Chapitre 4 (1) (corrigé)

Will

« Ne cherchez plus mon cœur ; les bêtes l'ont mangé. »

Charles Bauderlaire, Les Fleurs du Mal


– Enchantée Mr O'Brien, lui dit Jane avec un sourire poli.

– De même Miss Warren.

– O'Brien... Seriez-vous Irlandais ? s'enquit-elle

– Oui Miss, je suis originaire de ce pays.

– Pourtant vous...

– Rassurez-vous, je ne suis pas toute la journée ivre mort comme vous autres Britanniques le pensez, la coupa-t-il. Quoi que...

– Ce n'est pas ce que j'allais dire, lui rétorqua Jane.

– C'est pourtant ce qu'il se dit sur nous.

– J'allais vous dire que vous n'avez pas d'accent. Je trouve cela étrange, voilà tout.

– Cela fait longtemps que je vis à Londres.

– Depuis combien de temps ? Et votre famille ? Où est-elle ? Vous n'en n'avez plus ?

– Vous posez trop de questions, Miss Warren.

– Oh... Vos parents sont morts, c'est cela ?

– À mes yeux oui, répondit William au bout de quelques secondes.

– Que voulez-vous dire ?

– Arrêtez de poser toutes ces questions, ça en devient agaçant.

– Si nous devons travailler ensembles Mr O'Brien j'estime que ces questions sont légitimes, se justifia-t-elle.

Il lui jeta un regard en biais et soupira, ennuyé par la curiosité de la jeune fille. Il n'aimait pas parler de lui, ressasser le passé le dérangeait et partager ses souvenirs ne faisait pas partie de ses plans. Il était ici pour travailler, pas pour se faire des amis.

La rude vie à Londres lui avait appris qu'il était plus sage de garder ses pensées pour soi, la solitude était un cadeau à double tranchant : elle était gage d'une vie plus longue, mais elle rappelait que personne ne couvrait vos arrière. Elle ne savait pas qui il était vraiment, elle ne pouvait donc pas être considérée comme une ennemie. Seulement comme un petit parasite qui pourrait bien servir ses plans à l'avenir.

Tout de même, cette fille l'intriguait ; sa façon de parler, de venir chercher un parfait inconnu en prison et de le libérer. Cette étrange créature que voici, aussi inconsciente soit-elle attisa sa propre curiosité et il prit la décision de faire quelques concessions. Du moins, pour le moment.

– Très bien. Que voulez-vous savoir ? lui demanda-t-il en s'efforçant de paraître aimable.

– Parlez-moi de vous, lui répondit-elle.

– Vous en demandez beaucoup trop. Précisez votre requête.

– Pour commencer, quel âge avez-vous ?

– D'accord, il s'agit d'un véritable un interrogatoire, soupira-t-il.

Elle lui jeta un regard impatient et il reprit la parole à contre cœur :

– Autour de la vingtaine.

– Vraiment ? s'étonna Jane. Je vous aurez cru un peu plus vieux. Vos... Enfin votre... état vous donne l'air plus âgé, tâcha-t-elle de s'expliquer sans le vexer.

– On dirait. Et vous, quel âge avez-vous ?

– On ne demande pas cela à une dame. Puis c'est moi qui pose les questions.

– Alors je n'y répondrai plus.

– Vous n'avez pas le droit ! s'indigna aussitôt Jane de cette franchise.

– Oh que oui j'en ai parfaitement le droit ! Je peux très bien vous laisser en plan et m'en aller, lui répliqua-t-il sur le même ton.

– Je vous ai libéré. Nous avons un accord, lui rappela-t-elle.

– Peu m'importe.

– Où est passé l'homme d'honneur ? le provoqua-t-elle.

Ils se toisèrent, une lueur de défi dans les prunelles des deux jeunes gens. Les rapports de Jane avec les autres hommes étaient incontestablement maladroits, mais jamais encore on ne lui avait parlé sur ce ton et ses émotions parlaient pour elle. « Bon sang qu'est-ce que j'ai encore fait. Jane, tu es la reine des imprudentes, pourquoi as-tu accepté l'aide d'un tel imbécile ?... Parce que c'était le seul qui voulait bien m'aider... » Pensa-t-elle.

– Dix-huit ans, bougonna-t-elle.

