L'armée aux yeux verts (3)

 ***

Six heures plus tard, le soleil se leva enfin.

Traversant les nuages gris, les rayons crépusculaires soulevèrent l'épais voile de ténèbres pour révéler les atrocités commises durant la nuit la plus sombre qu'ait jamais connue la cité des Promesses. Émergèrent alors les premiers cris des Capricornais, ceux qui franchirent le pas de leurs portes pour découvrir au-dehors les cadavres de leurs protecteurs et concitoyens jonchant leurs rues. Les autres, ceux qui avaient aperçu ses ombres et ses mystérieuses lumières vertes errant dans le noir, demeuraient prostrés entre leurs murs, serrant tout contre eux leurs enfants apeurés.

C'est alors qu'un appel retentit dans toute la cité :

— Oyez ! Oyez ! Braves gens de Capricorne.

D'un même élan, chaque habitant observa par réflexe en direction du ciel, ne pouvant a priori concevoir qu'une voix leur parvienne aussi forte sans que l'être leur soit visible. Seuls ceux à proximité de la place du marché comprirent immédiatement que l'origine de ces paroles n'avait rien de divine.

Au centre, debout sur une estrade entourée de centaines de soldats aux visages d'argent, un homme également masqué, mais revêtu d'une armure aux reflets dorés drapée d'une cape rouge s'adressait aux Capricornais à travers un appareil. Le dispositif était quant à lui relié à une sorte de corne amplifiant le son de sa voix alors qu'à ses côtés, un soldat tournait frénétiquement une manivelle pour produire l'énergie nécessaire à l'alimentation du haut-parleur.

— Ceci n'est pas une invasion. Je répète, braves gens de Capricorne : ceci n'est pas une invasion, insista l'orateur sur un ton posé se voulant le plus rassurant possible. Nous avons seulement une affaire en cours avec votre seigneur et maître, le marquis Iskander de Bravelion. Dès que notre transaction sera terminée, nous vous promettons de quitter immédiatement votre ville si charmante sans provoquer le moindre dégât. Si tant est bien entendu que vous respectiez certaines règles. Ainsi, à compter de cet instant, vous avez deux heures pour récupérer et enterrer vos morts dans votre cimetière. Ce temps écoulé, vous devrez retourner dans vos demeures et y rester sagement jusqu'à notre départ. Départ qui, nous l'espérons autant que vous, se fera dans les plus brefs délais. Ne résistez pas, obtempérez, et je vous promets qu'il ne vous sera fait aucun mal. Sachez cependant que nous riposterons immédiatement à toute agression. Donc, je vous en conjure, afin que tout se passe pour le mieux, vaquez à vos occupations sans vous préoccuper des nôtres.

Sur ces mots, le chevalier doré acheva son discours dont l'écho résonna encore une poignée de secondes dans les artères de Capricorne jusqu'à atteindre le château du marquis.

Une pluie fine se mit à tomber au moment où les Capricornais démarrèrent leur procession funéraire. Voisins et amis vinrent s'entraider dans les différents quartiers, rassemblant les malheureuses victimes de la nuit pour les emmener jusqu'à une sépulture décente. Sous le regard vide des soldats masqués, ils suivirent le chemin qu'ils leur avaient prédéfini vers le cimetière de la ville, au sommet d'une butte. Là-bas, ils découvrirent avec horreur un gigantesque trou creusé par les envahisseurs près de l'illustre grand chêne. On leur ordonna de « balancer » les corps dedans en leur expliquant qu'ils seraient ensuite recouverts de terre. Libre à eux quand tout serait terminé de dresser à cet endroit une stèle de leurs morts. Une consigne spécifique fut toutefois donnée concernant les sentinelles capricornaises. Avant d'être jetées dans leur ultime demeure, leurs armes et armures devaient leur être retirées puis remises à l'occupant.

Au bout d'une demi-heure, quand plus d'une centaine de cadavres eurent été emmenés, la tombe commune ne ressemblait plus à rien d'autre qu'un vulgaire charnier. Pour y déposer leurs êtres aimés, les Capricornais se retrouvèrent alors contraints de fouler le corps des précédents défunts. Les sanglots, auparavant silencieux, se firent plus bruyants. Une petite fille, cinq ans à peine, supplia en larmes qu'on ne marche pas sur son papa. Le vieillard qui avait tenté de se frayer un chemin dans la fosse pour y enterrer son propre enfant s'excusa auprès d'elle, la tête basse.

