Chapitre 26 (3) (corrigé)

/!/Attention ce chapitre comporte des scènes de violence\!\


Jane n'eut pas le temps de souffler que sa perruque s'écrasa à terre, libérant sa masse fauve sur son buste dénudé. Il la relâcha brusquement et elle retomba sur ses bottes, au pied du mur dans tous les sens du terme. Will l'avait démasquée, et elle se sentait comme si on venait de la jeter dans un lac gelé.

- Franchement Jane, jusqu'où étiez-vous prête à aller pour jouer votre rôle ? reprit Will d'un ton acide. Jusqu'à vous offrir à moi ? Dans ce cas-là j'aurai mieux fait d'aller jusqu'au bout !

Ses paroles l'atteignirent de plein fouet. Dénudée, sa robe glissa jusqu'à ses pieds, dévoilant son corset et ses sous-vêtements ainsi qu'un pantalon de cavalière. Jane porta une main à sa poitrine découverte, et jeta un regard en biais à Will sous ses mèches brunes qui tombaient sur son visage. William l'examinait sévèrement, les bras croisés sur sa chemise entrouverte.

- Vous me prenez vraiment pour un imbécile. Je suis vexé que vous me voyiez comme le dernier des idiots, Jane, déclara-t-il navré.

- Will... Je...

Will l'arrêta d'un geste de la main. Il ferma les yeux et inspira, lorsqu'il les rouvrit Jane crut y découvrir un ciel orageux mais il ne semblait pas furieux. Ou alors il le cachait bien. Jane pencha pour la seconde option.

Il soupira une fois de plus en passant ses mains abîmées sur son visage fatigué. Il secoua la tête, indolent.

- Si vous n'arrivez même pas à contrôler vos pulsions...

- Je suis parfaitement capable de contrôler mes... mes pulsions, comme vous le dites ! s'écria Jane qui piqua un fard. Et puis d'abord ce n'étaient même pas des pulsions !

- Ah non ? Alors vous allez me dire que tout était prévu, cela faisait partit du jeu d'acteur sans doute, releva le jeune homme avec ironie.

- Mais... Mais parfaitement Mr O'Brien ! renchérit Jane. Parfaitement ! Tout était calculé, et vous n'y avez vu que du feu.

Il n'y avait pas de plus gros mensonge que cela à ce moment-là. Mais elle se garda bien de l'avouer.

- En plus vous m'avez délibérément désobéit. S'il y a bien une chose que je déteste c'est qu'on ne se plie pas à ce que je demande, et que l'on me mente par-dessus le marché. Vous m'aviez promis, Jane.

« S'il savait la vérité pour Lucien Delacroix... Il m'aurait étripée ! » Pensa-t-elle.

- Je ne suis pas un chien à qui on peut ordonner de rester sagement à la niche, rétorqua-t-elle. Vous êtes parti sans même une explication à mon égard, un tueur est en liberté, Scotland Yard veut vous voir pendu, que vouliez-vous que je fasse ?

- Si je vous ai demandé de rester cachée chez vous c'est bien pour une raison, Miss Warren. Et vous ne m'écoutez pas. À votre avis, que ce serait-il passé si un autre homme s'était tenu à ma place ? Sincèrement, pouffa-t-il, vous êtes une bien piètre menteuse mais je dois avouer que vous vous améliorez. Mais vraiment, demander à Brenda de vous aider, c'était ça votre plan ? Eh bien laissez-moi vous dire que c'est un plan foireux. Je connais Brenda mieux que personne, je sais quand elle ment. Et puis, croyiez-vous que je ne reconnaîtrais pas votre visage ? Je vous pensais plus intelligente que ça Jane !

Jane mordit l'intérieur de sa joue quand elle comprit que le moment qu'elle redoutait tant était venu. Il fallait qu'elle lui dise la vérité, toute la vérité, qu'elle lui parle des lettres de Jack l'Éventreur et surtout de ses rêves... Qu'elle était la seule à pouvoir se mettre en travers du chemin de l'assassin, et que c'était la seule raison de sa présence ici. Mais Will allait-il la croire ? Impossible, il la prendrait pour une folle et l'enfermerait à double tours chez elle pour sa propre sécurité. Que faire ?

- Vous ne comprenez pas William... tenta Jane.

- Comprendre quoi ? Que vous êtes assez stupide pour vous faire tuer seule ? Bon sang Jane, qu'est-ce que vous ne saisissez pas dans « ne faites rien de stupide » ? Parce que ça, laissez-moi vous dire que c'est stupide ! dit-il en lui lançant sa veste pour qu'elle puisse se couvrir.