– Je vous voyais plus jeune, se moqua-t-il.

Jane étouffa un grondement mécontent, sa bouille enfantine lui portant plus souvent préjudice qu'elle ne le pensait.

– Dix-huit ans donc et toujours pas mariée apparemment ! Faites-vous fuir tous vos prétendants ou bien c'est justement parce que vous n'en n'avez pas que vous êtes ici ?

Jane était beaucoup trop hébétée par son insolence mêlée d'un sarcasme piquant pour lui répondre, même si elle mourait d'envie de lui dire ses quatre vérités à ce goujat.

- Si vous considérez la valeur d'une femme uniquement à sa qualité d'épouse, c'est que vous n'avez rien compris aux femmes Mr O'Brien ! déclara-t-elle.

Un éclat brilla comme une lame dans les prunelles de glace de l'Irlandais lorsqu'elle croisa son regard, la glaçant tout entière. Un regard indéchiffrable, entre l'acrimonie et le vif intérêt, Jane ne put détacher son regard du sien, son cœur fit un bond dans sa poitrine. Il rompit finalement leur échange silencieux et reprit leur marche, la demoiselle sur ses talons. « Quel étrange jeune homme... » Pensa-t-elle.

Ils marchèrent encore quelques mètres et Jane le força à s'arrêter devant un barbier.

– Je n'en ai pas besoin, dit-il en haussant les épaules.

– Oh que si ! protesta-t-elle.

– Vous avez de quoi payer ?

– N'avez-vous donc pas d'argent à ce point ? l'interrogea la demoiselle.

– Je vous rappelle que vous m'avez trouvé en prison. Si j'avais autant d'argent que ces messieurs qui habitent Mayfair, je ne serais sûrement pas ici.

Jane leva les yeux au ciel, exaspérée. Elle avait déjà envie de le réexpédier en prison et de se débrouiller toute seule. Hélas elle ne pouvait plus revenir en arrière. Alors elle sortit de sa bourse quelques livres qu'elle donna avec hésitation à William. Il les saisit et la gratifia d'un sourire matois.

- Merci bien, douce Miss Warren.

– Je vous attends à Hyde Park, déclara-t-elle. Cela n'est peut-être pas raisonnable de vous avoir délivré et de vous confier autant d'argent, mais j'ai espoir que vous ne me faussiez pas compagnie. Ai-je votre parole Mr O'Brien ?

– Vous pouvez me faire confiance.

Alors pourquoi avait-elle l'étrange impression d'être Ève tentée par le Serpent au jardin d'Eden ? Il y avait quelque chose qui la dérangeait chez cet individu, mais elle ne saurait mettre le doigt sur ce que c'était.

William s'échappa dans un manteau de brume et de mystère, laissant Jane seule avec ses pensées. À l'entrée du parc elle croisa un jeune garçon qui vendait des journaux, hurlant les gros titres alléchants à qui voulait bien les entendre. Elle lui donna quelques pièces et lui arracha presque le papier des mains à force d'impatience. Quand elle fut sortie des environs chargés de monde, ses yeux parcoururent avidement la Une et une lueur traversa ses prunelles alors qu'elle s'installait sur un banc.



NEWSPAPER OF THE YEAR

UNE MACABRE DECOUVERTE !

Ce 12 mars 1893, un commerçant de Whitechapel trouvait le corps mutilé de Judy Browler : une jeune femme qui était tout juste âgée de vingt-quatre ans. Elle louait une chambre dans Whitechapel Street, selon sa logeuse, Judy n'avait pas de famille ; la police n'a pu identifier aucun membre vivant à Londres qui pourrait appartenir à la famille Browler. Miss Browler vendait ses charmes à Whitechapel. Nous avons mené l'enquête pour rencontrer quelques collègues de travail de la défunte. Toutes disent que Judy était une femme discrète, bien éduquée et qu'elles ne comprenaient pas comment une « fille avec des manières de lady pouvait exercer un tel métier ».

Scotland Yard n'a malheureusement trouvé aucune information supplémentaire sur Miss Browler. Il semblerait qu'elle ne soit pas originaire de Londres mais d'une province du pays de Galles. Nous savons néanmoins que les bureaux de la police sont en possession d'une correspondance saisie lors d'une récente perquisition au domicile de Judy. À court d'indices, nous sommes d'accord pour confirmer qu'il s'agirait probablement d'une nouvelle piste que Scotland Yard pourrait approfondir.

