Chapitre 29 (3) (corrigé)
McColl serrait si fort les dents qu'elles auraient pu se briser. Comme s'il avait besoin de ça ! Wallace ne lui laissait déjà que peu de répit, cette histoire n'était pas prête d'arranger son cas !
Ses hommes s'activaient dans son dos, seulement les premières vagues de journalistes et autres curieux arrivaient, et les policiers devaient trouver un moyen de contenir cette masse indésirable au risque de se faire submerger par une foule gagnée par la panique. Ce qui eut le don d'amplifier la nervosité de ce cher inspecteur.
Il alluma sa pipe puis, les doigts crispés autour de celle-ci, il en tira une bouffée afin de s'apaiser. Comment cela était-il arrivé ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? McColl sentit une présence surgir à sa droite où il trouva Miss Warren, les sourcils froncés, menton entre les doigts, l'air profondément préoccupé. La jeune fille était plongée dans une profonde réflexion, les yeux rivés sur le message en lettres de sang que le responsable avait laissé à l'intention de ses poursuivants : « Attrape-moi si tu peux ». Un message si simple et à la fois si lourd de promesses et de menaces. Un appel au crime, une farce, une moquerie qui le pointait du doigt à lui, l'inspecteur McColl et son incapacité. On le tournait en ridicule.
Ce petit message signé au nom de « Jack l'Éventreur » en disait bien assez long sur les projets du tueur, l'inspecteur le savait, mais il avait néanmoins besoin de l'avis de Palmer, ce qui était aussi une occasion de s'entretenir avec lui loin des oreilles indiscrètes.
- Palmer ! Venez, lui demanda l'inspecteur.
Le journaliste délaissa le docteur Ross qui ne se souvenait de rien, pour rejoindre l'inspecteur. McColl lui fit signe de contempler le mur.
- Qu'est-ce que vous en dites ? l'interrogea McColl.
- Hum... commença Simon. Je crois que ce message est bien de la main de Jack. Il n'a pas tué le docteur Ross, ni le gardien. Si cela avait été l'œuvre du ou des assassins de Maxwell Walter, ils les auraient liquidés sans faire d'histoires. Ici, le but était seulement de les immobiliser.
- C'est bien ce que je me disais. L'auteur de ce message revendique sa prouesse et comme si ça ne suffisait pas il nous nargue ! Il nous humilie ! Attendez... Vous parlez des assassins de Maxwell Walter... L'assassin de Walter nous le connaissons tous, c'est Jack l'Éventreur qui a assassiné Maxwell Walter, affirma l'inspecteur.
- Ce n'est pas si sûr, intervint Jane qui devança Simon.
McColl la dévisagea comme s'il avait vu un fantôme. Il était si absorbé par la contemplation du mur qu'il avait oublié qu'elle était encore là.
- Nous nous passerons de votre expertise Miss Warren, cracha presque l'inspecteur.
- Pourtant vous devriez entendre ce qu'elle a à dire, lui conseilla sèchement Simon.
Jane tenta de lui expliquer sa théorie au sujet du meurtre de Maxwell Walter, et de sa possible coopération aux plans de l'Éventreur. McColl l'écouta de mauvaise grâce, ne chercha même pas à feindre l'intérêt. Jane ignora cette attitude cavalière, convaincue de ce qu'elle avançait. McColl se massait les tempes pour chasser la tempête qui s'agitait sous son crâne.
- Vous êtes en train de me dire que Maxwell Walter savait parfaitement ce qu'il faisait et coopérait de plein gré avec le tueur ? Que tout ceci n'est qu'une vaste plaisanterie destinée à nous tourner en ridicule ?
- Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. Quelque chose a mal tourné dans le plan de Jack, Walter n'était pas censé mourir... Du moins c'est ce que nous croyons. Cela ne fait pas partie de ses méthodes, en retrouvant le corps de Walter dans cet état, il était plus que certain que cela allait attirer l'attention. Quoi qu'on en dise, l'Éventreur est malin, son plan est soigneusement orchestré, il veut que tous les regards soient braqués sur lui et sur ses atrocités, par sur le corps d'un pauvre gardien de morgue qui a semble-t-il été torturé et exécuté de sang-froid. Ce n'est qu'une supposition, mais admettez que cela a du sens, dit Jane.