- Et le fait que je tente par tous les moyens de sauver une femme de l'Éventreur vous trouvez cela stupide aussi ?! Parce que moi, ce que je trouve stupide, c'est de ne rien faire alors que nous avons la possibilité de sauver des vies ! Ce que je trouve stupide c'est votre façon de fuir, c'est votre comportement lâche et égoïste et de m'abandonner dans un train sans la moindre explication ! cria la jeune fille à pleins poumons.

L'Irlandais resta muet, il la détailla, interloqué. Il jura avant de s'approcher d'elle, sévère et intransigeant.

- Ça suffit, je vous ramène chez vous.

- Je vous demande pardon ?! objecta Jane.

- Vous ne croyez pas que vous vous êtes suffisamment donnée en spectacle comme cela ? Je vous ramène chez vous pour vous contraindre à obéir pour une fois dans votre vie ! répliqua Will qui sentait l'agacement venir à bout de sa patience.

- Je ne vous permets pas !

- Mais je ne vous demande pas la permission ! répondit le jeune homme en la saisissant par le bras.

- William, je suis sérieuse ! Une femme va mourir d'ici peu de temps. Il faut agir ! Tout de suite ! l'implora-t-elle.

Seulement Will n'écoutait plus ses supplications. Jane lui jeta un regard furieux et ne réfléchit pas davantage avant d'agir. Devant l'urgence de la situation, elle tâtonna rapidement sa taille et dégaina son revolver qu'elle braqua sur Will sans flancher.

Le moins que l'on puisse dire, ce fut que le jeune homme ne s'attendait certainement pas à cela. Il fronça les sourcils quand son regard croisa le canon de l'arme pointé dans sa direction. Il la lâcha et s'éloigna lentement.

- Je vous conseille de ranger cela immédiatement, lui intima-t-il.

- Je suis désolée William, mais Jack l'Éventreur est ici en ce moment même. Il s'apprête à tuer et je ne vais certainement pas laisser passer l'occasion de l'arrêter, répondit Jane, déterminée. Puisque vous ne me croyez pas j'irai, seule.

Will était forcé de constater que Jane ne plaisantait pas. Ses yeux brillaient d'un éclat féroce qu'il ne lui avait jamais connu. Elle ne le tuerait pas, mais elle était bien capable de lui tirer dessus !

Elle lui fit signe de s'éloigner, il leva les mains, cherchant un moyen de gagner du temps. Mais la jeune fille se montrait plus impatiente que prévu, Will dut obtempérer et se déplaça lentement, un pas après l'autre, jusqu'à se retrouver près du lit. Peut-être que s'il se montrait assez rapide... Non, mauvaise idée, il risquait d'y laisser des plumes. Il s'assied et ne broncha plus, ne lâchant pas Jane de son regard accusateur. La petite brune essaya de ne pas trembler, elle serra la crosse de son arme plus fort pour ne pas le montrer mais le regard que lui jetait Will la désarçonnait, pire encore la transperçait comme une balle.

Elle aurait peut-être envisagé de rendre les armes si elle n'avait pas entendu un hurlement de terreur.

Tous les deux stupéfaits, Jane fut la première à réagir et ouvrit la porte avec un grand fracas, puis elle s'élança dans le couloir où elle vit une femme en pleurs, le regard figé d'horreur devant une porte ouverte. Sans attendre elle se précipita vers la chambre et faillit rendre son dîner lorsqu'elle découvrit l'horreur.

Le corps de Capucine Green était allongé sur les draps roses devenus carmins. La gorge tranchée d'où s'écoulait un flot de sang comme une fontaine, des éclaboussures d'hémoglobine maculaient les murs de la vieille chambre. Une véritable boucherie. Son si beau visage n'était plus qu'un tableau morbide, le tueur avait entaillé verticalement ses paupières et prolongé la commissure de ses lèvres en un hideux sourire qui rendait la belle terrifiante pour toujours. Une Banche Neige infernale.

Jane sentit les larmes piquer ses yeux lorsque son regard se posa malgré elle sur le corps de la mutilée. Éventrée de la poitrine jusqu'au sexe, un sein coupé, l'estomac posé méthodiquement sur l'épaule droite de la victime. Des coupures sur la chair tendre des cuisses encore blanches il y avait quelques heures de cela. La chose devant Jane n'était plus un corps humain, mais une charpie. Quelque chose qui dépassait les frontières de la réalité tellement cela était sauvage. Un repas de Cerbère.