S'ensuit une terrible découverte deux jours plus tard après ce premier meurtre ; la nuit dernière plus exactement, un policier qui faisait sa ronde habituelle dans le quartier populaire de Whitechapel a fait une terrible découverte dans Thrawl Street. « Il était environ cinq heures du matin. La pluie avait cessé, un bruit de chat a attiré mon attention et curieux comme je suis, j'ai décidé d'aller voir d'où cela venait. Le bruit provenait d'une impasse et en y entrant j'ai vu un cadavre au pied du mur qui baignait dans son sang... J'ai jugé bon de prévenir immédiatement Scotland Yard. » Expliqua le policier. Et il eut raison. Vers six heures du matin, le corps fut transporté à la morgue de Londres pour y être examiné. C'est alors que le médecin légiste a conclu que la victime avait été assassinée de la même manière que Judy Browler et que les cinq autres victimes de Jack l'Éventreur. Si Scotland Yard avait déjà un suspect dans sa ligne de mire (Serge McGrath, un boucher qui tient commerce à Aldgate) force a été de constater que ce dernier est innocent, en garde à vue au moment des faits. Tôt dans l'après-midi, l'inspecteur de Scotland Yard ; Adrian McColl, s'est rendu sur place puis a annoncé qu'il était officiellement chargé de l'enquête par le Premier Ministre en personne, et qu'il mettrait tous les moyens en œuvre pour retrouver l'assassin.

De nouvelles questions sont sur toutes les lèvres : quelle est donc cette correspondance trouvée ? A-t-elle un lien avec l'enquête ? Qui est ce nouveau corps retrouvé dans Thrawl Street ? Et si cette fois-ci le tueur avait laissé de nouveaux indices qui permettraient à l'enquête de faire une avancée colossale ? Quoi qu'il en soit, par mesure de sécurité, il est recommandé d'éviter les sorties nocturnes chers citoyens. Et ce, jusqu'à ce que l'affaire soit résolue.

Une chose est sûre, le meurtrier semble bel et bien de retour.

Simon Palmer.

Toute absorbée par sa lecture qu'elle était, la bouche de Jane s'entrouvrit de surprise tandis qu'elle parcourait les dernières lignes avec un intérêt renouvelé. Cela faisait de nouveaux éléments et une piste sérieuse sur laquelle elle pouvait commencer son enquête. Puisque Scotland Yard ne voulait pas de son aide, elle pouvait se lancer, surtout qu'elle n'était plus seule dorénavant. D'ailleurs, en se rappelant subitement de son existence, elle se demanda si William O'Brien avait décidé de lui fausser compagnie avec sa bourse ou s'il s'était réellement perdu. Elle conclut hâtivement qu'il avait sûrement dû se servir d'elle pour une fuite dans les règles de l'art.

– Idiot, marmonna-t-elle frustrée.

Cela l'irrita, fortement. La voilà dupée par le premier imbécile qui passe. Devait-elle aller voir des policiers ? Ils lui riraient au nez, c'était certain. « Tu es une imbécile Jane. Comment as-tu pu penser un seul instant que... »

Au même moment une présence s'installa à côté d'elle dans un frottement de tissu.

– Eh bien, comme ça il y aurait une nouvelle victime on dirait ? lui demanda-t-on.

Comme elle ne répondit pas, trop occupée à contempler son article, il poursuivit.

– Êtes-vous toujours aussi polie Miss Warren ? observa-t-il.

Jane sursauta quand elle reconnut les inflexions désagréables dans cette voix.

– Mr O'Brien, dit-elle en pliant le journal sur ses genoux. Et dire je commençais à croire que vous m'aviez lâchement abandonnée...

Mais la fin de sa phrase mourut dans sa bouche dès l'instant où elle leva le nez de son journal pour se retrouver face au bandit devenu méconnaissable.

– Voyez-vous, j'y ai pensé. Mais jamais je ne me serais permis une telle chose.

