Chapitre 29 (2) (corrigé)
Le beau monde se pressait dans les rues de la capitale en ce petit matin plutôt gris et doux. Mais les deux acolytes ne s'attendaient certainement pas à voir autant de monde anormalement agglutiné près de la morgue. Les policiers allaient et venaient, secoués par les ordres que l'inspecteur McColl aboyait.
- Que se passe-t-il ? s'enquit Jane.
- Je n'en ai pas la moindre idée, lui répondit Simon intrigué. Allons jeter un œil, restez derrière moi, si on vous remarque on risque de vous forcer à partir.
« Ou de me soupçonner de préparer un mauvais coup. » Pensa la jeune fille. Jane et Simon se frayèrent un chemin dans la foule de policiers, mais ils ne purent bientôt aller plus loin sans que le journaliste ne soit reconnu par un policier qui vienne l'accoster pour lui demander la raison de sa présence. Jane en profita pour se fondre dans la masse, avec sa robe sombre, sa mine blafarde et sa petite taille, elle s'immergeait plutôt bien dans le décor brumeux. Avec un peu de chance bientôt elle se fondrait avec la fumée et le brouillard de la ville. Ce fut alors qu'elle remarqua l'inspecteur McColl en train de s'activer auprès de policiers, accompagné de Sébastian Wallace, le détective royal.
Jane aurait dû faire demi-tour, mais l'espace de quelques secondes fatales, elle resta là, le regard rivé sur l'inspecteur Adrian McColl comme un entomologiste examinerait un drôle d'insecte, ce qui ne passa pas tout à fait inaperçu. Comme s'il sentait ce regard lourd de curiosité peser sur lui, l'inspecteur leva vivement la tête en direction de la demoiselle. Ses yeux s'écarquillèrent, mélange de surprise et de colère, se braquant comme un revolver sur la jeune fille qui comprit qu'elle ne pouvait plus fuir.
- Vous... ?! s'exclama McColl.
- Oups, déglutit Jane en tournant immédiatement les talons.
- Revenez ici ! ordonna l'inspecteur.
Avant que Jane n'ait pu s'extraire de la foule, deux policiers la saisirent par les bras. La jeune fille eut beau se débattre et sommer les hommes en noir de la lâcher, les gardiens de la paix n'esquissèrent pas le moindre geste en sa faveur. McColl se fraya un chemin à travers les hommes en uniforme en râlant avec panache avant de se planter devant Jane.
- Vous ! répéta-t-il avec colère. Que diable faites-vous ici Miss Warren !
- Bonjour inspecteur, répondit Jane comme si de rien n'était en dépit du rouge qui lui montait aux joues. Il fait un temps radieux aujourd'hui, vous ne trouvez pas ?
- Ne me prenez pas pour un imbécile ! s'écria McColl dont le visage se marbrait d'une couleur inquiétante.
- Moi, inspecteur ? Allons, jamais je n'oserai !
L'inspecteur serra les poings, il n'allait pas tarder à envoyer Jane en prison si elle continuait son petit manège. Mais pendant ce temps, en son for intérieur, la jeune fille espérait gagner du temps pour qu'une aide quelconque lui parvienne.
Sa demande fut entendue, puisque Simon Palmer vola à sa rescousse en criant son nom de toute part.
- Ah ! Miss Warren vous voilà ! Mais que faites-vous donc...
Simon se précipita vers la demoiselle tandis que McColl, vert de rage, explosa à cause de ce manque d'attention franchement humiliant.
- PALMER ! cria l'inspecteur.
- Oh ! Inspecteur ! s'exclama Simon en sursautant. Pardonnez-moi je ne vous avais pas vu...
L'inspecteur s'apprêtait à exploser de nouveau quand les policiers à ses ordres le couvrirent de messes basses encourageantes pour le calmer. La scène paraissait plutôt comique, vue de l'extérieur, on aurait dit qu'une mère chanterait une berceuse apaisante à son bébé pour l'empêcher de brailler. Adrian McColl inspira à fond avant de masser ses tempes rougies.
- Palmer... Qu'est-ce que... c'est... que... ça ? reprit McColl en détachant chaque mot.
L'inspecteur n'avait pas besoin de préciser de quoi il parlait, les deux coéquipiers comprirent vite ce qui leur était reproché.
- Vous parlez de Miss Warren ? l'interrogea le journaliste. Eh bien elle est...
- Je sais très bien qui elle est Mr Palmer, ne me prenez pas pour une cloche ! Ce que j'aimerais savoir c'est qu'est-ce qu'elle fait là ?! s'égosilla McColl.
- Elle m'accompagne.
- Comment ? Mais... Avez-vous perdu la raison Palmer ? C'est une civile ! Un sujet de Sa Majesté ! Pas un policier ! Elle n'a pas à être ici.