— C'est... insupportable ! explosa un témoin de cette scène. Je ne puis tolérer plus longtemps une situation aussi odieuse.

L'ire se propagea d'abord du côté des personnes présentes dans le cimetière à ce moment-là avant de très vite remonter le cortège funèbre. Un vent de révolte commença à gronder chez les Capricornais. Il fut toutefois rapidement réprimé par l'armée aux yeux verts. Ces soldats ayant reçu des consignes précises à appliquer au cas où une telle situation se produirait se saisirent simultanément de leurs armes qu'ils pointèrent en direction de la foule. Sans qu'ils eussent à prononcer le moindre mot, leurs pointes effilées calmèrent les ardeurs des plus téméraires.

C'est ainsi qu'après avoir achevé leur tragique besogne, tous les Capricornais, conformément aux ordres de l'occupant, rentrèrent dans leur demeure.

Cependant, le sentiment d'humiliation, la tristesse et la colère eurent tôt fait de les en faire rapidement ressortir.

Cette fois-ci équipés de marteaux, pelles, balais et autres armes de fortune, hommes, femmes et adolescents se regroupèrent et organisèrent une stratégie de guérilla urbaine. Déterminer à reprendre leur ville, ils usèrent de leur parfaite connaissance du terrain et de la complicité des autres habitants pour frapper en petits commandos des cibles isolées avant de disparaître. Certaines de ces opérations se soldèrent par l'exécution pure et simple de ces « terroristes », sans quelque forme de procès. Cela fut pourtant insuffisant pour étouffer l'insurrection. L'armée de soldats aux yeux verts ignorait en effet que déjà l'époque de l'Atroce Guerre, le marquis de Bravelion avait fait enseigner à tous ses sujets de plus de quatorze ans des stratégies militaires ainsi que divers techniques de combat pour se défendre collectivement contre un envahisseur. Commandées en grande majorité par des hérauts composant la population, des dizaines de milices constituaient ainsi une force de résistance d'une remarquable efficacité.

Dissimulé dans l'un des nombreux toits en verdure que comportait la cité des Promesses, Archivald, architecte-héraut à Capricorne, avait soigneusement surveillé les rondes des occupants. En apercevant l'un d'entre eux s'isoler du groupe, il fit signe à ses camarades pour qu'ils se tiennent prêts. Archivald attendit patiemment qu'il s'engage dans une ruelle à l'écart pour donner l'ordre de frapper. Soudain tombèrent sur le soldat solitaire quatre hommes portant foulards et couvre-chefs divers. Avant même que l'attaqué n'ait eu le temps de réagir, un choc à l'arrière de son heaume le rabattit brutalement au sol. Tout son corps fut alors roué de coups de pieds, de pelle et de râteau tandis qu'il demeurait prostré pour protéger au mieux ses parties vitales. Au final, il ne dut son salut qu'à la solidité de son armure intégrale et surtout à cette soudaine détonation dans le ciel de la ville. Deux gerbes de lumière, une rouge et une jaune, avaient été tirées quasi simultanément depuis le château. Ce signal mit non seulement un terme immédiat à l'assaut de la ruelle, mais également à toutes exactions entreprises à cet instant par les rebelles capricornais.

— Hé ! Vous là !

Archivald soupira : lui et ses amis venaient d'être repérés par une escouade de l'armée inconnue. Ils s'apprêtèrent à fuir par la direction opposée, mais d'autres ennemis leur coupèrent toute trajectoire. Archivald fit alors signe à ses compagnons de lâcher leurs armes de fortune puis de retirer leurs foulards avant de s'agenouiller devant les soldats aux armures miroir, les mains derrière la tête en gage de soumission.

— Bande de salauds ! Vous auriez dû vous tenir tranquilles comme on vous l'avait ordonné ! s'énerva l'un des occupants tout en les menaçant de sa lance.

— Et nous demeurerons tranquilles dès à se présent, soyez en assurés, promit le leader des résistants en s'efforçant d'apaiser la tension ambiante.