Elle n'en crut pas ses yeux. L'homme qui lui faisait face n'avait rien en commun avec le prisonnier négligé qui s'était tenu à ses côtés quelques instants plus tôt. À présent il était élégamment vêtu, dans son habit bleu nuit qui mettait en valeur ses iris. Son col blanc immaculé cachait son cou où sortait une légère cicatrice argentée. Sans sa barbe et sa chevelure qui lui tombait sur le visage, Jane pouvait enfin apercevoir distinctement ses traits.

– Vous avez été très claire sur le fait que je devais être plus présentable, j'ai donc fait un détour plus important que prévu, lui expliqua-t-il.

Sa chevelure de jais tombait en mèches furtives sur des yeux à couper le souffle : les prunelles du jeune Irlandais ressemblaient à celles d'un chat, garnis de longs cils épais. Mais ce qui captiva Jane fut sans condition la couleur de ses iris : bleus comme une mer tropicale, de la même teinte que le crépuscule au petit matin frais et estival. Sa peau quelque peu hâlée n'était pas s'en rappeler celle d'un voyageur de la mer. C'était le genre de beauté masculine qui fascinait. Une beauté dont le simple regard était une invitation au voyage, dont le moindre sourire était un aperçu de l'interdit. Une lueur dangereuse dansait dans ses yeux, celle qu'ont ces êtres libres comme les oiseaux qui virevoltent gracieusement dans le ciel, insoumis et belliqueux aussi. En cela, il captiva immédiatement Jane.

De l'énergumène se dégageait une certaine confiance, un regard affuté et pétri d'arrogance, intimidant. William O'Brien semblait si simple à décrypter que cela en semblait impossible. Jane le sentait, elle faisait fausse route dans son jugement. Tout en lui trahissait le paradoxe, de son faux air de parfait gentleman jusqu'à la flamme insolente qui dansait dans son regard. Fascinant. Si un être fait de feu et de glace pouvait exister, ce serait William O'Brien.

La demoiselle détourna subitement les yeux, troublée par cet homme.

– Suis-je assez digne de marcher à vos côtés à présent ? railla-t-il.

– Il semblerait, Mr O'Brien, confirma-t-elle en lui jetant un regard en biais.

– Miss Warren, si nous sommes destinés à collaborer ensemble je veux que vous m'appeliez William, c'est moins long. Ou alors vous pouvez aussi m'appeler Will, comme tout le monde.

– Seulement si vous m'appelez Jane alors.

– Bien, (il hésita) Jane.

– Will, chuchota-t-elle.

Son nom dans sa bouche lui fit l'effet étrange de prononcer un mot interdit, blasphématoire. Du « w » glissant au « i » languissant sur la langue qui meurt dans le double « l » qui se délie pour finir sur la sensation d'un souffle dérobé.

Ils restèrent un instant comme cela, sans un mot. William fut le premier à détourner la tête et Jane en profita pour admirer son profil. Dans le peu d'hommes qu'elle avait côtoyé durant sa courte vie, celui-ci était indéniablement le plus beau. « Un homme pareil dans une prison ! Et dire il ressemble à un vrai gentleman... » Pensa-t-elle. Seulement, si William avait l'apparence d'un gentleman, il n'en était pas un. Will la surprit alors qu'elle se perdait dans sa contemplation, il s'éclaircit la gorge et Jane se rendit compte de son impolitesse, dérobant ses joues rosies à sa vue en détournant précipitamment le regard vers son journal.

– Bien, reprit Will. Puisqu'il faut commencer par quelque chose, dites-moi ce que vous savez sur Jack l'Éventreur.

– Eh bien seulement ce que les journaux ont bien voulu dire à ce sujet.

– En somme, nous n'avons rien.

– Que voulez-vous dire par « rien » ?

– Si vous vous fiez à ce qu'on raconte dans ces bouts de papiers, alors vous n'avez rien.

– Expliquez-vous.

– Vous vous doutez bien que les informations dont vous disposez par les journaux ne sont pas celles de Scotland Yard ?

– Évidemment ! Mais il y a quand même de quoi constituer le portrait du tueur. Le mode opératoire, les victimes similaires, les lieux... énuméra-t-elle.

– Oui, ce que tout le monde sait déjà. Mais si vous voulez être plus efficace que la police, il faut plus que cela, tâcha d'expliquer l'Irlandais.

