Chapitre 3 (4) (corrigé)


Il y eut un grand silence, tous observaient la scène comme le divertissement incongru de la journée. Jane n'en croyait pas ses oreilles, elle avait finalement trouvé quelqu'un qui voulait lui offrir son aide. Bien que l'homme qui se proposa ne fût pas tout à fait celui qu'elle recherchait, elle n'avait pas le choix. « C'est tout ou rien, il faudra s'en contenter. » Pensa-t-elle.

Jane avait arrêté son choix immédiatement sur Jim aux trois doigts parce qu'elle avait connaissance de ses prouesses. Alors que celui qui s'était porté volontaire était loin d'être dans ses critères de sélections. Il semblait jeune en dépit de son allure, Jane doutait qu'il eût l'expérience qu'elle désirait et bien que ses vêtements déchirés laissent entrevoir une stature engageante, la demoiselle craignait qu'il ne tente de l'entourlouper.

Elle aurait donné n'importe quoi pour que l'adroit Simon Palmer avec sa plume farouche et sa perspicacité lui vienne en aide... Et voilà qu'elle se retrouvait avec... ça.

Son visage à lui, n'avait rien de familier, ce n'était pas un personnage connu, probablement juste un voyou des rues ? Tant pis, il faudrait faire avec, elle n'avait pas beaucoup de temps et les pas précipités du policier lui rappelèrent dans quelle situation délicate elle se trouvait. Elle se rapprocha de la cellule, les yeux rivés sur les siens.

– Pensez-vous avoir les compétences que je recherche ? lui demanda-t-elle dans un murmure.

– Je suis bien plus habile que j'en ai l'air Miss, lui répondit-il avec un sourire malicieux. C'est à prendre ou à laisser.

Jane prit tout de même quelques secondes de réflexion, elle n'avait pas le droit à l'erreur.

– Une fois, l'avertit le malfrat.

La jeune fille lui jeta un regard paniqué au fur et à mesure que les pas se rapprochaient.

– Deux fois.

– D'accord ! fit-elle précipitamment. D'accord. Mais ne vous avisez pas de me laisser tomber.

– Vous avez ma parole. Je suis un homme d'honneur.

« Merveilleux... » Jane n'était pas tout à fait convaincue de sa trouvaille. Hélas le dernier grain de sable venait de choir dans le sablier, mettant fin au temps qu'on avait bien voulu lui allouer, le policier surgit de l'ombre.

– Madame que faites-vous là ?! Vous vous êtes jouée de moi ? Sortez immédiatement d'ici ! hurla le policier.

La demoiselle reprit une expression de profonde tristesse et se retourna vers le policier les yeux pleins de larmes.

– Monsieur l'agent c'est merveilleux, lui dit-elle.

– Non milady il n'y a rien de merveilleux à cela vous rendez-vous compte de...

– C'est grâce à vous ! Oui ! Grâce à vous que j'ai retrouvé mon cousin, s'exclama Jane en joignant ses mains délicates.

– Que... Votre... Cousin ? répéta le policier ébahi.

– Oui ! Il s'appelle Charles Darnay monsieur, il vient de France ! Oh Charles, s'émerveilla-t-elle en se collant contre les barreaux de la cellule.

Le jeune malfrat la contempla l'air abasourdi devant un policier mille fois plus perplexe.

– Cet... homme est... votre cousin ? l'interrogea-t-il une nouvelle fois en désignant le scélérat derrière la grille.

– Oui, confirma Jane. J'attendais sa venue depuis deux longues semaines, puis nous ne l'avons jamais trouvé ! Quelle chance de le revoir sain et sauf !

– Mais milady... Cet homme a été arrêté alors qu'il était ivre et urinait sur des policiers qui patrouillaient il y a trois jours ! C'est un fripon ! bégaya le policier.

Jane lança un regard dubitatif au jeune homme qui avait caché son visage avec une de ses mains sales. « Eh bien bravo Jane. Te voilà avec un abruti sur les bras maintenant ! » Se fustigea-t-elle.

– Vous savez c'est une coutume de leur pays, les Français sont des gens... particuliers, il ne faut pas leur en vouloir monsieur l'agent. Je vous promets qu'il ne recommencera plus. N'est-ce pas Charles ?

