Chapitre 27
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Aeven, dans le canyon, face à son passé inconnu, Heure et date inconnues
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Le vent sifflait autour de nous, emportant la poussière rouge du canyon dans une danse éphémère. Je restais là, à genoux, tenant Enlana dans mes bras, mon regard rivé sur l'homme qui se tenait devant moi. Ses yeux, d'un bleu glacé, me fixaient avec une intensité que je n'avais jamais imaginée, une intensité qui me transperçait comme une lame. Mon cœur battait à toute vitesse, une sensation étrange et froide se répandait dans mes veines, comme si l'air lui-même me fuyait.
Je n'avais toujours pas bougé. Papa ? Ce mot, je ne l'avais pas prononcé depuis des années, depuis que... non, depuis que je ne savais même pas s'il avait réellement existé. Comment pouvait-il être là, devant moi ? Et surtout, comment avait-il pu me laisser dans l'ignorance aussi longtemps ?
Je déglutis difficilement, le regard plongé dans celui de l'homme qui se tenait face à moi, à peine à deux mètres.
- Papa ? répétai-je, une seconde fois, comme si en disant ce mot, la réalité s'effondrait autour de moi.
Il haussait les épaules, mais un faible sourire se dessina sur ses lèvres. Il était beaucoup plus âgé que je ne l'avais imaginé, mais sa présence imposait quelque chose d'indéniable. Un pouvoir, une autorité naturelle qui faisait écho à ce que je ressentais, même si cela me terrifiait.
- Tu m'as reconnu, hein ? lança-t-il, sa voix rauque, presque amusée.
- Comment... pourquoi... tu étais... parti ? Ma voix tremblait. Il fallait que je garde mon calme, que je comprenne ce qui se passait, mais c'était difficile, presque impossible.
- Parti ? Il sourit, un rictus amer sur ses lèvres. C'est une longue histoire. Mais on n'a pas le temps.
Il s'approcha d'un pas rapide, se baissant légèrement pour observer Enlana. Elle était inconsciente, son corps inerte dans mes bras, les traits marqués par la douleur. Il semblait désintéressé par elle, comme s'elle n'était qu'un fardeau. Ses yeux revinrent vers moi.
- Elle est inutile. Sa voix, pourtant calme, était tranchante. Tu devrais la laisser. Elle ne te sera d'aucune aide. Elle te ralentira.
- Non. Je me redressai, serrant un peu plus Enlana contre moi, le corps tendu. Je ne vais pas l'abandonner.
- Tu es plus comme ta mère que je ne le pensais. Il marqua une pause, ses yeux se durcissant. Tu as ce même regard.
- Ma mère ? Je l'avais entendu parler de ma mère, mais ce n'était jamais concret. Toujours des bribes, des fragments de souvenirs qui se dérobaient dès que j'essayais de les saisir.
- Ne te méprends pas. Il tourna la tête vers le vide, la gorge du canyon qui se déployait devant nous. Elle était brillante, et elle t'a protégé, mais elle m'a trahi. Et tu sais quoi ? Elle a eu tort. Elle a fui et m'a laissé ici, avec mes erreurs. Mais toi, fils, tu as encore la possibilité de faire les choses différemment.
Je clignai des yeux, mes pensées se bousculant. Fuir... Il parlait de ma mère comme si elle avait agi par peur, mais j'avais toujours cru que c'était moi qui étais responsable de sa fuite. Que c'était moi qui l'avais poussée à partir. J'étais celui qui avait failli. Mais ce qu'il disait... c'était différent.
- Tu veux quoi, exactement ? Je ne pouvais plus supporter ce mystère, ces paroles qui se superposaient et ne faisaient que me rendre plus confus.
- Ce que je veux ? Un éclat de lumière traversa son regard. Je veux que tu comprennes, Aeven. Que tu acceptes qui tu es. Qui tu seras.
Il s'approcha, presque trop vite, et j'eus à peine le temps de reculer avant qu'il ne me saisisse fermement par les épaules, m'empêchant de fuir. Ses doigts étaient durs, comme du métal, et il me regarda avec une intensité qui me fit frissonner.
- Tu n'es pas juste un gamin qui joue avec des pouvoirs. Il laissa sa voix devenir plus grave, plus pénétrante. Tu es bien plus que ça. Tu es un prédateur, Aeven. Un prédateur caché sous des airs d'innocence. Et moi, je t'ai donné ce pouvoir.
- Non ! Je rejetai son emprise, mon cœur s'emballant dans ma poitrine. Je ne suis pas comme ça !
- Tu l'es, et tu le sais au fond de toi. Il se redressa, me relâchant enfin. Ce pouvoir, cette force qui sommeille en toi... elle vient de moi. Je suis ton père, et j'ai... il marqua une pause, cherchant ses mots. ...je t'ai donné plus que ce que tu crois.
Un choc me traversa. C'était lui, ce qu'il disait, ces pouvoirs... c'était à cause de lui que tout cela était arrivé. Mais... il parlait de moi comme d'un... prédateur ?
- Tu n'as toujours pas compris, hein ? Il secoua la tête avec un air de pitié. Ce que tu fais avec ton pouvoir... ce n'est pas simplement pour sauver. Il y a plus. Et je vais t'aider à l'exploiter. Parce que tu es destiné à quelque chose de plus grand, Aeven. Un plus grand plan.
Un frisson glacé parcourut mon échine. Quel plan ?
- Celui où tu régneras. Où nous régnerons. Il sourit. Tout a un prix, Aeven. Et si tu veux avoir le pouvoir de changer le monde, tu devras accepter ce que tu es vraiment.
Je me tenais là, dans ce canyon désert, avec des flammes encore vives tout autour de nous, me demandant si je pouvais vraiment lui faire confiance, si je pouvais accepter ce qu'il me proposait, ce qu'il voulait faire de moi.
Mais au fond de moi, je savais que j'avais déjà pris un chemin que je ne pourrais pas revenir en arrière. Et malgré la peur, une autre émotion s'éveillait en moi. Un désir profond, secret, de comprendre... ce que je pouvais vraiment devenir.
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