– D'accord. Récapitulons. Deux corps ont été trouvés dans les rues de Whitechapel, l'un est celui d'une prostituée ; Judy Browler retrouvée dans Mitre Square la nuit du 12 mars. La presse suppose qu'il pourrait s'agir du retour du véritable meurtrier. Quant à la police j'ai l'impression qu'ils préfèrent la théorie de meurtres qui n'ont aucun lien, ou bien qu'il s'agit d'une mauvaise farce.

– Ni l'un ni l'autre, l'interrompit Will.

– Comment pouvez-vous en être aussi sûr ? Après tout Judy a été retrouvée égorgée puis éventrée de la même manière que les précédentes victimes de l'Éventreur et puis c'est à Mitre Square que l'on a retrouvé son corps, tout comme celui de Catherine Eddowes. Ne dit-on pas que le meurtrier revient toujours sur les lieux de son crime ? La seconde victime a été retrouvée dans Thrawl Street, c'est précisément ici qu'est morte Mary Ann Nicols. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une simple coïncidence.

– Certes, si nous avions affaire à un imitateur de Jack l'Éventreur on aurait retrouvé plus que quelques similitudes. C'est le 31 août qu'il se serait remis à tuer, et c'est dans Buck's Row qu'un cadavre aurait été retrouvé. Dans ce cas-là il aurait été enfantin d'arrêter le tueur puisqu'il aurait logiquement attendu le 8 septembre pour frapper dans Hanbury Street. La symbolique est primordiale pour ce genre de tueur. Quant à un retour du vrai Jack l'Éventreur... J'ai un sérieux doute. Pourquoi attendre cinq ans avant de recommencer ? Qu'est-ce qui l'a empêché de continuer en 1888 ? Pourquoi revenir aujourd'hui ?

– Mais pourquoi choisir Mitre Square et Thrawl Street dans ce cas ?

– Je ne sais pas, dit-il en haussant les épaules. Sûrement pour se manifester de la manière la plus fracassante qu'il soit, comme pour dire « regardez-moi je suis Jack l'Éventreur ! Tremblez pauvres mortels ! ». Le lieu a été choisi, c'est une évidence. Mais seulement pour que Scotland Yard et la presse fassent le lien avec les meurtres de 1888. Rien de plus. Comme je vous l'ai dit nous n'avons pas affaire à un admirateur, et le Jack de 1888 n'aurait aucun intérêt à revenir sur les lieux de ses précédents crimes. À moins d'être complètement stupide il sait très bien que c'est là qu'on l'y attendrait et je ne vois pas quelle utilité il trouverait à se faire attraper. Non, pour moi le tueur est tout autre.

Jane écoutait très attentivement Will, sidérée par sa démonstration. Il avait expliqué cela avec un calme déroutant et une logique implacable, si bien que Jane regretta un instant de l'avoir jugé si sévèrement. Quelque chose l'intrigua dans la façon qu'avait Will de parler sans laisser transparaître la moindre émotion, un sujet tel que celui-ci génère de l'inquiétude, de la crainte, du dégoût parfois, là rien. Il énonçait les faits, purement et simplement, comme si le meurtre et le sang n'avaient rien de surprenant pour lui. De toute évidence le jeune homme savait de quoi il parlait et cela le rendait d'autant plus singulier...

– Oui, je dois bien reconnaître que vous semblez avoir raison, admit Jane qui restait tout de même prudente, aucun détail n'était à exclure.

– Non, Scotland Yard connaît l'identité de la deuxième victime. Seulement les informations sont laissées à ces vautours de journalistes au compte-gouttes.

– Qu'en savez-vous ?

– Parce que c'est ainsi que cela fonctionne ma petite dame.

Jane se laissa aller contre le dossier du banc, elle croisa les bras sur sa poitrine et plissa les paupières. Ses sourcils se froncèrent, trahissant l'extrême minutie dont elle usait pour inspecter l'Irlandais.

- Quoi ? demanda-t-il brutalement.

- Rien, lui répondit-elle nonchalamment.

Alors Will imita la demoiselle.

– Pourquoi enquêtez-vous sur le tueur ? lâcha Will soudainement.

On découvre un peu plus Will dans ce chapitre, que pensez-vous de lui ?

(Version corrigée)

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