3. Kilian et Aaron
Le dernier mardi du mois de juin était chaud sans être torride. L'air frais permettait sans problème à de vaillants adolescents de flâner dans le jardin en compagnie des chiens et d'un tuyau d'arrosage pour se rafraîchir. Il ne restait plus à Aaron qu'une seule semaine à profiter du bel air du Rhône avant de rejoindre pour l'été la Suisse où l'attendait sa mère, gravement malade. Il ne voulait pas partir avant les résultats des épreuves anticipées du bac. Toutes les excuses étaient bonnes. Il faisait vraiment beau.
L'adolescent venait de fêter ses dix-sept ans. Les cadeaux qu'il avait reçus l'avaient comblé de joie. Ses camarades lui avaient témoigné de leur amitié, son blondinet lui avait une nouvelle fois démontré son amour. Sur le nouvel ordinateur que Kilian lui avait offert après avoir économisé toute l'année, il voulait écrire ses plus belles pages. Sa tête fourmillait d'idées. Son roman à peine terminé – il ne lui restait plus que le dernier chapitre et l'épilogue à retravailler –, il s'était relancé dans de nouveaux projets. Son blondinet l'inspirait. Il en avait tant à dire. Sur la table extérieure, à l'ombre d'un parasol, il laissait ses doigts voler sur le clavier et ses yeux se poser sur sa muse qui, en caleçon pour seul habit, jouait dans l'herbe avec Mistral et Pata, leurs fidèles compagnons à quatre pattes.
« T'as vu Aaron ? Je nage ! Aie, Mistou, arrête de me bouffer le pied, tu veux ? »
Son petit escrimeur était vraiment magnifique. Jeune Eros tombé du sommet de l'olympe, il affichait un air épanoui, malgré la séparation prochaine. Kilian ne voulait plus être triste. Il voulait que sa bonne humeur se fasse communicative et apaise ses proches. Il voulait que tous sourient et rigolent avec lui. Alors, après une matinée passée à l'entrainement en prévision de sa prochaine compétition de juillet, il était passé à la boucherie acheter des merguez et des chipolatas, puis avait sonné chez Gabriel, pour l'inviter à un petit barbecue surprise – payable en dessin – avant de rentrer à la maison. Dès qu'il vit arriver son petit ami accompagné de l'artiste, Aaron s'enferma dans la cuisine pour improviser une petite salade de riz à base de thon, d'avocat, de féta, de concombre, d'huile d'olive, de vinaigre et des quelques autres aromates. À côté, dans une casserole, il mit à mijoter à feu doux pour l'après-midi un kilo de tomates, deux oignons et des épices. Cela lui ferait la sauce des pâtes pour le diner. Kilian raffolait de ce plat. Simplement humer la bonne odeur du sud et d'été qui se diffusait dans toute la maison le rendait joyeux. Il leur fallait bien ça.
Dehors, Gabriel avait installé son nécessaire à peinture. Le ciel bleu, l'herbe verte et les briques jaune orangé l'inspiraient. Entre gouache et aquarelle, son cœur balança. La première méthode permettait d'insistait sur les contrastes et les couleurs éclatantes. La deuxième autorisait plus de nuance et de douceur. N'arrivant pas à se décider, il sortit ses crayons et pastels. Il faisait trop chaud pour peindre, il préférait dessiner.
À ses côtés, Cédric avait allumé le feu. Même s'il avait encore un peu de mal à se déplacer seul, le jeune adulte était de plus en plus autonome et tenait bien à le montrer. Le barbecue était son domaine, la cuisson des saucisses sa science. Autour de la table, tous se régalèrent. Puis l'après-midi se passa, chaudement et chaleureusement.
Aaron sur son ordinateur relié à l'intérieur par une rallonge, Gabriel à son papier, Cédric au frais allongé sur le lit de sa chambre et Kilian quasi-nu dans l'herbe avec deux clébards qui s'amusaient, chacun s'occupa de la manière la plus naturelle qui soit. Entre deux, les adolescents discutèrent un peu. Le sujet du jour ? Les histoires d'Aaron, forcément. Le jeune auteur avait commandé une série de nouveaux dessins à son camarade artiste afin d'illustrer le recueil de nouvelles sur lequel il planchait en prolongement de son roman. Ravi d'avoir pu se nourrir d'autre chose que d'un infâme plat surgelé, Gabriel avait très volontiers accepté cette mission. Comme bien souvent, son modèle était un jeune adolescent de dix-sept ans aux cheveux blonds et aux yeux dont la teinte se confondait avec celle de l'herbe. Kilian ne se plaignait pas. Il avait le plus beau rôle. Tout le monde le regardait, et il ne se fatiguait pas trop. En plus, là, on lui avait donné l'autorisation de s'amuser avec les chiens entre deux esquisses. Il voulait profiter au maximum de chaque seconde.
