Jour 8 - Croque-Mitaine et Croque-Monsieur

Le Croque-Mitaine en avait vu des vertes et des pas mûres depuis qu'il logeait sous le lit du petit Baptiste. Quand ce n'était pas les crottes de nez qu'il essuyait négligemment sous le rebord du lit, c'était les vieux jouets qu'il cachait là dans l'espoir que sa maman ne les trouve pas. Mais voilà, quand on vit sous un lit, les crottes de nez et les déchets partout, ça compliquait les conditions de travail. Le Croque-Mitaine n'avait pas signé pour ça !

À cela s'ajoutait le fait qu'il se planquait là depuis deux semaines et que le petit Baptiste, frileux des pieds, ne les avaient pas encore dégager une seule fois de ses couvertures pour qu'il puisse lui dévorer les orteils. Le manque de nourriture et la saleté avait de quoi mettre le bon vieux Croque-Mitaine en colère.

La situation ne fit que se compliquer un jour où, à minuit, il se glissa sous le lit que son nez heurta le dos d'une autre créature poilue, qui se retourna pour le dévisager.

— Vous êtes qui vous ? s'impatienta le Croque-Mitaine. Dégagez de mon dessous de lit !

— Votre dessous de lit ? répondit l'intrus. Ah non, je ne crois pas, on m'a affecté là.

— Mais je ne comprends pas, personne ne m'a prévenu. C'est quoi votre nom ?

— Je suis le terrible et terrifiant Croque-Monsieur ! Je fais gratter les pamplemousses et les asperges jusqu'à rendre fou.

— Et moi, je suis le Croque-Mitaine, je mange les doigts de pieds qui dépassent de sous les couvertures. Écoutez, ça fait peut-être trop pour un seul garçon. Deux monstres sous le lit, ça ne s'est encore jamais vu. Vous devriez trouver un autre dessous de lit à hanter.

Croque-Monsieur claqua de la langue, agacé. Immédiatement, les pamplemousses du Croque-Mitaine se mirent à gratter. Outré, le monstre se roula à terre, tentant en vain d'éloigner cette puce qui lui irritait les petites pommes. En vengeance, il bondit sur Croque-Monsieur et à coups de crocs, lui arracha les orteils et lui avala tout cru.

Dans un hurlement de colère, les deux monstres sous le lit se jetèrent à la gorge l'un de l'autre. Ils roulèrent, griffèrent et se cognèrent aux pieds du lit, bien trop petit pour accueillir leur combat. Et pourtant, il ne pouvait en rester qu'un ! Il n'y aurait qu'un monstre sous le lit du petit Baptiste, et aucun des deux n'était prêt à lâcher l'affaire.

Alors que le Croque-Mitaine mâchouillait les oreilles du Croque-Monsieur, une petite tête blonde s'abaissa depuis le lit, la morve au nez.

— C'est pas bientôt fini, ce bazar ? cria le petit Baptiste. Il y a des enfants qui dorment ici. Allez vous battre dehors !

Les deux monstres se figèrent comme un cerf dans les phares d'une voiture. Ils n'étaient pas censés être vus des enfants, sous risque de connaître un sort pire que la mort. Le Croque-Mitaine se cacha derrière le Croque-Monsieur pour tenter de se camoufler, en vain. Ils allaient être bannis de cette existence dans quelques minutes, tout ça pour une guerre de territoire.

Les monstres éclatèrent en longs sanglots, dévastés d'avoir été si injustement repérés, eux qui sévissaient depuis des milliers d'années. Dans une tentative de fuir leur destin, ils foncèrent vers la fenêtre ouvert, seulement pour être cueilli en plein vol par le roi des monstres, mécontents, qui les envoya tous les deux récurer les toilettes de tous les monstres pour les trois siècles à venir.

Maintenant débarrassés des monstres qui lui pourrissaient ses nuit, Baptiste hausse des épaules , rentra ses pieds sous la couette et retourna se plonger au pays des rêves. Il ne vit pas, s'élevant au-dessus de lui, le puissant roi des monstres qui, ne pouvant laisser de témoin, le dévora tout cru.

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