— Ce feu dans le ciel, juste à l'instant... C'était un signal de votre marquis. Il vous a ordonné d'abdiquer et de cesser de vous battre, n'est-ce pas ?

— Un signal d'abdiquer ?

Le ricanement compulsif qui suivit irrita passablement son interlocuteur.

— Vous vous trompez lourdement, soldat. Non, le marquis ne nous demanderait jamais d'abandonner notre cité aux mains de l'ennemi. Ce signal est en réalité une promesse de notre seigneur.

— Ah oui ? Et une promesse de quoi ?

— Une promesse de revanche bien entendu.

Un rictus inaltérable sur son visage, Archivald se laissa emmener avec ses trois compagnons. Pendant ce temps, l'un des combattants de l'armée occupante offrit son aide à son camarade, la pauvre victime du guet-apens qui peinait à se relever.

— Ça va aller toi ? Rien de cassé ?

Sans prononcer le moindre mot pour ne pas risquer d'être démasquée à sa voix, Cassandre se contenta d'acquiescer. Elle accepta malgré tout de bon gré la main tendue. Par chance, l'armure qu'elle avait volée la veille l'avait protégée des chocs avec beaucoup d'efficacité. Seules quelques ecchymoses rendaient ses déplacements douloureux sans toutefois l'handicaper.

— Tsss ! Ce n'était vraiment pas le moment de partir s'isoler pour pisser ! la réprimanda son « allié » d'un ton plus moqueur que réellement agacé.

— Hum...

— Nous avons fini de réquisitionner les bâtiments de la place du marché. Tu devrais aller t'y reposer, manger un peu et faire examiner tes blessures. La journée n'est pas terminée et nous avons encore une longue nuit qui nous attend.

— À vos ordres, acquiesça Cassandre de sa voix la plus grave.

— « À vos ordres » ?! Tu es trop tendu, gamin. Je suis peut-être plus âgé que toi, mais ça ne fait pas de moi ton chef.

L'homme repartit ensuite en éclatant de rire pendant que, sous son masque, Cassandre soupira de soulagement. Par chance, le soldat qu'elle avait pris par erreur pour un chef d'escouade avait de lui-même trouvé des explications convaincantes à ses deux précédentes bévues. La première avait consisté à s'isoler imprudemment, tout ça pour tenter une énième fois d'envoyer un message à ses employeurs grâce au COMIBRIS.

Cassandre s'infligea une claque mentale en se sommant de redoubler de prudence. Sans quoi, elle risquait de mettre en péril son infiltration réussie au sein des rangs ennemis.

En sentant le poids de ses paupières, elle comprit toutefois que l'adrénaline ne suffisait plus à la maintenir aussi alerte. La fatigue de cette nuit blanche était en train de la rattraper, brouillant son esprit et diminuant ses réflexes. Cassandre se refusa cependant à rentrer immédiatement dans sa chambre d'auberge. Il lui restait encore à découvrir qui commandait à cette armée à la fois bien entraînée et très bien équipée. De même, si elle avait déduit du discours en début de matinée et du moment de l'attaque qu'ils en avaient après la technologie yun'tlybe volée par le marquis, elle comptait néanmoins confirmer leur objectif.

Toujours sous son déguisement, Cassandre se dirigea ainsi vers la place du marché, à présent occupée par les envahisseurs. Comme l'avait indiqué le précédent soldat, ils avaient expulsé les propriétaires des magasins, auberges et diverses habitations pour en faire leurs quartiers. Au centre, Cassandre aperçut les armes et armures des sentinelles capricornaises confisquées à leurs cadavres avant leur inhumation. Elles avaient été entassées afin qu'un homme les examine et les trie en fonction de leur état. Ensuite, quatre autres épongeaient les taches de sang avant qu'un dernier ne range soigneusement le tout dans une tente vermeille dressée pour l'occasion. À cet instant, Cassandre n'avait pas la moindre certitude sur ce qu'ils comptaient faire de tout ce stock d'équipements de moins bonne qualité que les leurs. Elle poursuit donc son chemin, s'efforçant de calquer ses déplacements sur ses « camarades » pour ne pas attirer l'attention.