« Au lieu de patauger sur la pelouse, reprends ta position, allongé comme si tu étais grièvement blessé, et vire ton calbut. Si j'en crois ce que ton mec est en train d'écrire, c'est pas utile. Et dit à Pata de te lécher le visage. Enfin, s'il comprend. C'est un chien. C'est con un chien. Moins que mon chat, mais ça reste con quand-même. Surtout le tiens. Il est blond. C'est con les blonds. Oui, je sais, t'es blond aussi, arrête de râler, mais j'm'en tamponne le coquillard. Vire-moi ce putain de boxer ou je demande à ton clebs de le bouffer, avec le misérable vermicelle que t'y caches. »
L'ordre lâché sur un ton sévère provenait de Gabriel. L'air un peu piteux, Kilian s'exécuta, non sans râler pour la forme.
« C'est vraiment utile de me faire poser à poil avec les chiens ? Moi, j'veux bien, mais on est dehors, quoi. Des gens peuvent passer dans la rue et regarder, ça peut choquer les vieilles et plaire aux jeunes... »
« Oui. », coupa simplement son brun sans relever les yeux de son écran, ce qui causa une légère incompréhension chez le blond.
C'était bien beau de lui répondre de la sorte, mais si on ne lui disait pas « pourquoi » c'était important, il ne pouvait pas comprendre, lui. Vu qu'il était blond. Et que les blagues sur les blonds, ça y allait franchement. Il ne savait même pas de quoi parlait la nouvelle sur laquelle bossait son mec. Personne n'avait daigné lui fournir la moindre explication. Feintant la fatigue, Aaron souffla et rouspéta auprès du modèle un peu trop indiscipliné.
« Nan mais c'est toujours utile de te faire poser à poil dans l'herbe avec des chiens, cherche pas. Sinon, on ne te le ferait pas faire ! »
Au moins, là, l'explication avait du sens. En tout cas, cela suffisait largement à Kilian pour justifier qu'il tombe le bas. Comme quoi, quand on prenait le temps de discuter, tout devenait beaucoup plus clair. Mais déjà, le jeune auteur ne l'écoutait plus. Un coup de fil en provenance de l'autre côté des Alpes l'avait poussé à s'éclipser à l'intérieur. Son père appelait pour régler les derniers détails de son retour en Suisse. L'adolescent ne voulait pas forcer Kilian à assister à ce genre de conversations, qu'il savait toujours douloureuses.
Voyant son amant disparaitre derrière la porte, le blondinet soupira. Ça, ça le rendait un peu triste quand même. Posé sur le flanc, une main sur le sol, il se perdit dans ses pensées. Gabriel l'en sortit rapidement en lui adressant la parole.
« Allongé sur le dos ! Fais vraiment comme si tu étais inconscient. Et ne te plains pas qu'il m'ait demandé de dessiner cette scène. Dans sa nouvelle, il y en a des largement pires ! Genre des turlutes en public et des scènes de guerre ultra violentes. D'ailleurs pour celles-là, il m'a filé des photos de son arrière-grand-père maternel pour que je m'en inspire. Des pièces de collection. Eh, tu m'écoutes, Kil ? »
Oui, il écoutait ! Ce n'était pas non plus sa faute s'il faisait trop bien le mort ! De toute manière, c'était toujours la même chose : quoi qu'il fasse, on trouvait une raison de le gronder ! S'il n'avait pas dix-sept ans et s'il n'avait pas su que tout cela n'était qu'un simple amusement, pour sûr, il se serait mis à bouder. Enfin maintenant qu'il était grand, bouder, il ne le faisait plus que pour le style ou quand il était vraiment contrarié. À ce sujet, et contrairement au héros du roman de son mec, il trouvait qu'il avait plutôt évolué dans le bon sens. Alors, rouvrant les yeux et se redressant vers son interlocuteur, il lui répondit d'un air enjoué :
« Moi, ça ne m'aurait pas dérangé ! De toute façon, tout le monde le sait, que je l'aime, et ça aurait été encore plus excitant devant toi qui dessine, mais j'crois qu'il serait pas du tout d'accord. Déjà qu'il déteste se foutre à poil en public, alors ce genre de trucs... D'ailleurs, avant son départ, excuse-moi la vulgarité, mais il faut absolument que j'lui taille la pipe de sa vie. J'veux absolument lui mettre dans le crâne qu'il a intérêt de revenir très vite, et j'ai pas trouvé meilleure idée... Ça m'énerve, putain... »
Gabriel explosa de rire. Dans tout son entourage, il n'y avait que Kilian pour se prendre la tête à propos de ce genre de sujets.