- Nous sommes tous de loyaux sujets de Sa Majesté, inspecteur, intervint Jane.
- Vous, je ne vous ai pas demandé votre avis ! pesta l'inspecteur avant de reporter son attention sur Simon. Est-ce que c'est un policier ? Non. Un journaliste ? Non. Un médecin ? Non, non et triple non ! Alors elle n'a rien à faire ici ! s'emporta McColl.
- Elle travaille avec moi ! rétorqua Palmer sur le même ton. Miss Warren a gentiment accepté de m'aider sur cette affaire.
- Quoi ?! Elle ?! Mais ce n'est qu'une femme ! Un suspect qui plus est !
- Je vous signale que je vous entends inspecteur ! s'interposa la jeune fille. Je suis peut-être une femme, mais je suis autant utile que vos hommes !
Il s'ensuivit des rires et autres moqueries autour du trio en pleine dispute.
- Ne dites pas de sottises ma petite, pouffa l'inspecteur avec dédain. Et allez donc broder quelques trousseaux de mariage au lieu de piailler de pareilles inepties.
- Puisque je ne suis ni policier, ni médecin, ni journaliste, je n'ai pas d'ordres à recevoir de votre part, inspecteur McColl, répliqua froidement Jane.
Si l'inspecteur avait pu la gifler comme sa propre fille, il l'aurait fait sans hésiter. Diable ! Cette gamine n'avait donc aucune éducation ? Le défunt Docteur Blancksfair était un homme de principes et de valeurs pourtant, comment avait-il pu laisser une telle sauvageonne entacher la réputation des Blancksfair ? Cette petite effrontée était sur le point de s'attirer de graves ennuis.
Mais il eut beau la dévisager avec colère, Jane ne flancha pas. Elle s'efforça de maintenir son regard planté droit dans celui de l'inspecteur. Après ce que Simon lui avait expliqué, au sujet de Jack l'Éventreur la considérant comme digne de son attention, elle doutait de plus en plus de sa théorie concernant Adrian McColl. Jack jouait avec elle comme si elle était son égale, l'inspecteur, lui, la regardait comme si elle n'était qu'une moins que rien. Qu'un tas de poussière qu'on foule du pied. À moins d'être un excellent acteur, McColl collait difficilement au portrait que Jane avait du meurtrier.
Une animosité croissante vibrait dans l'air lourd. La jeune fille était tellement en colère qu'elle s'en fit mal aux phalanges à force de serrer les poings, et l'intervention divine d'un policier l'empêcha de se jeter littéralement sur le pauvre inspecteur.
- Inspecteur ! s'écria le policier. Nous l'avons retrouvé !
- Ce n'est pas trop tôt ! J'arrive immédiatement, répondit McColl. Et vous, dit-il soudainement à Jane et Simon, débarrassez-moi le plancher.
L'inspecteur disparut, englouti dans le lac des uniformes noirs. Cependant, Jane ne se détendit pas pour autant, droite comme une lance. Une main effleura avec hésitation son épaule, celle de Simon Palmer. Il ne dit rien pendant un instant, laissant son simple contact apaiser la jeune fille.
- Ne vous mettez pas dans des états pareils, vous ne feriez qu'envenimer les choses, lui conseilla-t-il enfin.
- Avez-vous seulement vu de la façon dont il me traite ?
- Oui. Et c'est un imbécile. Il ne mérite pas votre colère. Faites-moi confiance. Vous l'avez entendu comme moi : vous êtes considérée comme suspect. C'est-à-dire que le moindre faux pas de votre part peut être valable comme excuse à vous passer les menottes.
- Si ces bonhommes avaient une once de jugeote, ils sauraient qu'il est improbable que je puisse être à l'origine de ce carnage.
- Sauf que ce que les gens désirent c'est un bouc émissaire, et votre ami n'étant plus... Vous êtes dans le collimateur de McColl. Que ferez-vous si on vous passait les menottes ? Songez-y. Si ce n'est pas pour vous, faites-le au moins pour votre famille. Pour moi. Ou pour cette enquête qui n'est pas encore résolue.
« Prochaine victime de l'Éventreur, prochaine sur la liste des suspects de McColl... Et puis quoi encore ?! Il ne manquerait plus que je sois frappée par la foudre ! » Râla Jane. Et elle ne sut pas si bien dire qu'aussitôt le tonnerre répondit à son appel.
- Venez, dit-elle à Simon.
- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, je ne me demande pas s'il faudrait attendre que la foule se disperse...
- Je veux savoir ce qu'il se passe, Mr Palmer. Et puisque personne n'est disposé à nous aider, nous allons chercher les informations par nous-même.