Si Jane n'avait pas été bouleversée par tant d'émotions, elle aurait rendu son dîner. Pâle comme la mort, elle sentit la nausée saisir ses tripes. Elle quitta la chambre d'un air absent, l'ombre de la folie la guettait dangereusement. Elle ferma les yeux pour chasser ces images infernales de son esprit, se forçant à prendre une grande goulée d'air. Mais elle avait beau fermer les yeux pour tenter d'échapper à ce cauchemar, le tableau dantesque s'était imprimé sur ses paupières à tout jamais.

Elle n'avait pas vu que Will avait déboulé dans le couloir comme un diable en même temps que Jane, et que lui aussi n'avait pas perdu une miette du spectacle. Jamais Will n'avait vu pareille horreur dans sa vie. Il se souvint du corps d'Irène et il dut s'appuyer sur la porte pour rester accroché à la réalité. Personne n'était capable de commettre cela, aucun homme sur cette Terre ne pouvait faire cela. Du moins, Will en était convaincu jusqu'à ce soir. Celui qui avait infligé cela à la prostituée n'était pas humain. L'Irlandais avait délaissé religion et folklore depuis bien des années déjà, peut-être était-ce le moment de se remettre à y croire.

Atterré, il prit Jane dans ses bras, la serra fort contre lui, comme si elle était le seul lien qui le raccrochait encore à l'humanité. Aussi faible qu'une poupée de chiffon, Jane se laissa faire, peinant à assembler les morceaux épars de la réalité, alors qu'elle se sentait s'effondrer comme une falaise battue par les vents.

Au rez-de-chaussée l'on entendit de nouveaux hurlements accompagnés de pas précipités. Jane ne sut comment elle put réagir aussi vite, mais les cris lui firent l'effet d'une décharge électrique. Elle repoussa Will et se propulsa dans le couloir, dévala les escaliers à toute vitesse. « Il s'échappe ! », « Arrêtez-le ! » criait-on. Et à ce moment elle se rappela pourquoi elle était là, c'était son homme, elle le savait.

À peine Will eut-il le temps de la rattraper que Jane fonçait tête baissée sur les traces du meurtrier qui s'enfuyait. L'Irlandais se força à reprendre ses esprits dissipés aussi vite que possible pour tenter de rattraper la jeune fille, criant son nom dans son dos.

Seulement Jane n'entendait pas. Elle n'entendait plus. Plus rien ne comptait dorénavant que Jack l'Éventreur. Son sang pulsait contre ses temps et son cœur grondait tel un tambour de guerre. La colère avait pris possession d'elle, la faisant s'élancer sur les traces de Jack l'Éventreur comme si sa propre vie en dépendait. Elle sortit en trompe de La Maison du Lys, ne sentant même pas le froid qui agrippa ses membres anesthésiés par le choc, et se précipita de toutes ses forces derrière le gardien de la morgue. Elle le savait, c'était lui, cela ne faisait plus le moindre doute à présent ! Simon Palmer avait raison ! Qu'elle se sentait idiote d'avoir douté de lui un instant. Si elle l'avait écouté Capucine Green serait encore en vie à l'heure qu'il était. « Et comment ? » lui souffla une petite voix sournoise dans sa tête. Oui. Comment ? Comment aurait-elle pu l'arrêter alors que Will avait déserté, que la police ne l'avait jamais crue et que Scotland Yard rêvait de voir la tête de Will sur un pic ? Elle n'avait pas pu arrêter Jack l'Éventreur avant, c'était la raison pour laquelle elle devait l'empêcher de nuire, maintenant.

Elle courrait, aussi vite que son corps le lui permettait alors que Maxwell Walter fuyait devant elle. Dans son dos, elle entendit son prénom comme un souvenir lointain. Will la suivait sans qu'elle n'entende les pas du jeune homme battant le pavé pour tenter de la rattraper.

Dans la nuit, seuls les bruits affolés des pas résonnaient comme une urgence. Walter traversa la moitié de Whitechapel sans s'arrêter, Jane sur ses talons qui ne renoncerait pour rien au monde à stopper sa course. C'était que la demoiselle était plutôt rapide, et très endurante pour une jeune lady ; Will eut le temps de s'en rendre compte dans un moment fort peu approprié à la réflexion. Lorsque le jeune homme sentit le souffle lui manquer, il ralentit, le temps de retrouver un peu de forces pour empêcher le pire d'arriver. Quand il regarda de nouveau devant lui, sur les docks les contours d'un entrepôt se détachaient dans la nuit oppressante, une drôle d'odeur flottant dans l'air. Son sang ne fit qu'un tour quand il saisit que l'Éventreur se dirigeait vers l'entrepôt, Jane sur ses talons. Il saisit ce qui allait se passer avec une clairvoyance inquiétante. Une sueur froide parcourut son échine.