« Et pourquoi tu n'inverserais pas les rôles pour lui faire plaisir ? À un moment dans l'année, j'ai cru comprendre qu'il en avait envie, même si vous vous êtes bien foiré. Ça, je ne sais pas si ça le fera revenir plus vite, mais c'est un cadeau qu'il ne risque pas d'oublier ! Et puis, au moins, si tu lui casses le derrière, il aura une bonne raison d'être aigre, ça lui fera une justification si on lui demande tout l'été pourquoi il tire la tronche. »
Rouge comme une tomate, le blondinet contracta la mâchoire. Foutu châtain ! Camille il y a quelques semaines, et maintenant l'artiste... Mais qu'est-ce qu'ils avaient tous avec cette idée saugrenue ? Et le pire, c'était que lui-même n'arrêtait pas d'y penser. Clairement, il s'était complétement raté la première fois. Il avait été nul de chez nul, et de son côté, Aaron n'avait pas forcément été brillant non plus. Depuis, le brunet n'en avait plus jamais reparlé. Fin de l'histoire ? Non. En tant qu'amant modèle, Kilian se devait de pouvoir parer à toutes les éventualités. Il le savait : si son mec le lui demandait, il ne pourrait pas refuser. Et s'il ne lui demandait pas par politesse, alors c'était peut-être à lui de prendre les devants et de le proposer. Même s'il n'en avait pas particulièrement envie, voire pas du tout, Kilian savait que la pratique pouvait rassurer son petit ami avant leur séparation prochaine. Mais ils avaient convenu ensemble qu'une fois par an, c'était très bien, et cela ne faisait même pas six mois depuis la dernière fois. Et puis surtout, il avait vraiment peur d'être une nouvelle fois archi nul. Rien que d'y penser, il en crevait de honte.
« Gabriel, tu lui as raconté quoi, encore ? Non, parce que pour que Kil se planque le visage derrière les mains et que, malgré ça, même ses oreilles rougissent, c'est que t'as encore dû corrompre son esprit innocent avec de belles saloperies. Attends... c'est possible ça ? »
Revenant dans le jardin et y découvrant son petit ami dans un état particulier, Aaron s'était empressé d'interpeler l'artiste avant de s'interroger lui-même. Pour que Kilian change à ce point de couleur en à peine quelques secondes, il fallait vraiment que le sujet de la discussion soit un énorme tabou. Il n'eut cependant pas le temps d'obtenir une réponse fiable ni de se questionner plus longtemps. Déjà, voyant la gêne de son camarade aux cheveux dorés, Gabriel avait complétement changé de sujet et arrangé la vérité à sa sauce. C'était un pieu mensonge, nécessaire à une après-midi réussie.
« On discutait de ce que t'écris, là. Il se trouvait con de ne pas avoir remarqué que le vieux sage dans ta première nouvelle, l'Âmination de Jéro-bam, c'était le même personnage que le vieux Mathuz dans le roman, et je lui expliquais qu'en fait, c'est un peu le perso « témoin » que t'essaie de foutre partout, même si l'histoire se déroule sur plusieurs millénaires. Et c'est pour que je le dessine bien que tu m'as filé les photos de son modèle... Hein que tu te trouvais con, Kilian ? »
Alors qu'il allait rétorquer que non, pas du tout, qu'il avait très bien compris lors de sa lecture et qu'en plus, ils ne parlaient même pas de ça, le blondinet se ravisa. Le regard insistant que lui lançait Gabriel avait fait son effet. Quelle perfidie ! Le faire passer pour stupide pour l'aider à masquer les causes de sa gêne, c'était diaboliquement génial, même si l'adolescent aux cheveux blonds était persuadé de se faire avoir quelque part, sans savoir où. Mimant la surprise et la naïveté, il ouvrit grand la bouche et acquiesça. Un point avait aiguisé sa curiosité.
« Aaaaaaah, oui, j'suis bête. Mais sinon, tu m'as pas montré les photos, à moi ? C'est ton grand père, c'est ça ? Celui dont tu m'avais parlé chez toi en troisième, qui avait fini dans un camp ? »
Un sourire aux lèvres, Aaron fit non de la tête, reposa ses fesses sur sa chaise, et partit à la recherche des images scannées et numérisées dans les tréfonds de son ordinateur. C'était vrai qu'il n'avait jamais abordé avec son petit ami cette partie de son histoire familiale. Et pourtant, elle n'était pas inintéressante. Montrant la tête du personnage à Kilian, le brunet partit dans un long monologue sans même s'en rendre compte.
« Déjà, ce n'est pas mon grand-père, mais mon arrière-grand-père. Et là, on est du côté de ma mère. Rien à voir avec la famille Arié, même si leur destin était étrangement lié. Elle était folle, sa vie, à grand papy. Faut que j'te raconte tout ça ! »
*****
Je ne me souviens plus de l'âge que j'avais la première fois que je l'ai rencontré. Deux ans ? Trois ans ? Sans doute moins. À cette époque, j'habitais encore la région lyonnaise. Je n'étais qu'un tout petit garçon turbulent et geignard. De cette période puérile de ma vie, j'ai principalement gardé ma peau très blanche, mes cheveux très noirs et mes yeux tout aussi sombres.
