Chapitre 25 (3) (corrigé)

Le jeune homme blêmit. Le fait que trois hommes s'en soit pris à lui était déjà une forme de message. De plus, si Tobias Hathaway était derrière cette histoire, cela ne laissait présager rien de bon pour lui.

- Mon patron a entendu beaucoup de choses depuis son arrivée à Londres. Il a fait la tournée de la moitié des bars de Whitechapel pour qu'un nom revienne souvent dans les bouches : le tien.

- Que me veut ton patron ?

- C'est très simple, il veut que tu travailles pour lui, déclara l'homme.

- Je suis désolé, mais tu diras à ton patron que je ne suis plus sur le marché du travail.

- Oh ! Ça, il l'a bien compris ! s'exclama l'homme.

- Explique-toi.

- Par deux fois déjà tu t'es retrouvé sur son chemin. Et par deux fois tu as ruiné ses plans. Il a dit qu'il avait été très impressionné par tes qualités.

Tout s'imbriqua dans l'esprit de Will et il comprit immédiatement où l'homme voulait en venir : la première fois fut lorsqu'il sauva Nokomis du tueur à gage à deux sous qui avait été envoyé pour régler son compte à la gitane. La seconde, celle à la sortie du Dragon Bleu, l'homme qui s'en était pris à Jane. Deux tentatives soldées par deux échecs tout ça parce qu'il avait été présent. William se maudit intérieurement de ne pas avoir fait le lien plus tôt. « Quel imbécile ! » Il n'avait pas pensé que les deux missions puissent être reliées. Évidemment il avait attiré l'attention sur lui. Les rumeurs allaient vite dans le quartier, encore plus vite que dans les salons des dames de la bonne société. Si Hathaway avait eu vent de ses prouesses, alors il était fort probable qu'il en ait entendu parler aussi...

C'était une véritable catastrophe. Will avait l'impression de tomber de charybde en scylla, la situation était pire que ce qu'il pensait. Il lui paraissait maintenant incontestable que Tobias Hathaway était relié de près ou de loin aux affaires de l'Éventreur. Jane avait raison, plusieurs personnes étaient impliquées dans cette histoire, mais les liens qui les unissaient demeuraient encore flous aux yeux de Jane et Will.

Will ne s'était pas trompé et persistait à croire que Tobias Hathaway n'était qu'un pion dans cette vaste partie d'échecs. Un pion qu'il ne fallait pas négliger puisque le bonhomme était apparemment assez intelligent pour savoir qu'il fallait mieux avoir William O'Brien dans sa poche.

- Oui, l'assassinat de la gitane et celui de la petite bourgeoise. Tu étais là. Et tu t'es débarrassé des deux hommes à chaque fois. Mr Hathaway exige que tu travailles pour lui. Voilà son message.

- Ton patron doit se rendre compte qu'il ne dispose pas d'une couronne ni d'un sceptre pour exiger quoi que ce soit de ma part. Je ne travaillerai pas pour lui. Ceci n'est pas négociable, cracha Will avec mépris.

- On l'avait prévenu que tu étais dur en affaire, reprit l'homme. Mais je te conseille de te plier sagement à sa volonté.

- Et pourquoi ferai-je une chose pareille ? pouffa l'Irlandais avec dédain.

- Parce que tu ne voudrais pas voir ta petite bourgeoise se faire malmener.

À l'évocation de Jane, Will se raidit. L'homme lu dans ce regard froid et tranchant comme l'acier que l'Irlandais avait parfaitement saisi où il désirait en venir. Il venait de prendre conscience de l'ampleur de la situation et il se sentait pris au piège. Comme un tigre enfermé dans une cage, Will se retrouvait pieds et poings liés. S'il cédait on l'obligerait à faire des choses horribles. S'il refusait... Jane en pâtirait. Tobias Hathaway était décidemment trop malin, il avait appris l'existence de Jane et compris que l'objet de sa convoitise était relié à elle. Will savait qu'il avançait sur un terrain glissant, ses pas étaient des choix décisifs dorénavant et le moindre faux pas pourrait mettre en danger bien plus de personnes qu'il ne l'aurait voulu. Il songea à son ami Baner mais aussi à Brenda.

Will se haïssait. Comme une fatalité qu'il avait prédit, il se maudit d'avoir perdu sa vigilance d'antan qui lui avait valu une légende d'homme intouchable et sans cœur.

- Je te sens troublé, j'ai p't-être touché la corde sensible ? sourit malicieusement l'homme.

- Très bien, le coupa Will. Où et quand ?