L'inspecteur ne le cria pas sur les toits, mais en effet, cela avait du sens. Du moins suffisamment pour semer le trouble dans son esprit et mettre à sac des semaines de travail. Et où était passé son principal suspect d'ailleurs ? Il examina Jane, la scruta, comme si à travers son regard il pouvait savoir où ce maudit Irlandais était passé. Si c'était bien lui Jack l'Éventreur, alors il ne devait pas être bien loin, sans doute était-il même tout proche de lui.
McColl devait bien l'admettre, la manœuvre était habile : coopérer avec cette petite péronnelle en lui promettant d'arrêter le tueur ensemble, main dans la main... L'inspecteur eut envie de rire tant c'était évident. Le tueur assistait à son propre spectacle, à la fois acteur, directeur de troupe et metteur en scène.
Jane comprit au regard que l'inspecteur posait sur elle que son cerveau était en ébullition. Incapable de déchiffrer le gris insondable de ses prunelles d'acier, elle se contenta d'épier les changements subtils de son visage ainsi que sa mâchoire crispée. L'inspecteur l'ignora et reporta son attention sur Simon.
- Et vous Palmer ? Que pensez-vous du message en lui-même ? Que dites-vous de... de ce sang ?
Jane fut étonnée de lire le dégoût sur le visage pourtant sévère de l'inspecteur.
- Pour moi le choix du sang comme encre est révélateur, nous avons bien affaire à de la provocation. Si vous voulez mon avis, je crois que le but du responsable est de semer la pagaille. C'est une manière pour lui de se montrer et de se moquer de vous, et de la Couronne par la même occasion, expliqua le journaliste.
- Bien, bien... Et, pensez-vous réellement que ce message vienne de la main de l'Éventreur ? Ou bien s'agit-il d'un canular... ?
Simon serra les dents, sa mine déconfite parlait pour lui.
- Je crains qu'il ne soit authentique, inspecteur.
McColl ne dit rien, son regard resta focalisé sur le mur de sang mais il transpirait la colère par tous les pores de sa peau. L'inspecteur n'en resterait pas là, et il comptait prendre en charge les opérations lui-même. Il attraperait l'Éventreur. Et il le forcerait à s'agenouiller devant Sa Majesté. Il écraserait tous ceux qui oseraient se mettre en travers de son chemin : à commencer par Simon Palmer et cette petite gourde de Miss Warren.
McColl tourna les talons, il coinça sa pipe entre ses dents puis se rapprocha discrètement de Simon avec la ferme attention de le mettre en garde. Il lui fit un signe de tête, l'invitant à s'éloigner avec lui du mur ensanglanté et des oreilles indiscrètes, le journaliste le suivit.
- Mr Palmer, j'aimerai vous rappeler que si je vous autorise à nous assister c'est uniquement grâce à vos relations avec le Chef Nolan, murmura McColl en posant une main sur l'épaule du journaliste. Car si ce n'était que de moi, je vous aurais déjà renvoyé dans les jupes de votre mère à coup de coups de pieds. Ou vous seriez actuellement en train de moisir dans une cellule choisie par mes soins.
La poigne de l'inspecteur se resserra discrètement sur l'épaule de Simon dont les lèvres s'étirèrent sous un rictus dédaigneux et il retira la main de McColl du bout des doigts.
- Comme cela doit être pénible de devoir être soumis par le chien de garde de la Reine, répliqua Simon.
- Je vous interdis de... fulmina McColl.
- M'interdire de quoi ? Vous n'êtes pas en mesure de me donner des ordres, inspecteur. Si j'étais vous je me concentrerai sur cette enquête. Je n'abandonnerai pas tant que je n'aurai pas démasqué Jack l'Éventreur. Ne le prenez pas mal, c'est un conseil que je vous donne. Et entre nous, il vaut mieux que nous nous entendions en faisant équipe, ce serait une grave erreur de vous mettre à dos l'opinion publique. Qu'en dites-vous, inspecteur ?
McColl serra les dents, et contint du mieux qu'il put son envie de balancer un crochet du droit dans le joli minois de Palmer. Mais le journaliste avait raison, mieux valait l'avoir dans sa poche que comme ennemi. L'inspecteur avait beau posséder des contacts très hauts placés (c'était d'ailleurs comme cela qu'il s'était vu confier une affaire aussi importante), mais l'autre en avait également, tout comme il possédait le monopole de l'opinion publique. Ce qui était loin d'être négligeable.