Lui, il n'était pas bien grand. Certes, beaucoup plus que moi, mais comparativement avec les autres, c'était un petit homme. C'était parce qu'il était âgé, m'avait expliqué ma mère. C'était son grand-père, et elle l'aimait énormément. Il avait des tâches violettes sur le visage, quelques cheveux gris sur un crâne plutôt dégarni, une canne sur laquelle il s'appuyait pour ne pas trop trembler et un air serein, comme s'il n'avait pas peur de ce qui approchait pourtant. Cette chose que je ne connaissais pas et qu'il considérait comme une vieille amie avec laquelle il avait manqué presque tous ses rendez-vous. Le reste m'est trop obscur.
Mes premiers vrais souvenirs datent de mes cinq ou six ans. J'étais déjà bien plus grand. Presque un bonhomme. Maman avait décidé que je passerai quelques jours dans la propriété familiale de son frère, mon oncle, celui-là même qui possède une certaine cabane où j'ai vécu mes premiers émois. Sur place, j'y retrouvais cousins, cousines et aïeul. Il était-là, entouré de tous. Bernard Bailleul. Insigne du réfractaire au S.T.O, Médaille de la France libérée, Chevalier de la Légion d'Honneur pour fait de résistance et membre de la quatrième DDM du Corps expéditionnaire français du Général Juin, libérateur de la Corse, vainqueur de l'Italie, membre de la campagne de France et preneur de l'Autriche. Un monument d'histoire. La mémoire de la France. Mon arrière-grand-père.
Jamais cet homme ne s'était prédestiné à une carrière de militaire. Le vingtième siècle en décida autrement.
Il n'était qu'un jeune enfant lorsque la Grande guerre a commencé, en 1914. Pendant que ses oncles et frères se faisaient tuer, lui jouait au soldat dans son jardin à l'arrière, un air patriotique en tête. Il apprit la haine. De l'autre, de son prochain, du boche. Puis enfin, la paix revint. À Versailles, on désarma les chleus. On les mit à genoux. La prospérité pouvait enfin revenir. Ouvrier qualifié dans les années trente, il sut protéger sa famille de la crise économique. Lors des premiers congés payés, il emmena sa femme et sa fille en Normandie. Regardant le ciel bleu, il y découvrit l'insouciance. Un mirage, prêt à s'évaporer au premier coup de canon et au moindre bruissement d'hélices, celles des avions allemands. La guerre encore. Cette fois-ci, il avait l'âge de la faire. Dès les premiers jours du conflit, il se porta volontaire. Puis pendant de longs mois, rien ne se passa. Puis la défaite. Éclaire, cruelle, violente. La France fut coupée en deux. Géographiquement, l'ennemie occupait le nord et la bande atlantique. Le sud était soi-disant libre. Moralement, il y avait ceux qui croyaient au Maréchal, sauveur de la patrie et Héros de Verdun, et puis les autres, qui écoutèrent la radio en juin et qui ne voulurent rien lâcher. Bernard Bailleul n'appartenait à aucune de ces catégories. Le grand colonel promu général, il s'en méfiait. On ne savait pas trop d'où il sortait, on ne savait pas trop ce qu'il voulait, là-bas, planqué outre-manche. Pétain, il l'appréciait et le respectait. Le vieil homme représentait l'unité de la nation. Mais la manière dont il avait serré la main de l'ennemi, comment il avait cédé toute une partie du territoire et la façon dont il se mettait en scène, tout cela avait quelque chose de dérangeant. Alors, comme la majorité des Français, il se remit simplement au travail. Jusqu'en automne 1942.
Il habitait la région parisienne. Il avait une famille à nourrir. Les hommes sont plus importants que les nations. Le sourire d'un enfant vaut tous les drapeaux. La guerre n'apporte que la mort ou la gloire, parfois les deux. Lui voulait la paix. On lui proposa le travail obligatoire. Il refusa. On le lui imposa. Il s'échappa.
Passant devant le vélodrome d'hiver avec quelques compagnons, il réfléchit à un plan qui lui permettrait de rejoindre la zone libre, puis l'Espagne, et enfin les colonies. Le bâtiment puait la mort. Quelques mois plus tôt, des gens y avaient été entassés en prévision de leur extermination. Comme bon nombre de français, Bernard n'avait rien fait. La peur, l'égoïsme, l'incrédulité... tout justifiait qu'il ne bouge pas. Seule la mise en danger de sa propre famille réussit à le faire prendre conscience de ce qu'était vraiment cette guerre et le projet nazi. L'idiot. S'il avait su que, dans ces convois se trouvaient le grand-père du futur époux de sa petite fille pas encore née, peut-être aurait-il réagit plus vite. La famille est une chose sacrée. Nous faisons tous partie de la même famille. Nous l'ignorons simplement.