À force d'observation, Cassandre finit par remarquer qu'aucun d'entre eux ne se dirigeait vers un bâtiment au toit bleu, une immense et faste auberge dont l'entrée était gardée par deux lanciers parmi les plus impressionnants qu'elle avait aperçus jusque là. Cassandre en déduisit que les généraux de la mystérieuse armée y avaient mis leurs quartiers. Une déduction qu'elle put rapidement confirmer alors que les deux gardes se retirèrent prestement pour laisser passer le chevalier à l'armure dorée, celui-là même qui s'était adressé au peuple capricornais depuis un puissant haut-parleur.

Si la première fois durant ce fameux discours, elle l'avait seulement aperçu de loin, Cassandre prit place sur un banc pour faire mine de reposer et le scruta avec attention, espérant déceler dans son apparence et son comportement de précieuses informations.

À sa mâchoire carrée ponctuée d'un sourire satisfait légèrement teinté de mépris tandis qu'il observait ses ouailles s'affairer, elle jugea avoir sans grand risque d'erreur identifié le commandant des troupes. Son équipement de protection, magnifique et brillant, mais surtout sa manière délicate de se mouvoir ne laissèrent quant à eux pas le moindre doute sur le fait qu'il avait très probablement dormi dans des draps de soie une large partie de sa vie. Toutefois, elle se refusa de sous-estimer ces airs apparemment trop précieux. En effet, transparaissant sous son armure dorée, son gabarit confirmait un entraînement physique sérieux et régulier. Étant donné son appartenance certaine à une classe sociale élevée, il avait assurément suivi depuis sa tendre jeunesse l'enseignement de maîtres d'armes qui lui avaient appris à manier ce fouet et cette rapière accrochés à sa ceinture de cuir rouge.

— Monseigneur Faurclerc ! hurla soudain une voix guillerette et féminine à l'attention du chevalier dont l'identité fut ainsi révélée.

Émergeant de l'auberge, une fille d'une vingtaine d'années à peine courut vers l'homme deux fois plus âgé qu'elle. Elle s'apprêtait à se jeter dans ses bras quand une gifle stoppa net son élan, la faisant tourner une fois sur elle-même avant qu'elle ne s'effondre, genoux au sol. C'est pourtant sans la moindre trace d'agressivité, que ce soit dans le son de sa voix ou sur les traits de son visage, qu'il lui lança :

— Agnès, rappelle-moi pourquoi nous portons ses masques et ses nouvelles armures.

— C'est parce que... notre identité doit demeurer secrète, répondit-elle à voix basse en frottant sa joue brûlante.

— En effet. Dans ce cas, trouves-tu qu'il soit très rusé de crier mon nom en plein cœur du territoire ennemi ?

— C'est que... je n'ai pas pensé... tout le monde a été évacué... je pensais... personne ne peut... nous entendre ici... en tout cas, personne qui ne sache pas déjà qui nous... qui vous... à moins qu'il y ait...

Les arguments balbutiés de plus en plus faiblement par Agnès se fracassèrent un à un contre un roc impavide.

— Toutes mes excuses, je suis tellement stupide ! s'effondra-t-elle aux pieds de son commandant.

Tandis qu'elle implorait sa clémence avec des larmes de contrition, l'homme l'observa encore quelques secondes d'un sourire amusé, se galvanisant de ce sentiment de puissance. Puis, exerçant sa divine miséricorde, il offrit sa main à la jeune fille qui la contempla comme un éblouissant joyau avant de se redresser béate d'admiration.

— Et rassure-toi, je ne crois pas un instant que tu puisses être stupide, mon enfant.

— Ah oui ?

— Je te connais trop bien pour que tu puisses espérer me tromper, affirma-t-il en lui caressant affectueusement la joue. Oh, ma petite Agnès, tu n'as pas changé depuis l'orphelinat. Tu es toujours aussi fervente des châtiments corporels.

Un large rictus déchira brusquement le voile gracieux et angélique derrière lequel se dissimulait la jeune fille. Sa langue rouge quitta sa bouche pour lécher avec une malsaine délectation le filet de sang coulant de ses lèvres. Monseigneur Faurclerc la contempla avec une admiration qui se transforma bien vite en de la luxure. Lorsqu'il n'en supporta plus davantage, l'homme vint à son tour boire à la plaie de sa subordonnée. Ils demeurèrent ainsi collés l'un contre l'autre, ignorant toute retenue, toute pudeur.