Jane progressa dans son chemin à travers les hommes en uniformes. On lui barra évidemment l'entrée de la morgue, l'empêchant de connaître l'origine de tout ce remue-ménage. Cependant elle put saisir quelques bribes d'explications :
- Le docteur vient d'être retrouvé, disait un policier. Il a été pas mal amoché il parait.
- Et le nouveau gardien ? demanda un autre. Il s'est réveillé ?
- Pas encore, intervient un autre. Et comme si ça ne suffisait pas voilà que ce satané cabot royal de Wallace nous hurle dessus. Il est furieux depuis son arrivée...
« Alors comme ça, quelqu'un s'est introduit dans la morgue ? Pourquoi faire ? » S'interrogea Jane. Simon Palmer l'interrompit dans ses pensées ; à l'aide uniquement de gestes silencieux, il fit comprendre à la jeune fille qu'il avait dans l'idée de contourner l'amas de policiers pour pénétrer dans la morgue par une autre entrée. Les yeux brillants, le cœur battant, Jane hocha la tête et suivit Simon. Ils s'extradèrent discrètement de l'armada d'uniformes afin de contourner le bâtiment et entrer par la porte de derrière.
Simon avait l'air de savoir parfaitement ce qu'il faisait ; il jetait quelques coups d'œil derrière lui afin de s'assurer qu'ils n'étaient pas suivis. Derrière le bâtiment, une odeur nauséabonde les assaillit, l'odeur de la mort. Jane ravala sa fierté et tâcha de maîtriser ses narines qui se rétractaient sous l'assaut de l'odeur. Simon enlevait méthodiquement les cartons qui cachaient une petite porte. Jane faillit lâcher un petit hoquet de peur quand ils entendirent alors un bruit suspect, plusieurs même, des sons étranges qui ressemblaient de plus en plus à des gémissements et des plaintes. Jane lança un regard inquiet à son partenaire qui tendit l'oreille. Ils distinguèrent des râles de douleur, quelques bruits de pas désordonnés puis le son sourd d'une masse qui s'écroule au sol dans un fracas étouffé.
- Je vais voir ce qu'il se passe, annonça Jane intriguée par ce vacarme étrange.
- Non, Miss Warren, attendez ! l'interpela Simon.
Mais la demoiselle était bien décidée à découvrir l'origine de ces lamentations. Discrètement, elle contourna l'angle du mur, plaquée contre les briques humides avec prudence, Simon sur ses talons, armé d'une planche en bois. Quelle ne fut pas la surprise des deux partenaires lorsqu'ils découvrirent un homme étendu sur le sol boueux.
Les deux compères pensèrent d'abord à un ivrogne échoué là, ou à un voleur de cadavres comme il y en avait tant qui dévalisaient les morgues pour revendre les corps. Cependant le pantalon couteux, le gilet de soie par-dessus la chemise blanche tachée de sang n'échappèrent pas à Jane. Ce n'était pas l'accoutrement d'un bandit. Le journaliste se rapprocha prudemment et s'accroupit pour retourner l'individu sur le dos, avec précaution. Jane ne put cacher son étonnement quand elle reconnut sous sa figure ensanglantée et éclaboussée de boue le docteur Ross.
Simon aida rapidement le Docteur à se remettre sur pieds, tandis que ce dernier jurait comme un charretier. Apparemment le brave médecin de la morgue avait été victime d'un vilain coup sur la tête, mais fort heureusement, ses jours ne semblaient pas en danger.
- Miss Warren, ce que je vais vous demander ne va pas vous plaire mais je ne crains que nous ayons le choix. Allez chercher l'inspecteur McColl, demanda le journaliste. Dites-lui que nous avons retrouvé leur Docteur.
Effectivement la demande de Simon n'enchantait guère Jane. Mais lorsqu'elle se releva à la hâte, un malaise la saisit. Dans leur hâte de découvrir l'origine de ces étranges gémissement, Simon et elle n'avaient pas remarqué ce qui se trouvait sur le mur, face à eux. Jane s'était figée, métamorphosée en statue de pierre. Pas un tremblement, rien. Seulement la peur qui noua son estomac et une sueur froide qui coula le long de son échine.
- Oh mon Dieu... souffla-t-elle.
Et voilà qu'une fois de plus je vous abandonne de façon à ce que vous ayez le droit de me jeter encore des pierres !
Voilà nos deux nouveaux acolytes dans une position plutôt délicate, surtout Jane. Prochaine sur la liste des morts ou des accusés, pas très sympathique n'est-ce pas ? Surtout que McColl ne semble pas lâcher l'affaire, la pression monte et Londres a besoin d'un coupable... Et qui donc s'est introduit dans la morgue ? Pourquoi faire ? Et qu'est-ce que Jane vient de découvrir pour être ainsi paralysée ?
Je ne suis pas très gentille avec vous ces derniers temps pardon ! Mais je vous aime quand même <3
Ceci est la version corrigée.
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