Réussissant à passer la frontière, il arriva au début 1943 au Maroc. Là, se présentant à des officiers avec des papiers fournis par la résistance, il offrit ses services à la France libre et combattante. Il voulait servir son pays. Il voulait le libérer. Il était gaillard, on l'incorpora à une unité de haute montagne, en compagnie d'un tiers de continentaux et de deux tiers d'indigènes. À leur contact, cet homme se découvrit deux passions : une pour la tolérance et une autre pour l'alpinisme, qu'il transmit à son fils, puis à son petit-fils, mon oncle, qui me l'a transmise à son tour, sur le mur qu'il avait monté dans la propriété familiale. J'avais le vertige. Une ignoble peur panique du vide. Bien assuré avec un harnais, les paroles réconfortantes de mon arrière-grand-père m'ont aidé à grimper jusqu'au toit. J'avais sept ans. Jamais plus je ne me sentis aussi fier que ce jour-là.
Une fois en Afrique, le vaillant Bernard s'entraîna dur, puis participa à toutes les opérations, de la libération de la Corse à la marche sur l'Alsace en passant par la conquête de l'Italie. Sur le terrain, il s'illustra par ses hauts faits d'armes. Il était un héros. Jusqu'à la fin de la guerre, il se conduisit comme tel, en tuant et tuant encore. Triste ironie, pour un homme qui cherchait avant tout à sauver des vies. Puis l'armistice vint libérer son âme. Il retrouvait sa femme, sa famille, son petit quotidien bien tranquille.
Ce n'était qu'un mirage. La guerre l'avait changé. Elle avait changé sa vision des choses. La boue et les grands airs lui manquaient. Il avait la nostalgie du combat. Sa vie, enfin joyeuse, n'avait plus de sens. Il devint violent avec ses proches. Il se détesta pour cela. Pour se punir d'une gifle qu'il n'aurait jamais voulu donner, il se réengagea. Ancien combattant méritant et décoré, il fut immédiatement nommé à un poste de sous-officier. La France avait besoin de lui. Il voulait partir. Loin. On l'envoya en Indochine. Il allait casser du rouge. Sa carrière militaire était bien lancée. Elle prospéra sur une montagne de cadavres.
Quand il revint en France à la fin du conflit, il fut accueilli en salaud. Les gens de la métropole n'en pouvaient plus de cette guerre. Lui, pourtant, n'avait fait que son devoir. Il le poursuivit dans des instances de l'État. Rattaché à la région lyonnaise, il gravit tous les échelons et installa sa famille dans la petite bourgeoisie locale. Ses propres enfants firent de beaux mariages, avec certains notables. Plus jamais il ne leva la main sur sa douce et tendre femme, qui vieillit avec lui. Une blessure au bras, de toute manière, l'en aurait empêché, même s'il l'avait voulu. Puis enfin, après une carrière admirable au service de la nation, il prit sa longue retraite, ne quittant plus son havre de paix et y recevant enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants pour leur raconter ses belles histoires, dépassant largement les quatre-vingt-dix ans.
Jusqu'à mes huit ans, je bus les paroles et les histoires de cette figure familiale. De tous mes cousins, j'étais le seul à porter autant d'importance aux détails. Comment il avait connu sa femme ? Est-ce qu'il avait déjà conduit un char ? Est-ce que toute la France était aussi héroïque que lui ? Quelle était sa bataille préférée ?
En l'écoutant, j'étais persuadé de tout savoir.
Je ne savais rien. Je n'étais qu'un enfant. Les atrocités, on me les cachait. La torture, les meurtres de masse, les viols, les génocides... J'étais trop jeune pour comprendre. Mon arrière-grand-père le savait. Pour ne pas me heurter, il chercha à me donner une vision romantique de la guerre, très « fleur au fusil ». Il ne pouvait pas me dire tout le mal qu'il avait pu faire. Il ne pouvait pas m'avouer ses propres exaltations en Italie. Comment évoquer devant un môme ses pulsion vengeresse lorsqu'il apprit la mort de son beau-frère, un stupide communiste qu'il aimait pourtant bien, exécuté d'une balle dans la nuque par un allemand pour avoir fait sauter un dépôt. Comment parler de tous ces crimes à jamais impunis en Asie, pour la France, pour rien. Ce ne fut qu'en suivant mon père, détaché auprès de l'ambassadeur du Vietnam, que je commençai à comprendre. La visite d'un musé sur place me fit découvrir une autre vision de l'Histoire. Une des rares discussions que j'eue avec lui, à propos de son grand-père, me fit comprendre la complexité des choses et leur caractères impitoyables. Je découvrais mes racines. Mes autres racines. Celles où les héros avaient laissé leur place aux martyrs. J'apprenais. Dans le monde, il n'y avait ni bons, ni gentils. Juste des égoïstes qui se battaient pour protéger ce qu'ils avaient et les chimères dans lesquelles ils croyaient. Pendant tout mon primaire et mon collège, je me mis à me passionner pour l'Histoire, à lire pour essayer de comprendre, tous types d'ouvrages, écrits aussi bien par les gagnants que par les perdants. Les récits de mon arrière-grand-père, qui avait tout vu et tout connu, je m'en servi comme base pour analyser le monde. Pour garder le contact, ma mère lui avait installé Skype. Pendant des heures le week-end, tant qu'il avait encore un peu sa tête, nous discutions à distance. Cela m'évitait de trop fréquenter mes camarades de classe que je détestais. Plus je grandissais, plus mes questions se faisaient précises, et plus sa mémoire chancelait. Qu'importe. Ce qui comptait réellement n'était pas tant la teneur de nos discussions que le fait de les avoirs. Un jeune s'intéressait à sa vie. À l'aube de sa mort, il menait sa mission la plus importante : son devoir de mémoire. Il m'avoua ses derniers regrets. Pour la première et dernière fois, je le vis pleurer. Il me semblait apaisé.