– Oh, oui, oui, marmonna l'homme en tentant de prendre un accent français qui était absolument déplorable.

Jane serra les dents. « Ça passe ou ça casse. »

– C'est bien mon cher cousin. (Elle s'avança vers le policier.) S'il vous plaît monsieur l'agent, je vous en prie, j'ai de quoi payer sa caution, le supplia-t-elle d'un ton empli d'une douceur candide.

Elle battit des cils et prit un masque d'espoir comme le faisait les comédiennes au théâtre. Mauvais juge en matière de comédie, le policier n'y vit que du feu il recula tout de même d'un pas, soucieux de se faire piéger par la belle une nouvelle fois.

Il céda et prit la clé qu'elle tenait entre ses petites mains. Il ordonna à Jane de s'écarter et, les joues écarlates, il ouvrit la grille. Le policier saisit le poignet du soi-disant cousin qui s'arracha immédiatement à la poigne de l'agent avec dédain. Il lui jeta un regard mauvais et sortit de lui-même, un air fier brillant dans ses prunelles de glace.

Une fois debout et à ses côtés, Jane constata que son prisonnier était doté d'une belle taille, la nature semblait l'avoir gâté sur ce point.

Le policier suspicieux dévisagea le brigand, qui ne fit qu'accentuer son aversion pour les Français. De mauvaise grâce il leur fit signe de le suivre, Jane sur leurs talons et toutes les paires d'yeux rivés sur eux. La demoiselle perçut des messes basses insolites, ne sachant si ces insultes étaient destinées au policier, au prisonnier, ou bien à elle-même. Quoi qu'il en fût, elle ne se fit certainement pas prier pour passer outre et les ignora de bon cœur.

De retour dans le commissariat, l'agent referma la grille derrière eux, le truand se tenait près la porte, prêt à décamper, permettant à son nouveau chaperon de glisser discrètement quelques livres sur le comptoir.

– Merci encore vous êtes un homme fabuleux ! s'écria-t-elle.

Elle se rapprocha du brave policier et lui glissa quelques mots à l'oreille :

- Cela reste entre nous, évidemment.

– Évidemment, marmonna-t-il entre ses dents.

– Merci.

Elle lui offrit un beau sourire et s'éclipsa du commissariat avant qu'il ne change d'avis, le prisonnier derrière elle qui, avant de sortir, se retourna pour toiser le policier. Il lui offrit un grand sourire narquois et le gratifia d'un geste obscène avant de refermer la porte.


Jane et le malfrat marchaient dans la rue, les passants dévisageant ce curieux duo quand l'ancien prisonnier prit enfin la parole :

– Vous êtes la bourgeoise la plus folle que je n'ai jamais vue, lui lança-t-il.

– De rien moi aussi cela me fait plaisir d'avoir pu vous sortir de prison voyons, lui rétorqua-t-elle.

– Oh, j'en suis ravi alors, répondit-il.

Jane lui lança un regard indigné.

– Quoi ? s'étonna-t-il avec la brutalité qui caractérise ces individus de basse extraction.

– Eh bien comme vous ne me remerciez pas, je le fais à votre place !

– S'il n'y a que ça pour que vous arrêtiez de me jeter ce regard noir... Merci.

– ... Il n'y a pas de quoi.

– Vous êtes sérieuse ? Je veux dire, vouloir enquêter sur Jack l'Éventreur ? Parce que je ne pense pas que vous soyez à la hauteur...

– Puis-je savoir ce qui vous fait dire cela ? le coupa Jane piquée au vif. Parce que je suis une femme issue d'une société qui lui dicte d'être bien sage, de ne pas parler aux inconnus et de ne pas sortir le soir ? Vous êtes bien un homme...

– Je veux simplement m'assurer que vous savez dans quoi vous vous embarquez. Et aux dernières nouvelles oui, je suis bien un homme. Désirez-vous vérifier par vous-même ?

Jane cessa brutalement de marcher, elle le dévisagea, choquée par la proposition indécente de ce grossier personnage dont l'esprit était aussi répugnant que l'aspect.

– Je... Je ne vais pas me donner la peine de répondre à votre proposition. Si je ne savais pas dans quoi je me lançais, croyez-vous vraiment que j'aurais pris la peine d'aller chercher un prisonnier et de payer sa caution ?