- Vous êtes un homme intelligent, inspecteur, faites le bon choix.
- Et vous vous n'êtes qu'une crapule Palmer...
- Disons que je sais préserver mes intérêts.
Adrian McColl hésita un moment. Puis il tendit une main moite au journaliste que celui-ci saisit en scellant leur entente.
- Je savais que je pouvais compter sur vous, inspecteur.
- Faites-moi plaisir, Palmer, évitez de succomber à une paire d'yeux bleus-gris, susurra McColl et à ces mots le journaliste se tendit quelque peu. Qui sait ce qu'ils pourraient vous amener à faire...
Simon retira brutalement sa main dans celle de l'inspecteur qui jubila silencieusement. Lui aussi savait désormais sur quelle corde tirer pour faire plier le célèbre journaliste du Daily Telegraph.
- McColl ?! Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?!
La voix de Sébastian Wallace éclata dans le brouhaha, la fureur qui émanait du détective royal n'augurait rien de bon pour l'inspecteur de Scotland Yard.
- Qu'est-ce que vous voulez Wallace ? s'écria à son tour McColl en s'avançant avec fermeté vers le détective.
- Ce que je veux ? Vous vous fichez de moi ?! Il y a eu une infraction dans la morgue, notre médecin frappé, notre gardien de morgue évanoui, un cadavre a disparu et vous perdez votre temps à vous donner en spectacle ? Qu'est-ce que vous attendez pour vous bouger ?! Vous êtes un incapable McColl vous m'entendez ?! Messieurs (Sébastian claqua des doigts) voici les ordres...
McColl rougit de fureur et il sentit son cœur s'affoler dans sa large poitrine. L'inspecteur gonfla ses poumons d'air avant d'exploser :
- Mes hommes n'iront nulle part, Wallace ! C'est moi qui donne les ordres ici, compris ? Alors maintenant écoutez-moi très attentivement : vous allez la fermer et me laisser faire mon travail ! C'est clair ?!
Sébastian Wallace, outré par le comportement de l'inspecteur, s'apprêta à répliquer mais l'inspecteur ne lui en laissa pas le temps.
- Je veux que toutes les forces soient mobilisées, je veux que les témoins soient interrogés, que l'on soumette à un interrogatoire le quartier tout entier ! Que le moindre individu suspect soit traqué et arrêté ! Que les maisons soient fouillées ! Et qu'on me retrouve ce fichu cadavre ! aboya McColl.
Les hommes de Scotland Yard furent revigorés par tant de hargne de la part de l'inspecteur, tous s'empressèrent de s'exécuter. Au milieu de tout ce remue-ménage, une frêle silhouette s'en alla discrètement. Des yeux dont la couleur était le parfait mélange du bleu du ciel en été et des nuages qui grondent avant la tempête, illuminant un visage blême sous cette chevelure brune. « Je me demande bien à qui peut appartenir ce corps disparu... Après tout, ce n'est pas tous les jours que l'on voit un cadavre danser dans les rues... »
Bonsoir !
Tout d'abord je m'excuse pour ce léger retard et pour la taille de ce chapitre qui est relativement court il faut le dire... Mais comme je voulais à tout prix vous poster un chapitre avant de partir en vacances bah... voilà.
J'espère néanmoins qu'il vous aura diverti un peu ! Personnellement j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire cette discorde au sein même des enquêteurs (et surtout que Simon Palmer a tout de même du caractère et c'est son côté ambitieux que j'ai voulu démontrer là). Jack sème le désordre un peu partout... Peut-être y a-t-il une raison à cela ? Qu'en pensez-vous ?
Donc, je vous informe aussi que je pars en vacances et que je reviens dans deux semaines exactement. Donc pas de chapitres d'avance, vous l'aurez compris, néanmoins je vais essayer de vous en publier au moins un dans le cours de ces deux semaines !
J'espère que vous passez vous aussi de belles vacances, je vous embrasse et profitez bien !
Et un petit vieux dessin pour accompagner ce départ (les couleurs sont dégueulasses à cause de la luminosité je suis désolée...)
(Si vous voulez d'autres dessins dans ce genre dites-le moi, j'en ai fait pleins !)
Ceci est la version corrigée.
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