Au Vietnam, dès que je pouvais, je lui envoyais des photos des lieux que je visitais, espérant faire renaître en lui quelques souvenirs. Lors d'une sortie dans la baie d'Ha Long, un aigle pécheur me frôla le visage. Je fus effrayé autant qu'émerveillé. Quand je lui racontai cette anecdote, il m'en confia une autre, bien à lui. Avec son régiment, il avait l'habitude de nommer les animaux que lui et ses camarades croisaient. Les baptiser leur donnait l'impression d'être encore humains. Mon aigle devint e-duan. Le nom d'un site internet local qui faisait dans l'aide à la gestion de projet et dont j'avais vu le prospectus sur le bureau de mon père.
Entre le Vietnam et le Japon, je ne le revis qu'une seule fois, lors d'un été. J'allais rentrer en sixième. J'étais plutôt intelligent pour mon âge. Il me fit le plus précieux des cadeaux : m'ouvrir ses archives et me laisser photographier et scanner ce que je voulais. J'y passai mes vacances, avant de m'envoler. Puis nos contacts se firent plus rares. Il était gravement malade. Je n'avais plus le droit de le déranger. L'homme immortel était en train de mourir. Moi, de mon côté, je lisais. Il m'avait donné une soif d'apprendre et de comprendre.
Un matin, alors que j'étais en cinquième, ma mère me prit dans ses bras. Elle pleura. Je compris tout de suite. Je la serrai à mon tour.
Les vrais héros sont dans nos cœurs.
*****
« C'est parce que je l'ai toujours connu vieux que je l'ai surnommé Papi Mathusalem, car il était vieux comme Mathusalem. Je sais, c'était un peu naze, mais j'avais six ou sept ans, hein, j'venais d'apprendre à lire, et la famille de ma mère m'avait foutu une bible illustrée dans les mains. C'est resté. »
Passionné comme un enfant devant la vitrine d'un glacier, Kilian avait bu jusqu'à la lie les paroles de son petit ami. Le discours avait duré presque deux heures et s'était vu illustré des nombreux documents d'époques que le brunet avait pu numériser. Cinquante ans d'Histoire que Kilian et Gabriel avaient écoutés avec attention. Pour l'artiste, c'étaient surtout les photos qui l'intéressaient, afin de pouvoir au mieux représenter ce personnage aux différents stades de sa vie. Pour le blondinet, c'était la culture et la curiosité de son petit amie qui le subjuguaient. Il s'était toujours mis en tête qu'Aaron était né arrogant et intellectuel, que c'était quelque chose de naturel en lui, une sorte de maladie sociale qu'il fallait accepter à défaut de pouvoir lutter contre. Et pourtant, avec ses neurones en désordre, le blondin avait tout fait pour équilibrer les choses. Découvrir l'origine de la soif d'apprendre de son brun était rassurant et poétique. Définitivement, il aimait quelqu'un de bien. Et là, il avait passé une très bonne journée, même si le soleil qui avait entamé sa descente indiquait qu'elle s'approchait de sa fin. Regardant l'horloge de son téléphone, Gabriel confirma cette information :
« Bon, on cause, on cause, mais il est dix-huit heures trente, va falloir que je rentre, moi, j'ai des trucs qui m'attendent dans le congélo, et ensuite, je sors au ciné avec Cléa. Si j'suis en retard parce que je causais avec un couillon à poil et son mec, c'est sûr qu'elle va m'étriper. Sinon, vous voulez pas m'filler un Tupperware de sauce tomate avant que je m'en aille ? Non, parce que j'me dis que si je l'invite à bouffer demain midi à la maison, vaudrait mieux pas que j'l'intoxique. »
Compatissant avec la pauvre adolescente, Aaron alla mettre en boite une partie de sa préparation qui avait mijoté pendant toute l'après-midi. En la ramenant à son invité sur le départ, il ne put que constater, qu'à nouveau, les joues de son petit ami avaient pris une étrange teinte rouge. Et là, ça commençait un tout petit peu à l'énerver.