Il la considéra un instant avec des yeux pétillants de malice, puis un petit rire caustique lui échappa, il se remit à marcher, mains dans les poches de son vieux pantalon rapiécé, l'air goguenard.

– Où habitez-vous ? Il faut vous changer, lui dit-elle.

– Je n'habite nulle part, lui répondit-il sur un ton détaché.

– Mais... Vous dormez bien quelque part n'est-ce pas ?

– Là où il y a de la place, je ne suis pas très difficile vous savez.

Jane pinça les lèvres, visiblement cela s'annonçait plus compliqué que prévu.

– Vous... Il faut vous vraiment changer. Vous ne pouvez pas rester ainsi.

Le bandit fronça les sourcils, il écarta les bras et désigna sa tenue débraillée.

– Quoi ? Y aurait-il un problème ?

– Oui et un gros même, vous ne pouvez pas rester dans cet état. Vous attirez l'attention.

– Parce que vous vous croyez invisible peut-être ?

– Je me fais déjà bien moins remarquer que vous !

– Je n'ai pas signé pour une transformation, Miss.

– Encore mieux vous n'avez rien signé.

– C'est plus pratique pour se fondre dans l'East End, croyez-moi. Ce n'est pas avec une redingote et des jupons que nous arriverons à quelque chose.

– Je ne parle pas de commodité monsieur, je parle de propreté !

– Si cela vous gêne tant que ça, vous n'avez qu'à m'acheter des vêtements, rétorqua-t-il.

– Il manquerait plus que cela !

– Alors arrêtez de vous plaindre.

« Tu es tombée sur la perle rare ma grande ! » Songea-t-elle avec ironie. Il repoussa une mèche sombre de ses cheveux longs d'un geste impatient. Les habitants de la grande ville les jaugeaient, un air dubitatif collé sur leur visage, anxieux de voir un dépravé marcher aux côtés d'une jeune lady.

– Les passants vont penser que vous m'ennuyez, lui glissa Jane.

Il la considéra d'un air indifférent.

– Grand bien leur fasse, répliqua-t-il.

– S'il vous plait, scanda Jane entre ses dents.

Excédé, il leva les yeux au ciel.

– Bon, très bien puisque vous avez l'air d'y tenir ! céda le brigand. Allons-y ! Comme ça, nous pourrons enfin commencer le vrai travail.

– Voilà une très bonne idée ! le nargua-t-elle en souriant.

Il manifesta son agacement par un profond soupir.

– Au fait... Comment m'avez-vous appelé dans la prison ? Charles Darnay c'est bien cela ?

– Oui, je suis désolée. C'est le premier nom qui me soit venu à l'esprit.

– Charles Darnay... La France... dit-il pensif. Cela me rappelle un bouquin que j'ai lu il y a longtemps... Un conte de deux villes, Dickens si ma mémoire est bonne ?

« Grand Dieu il sait lire ?! » S'étonna Jane avec émerveillement. « Et il connait Dickens ! » Sa curiosité pour cette drôle de créature s'éveilla brusquement.

- Vous savez lire ? s'enquit Jane sans même prendre la peine de dissimuler sa surprise.

- Bien sûr ! Diable ! Pour qui me prenez-vous ?

« Pour un homme des rues dont je ne connais absolument rien, prétendument ivrogne qui lit Dickens ! »

– Votre mémoire ne vous fait pas défaut, c'est à ce livre que j'ai pensé. D'ailleurs votre accent français était pitoyable, se moqua-t-elle gentiment.

Il se mit à rire aussi, et ce simple geste suffit à le rendre un peu plus humain aux yeux de la jeune fille.

– D'ailleurs, je ne connais toujours pas votre nom, lui fit-elle remarquer.

– Je m'appelle William, lui répondit-il. William O'Brien.

Voilà la fin du chapitre 3 ! Ouf !

Pour les nouveaux lecteurs je tiens à préciser que ce chapitre était vraiment (mais VRAIMENT) trop long... J'étais dans l'obligation de le découper en plusieurs parties.

Pour les lecteurs habitués faites-moi part de vos réactions, que pensez-vous des découpages ? Vous conviennent-ils ?

J'attends vos réactions !

(Version corrigée)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top