc, tes héros doivent l'apporter à Cookie-Plage pour la livrer au grand prêtre du chocolat. Jusque-là, tout va bien. Seulement, après une vérification sur ta carte, tu te rends compte que Cookie-Plage se situe à mille kilomètres de Gaufrette-Sur-Flanc, et que tes pauvres héros doivent traverser les montagnes Cacao, la rivière Oasis et le grand désert acidulé en prime ! Oh, et, bien sûr, cette partie-ci n'est censée être qu'un passage rapide de ton histoire puisque Cookie-Plage devait être atteinte en trois jours. Ce qui est impossible, sauf avec un X-Wing capable de passer dans l'hyperespace. Chose assez improbable dans un univers medieval-fantasy, tu en conviendras.

D'accord, un petit "ta gueule c'est magique" résout le problème, mais te fait perdre en crédibilité auprès des auteurs un peu pointilleux. Sauf si tu introduis un élément super génial qui marche du tonnerre pour les contenter. Mais si tu n'as pas ce truc magique super utile qui te sauvera la vie... eh ben je ne vois qu'une solution pour toi : rapprocher les deux villes pour que ça colle ! Ou ellipser les six mois de trajet, au choix.

Oh, je crois que j'ai évoqué le point suivant, déjà, avec mes montagnes Cacao et mon désert acidulé. Oui, il s'agit bien des reliefs. Tu sais, les forêts, les montagnes, les déserts, les grandes plaines luxuriantes... Bon, on pourrait aussi parler des biomes terrestres (et aquatiques, hein, tant qu'on y est dans le développement environnemental du monde) (et non, les biomes ne sont pas propres à Minecraft, je te vois venir avec tes questions !). Bref, tu conviendras qu'acoller un désert brûlant à une terre glaciale, ça le fait très moyen. Ou caler une forêt luxuriante au beau milieu d'un océan de glace... Ou une montagne surgie de nulle part, sans explication, ou une rivière qui remonte une montagne au lieu de la descendre...

Ca te suffit comme bonnes raisons de faire une carte ? Non ? Rajoute la délimitation des royaumes à la liste, alors ! Pratique quand tu sais que la guerre menace autour des Monts Caramel entre humains et nains parce que les seconds sont là depuis des millénaires mais que les premiers veulent absolument les récupérer parce qu'ils coupent leur royaume en deux et qu'ils en ont marre de payer des frais de douane exorbitants à ces "cupides de nains", comme le dit si bien ton elfe préférée à son ami le magicien. Et en plus, ça te permet de voir si l'enclave démoniaque sur le continent le plus au nord n'est pas trop grande par rapport aux territoires humains sur le continent au sud-est, qui est censé être le plus grand royaume du monde.

Enfin, n'oublie jamais une chose : tes lecteurs découvrent l'univers que tu leur présente. Même si tu décris parfaitement que "avec ses côtes déchiquetées et ses fjords gigantesques, la Terre de Félindiya ressemblait à un chat assis", c'est quand même mieux de pouvoir le voir pour en juger. Tout comme tes lecteurs apprécieront que tu leur montres où exactement se situe Gaufrette-sur-Flanc. A trois ou neuf jours de marche depuis les Marches de Sable? Au nord ou au sud du Col Hurlant?

Bref, une carte est l'outil INDISPENSABLE de l'écrivain fantasy. Bien sûr, des descriptions pourraient suffire pour définir tous les critères cités plus haut, mais il faudrait alors des pages et des pages de description... et, sincèrement, c'est loin d'être le plus excitant à lire.

Et, si ça ne te suffit pas comme raisons, revenons-en à mon tout premier argument : se la péter. Le résultat impressionne quand c'est bien fait, et tu peux à juste titre te vanter d'avoir passé des heures et des heures dessus, car, une carte, ça demande beaucoup de boulot...

C'est bon ? J'ai réussi à te convaincre ? Passons à la suite, alors !

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