« Bon, une fois mais pas deux. Gaby, tu lui as raconté quoi comme connerie, encore ? Et Kilian, tu peux remettre ton slip, la séance de dessin est terminée, il commence à faire frais et tu vas chopper la crève ! »
Se saisissant du cadeau que lui tendait le brunet, Gabriel se laissa juste aller à un léger clin d'œil et souhaita « encore bonne chance » à Kilian avant de détaler comme un lapin. Le blondinet, livide, pour esquiva les questions de son camarade en prétextant une soudaine envie de voyager au pôle nord à la découverte des ours blancs et un besoin urgent de prendre sa douche. La technique fonctionna plutôt bien jusqu'au repas, où l'adolescent aux yeux verts se gava des délicieuses pâtes à la sauce tomate qu'avait divinement bien réussi son amoureux. Ce ne fut que quelques minutes plus tard, alors qu'Aaron sortait de la salle de bain et semblait tout à fait prêt à remplir son devoir de mâle, que les choses tournèrent mal. Mis dos à un mur matérialisé par la virilité de son brun, Kilian se contracta lorsque ce dernier remit la question sur la table.
« Bon, il t'a dit quoi encore, ce saligaud ? »
Écarlate comme une cerise, le blondinet tapa des poings sur le matelas et s'emporta violemment. Dans cette position, il était fait comme un rat. Il était obligé de parler. Sans quoi, son homme aurait forcément profité de son accès privilégié à son dos, ses hanches et son torse pour le chatouiller. Et ça, c'était vraiment une torture ignoble. Surtout quand il était maintenu comme ça à quatre pattes sans défense.
« T'es vraiment obligé de me demander ça en me faisant l'amour ? Sérieux ? Putain, t'es vraiment trop chiant ! Il m'a simplement suggéré de te proposer d'inverser une fois avant ton départ. Voilà, il pense que ça te fera du bien et que ça te rassurera sur mon compte et... et... et j'suis pas sûr qu'il ait tort.... Merde, tu fais chier ! J'me disais juste que... voilà quoi... La dernière fois, ça avait semblé te tenir à cœur, mais j'étais trop nul. Et j'veux pas que tu t'interdises des trucs parce que je suis naze. Moi, j'veux te faire plaisir aussi. C'est pas juste, après, si je suis le seul à kiffer comme un malade... »
Surpris, Aaron se recula. Pour dire toute la vérité, il n'en avait strictement rien à foutre. Cela faisait longtemps qu'il n'y pensait même plus. S'il avait voulu essayer, c'était avant tout parce qu'il culpabilisait de toujours « dominer » les débats sans laisser à Kilian la possibilité de lui aussi s'exprimer. La maladresse de ce dernier lui avait fait comprendre qu'il ne servait à rien de brusquer les choses. Pour le reste, s'il adorait son rôle habituel, l'idée de changer un peu ne lui posait pas trop de problème, même s'il ne le désirait pas vraiment. Mais là, voir le visage tout coloré et gêné de son blondinet qui retenait ses larmes de honte, c'était adorablement mignon, et cela lui provoqua même certaines envies. La première fut de lui sourire en lui caressant la tête. La deuxième de l'embrasser. La troisième, de lui murmurer tendrement quelques mots à l'oreille :
« Ok, vas-y ! Tu me laisses simplement t'expliquer comment bien t'y prendre avant, et on y va. Déjà, tu vois, ça, c'est du gel. C'est très important. Ensuite, faut pas y aller comme un bourrin, surtout avec moi qui n'ait pas l'habitude. Enfin, fais-toi un peu confiance et laisse-toi aller, ça va bien se passer.
Passant du rouge pivoine au blanc écru, Kilian déglutit lourdement. Il avait parlé d'essayer ! Il ne pensait pas le faire ce soir ! Pourtant, la manière dont Aaron lui montra le chemin en faisant tout pour le rassurer le poussa à combattre ses peurs. Le dos de son brun était beau et particulièrement doux au toucher. Il ne le voyait que trop rarement, d'habitude. Ses cheveux sentaient bon l'amande. Son cou avait des odeurs de pommes. Son foutu parfum qui rendait le blondin si dingue. Confortablement installé sur le lit, le ventre parallèle au matelas, Aaron encouragea Kilian.
« J'te fais confiance, ça va bien se passer ! Le plus important, c'est que tu prennes du plaisir comme quand c'est moi qui t'en donne. La différence, c'est que là, c'est toi qui es aux manettes, et c'est moi qui reçois. Mais sinon, on est toujours deux à faire l'amour, ça, c'est un truc qui ne change pas. »
Loin d'être rassuré, Kilian trembla encore plus fort. Si pour se laisser pénétrer, il était passé maître en la matière et connaissait tous les secrets pour assurer volupté à son partenaire, là, il avait encore bien du mal à trouver sa voie. C'était étonnant comment ces choses s'emboitaient naturellement mieux dans l'autre sens !