- Merde... jura-t-il effrayé.


Jane pénétra dans l'entrepôt à bout de souffle. Son cœur semblait prêt à exploser sa cage thoracique et ses poumons étaient deux brasiers léchant douloureusement sa poitrine et sa gorge. Haletante, elle appuya ses mains sur ses genoux pour tenter de ne pas s'effondrer, mais ces derniers étaient flageolants tels des brindilles sur le point de céder. Elle se releva difficilement, cherchant le gardien de la morgue dans l'univers sombre presque fantastique du vaste entrepôt. L'on aurait dit qu'elle portait des lunettes qui lui faisait voir le monde en noir et blanc, la couleur l'ayant déserté, aussi triste et sinistre qu'un rêve mélancolique.

La jeune fille posa un pied devant l'autre, un petit bruit solitaire s'éleva dans l'immensité grise. Elle tourna sur elle-même et un tourbillon de poussière s'éleva à la manière d'un jupon alors que ses ondulations brunes suivaient le mouvement, retombant dans son dos, la saleté flottant en silence, suspendue dans l'espace.

Elle s'aventura davantage dans les entrailles de l'entrepôt, sur ses gardes tel un chasseur qui attend patiemment que le lapin montre le bout de son nez pour l'abattre. Quelle ironie, voilà le prédateur chassé, par une créature qui aurait tout aussi bien pu être une de ses proies. Jane était habitée par une détermination sans faille mais en dépit de cela, quelque chose la freinait. Dans son for intérieur, une petite voix lui intimait de se sauver, quelque chose n'allait pas, elle le sentait. « C'est beaucoup trop calme. Est-ce que Jack aurait fait cela ? Et pour l'amour du ciel où est-il passé ? » Se dit-elle en trépignant.

Un bruit violent la fit réagir, une caisse en bois venait de s'écraser au sol et Maxwell Walter apparut enfin. Jane fit un pas dans sa direction avant d'être rapidement clouée sur place. Walter venait de dégainer un pistolet sur la jeune fille. Jane eut un hoquet de stupeur, elle recula d'un pas par réflexe mais n'osa bouger davantage, raide comme un piquet devant le tueur souillé par les éclaboussures de sang de sa victime. L'adrénaline ne lui fit pas prendre immédiatement conscience du danger vibrant dans l'air, et encore moins du fait que sa vie ne tenait plus qu'à un fil.

- Mr Walter, tenta Jane pour gagner du temps. Je... Nous savons ce que vous avez fait.

Le gardien de la morgue se tendit sous le coup de l'accusation.

- Non, renâcla-t-il. Vous ne savez rien.

Ses yeux hagards fuyaient ceux de Jane qui sentit immédiatement que quelque chose lui échappait. « Quelque chose ne va pas. »

- Jane ! hurla Will.

Maxwell Walter profita de l'arrivée fracassante de l'Irlandais pour décamper. La jeune fille fit volte-face vers le gardien qui s'échappait.

- Non ! Jane ! Reculez ! C'est un piège ! l'avertit Will qui courrait vers elle aussi vite qu'il le pouvait.

Trop tard. Et alors qu'elle s'élançait une ultime fois sur les traces de Jack l'Éventreur, Will eut tout juste le temps de saisir le bras de sa partenaire pour la tirer de toutes ses forces derrière lui.

Le bruit sourd d'une explosion retentit dans l'entrepôt.

Et c'est le moment où vous continuez à me jeter des pierres ! Et là je vous dis "mais mes chers, le titre de ce chapitre vous donnait toutes les indications !" et là le jet de pierre s'intensifie...

Enfin, vous le remarquez, ce chapitre est plus long pour me faire pardonner de mon absence la semaine dernière. J'avais mis un message pour vous avertir que je ne vous avais pas oublié, mais que compte tenu de problèmes personnels, je n'étais pas en mesure de publier. Cette semaine je vais mieux, alors j'en profite !

J'attends vos réactions quant à ce chapitre : que pensez-vous du stratagème de Jane ? Les réactions de Will ? Maxwell Walter va-t-il enfin se faire arrêter pour tous ses crimes ? Will a parlé d'un piège, qu'en pensez-vous ? Comment expliquez-vous l'explosion ?

Je n'ai qu'une seule chose à vous dire, préparez-vous bien, parce que la semaine prochaine, vous allez me détester... :p

Je vous embrasse en vous remerciant de votre soutien, je vous souhaite un bon week-end et je vous dis à la semaine prochaine !


Ceci est la version corrigée.

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