Jane attendait patiemment dans sa cabine le retour de Will. Ses ongles tambourinaient le livre ouvert sur ses genoux, son inquiétude ne cessait de croitre dans cette lourde atmosphère. « Il devrait déjà être revenu. Seigneur faites qu'il ne lui soit rien arrivé... » Priait-elle. Au loin l'on pouvait déjà distinguer Londres, et son impatience grandissait, la faisant terriblement souffrir.

La demoiselle trouva enfin ce soulagement qu'elle attendait tant lorsque la porte de la cabine se referma derrière Will. Il était blême, pâle comme un linge, couvert de poussière et d'hémoglobine. S'agissait-il de son propre sang ? Jane lutta pour ne pas se précipiter vers lui. Découvrant le regard paniqué de sa partenaire, Will essuya les traces de sang sur sa lèvre inférieure et son menton avec son pouce. Il jeta un œil à la tâche vermeille sur son doigt et fronça les sourcils. Quand il croisa de nouveau le regard inquiet de la jeune fille, il se sentit obligé de dire quelques mots.

- Ce n'est rien qu'un peu de sang, la rassura-t-il.

Loin d'être rassérénée, Jane lui suivit du regard alors qu'il lui tournait le dos et descendait sa propre valise rapidement.

Très étonnée pas ce comportement étrange, Jane regarda faire son compagnon muré dans le silence et prit la parole.

- Will... Que s'est-il passé ? Qui était cet homme ? lui demanda-t-elle.

Mais Will ne répondit pas. Il récupéra le pistolet de Jane pour le ranger et essuya rapidement sa lame avant de la replacer dans sa veste avec son revolver.

- Will... se plaignit Jane qui ne comprenait pas.

Le jeune homme prit la valise de la jeune femme pour la déposer à ses pieds et quand Jane se releva il sut qu'il ne pouvait pas se taire longtemps. Il fallait qu'il l'éloigne de lui, ceci était dorénavant sa priorité. Quelle ironie, le garde du corps danger pour celle qu'il était censé protéger. Il la prit par les épaules et la fixa, droit dans les yeux, histoire de donner un réel aplomb à ce qu'il s'apprêtait à lui dire.

- Jane, écoutez-moi. Dès que nous serons arrivés à Londres, je veux que vous rejoigniez immédiatement votre tante. Vous allez rentrer chez vous et veiller à vous enfermer. (Lorsqu'il vit Jane lever les yeux au ciel il poursuivit en resserrant son emprise sur ses frêles épaules.) Je suis tout à fait sérieux, il est absolument hors de question que vous sortiez ce soir ainsi que tous les autres soirs jusqu'à ce que je vous en donne de nouveau l'autorisation est-ce bien clair ? Vous ne sortez qu'en plein jour et surtout accompagnée. Vous n'allez pas dans l'East End et surtout pas à Whitechapel. Et je vous en supplie... ne cherchez pas à me voir.

- Quoi ? Mais je...

- Ce n'est pas discutable, trancha Will.

Jane resta là, à le regarder hébétée par ce qu'elle venait d'entendre. Pour l'amour du ciel que lui arrivait-il ? Que s'était-il passé ? Elle ne l'avait jamais vu dans un tel état, elle avait même fini par croire avec le temps que Will était dénué de ce genre d'émotions. Mais la tension dans sa voix venait de démontrer le contraire et Jane sentit un nœud tordre son estomac avec force.

Will vit sa lèvre trembler, son regard clair l'implorer. Il inspira et chercha ses mots avec précaution.

- Jane... reprit Will d'une voix plus douce. Ma mission est de vous protéger et c'est exactement ce que je fais. Mais je ne pourrais pas le faire correctement si vous ne vous pliez pas à ce que je vous demande, vous comprenez ? Vous êtes une bonne partenaire, dans le fond je l'ai toujours su, même si vous êtes plus têtue qu'une mule. Cependant s'il-vous-plaît, je vous en conjure, je vous demande de m'obéir sans poser de questions pour une fois.

La jeune fille le regardait sans savoir que dire. Si elle n'était pas autant déstabilisée elle aurait juré que c'était lui qui tremblait. Elle ne sut si elle devait lui promettre d'obéir sagement à sa demande, ou bien protester. Alors elle se contenta d'hocher la tête sans rien dire, histoire qu'il ait la conscience tranquille. Mais Will avait l'esprit si préoccupé par ce qu'il venait de se passer qu'il oublia durant quelques instants qui était sa partenaire : une jeune femme effrontée en perpétuelle quête de réponses. Il ne se douta pas en cet instant qu'il aurait tout aussi bien pu fouetter le vent que l'effet aurait été le même.