« Soi toi-même. Tu es doux normalement, pas de raisons que ça change... »
C'était vrai. La vérité sortait de la bouche d'Aaron. L'amour aussi. Alors, prenant grand sa respiration, Kilian se colla au dos de son bien aimé et s'agrippa à son torse. Des lèvres, il lui picora la nuque et le cou. Les yeux clos, il laissa son bassin se mouvoir naturellement. L'envie était bien-là. Il pouvait le sentir au sang qui irriguait son corps tout entier. C'était étrange. Différent de d'habitude, mais pas désagréable. Il se sentait assez bien. Il voulait faire bonne figure. Il avança d'un coup sec.
« Aie ! »
Le léger cri de son compagnon fit paniquer le blondin. Bloqué à mi-chemin, il ne savait plus quoi faire. Il était perdu. Aaron avait plongé son visage dans un coussin. Rien ne pouvait lui indiquer la marche à suivre.
« Euh... J'fais quoi, là ? J'te fais mal ? »
Soupirant d'exaspération, le brunet releva la tête et la tourna vers son partenaire.
« Tu continues douuuuuuuuuuucement. Et petit à petit, tu changes le rythme. Si je dis aie, tu ralentis. Si je dis ouille, tu accélères. Et arrête de stresser, tu te débrouilles bien, idiot. Suffit de faire attention. »
Réconforté par ce compliment, Kilian se redressa et s'exécuta. Ainsi positionné, il avait une vue merveilleuse sur le dos de son amant. Pouvant lui poser les mains sur les hanches, il avait une accroche qui lui permettait de gérer. Contractant ses abdominaux, il se remit à l'ouvrage, guidé par les petits cris d'Aaron. Quand ce dernier lâcha trois « ouilles » successifs, le blondinet fut pris d'une étrange fierté. Non seulement il s'amusait, mais en plus, son partenaire semblait vraiment apprécier. Rien que de voir le visage d'Aaron tremblant et haletant comme jamais lors de leurs ébats traditionnels lui retourna le cœur. Il n'y avait pas meilleur aphrodisiaque. Il en devenait fou. Son bassin semblait vouloir hurler son extase. D'un seul coup, son corps se bloqua. Accroché à son brun comme s'il vivait un tremblement de terre, il sentit une bien étrange sensation sortir de son corps.
Un peu confus, Kilian avait vécu son premier orgasme dans ce rôle-là. De nouveau, il se sentait perdu.
« Oups... Ah bah, eux... C'est v'nu... Heu... Et maintenant ? »
« Tu sors sauf si tu veux finir bloqué, et tu me termines à l'ancienne ! »
Enfin une indication qu'il comprenait parfaitement. Se jetant toutes lèvres dehors sur la zone la plus sensuelle du brunet, il le gâta jusqu'à ce que jouissance se fasse. D'une certaine manière, et comme toujours, sentir son petit ami aller au bout des choses était sa récompense et le moment qu'il préférait dans l'acte.
Ereinté, Aaron tomba à la renverse sur le lit. Prétextant avoir un peu mal à la tête, il se passa la main sur le front. À genoux à côté de lui, Kilian contracta les lèvres, fit tourner ses index l'un autour et l'autre et rentra son cou. Même si, de son propre avis, il n'avait pas été catastrophique, il tremblait de peur dans l'attente du verdict.
« Alors, j'ai pas été trop nul ? T'as un peu aimé ? »
Pris d'un rictus, Aaron laissa sa main tomber à côté de son visage, puis lâcha un long et profond soupir.
« T'as été excellent, oui ! Rien à voir avec la première fois ! J'aurais jamais cru que je kifferais comme ça ! Faut absolument qu'on recommence ! Bon, pas trop souvent non plus, parce que je préfère et je suis largement plus à l'aise dans l'autre rôle, mais sans problème si t'as envie ! »
Choqué par cette réponse imprévue et touchée, aussi, Kilian se jeta au cou de son bien aimé et l'embrassa de toutes ses forces. Il était heureux.
« Nan, t'inquiète, j'risque pas de t'demander ça tous les jours ! Moi aussi j'préfère nos p'tites habitudes ! Mais j'suis trop content que t'aies aimé, ça m'fait trop plaisir, putain ! Une ou deux fois par an, ok, si tu veux ! Mais pour ça, faudra absolument revenir ! Hein que tu vas revenir ! Dis-le-moi ! M'abandonne pas tout seul ici ! »
Toujours souriant là où Kilian s'était laissé aller à des larmes d'émotions sincères, Aaron lui passa la main dans les cheveux. Il se voulait réconfortant.
« Ne t'inquiète pas ! Bien sûr que je vais revenir ! Je t'aime trop pour te laisser seul. Quand maman ira mieux et qu'elle n'aura plus besoin de moi, je reviendrai, j'te le promets. Et t'en fais pas, j'aurais de quoi m'occuper cet été ! J'ai plein de trucs à écrire ! »
« Quoi ? », demanda naïvement le blondinet.
« Là ? Faut à tout prix que j'me mette sur l'histoire d'un Kili'an qui dominait son Aar'on ! Personne va la voir venir celle-là, ça va être énorme ! Tu viens d'me remplir la tête d'idées ! »
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