Feignant la gêne, Cassandre s'éclipsa de son banc. Elle en savait de toute façon suffisamment au sujet de cette mystérieuse armée. Elle n'imaginait à présent qu'une seule organisation parlant le delitan capable de mobiliser de telles ressources humaines et matérielles et dont le commandant se ferait appeler « Monseigneur ». Bien qu'ils ne portaient pas leurs amures habituelles, arborant le numéro un, symbole du Premier Homme, Cassandre comprit que Capricorne était désormais occupée par nulle autre que l'ordre militaire à la solde de l'Église Primordiale : les Châtiments.

La mercenaire se résolut à prévenir ses employeurs au plus vite : l'intervention inopinée de l'Église avait dangereusement bouleversé sa mission. La rencontre prévue ce jour, à quinze heures précises, entre le marquis de Bravelion et l'ambassadrice yun'tlybe Æ'lys Ainsbo'ough devait à tout prix être reportée.

En se retournant pour quitter la place du marché, Cassandre passa un bref instant devant une unité ennemie qui, elle, arrivait. Leurs regards ne se croisèrent qu'une demi-seconde avant que leurs routes ne s'opposent. Une demi-seconde durant laquelle la mercenaire eut tout juste le temps de distinguer son armure, légèrement différente des autres, moins épaisses, et surtout son visage, à peine dissimulé par l'ombre d'une capuche anthracite. Le sang de Cassandre ne fit alors qu'un tour. Elle dut mobiliser toute sa tempérance pour maintenir une allure constante, pour ne pas adopter un comportement suspect.

Avant aujourd'hui, leurs chemins ne s'étaient croisés qu'une fois par le passé. C'était en 1211, en plein milieu de l'Atroce Guerre, et plus précisément le 15 août durant la bataille du col de Mildevarn. Pourtant, malgré son crâne désormais rasé à blanc et ses quinze années supplémentaires, Cassandre, même sans mémoire absolue, était certaine d'avoir reconnu cette force et cette détermination qui émanaient sans jamais failli de Magdalène Sigorna Wezarm.

Surnommée la Pucelle Écarlate par ses ennemis, Magdalène œuvrait depuis ses dix-sept ans dans le rang des légions saintes de l'Église Primordiale où sa ferveur et surtout ses prouesses guerrières lui valurent la reconnaissance du Père lui-même qui lui octroya le titre de Bras armé du Primordial.

Durant des années, Cassandre avait cru sa légende grandement exagérée, montée de toutes pièces pour effrayer les adversaires de la religion. Pourtant, tandis qu'elle combattait pour la première fois à ses côtés pour repousser les troupes de Jaggercast, la mercenaire avait pu constater par elle-même à quel point elle était redoutable et semblait pourvue d'une invincibilité que personne n'avait été à ce jour en mesure de contester.

Jamais Cassandre n'aurait alors souhaité se retrouver un jour dans le camp opposé

Se faufilant à travers les rues de Capricorne d'un pas aussi rapide qu'elle pouvait se permettre sans risquer d'attirer l'attention, Cassandre finit par trouver un coin à l'abri des regards. Là, dissimulée dans l'interstice séparant deux ateliers d'artisans, elle put tranquillement enlever son heaume. Le visage à découvert, elle inspira un grand bol d'air frais tout en secouant ses cheveux humides de sueur. Elle s'empressa ensuite d'ôter son gantelet d'argent et, ses doigts tremblants de nervosité, alluma le COMIBRIS à son bras gauche.

— Merde !

Cassandre étouffa avec difficulté un cri de frustration, tandis qu'elle cogna rageusement du pied un vieux seau rouillé abandonné dans la ruelle.

Sur l'écran de son appareil s'affichait encore et toujours cette icône représentant une croix grise barrant l'intensité du signal. Cette icône qu'elle avait vue apparaître pour la toute première fois la veille au soir, quelques minutes avant l'attaque, et qui signifiait une absence totale de réseau.

La mercenaire comprit alors qu'elle ne pourrait prévenir personne.

Elle était seule.

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