- Vous me le promettez, Jane ? l'implora-t-il.

- Je vous le promets, Will.

Tante Helen eut la décence de ne poser aucune question en remarquant la mine déconfite de sa nièce. Elle espérait que Jane était en proie à une réflexion profonde sur le mariage, et qu'elle révisait son jugement concernant le pauvre Mr Horvah à qui elle n'avait laissé aucune chance en fin de compte.

Si seulement Mrs Blancksfair savait la vérité, elle ferait certainement une attaque cardiaque ! Jane n'était pas idiote, elle avait compris que sa tante se doutait de quelque chose, et elle lui en était reconnaissante de ne pas le relever. Mais même si tante Helen lui en avait touché deux mots, nul doute fait que Jane aurait menti, encore une fois. Cela devenait une seconde nature chez elle.

Lorsque Benny déposa la valise de Jane sur son lit, le majordome lui fit remarquer qu'un courrier était arrivé en son absence. C'était un garçon en guenilles qui le lui avait apporté, et le petit avait filé avant même que le majordome puisse s'enquérir de son identité. Une lettre adressée à la jeune demoiselle qu'il avait cachée à la maîtresse de maison l'attendait bien sagement sur son lit. Benny imaginait qu'il s'agissait peut-être là de la lettre d'amour de quelque soupirant.

Jane pensa immédiatement à des nouvelles de Simon. Probablement l'avait-il informée sur la soirée de lord Stanbury ? Il cherchait peut-être à reprendre contact avec elle pour lui en apprendre davantage ? La jeune fille s'empressa d'apaiser sa curiosité une fois la porte de sa chambre refermée dans le dos du vieux majordome. Mais lorsque ses yeux se posèrent sur le papier, son sang se glaça.

« Dear Jane,

J'ai l'immense joie de constater que vous prenez ma proposition très à cœur. En effet, je suis ravi que vous ayez accepté mon invitation, le jeu ne va en être que plus amusant. Qu'en pensez-vous ?

Je savais que vous ne lâcheriez pas l'affaire, et cela ne vous rend que plus attirante encore. Mais dorénavant, je serai beaucoup plus vicieux. Ne m'en voulez pas, vous m'avez l'air d'un adversaire redoutable, je ne fais que m'adapter. C'est pourquoi je vais vous solliciter un peu, que diriez-vous de résoudre une petite devinette ? Oh ! Oui ! J'adore les devinettes, surtout quand c'est moi qui les pose. Vous êtes prête ? Allons-y !

Je suis une fleur, mais pas n'importe laquelle ! Une fleur spéciale, parce que j'ai été symbole de grandeur autrefois, avant qu'on ne me coupe la tête ! Quelle ironie pour une fleur que de tolérer la débauche et le péché ! Me voilà une jolie fleur souillée par ces cuisses écartées... Comme c'est triste. Cette autre fleur donne son corps au plus offrant, et soumet à mon regard sa chair abjecte entre les mains des hommes. Des cheveux noirs comme l'ébène et des lèvres rouges comme la rose, une Blanche Neige répugnante ! Qui suis-je ?

Alors, Miss Warren, saurez-vous trouver la réponse ?

Votre dévoué,

Jack l'Éventreur

PS : Je rêve de danser dans vos bras au prochain bal masqué (mais évitez le blond à l'avenir.) »

Tatataaaaaaaaa !!!

Sapristi ! Une nouvelle lettre de l'Éventreur ! Et voilà en plus que Will semble accepter de travailler pour ce malfrat d'Hathaway !! Mais que se passe-t-il ?!!

(Oui bon j'ai un peu perdu la boule à cause de mon concours et tous les incidents occasionnés dans mon planning...) D'ailleurs je tenais à dire que je suis profondément désolée de ne pas avoir publié cette semaine. Comme je l'ai dit, des incidents ont fait que certaines de mes épreuves ont été reportées et je n'ai eu ni le temps d'écrire, ni le temps de faire quoi que ce soit d'ailleurs sinon de réviser activement.

Par ailleurs je vais (enfin) republier le Prologue + le Chapitre 1 des Chroniques. Et je tenais à souhaiter la bienvenue aux nouveaux lecteurs ! Vos votes et vos commentaires me vont droit au cœur ! C'est toujours extraordinaire de voir que ces quelques mots sur papier vous plaisent, de voir que vous vous prêtez au jeu et que vous vivez avec mes petits personnages. Bref, que du bonheur. <3

A vendredi pour un nouveau chapitre !


Ceci est la version corrigée.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top